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Acte I Scène XXVII Mamy, Suzon, Gaby, Catherine, Augustine, Louise, Mme Chanel, Pierrette(Une ombre est apparue derrière le store baissé de la baie. C'est une femme, vêtue d'un grand manteau. Elle regarde à travers la baie. Le groupe dés femmes s'est tassé et ne bouge pas. Pierrette pousse alors la porte et entre C'est une belle femme de 35 ans environ. Elle regarde autour d'elle, s'avance avec prudence et aperçoit soudain le groupe des femmes. Surprise elle pousse un petit cri de frayeur.) PIERRETTE, très émue. Je mexcuse, mesdames... Je ne me serais jamais permis de venir ici, chez mon frère, sans être invitée... et surtout par un temps pareil ! Mais... les circonstances, .. je sais bien que je semble ridicule, mais... jai reçu, il y a une heure, un coup de téléphone... sans doute une affreuse plaisanterie, .. On ma dit : « Venez vite, votre frère a été assassiné !... » On a raccroché. Alors jai appelé ici... Mais votre appareil doit être en dérangement. Tout dun coup, bêtement, jai eu peur... Le boulanger ma déposée, en bas, sur la route et... (Les femmes lencerclent) Pourquoi me regardez-vous toutes comme ça ? C'est une plaisanterie, nest-ce pas ? Répondez ! (Elle réalise que ce doit être vrai et pousse un cri de terreur, puis grimpe l'escalier et essaye d'ouvrir la porte de la chambre de Marcel. Elle se retourne, livide.) Pourquoi la chambre de mon frère est-elle fermée ? GABY. Comment savez-vous que cest sa chambre, vous qui nêtesjamais venue ici? PIERRETE. Vous fixez toutes cette porte... (Elle secoue la poignée, puis frappe.) Marcel ! Marcel ! Ouvre-moi ! C'est Pierrette ! Quest-ce quil se passe ? Marcel ! GABY. Ne criez pas, je vous en prie... Marcel est mort. PIERRETTE. - Mort! C'est vrai... vrai... ? LOUISE. Un couteau dans la dos... (Pierrette livide, défigurée, descend quelques marches et se laisse aller sur la rampe en sanglotant.) GABY, qui est venue se poster devant elle. Vous admettrez que, devant votre irruption, je me trouve l'obligée de vous poser quelques questions... PIERRETTE. Laissez-moi, je vous en prie:.. GABY. Avez-vous reconnu la voix qui vous téléphonait ? PIERRETTE. Non, elle a si peu parlé... GABY. Une voix d'homme ? PIERRETTE. Non. De femme ! (Un temps.) GABY. Je ne crois guère à votre coup de téléphone. PIERRETTE. Dans quel but aurais-je inventé cela ? GABY. Pour avoir un prétexte pour venir ici, ce matin. Que dis-je, pour y revenir ! Car vous êtes déjà venue ici, n'est-ce pas ? PIERRETTE. Jamais ! GABY. Pourquoi les chiens n'ont-ils pas aboyé ? Ils semblent habitués à vous. PIERRETTE. Est-ce que je sais ? (Un temps.) Pourquoi la porte est-elle fermée ? GABY. Pour empêcher quiconque de toucher quoi que ce soit. PIERRETTE. ...Qui a la clef ? GABY. Nous toutes. PIERRETTE. Je veux voir Marcel. Donnez-moi la clef. Je veux entrer. GABY. Pour faire disparaître quelque chose que vous auriez laissé derrière vous, sans doute ? PIERRETTE, dans un cri. Donnez-moi cette clef ou j'enfonce la porte ! GABY. Prenez la clef vous-même... (Elle lui montre la clef au coin du meuble. Pierrette hésite, puis traverse la pièce pour prendre la clef, les autres femmes s'écartant d'elle à son passage. Pierrette s'empare de la clef et fonce sur la porte qu'elle essaie d'ouvrir... en vain.) PIERRETTE. Mais... cette clef n'ouvre pas ! GABY. Comment ? PIERRETTE. Regardez vous-même ! (Gaby monte et essaie à son tour, puis.) GABY. Ce n'est plus la clef... On l'a changée ! (On se regarde interdit.) CATHERINE. Pas de téléphone, pas de voiture et plus de clef... AUGUSTINE. Une, ici, travaille contre nous. Le doute n'est plus possible. MAMY. Ah ! Par pitié ! Je vous supplie de réfléchir à ce que vous dites... C'est très grave... Nos nerfs ne vont pas résister ! SUZON. Que veux-tu qu'elles disent, grand-mère ? Moi aussi, je suppose le pire... Nous avons toutes tourné autour de cette clef. Chacune a pu l'échanger contre une autre. Pour nous empêcher d'entrer chez papa. Y compris tante Pierrette qui, en montant, de dos, a pu faire la substitution. (C'en est trop! Pierrette fonce vers l'extérieur. Trois femmes lui barrent la porte.) PIERRETTE. Non mais ! Dites donc ! Vous me gardez prisonnière ? GABY. Appelez ça comme vous voulez. (Alors Pierrette se résigne et redescend au centre de la pièce, balançant son manteau n'importe où !) PIERRETTE . Bon .... Qui êtes-vous, d'abord, toutes ? SUZON. Je suis votre nièce, Suzon. CATHERINE. Moi, Catherine... MAMY. Je suis Mamy et... GABY, attaque. Quand avez-vous vu mon mari pour la dernière fois? PIERRETTE . Nous sommes fâchés, vous le savez bien... GABY. Ne me dites pas que vous ne le rencontriez jamais, je ne vous croirais pas... PIERRETTE . Oui !... J'ai rencontré Marcel une ou deux fois, par hasard, en ville !... Il m'aimait beaucoup et souffrait que vous me refusiez l'accès de la maison... GABY. C'est un monde ! SUZON. En tout cas, maintenant, vous y êtes dans la maison ! PIERRETTE . Oui... ce coup de téléphone semble avoir voulu me joindre à vous. C'est clair ! SUZON. Pourquoi le criminel vous aurait-il avertie ? GABY. C'est invraisemblable... PIERRETTE , glapit, haineuse. En tout cas mon frère est mort et je suis décidée à vous soupçonner toutes, d'avance et par principe ! GABY. Vous êtes beaucoup plus soupçonnante que nous ! PIERRETTE . Ah ! Vous trouvez ? GABY. Oui. Le fait que vous ayez voulu fuir prouve que vous êtes coupable ! PIERRETTE . J'allais prévenir la police. La mort de Marcel me prive de tout ce qui me restait au monde. En le perdant, je suis plus seule que jamais... Tandis que vous..., c'est la liberté, la richesse ! GABY Accusez-moi de ce meurtre ! PIERRETTE. Pourquoi pas ? (Elles sont dressées face à face.) MAMY, s'interpose. Nous perdons la tête... Je suis la belle-mère de Marcel et voici mon autre fille, Augustine. Nous étions hébergées par mon gendre, votre frère. J'avais de l'argent, Mademoiselle, et, figurez-vous, on me l'a volé, l'autre nuit... AUGUSTINE. Maman ! Ah ! MAMY. Autant mettre Mademoiselle au courant tout de suite. PIERRETTE , qui fixe Augustine. Alors, c'est vous, Augustine ? J'étais curieuse de vous connaître. AUGUSTINE, outrée. Pour quelles raisons, s'il vous plaît ? PIERRETTE . Parce que nous sommes abonnées au même club de lecture. MAMY. Tu es abonnée à un club de lecture ? Tu ne me l'avais jamais dit. PIERRETTE . Excusez-moi, j'ai gaffé AUGUSTINE, pâle. Pas du tout. J'y suis inscrite, mais n'y prends jamais rien. MAMY. Ma fille n'aime pas lire. PIERRETTE . Ah! vraiment ? J'y suis abonnée moi aussi et la secrétaire, qui est bavarde, m'a dit que vous preniez au moins cinq romans par semaine. Et tous, des romans d'amour ! ! ! AUGUSTINE. Vous vous trompez. PIERRETTE . C'est possible ! En tout cas, vous avez lu, il y a huit jours La Gondole des Amants ! Non? AUGUSTINE, perd pied. La Gondole des Amants ?... Je ne sais plus... PIERRETTE. J'ai pris ce roman juste après vous... Le hasard, ou presque ! Et j'ai été comblée! Entre les pages du livre, j'ai trouvé quelque chose vous appartenant. C'est ainsi que j'ai commencé à m'intéresser à vous. SUZON. Qu'avea-vous trouvé dans ce livre ? MAMY. Si ma fille y a laissé quelque chose, rendez-le-lui et c'est tout. PIERRETTE. Vous avez oublié le brouillon d'une lettre que vous avez adressée à mon frère. GABY. A Marcel ? Tu écrivais à Marcel que tu voyais tous les jours? AUGUSTINE. C'est une invention de cette femme. PIERRETTE. Une invention ? Vous n'avez pas de chance ! Je conserve tout, c'est une très, très, très vieille habitude ! (Elle sort de son sac une feuille de papier qu'elle va passer sous le nez des autres en la lisant à haute voix.) « Cher Marcel, il ne faut pas m'en vouloir d'avoir fait une scène à maman devant toi à propos des titres ! J'étais obligée de réclamer ma part pour ne pas qu'elle soupçonne le trop grand intérêt que je te porte. S'il n'avait tenu qu'à moi, je te les aurais donnés...», etc., etc., etc..., presque illisible... Ah ! « Sache que je suis capable de tout pour t'éviter des ennuis, mais cesse de me narguer avec Gaby. Je glisse ce mot sous ta porte et t'embrasse affectueusement. Signé : Augustine. » AUGUSTINE, lui arrachant la lettre des mains et la déchirant en petits morceaux. Ce n'est pas vrai! Je n'ai jamais aimé Marcel ! Je le détestais. C'était un noceur ; il avait des liaisons un peu partout!... Et je lui aurais donné mes titres pour qu'il les porte à ses maîtresses ? Regardez sa sœur, avec son sourire, et dites-vous bien que c'est la même famille. MAMY. Ma fille ne sait plus ce qu'elle dit. AUGUSTINE, à Pierrette. Vous me le paierez. PIERRETTE. - Des menaces ? Un mobile de meurtre et des menaces, c'est beaucoup pour une seule personne. AUGUSTINE. Ce n'est pas vrai, je n'ai pas pu tuer ! Je n'ai pas bougé de ma chambre de la nuit. GABY. Pardon ! Tu as été cinq fois dans la salle de bains. AUGUSTINE. La salle de bains ? Quelle salle de bains ? (Comme elle ne sait plus que dire, elle sanglote.) SUZON, reprend la situation en main. Bravo ! tante Pierrette, pour cette diversion sur Augustine. Vous êtes très forte. Seulement, nous avons quelques questions à vous poser. PIERRETTE, va s'asseoir, allumant une cigarette pour calmer sa nervosité. Je vous écoute. SUZON. Etes-vous déjà venue ici ? PIERRETTE. Jamais. SUZON. Vous mentez : nous en avons la preuve. PIERRETTE, se retournant brusquement vers Madame Chanel. Chanel... Merci ! Madame CHANEL, affolée. Je n'ai rien dit, Pierrette ! (Pierrette se mord les lèvres.) GABY. Qu'est-ce que ça signifié ? SUZON. Oui, elles se connaissent, se rencontrent, je le sais. Elles adorent toutes deux jouer aux cartes. GABY. Où vous rencontrez-vous ? PIERRETTE, après un temps. Chez moi. En ville ! Le soir ! C'est notre droit..Non ? GABY. A qui ferez-vous croire que Madame Chanel fait neuf kilomètres dans la nuit pour faire une partie de carte? SUZON. Oui, vous mentez encore ! Je vous ai demandé si vous veniez ici en cachette et vous vous êtes tournée vers Chanel ! Donc vous veniez ici et Chanel le savait! Mieux, elle vous accompagnait, et les chiens se sont habitués à vous. Repondez. (Un silence.) MADAME CHANEL. Oh ! Autant le dire, Pierrette. (Aux autres.) Je la recevais dans mon pavillon ou souvent, elle passait la nuit... GABY. Voilà ! Et du pavillon à la maison, la distance na pas du être longue à franchir ! PIERRETTE. Oui, je suis venu ici un jour voir mon frère. Bon! J'avais quelque chose dimportant, à lui dire. SUZON. - C'était si important? Madame Chanel ne pouvait pas faire la commission (Silence de Pierrette et de Madame Chanel) Ecoutez, les circonstances sont graves, la police va arriver! AUGUSTINE. Si elle arrive! Car personne ne semble se decider à aller la chercher ! SUZON. -~ Oui... La police met beaucoup moins de gants que nous pour découvrir toutes la vérités qui se cachent dans cette maison. Alors, faites un effort pour parler... GABY, acide. Elle venait sans doute lui demander de largent. PIERRETTE, se dresse. Je nai jamais demandé de largent à Marcel. GABY. Mais il vous en a donné de lui-même, n'est-ce pas ? PIERRETTE. Parfaitement. Il a compris que j'étais gênée, et une ou deux fois, il m'a aidée. GABY, se dresse aussi. C'est inconcevable ! SUZON. Maman, tais-toi ! Papa était libre... Là n'est pas la question ! GABY, s'enflammant. Comment ! Cette fille soutire de l'argent à mon mari et je ne dois pas dire un mot ? Mais cet argent était à moi, il me revenait de droit... PIERRETTE, brusquement. Maintenant il est à vous tout à fait ! GABY. Oui. Parfaitement ! PIERRETTE. Votre amour de l'argent vous étouffera, ma chère belle-sceur... GABY, Vous entendez ? Elle ose me dire que... SUZON, logique et nette. Il fallait te taire, maman ! GABY. Cette femme est épouvantable ! (Elle s'effondre.) Je suis à bout. (Elle pleure dans son mouchoir.) CATHERINE à Suzon. Alors, inspecteur, cette enquête ? Ça avance ? (Elle est rabrouée par Mamy.) SUZON. Ecoutez !... Il s'agit de savoir ce que toutes nous avons fait exactement cette nuit. Maman, où étais-tu ? GABY. Dans ma chambre. Quelle question ! SUZON. En es-tu sortie ? GABY, troublée, dirait-on. Non... Si ! une fois. J'ai été voir si Catherine n'était pas malade, il m'avait semblé entendre claquer la porte... Elle lisait tranquillement et je suis rentrée me coucher. SUZON. Tu n'as rencontré personne dans le couloir? :., , GABY. Si... Non... Je ne sais plus ! SUZON . Catherine, tu t'es, levée! CATHERINE. Oui, pour aller au petit coin, quand maman a dû m'entendre. Je n'ai vu personne. SUZON .-- Tu n'as rien entendu ? CATHERINE. Tu sais, jétais en plein dans mon bouquin, et je n'ai pas fait attention. Tante Augustine, un moment, m'a dit d'éteindre. SUZON . Tu lui as répondu ? CATHERINE. Oui. AUGUSTINE. Oui. Un gros mot... Petite peste ! (A ce souvenir, elle griffe Catherine.) CATHERINE, hurlant- Tu vas me payer ça ! Je ne voulais pas le dire, mais ..tant pis pour toi. (Aux autres.) .Voilà : au moment où je me suis recouchée, j'ai entendu un drôle de bruit... Jai regardé chez Augustine par le trou de la serrure... et, je l'ai vue, devant sa glace, avec quelque chose dans les mains qui brillait. Sur le moment, je n'ai pas réagi.. A présent, j'en suis sûre : c'était un couteau! Elle l'aiguisait ! (Cri général.) AUGUSTINE. Petite folle, toutes tes lectures t'ont tourné la tête. CATHERINE. Tu lis davantage que moi, alors ? «Gondole des Amants ! » AUGUSTINE Ce que je tenais à la main était mon peigne blanc, en nacre, que je nettoyais... GABY. A trois heures du matin ? AUGUSTINE, glapit, Il n'y a pas d'heure pour les peignes ! SUZON. Tante Augustine, nous te croyons. (Elle fait signe aux autres de se taire.) Tu nous as dit que tu étais allée cinq fois dans la salle de bains, nest-ce pas ? AUGUSTINE. Oui. SUZON. As-tu rencontré, quelqu'un? AUGUSTINE. Personne. SUZON . As-tu entendu des pas, des portes claquer ? AUGUSTINE. Je n'ai pas fait attention. GABY. Pardon ! Tu ne pouvais pas dormir ! Quelqu'un qui ne peut pas dormir est nerveux et le moindre bruit le fait sursauter. Tu as dit, tout à l'heure, avoir entendu Mamy se lever... AUGUSTINE. Oui. C'est exact. GABY. Mamy ? Tu t'es levée ? MAMY. Non! AUGUSTINE.Ooooh! MAMY, nerveuse. Oui ! Je me suis levée vers une heure. J'ai fait du tricot dans mon lit très tard et j'ai soudain pensé que la laine qui me restait était dans le salon. Je suis descendue la chercher pour pouvoir travailler de bonne heure dans mon lit. GABY. As-tu croisé quelqu'un ? MAMY. Non. La lumière brûlait chez Catherine et chez Augustine... Il m'a semblé entendre des éclats de voix, venant de chez Marcel... Mais je n'ai pas distingué qui criait et je ne m'en suis pas inquiétée. J'ai pensé que c'était toi... GABY. Tu as entendu crier et tu as pensé que c'était moi ? Merci ! MAMY. Gaby, excuse-moi, je ne voulais pas... GABY. Peut-être! Mais ça fait plaisir d'entendre dire par sa mère que lon vit avec son mari à couteaux tirés... (Le mot porte. Silence.) Enfin, je veux dire. (Silence.) SUZON. Louise, avez-vous quelque chose à dire sur ces éclats de voix venant de chez mon père ? LOUISE. Non, quand j'ai monté le tilleul, à minuit, Monsieur était seul. SUZON. Avez-vous rencontré quelqu'un ? LOUISE. Oui. Mademoiselle Augustine. (Tête d'Augustine.) SUZON. Tiens ? Tu nous a dit, tante Augustine, n'avoir rencontré personne. AUGUSTINE. J'avais oublié... J'étais allée boire... GABY. Elle a passé sa nuit à boire ! ! ! SUZON. Louise, où avez-vous croisé ma tante ? LOUISE. Euh!... Vers là pendule ancienne. SUZON. La pendule ancienne ! Mais, tante Augustine, si ma mémoire est bonne, la pendule ancienne n'est pas entre ta chambre et la salle de bains. AUGUSINE. Ah ? Tiens! Ce devait être au moment où je suis allée demander à Catherine d'éteindre. GABY, s'avance. Tu rôdais du côté de la chambre de Marcel !. Que s'est-il passé ? SUZON. Tu l'aurais su, maman, si tu ne faisais pas chambre à part ! (La réplique a claqué comme un coup de fouet.) GABY, soufflée. Se faire juger par ses enfants, c'est affreux ! PIERRETTE, goguenarde. C'est pour cette raison, ma belle, que je n'en ai jamais fait ! GABY, contre-attaque vers Madame Chanel qu'elle voit sourire. A quelle heure, madame Chanel, êtes-vous partie ? Madame CHANEL, s'affole. Je n'ai pas regardé, mais c'était autour de minuit. GABY. Avant ou après le tilleul ? Madame CHANEL. Vers ce moment-là. J'ai entendu Monsieur le commander et je suis partie peu après. GABY. Combien de temps après ? Cinq minutes ? Madame CHANEL. Un peu plus, car lorsque Louise occupe ma cuisine, j'en ai pour un bon moment à mettre de l'ordre. Surtout... qu'elle a voulu faire ce tilleul elle-même ! GABY. Pourquoi avez-vous tenu à le faire vous-même, Louise, ce tilleul ? LOUISE. Monsieur me l'avait commandé à moi, c'était normal. GABY. Vous vouliez le lui monter vous-même ? LOUISE. Pourquoi dites-vous ça, Madame ? GABY. Il y a longtemps que j'ai vu clair dans votre jeu, ma fille. LOUISE. Comme Madame voudra. Je préfère être accusée de vice que de meurtre. GABY, vexée. Ah ? Bon ! (Gaby cherche qui attaquer, va alors vers Pierrette.) Il ne me reste plus qu'à vous demander où vous étiez, vous, Pierrette. Où étiez-vous hier soir ? PIERRETTE. Je suis allée faire une visite personnelle qui ne regarde que moi et qui n'a aucun rapport avec ce qui nous bouleverse. GABY. Vous n'avez pas vu mon mari hier soir ? C'est certain ? PIERRETTE. Oui. C'est certain. GABY. Donc, jusqu'à preuve du contraire, la dernière personne à avoir vu Marcel vivant, c'est vous, Louise ! (Louise semble frappée de frayeur.) LOUISE. C'est grave! On peut m'accuser du meurtre ? GABY. Sans aucun doute. (Louise bredouille quelque chose.) Quoi ? LOUISE. Je n'aime pas les ennuis... (Elle hésite puis se jette à leau.) Je vais tout dire... Je m'excuse, mademoiselle Pierrette, mais il le faut. PIERRETTE. Je m'y attendais. LOUISE, aux autres. Eh bien! voilà, quand j'ai monté son tilleul à Monsieur, sa sœur était avec lui. GABY, après un silence sourd. Pierrette! Qu'êtes-vous venue faire chez mon mari, hier soir ? PIERRETTE, tête basse. Je suis venue bavarder avec lui, j'avais le cafard. SUZON. Pourquoi la conversation a-t-elle été bruyante ? LOUISE. Pourquoi élevait-il la voix ? AUGUSTINE, Vous vous êtes disputés ? PIERRETTE. Non !... On riait, même ! GABY. Et ma mère disait avoir reconnu ma voix ! Joli témoignage ! (Tête de Mamy.) SUZON. Louise, vous avez donc assisté à la conversation entre mon père et Pierrette ? LOUISE. Non ! Non ! Je suis partie tout de suite, en emportant le plateau. GABY. Et vous, Pierrette ? Qu'avez-vous fait après le départ de Louise ? PIERRETTE. Rien... On a parlé, puis j'ai quitté mon frère quelques minutes plus tard ! LOUISE. Oui, ça, je peux le jurer, j'ai vu Mademoiselle repasser devant la fenêtre de la cuisine. SUZON. Elle ne vous a rien dit à ce moment-là ? LOUISE, hésite. ...Non. GABY. Vous venez d'hésiter ! Faites attention, Louise, si vous mentez, la police peut vous arrêter pour complicité. C'est grave. PIERRETTE, s'énerve. Laissez donc cette fille tranquille ! Ça n'a pas de sens ! GABY. Vous vous trahissez, Pierrette ! Vous avez dit quelque chose à Louise en descendant et vous avez peur qu'on l'apprenne. LOUISE. Ecoutez, je vais tout vous dire comme ça on me laissera tranquille !... Mademoiselle Pierrette en redescendant m'a demandé de ne pas parler de sa visite et m'a donné dix mille francs. PIERRETTE. - Et je les regrette bien, petite grue... LOUISE. Comment... ? Dites donc... PIERRETTE. Ah ! permettez ! C'est pas un secret ! Vous couchez avec tout le pays ! ! ! LOUISE. Nous couchons donc toutes les deux avec les mêmes !... Et puisque vous mentez pour me faire avoir des ennuis, je vais encore dire pourquoi vous m'avez donné dix mille francs : parce que, quand je suis entrée dans la chambre, vous étiez en train de dire à Monsieur : « Si tu ne me donnes pas cet argent, je te tue ! » PIERRETTE. C'est faux ! Je disais : « Je me tue. » LOUISE Non ! Je TE tue ! (Elles se battent en s'injuriant. Soudain le volet claquent et elles poussent un cri général. Un silence.) GABY Assis ! Et que personne ne bouge... (Elles s'assoient à contre-cœur.) MAMY. Où allons-nous ? Nous perdons toutes la têtes ! CATHERINE. Dans tous les bons romans policiers, c'est comme ça. Et je m'y connais. LOUISE. J'en ai assez ! Je cours jusqu'au carrefour appeler une voiture ! (Elle sort) Date: 2015-12-18; view: 368 |