Il était une fois un enfant qui ne croyait pas aux histoires. Dès que sa mère commençait : « Il était une fois un ogre cruel... », il l’interrompait.
-Ne me raconte pas d’histoires, disait-il, les ogres, ça n’existe pas !
Et quand son grand-père se mettait à lire à haute voix: «Il était une fois un roi... », il demandait aussitôt :
- Le roi de quoi ? Le roi d’Angleterre ou le roi de Panama ? Il a vécu de quand à quand ? C’est de l’histoire ou c’est des histoires ?
Même quand on lui racontait une histoire vraie, il secouait la tête, l’air de dire : « Vous faites vraiment des histoires pour pas grand- chose. » Et au bout de trente secondes, il se mettait à bâiller et à se frotter les yeux.
Il disait :
- Comment voulez-vous que je vous croie : je ne vois rien, je ne sens rien de ce que vous me racontez. C’est comme si l’histoire partait sans moi !
Un jour, je lui ai demandé de s’asseoir à côté de moi sur le canapé et je lui ai raconté une histoire. L’histoire d’un enfant qui ne croyait pas aux histoires. Dès que sa mère commençait : « Il était une fois un ogre cruel... », il l’interrompait...
Il ne m’a pas interrompu. Il m’a laissé raconter. Quand j’ai eu fini, il m’a dit :
- C’est drôle, cette histoire, je la vois et je la sens. C’est comme si j’étais dedans. Tu pourrais me la raconter encore une fois ?
J’ai repris l’histoire depuis le début et il m’a écouté avec la même attention. Puis il m’a demandé :
- Tu pourrais me raconter les histoires auxquelles l’enfant de ton histoire ne croyait pas ?
J’ai raconté des histoires d’ogres et de sorcières, des histoires de rois et de princesses et beaucoup d’histoires vraies pour terminer.
Et, chaque fois, il disait :
- Effectivement, c’est incroyable ! Qu’est-ce qu’il disait, l’enfant de ton histoire, quand il entendait ça ?
- La même chose que toi : « Effectivement, c’est incroyable !»
Silence
Un jour maîtresse a hurlé :
- Silence ! Taisez-vous ! Exercice 6 page 23 !
Silence, j’ai dit ! SILENCE !
J’ai compté : c’était la quarante-septième fois qu’elle hurlait aujourd’hui. Et j’ai pensé : « Si elle continue, elle va me transpercer la tête, je le sens, ça va éclater comme une fusée. »
On s’est tous mis à écrire dans nos cahiers. On osait à peine respirer ; je crois bien qu’on allait étouffer.
Et puis, Marie a laissé tomber sa gomme.
- SILENCE ! a hurlé la maîtresse. Taisez-vous et travaillez !
Alors, moi, je me suis levé et j’ai respiré autant que j’ai pu. J’ai regardé la maîtresse et j’ai hurlé :
- SILENCE ! Taisez-vous et laissez-nous travailler !
Elle a ouvert très grand la bouche et elle a mis la main sur son cœur. Et puis elle a fermé la bouche, ouvert la bouche, fermé la bouche...
On a compris qu’elle allait étouffer. On a vite cherché un bocal et on l’a rempli d’eau. On a mis le bocal sur le bureau et la maîtresse a plongé dedans. Elle nageait furieusement dans l’eau et elle tournait à toute vitesse en ouvrant et en fermant la bouche. Ça faisait des bulles.
On s’est remis au travail. J’ai fini mon exercice et puis j’ai écrit un texte. Une histoire de pirates. Ensuite, avec David, on a cherché dans un livre des renseignements sur Marco Polo. Et j’ai pensé : « Si elle reste encore un peu dans son bocal, j’aurai le temps de faire des mathématiques.
Et peut-être, même, d’écouter de la musique. »
Télévision
Moi, j’adore regarder la télévision.
Je connais les programmes par cœur et je sais tout ce qui se passe dans le poste. Je me suis même amusé à le démonter et à le remonter plusieurs fois et j’ai rajouté deux ou trois boutons.
Mes parents ne sont pas d’accord. Ils disent que je perds mon temps et que je ferais mieux d’apprendre mes leçons.
L’autre soir, je regardais un film policier passionnant quand mon père s’est mis à hurler comme un sauvage :
- Éteins la télévision ! Ça fait quatre heures que tu es planté là devant comme un poteau électrique dans un champ de navets ! Tu vas bientôt avoir le cerveau aussi mou que du chocolat fondu ! File dans ta chambre et va lire un peu ton livre de lecture !
Il y a longtemps que j’ai compris qu’il vaut mieux ne pas discuter avec mon père quand il est dans cet état-là. Je suis donc allé dans ma chambre et j’ai pris mon livre de lecture.
Je me suis endormi avant d’avoir terminé la deuxième ligne.
J’ai été réveillé par des cris et des hurlements. En écoutant bien, j’ai reconnu les voix de toute la famille : les barrissements de mon père, les mugissements de ma mère, les piaillements de ma grand-mère et les hennissements de ma sœur.
Je suis allé voir ce qui se passait. Et j’ai vu ! Un python essayait d’étouffer ma grand-mère, un crocodile avait attaqué une cuisse de mon père, deux jaguars se disputaient ma mère et un requin demandait à ma sœur d’enlever ses chaussures pour qu’il puisse la croquer proprement. Et des centaines de fourmis rouges sortaient du poste de télévision et couraient comme des folles dans le salon.
Je me suis précipité pour éteindre la télévision et tout est rentré dans l’ordre. Sauf que ma sœur a continué à sangloter pendant dix minutes.
Je lui ai donné un mouchoir et j’ai dit à mon père :
- Voilà ce qui se passe quand on ne sait pas se servir d’une télévision !
- Mais on voulait juste mettre un documentaire sur les animaux ! a-t-il répondu.
Je lui ai dit de me laisser faire et j’ai remis mon film policier. Ils ont tous râlé en disant que c’était débile, mais ils ont regardé jusqu’au bout avec moi.
Et il a fallu que je me fâche pour qu’ils aillent au lit : ils voulaient encore regarder les informations télévisées.
Il faudra que je bricole à nouveau le poste de télévision. Sinon, ça va mal se terminer...