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Il avait commandé un taxi afin de laisser la voiture à Alice. Le chauffeur le connaissait et l'appela Patron. 5 page

- C'est moins salissant! expliquait-elle.

Il dit bonjour à sa grand-mère, qui l'appela Gino. C’était la première fois que cela arrivait, et il regarda interrogativement sa mère qui lui fit signe de ne pas y faire attention. Un doigt au front, elle lui indiquait que la vieille femme commençait à perdre la mémoire.

Elle ouvrit le frigidaire, en sortait du salami, de la salade de pommes de terre, des piments, posait le tout sur la table.

- Tu as reçu ma lettre?

- Oui.

- Il ne t'a pas écrit non plus?

Il fit non de la tête. Il était bien forcé de manger pour lui faire plaisir, de boire le chianti qu'elle lui servait dans un grand verre épais, des verres qu'il n'avait vus nulle part ailleurs que chez lui.

- C'est à cause de ça que tu es ici?

II aurait préféré lui parler à cœur ouvert *, lui dire toute la vérité, ce qui s'était passé chez Phil et Sid Kubik, son voyage à White Cloud. Cela aurait été plus facile.

Il n'osa pas. Il dit non. Comme elle continuait à le regarder interrogativement, il ajouta:

- J'avais quelqu'un à voir.

- Ce sont eux qui t'ont fait venir?

- D'une certaine façon. Mais pas à cause de ça. Pas spécialement à cause de ça.

- Qu'est-ce qu'ils t'ont dit? Tu les as déjà vus?

- Pas encore.

Elle ne le croyait qu'à moitié. Elle ne croyait jamais les gens qu’à moitié, surtout ses fils, surtout Eddie, celui-ci n’avait jamais su pourquoi, car il était, des trois, celui qui lui avait le moins menti.

- Tu penses qu'ils le cherchent?

- Ils ne lui feront rien.

- Ce n'est pas le bruit qui court ici *.

- J'ai vu le père de sa femme.

- Comment as-tu appris son nom? Je ne le sais même pas. Qui te l'a dit?

- Quelqu'un qui est venu passer quelques semaines à Santa Clara.

- Joe?

Elle en savait davantage qu'il n'avait pensé. C'était toujours ainsi avec elle. Les moindres bruits lui parvenaient. Elle avait un sens spécial pour deviner la vérité.

- Méfie-toi de lui. Je le connais. Il est venu plusieurs fois ici, manger de la glace, il y a trois ou quatre ans, quand il n'était encore qu'un jeune voyou. Il est faux.

- Je le crois.

- Qu'est-ce qu'il t'a dit? Comment sait-il?

- Ecoute, maman, ne me pose pas tant de questions. Tu me fais penser à O'Malley.

O’Malley était le sergent qui travaillait dans le quartier depuis plus de vingt ans et qui, quand les trois frères étaient adolescents, était leur bête noire *.

- Je t'explique simplement que j'ai vu le père. C'est exact que Tony et sa femme sont passés chez lui, il y a deux ou trois mois. Il avait un vieux camion. Il paraît que Tony a passé trois jours à le réparer et que son beau père lui en a fait cadeau.



Pourquoi Julia souriait-elle tout à coup?

- C'est un gros camion?

- Je ne l'ai pas demandé. Probablement. Dans les fermes, ils n’ont pas de camionnettes.

- Alors ton frère s'en tirera.

Elle ne lui disait pas tout, il le sentait, épiait Eddie, se demandant sans doute si elle devait lui en parler.

- Tu te souviens de sa pneumonie?

Il en avait entendu parler souvent, mais, en réalité, il s'en souvenait mal. Cela se confondait avec les nombreuses bronchites de Tony. A cette époque, d'ailleurs, Eddie, qui avait quinze ans, ne mettait pas souvent les pieds à la maison.

- Le docteur avait dit qu'il avait besoin de grand air pour se rétablir. Le fils de Josephina...

Il avait compris. Lui aussi avait presque envie de sourire. Il était sûr que sa mère avait raison. Josephina était une voisine qui faisait des ménages et venait de temps en temps chez eux. Elle avait un fils, dont Eddie ne se rappelait pas le nom, qui était parti pour l'Ouest. Il s'y livrait à la culture *. Josephina prétendait qu’il réussissait bien, qu'il s'était marié, avait déjà un fils et insistait pour qu'elle le rejoigne.

Le nom de l'endroit ne lui revenait toujours pas. C'était dans le sud de la Californie.

Et le fils, en effet, un beau jour, était venu chercher sa mère. Celle-ci avait insisté pour que Tony, qui était malade, les accompagne pour quelques mois, car elle avait toujours eu un faible pour le garçon.

- Il aura le soleil, le bon air...

Il avait oublié les détails. Tony avait été absent de la maison pendant près d'une année. C'est de cette époque que datait sa passion de la mécanique. Il avait onze ans à peine. Il prétendait que le fils de Josephina lui permettait de conduire sa camionnette dans les champs.

Il avait souvent parlé de cette région-là.

- Ils font jusqu'à trois ou quatre récoltes de primeurs par an. Le problème est de transporter les légumes.

Sa mère disait:

- Je parie qu'il est quelque part aux environs d'El Centro.

C'était le nom de ville qu'il cherchait. Un peu honteux, il détournait la tête.

- Tu ne manges plus?

- J'ai dîné avant de venir.

- Tu ne pars pas tout de suite?

- Pas tout de suite, non.

Il aurait préféré partir. Jamais il ne s'était senti aussi peu chez lui dans cette pièce qui lui était si familière. Jamais il ne s’était senti aussi petit garçon devant sa mère.

- Quand retournes-tu en Floride?

- Demain.

- Je croyais que tu devais voir des gens.

- Je les verrai demain matin.

- Tu n'as pas rencontré Sid Kubik à Miami?

Par crainte de se contredire, il préféra répondre que non. Il n'était pas sur son terrain.

- C'est drôle que Gino soit justement en Californie aussi.

- C'est curieux, oui.

- Tu as l'air mal portant *.

- J'ai dû attraper un rhume pendant l'orage.

Le chianti était tiède, épais.

- Je crois qu'il est temps que je m'en aille.


Date: 2015-12-17; view: 898


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