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II. LE NOYAU GENERATEUR : LE « XALA » COMME PORTEUR DE MALHEURS PATHOLOGIQUES

« J’ai le « xala » [...] Je n’ai pas bandé. Pourtant en sortant de la douche, j’étais raide. Mais dès que je me suis approché. Rien. Zéro » (p. 52).
Les propos cités ci-dessous viennent du protagoniste de Xala, de celui qui possède le « xala » et qui ne s’identifiera, dès cette déclaration, que par le « xala ». Ce « xala » qui domine tout le roman, se présente dès que l’auteur prend contact avec lui dans l’œuvre comme un mal résultant d’un facteur. Il s’agit de quelque chose de « planté » par une main (p. 45), donc imposé sur autrui par quelqu’un d’autre. Il est doté donc de principe de causalité et se réalise grâce à un rapport de causalité entre un facteur inconnu (au premier abord) et la manifestation du mal. Il a par conséquent, un antécédent, étant catalysé ou provoqué par une ou plusieurs causes. Comme tout malheur chez l’Africain, le « xala » est censé avoir une origine qui n’a rien à voir avec une explication scientifique, puisque tout mal (maladie, mort, ennui, accident, malaise et d’autres revirements de fortune) ne peut qu’être provoqué par les esprits, ennemis, dieux ou d’autres forces sur-naturelles ou mystiques. C’est ainsi que la pensée traditionnelle africaine rationalise tout phénomène malheureux. Mais qu’est-ce ce mal (le « xala ») que l’on a et comment se manifeste-t-il ?
Il s’agit d’un sortilège, d’un sort (p. 45), c’est-à-dire d’un maléfice, d’une magie qui rend impuissant El Hadji Abdou Kader Bèye, le protagoniste de Xala qui est devenu aussi le protagoniste et la victime principale du « xala ». Ce « xala » lui « noue l’aiguillette » (p. 46-47, 38, 167) ; il mortifie son sexe, qui d’ailleurs, est décrit par Ousmane, comme un des « deux centres vulnérables du mâle » (p. 86). Pour l’homme africain, c’est le centre le plus vulnérable. Et dès que ce centre ne tient plus, l’homme africain perd son moi.
En tant que sortilège, le « xala » échappe à toute explication scientifique et logique. Il défie en conséquence toute solution scientifique. Voilà pourquoi pour trouver les causes du mal et en chercher les solutions, la victime a recours aux adeptes des sciences occultes. Mais, ce qui importe au premier abord, ce sont les effets du sortilège sur sa victime. Quant aux causes, on en parlera après avoir identifié les manifestations du mal.
Le premier effet en est l’impuissance virile. Etre impuissant, comme El Hadji après que le « xala » l’ait atteint, c’est, comme Abanime l’a expliqué à juste titre,
« manquer de pouvoir, manquer de force. C’est par un procédé métaphorique que ce sens fondamental du mot a acquis, au XVIIe siècle, une signification secondaire pour désigner l’incapacité physique, chez le mâle, d’accomplir l’acte sexuel ». [12]
Le « xala » dont El Hadji est la malheureuse victime implique que son organe est hors d’état de remplir ses fonctions copulatives. Cet organe ne vaut plus rien ; il est incapable, amorphe, inerte et dénué de son rôle de procurer à l’homme (et à son partenaire féminine) la jouissance de l’acte sexuel. Le sexe n’est donc plus qu’un figurant, un simple décor qui n’est bon à rien. En Afrique, l’impuissance chez l’homme est considérée, comme nous avons déclaré ci-dessus, comme la perte de son être car tout homme qui est incapable de s’accoupler n’est plus un homme. C’est un non-être.
Donc, El Hadji, impuissant devant sa femme (N’Goné), n’est plus un homme. Il est important pour nous d’assimiler l’organe du mâle au générateur de la masculinité et au siège de la virilité. Voilà pourquoi, pour souligner la perte du moi d’El Hadji, « son kiki » est atteint de « xala ». Le « kiki » ne peut plus s’affirmer ; il ne peut plus se dresser ou être raide. El Hadji ne peut plus bander ! L’homme ne peut ni s’affirmer ni dresser sa tête à la même façon dont son organe sexuel est déprimé.
Les facteurs biologiques qui caractérisent cette situation d’inertie sexuelle sont bien soulignés par Ousmane. Aucun nerf d’El Hadji ne vibre (p. 65) ; ses nerfs sont sans liaisons avec son centre nerveux. Ces nerfs deviennent des traîtres à l’homme puisqu’ils refusent de répondre aux stimuli sexuels. Etant donné la paralysie des nerfs, le corps est détaché du désir de faire l’amour. El Hadji n’éprouve aucune sensation. On dirait qu’il a perdu le sentiment d’être, d’exister. Il est comme une figuration (p. 98), une ombre de son ancien moi. Il est devenu la misérable victime du dépérissement physique (p. 68, 91, 96) et moral. Voilà pourquoi, étant conscient de son non-être, El Hadji se dépense éperdument pour retrouver sa virilité et être régénéré : devenir normal, redevenir homme, regagner son être. Il a recours tour à tour à la science moderne (la psychiatrie) sans trouver aucune issue bienfaisante et aux sciences occultes sans solutions satisfaisantes. C’est inutilement que les partisans des sciences occultes - charlatans, sérignes (marabouts), facc-katt (guérisseurs), seet-katt (voyants) et autres féticheurs - lui font porter des « xatim », le lavent et le massent avec des onguents et des décoctions, l’oignent de « fara », etc.



Ce qui rend l’angoisse d’El Hadji particulièrement cuisante, c’est le paradoxe de son passé immédiat et de la situation qui se présente devant lui. N’était-il pas jusqu’ici un homme défini par une prestance et une exubérance physiques ?N’appartient-il pas au rang le plus élevé dans la société sénégalaise ? N’a-t-il pas affirmé sa virilité extraordinaire par son identité conjugale avec ses deux femmes et ses nombreux enfants ? Comment peut-il s’expliquer sa condition présente d’homme inerte devant cette jeune femme, N’Goné ?
A cinquante ans, cet homme dont le désir va rester inassouvi pendant quatre mois, était fort sexuellement et se régalait de son bouillonnement viril comme un « étalon qui se ruait sur les femelles » (p. 65). Non seulement, en effet, il avait, avec ses deux femmes, en vingt ans de mariage, onze enfants et une satisfaction sexuelle constante, mais encore, El Hadji faisait figure de Don Juan entretenant des rapports intimes avec des filles de joie dans des chambres d’hôtel où il se rendait chaque fois qu’il avait entraîné une fille » (p. 95). D’ailleurs, en tant que « gentleman » imbu de son rôle de maître et n’ayant pas de raison sérieuse d’établir des rapports suivis avec les jeunes filles, il ne les voyait que pour les monter et faire ainsi étalage de son importance sociale. « Avec chacune, remarque l’auteur, tout commençait et s’achevait au lit » (p. 115).
La nuit où débuta son épreuve humiliante, c’est-à-dire où il commença à recevoir les coups durs du « xala », certains facteurs qui auraient dû faciliter sa jouissance sexuelle étaient pourtant présents. A part son passé d’homme virilement fort et très expérimenté, il avait avalé des cachets « pour avoir plus de force » (p. 43). Il s’agissait certainement du « truc » ramené de Gambie par un de ses collègues pour rendre son « kiki raide toute la nuit » (p. 42). Comme si cela ne suffisait pas, il avait devant lui, l’objet de son désir, intact depuis le commencement de leurs rapports amoureux et réservé pour cette nuit spéciale dans une chambre tout particulièrement aménagée pour l’occasion. Cet objet, N’goné, présenté comme un fruit savoureux, était pour El Hadji, depuis qu’il l’avait rencontré, « la paisible oasis de sa traversée du désert » p. 18), c’est-à-dire une baume dans sa vie mouvementée et troublée d’homme d’affaires [13]. La première nuit du mariage (du troisième d’El Hadji), N’goné était devant son mari avec sa jeunesse ravissante, sa fraîcheur séduisante, sa grâce attirante, sa beauté sensuelle et sa mise envoûtante. Malgré ces éléments sensuels et provocateurs, El Hadji n’est pas arrivé à se servir de son organe sexuel. Le lendemain, ce fut la même agonie, le même paradoxe humiliant, malgré les chatouillements, attouchements et caresses de N’goné. El Hadji avait le « xala ».
Son sexe, frappé d’inertie pathologique, le restera pendant quatre mois au cours desquels tout ce qui sert à définir El Hadjifaire, avoir et être - est atteint du « xala ». Cela veut dire que cette impuissance n’affecte pas seulement son sexe mais toute son existence. Pour El Hadji, donc, les choses se défont ; le centre ne tient plus. Tout s’écroule. Cela confirme notre première constatation selon laquelle le sexe, chez le mâle africain, est le centre catalyseur de la vie et de la personne.
Le tragique d’El Hadji trouve sa justification chez les psychanalystes selon lesquels toute maladie corporelle, étant motivante, entraîne le confonctionnement pathologique du corps qui a des effets directs sur la vie émotionnelle, sur l’activité, sur la nature et l’intensité des conflits pulsionnels, notamment par l’intermédiaire du chaînon neuro-hormonal. Et quand la maladie est sexuelle, les résonances psycho-sociales pour un Africain sont humiliantes.
On peut aussi comprendre l’effondrement des valeurs servant à définir El Hadji, si l’on tient surtout compte de ce qu’ont dit les existentialistes sur l’identité du moi. En effet, leur porteparole, J.P. Sartre explique dans son œuvre monumentale, l’Etre et le Néant que
les trois grandes catégories de l’existence (lui) apparaissent dans leur relation originelle : « faire » « avoir » et « être ». [14]
Etre est considéré au sens absolu d’exister et du « Dasein » au sens heideggerien d’être-là. Pour être et donc se définir, les existentialistes sont convaincus, et nous le sommes également, que l’homme doit se baser sur l’avoir - tout ce que l’homme peut appeler sien : l’état-civil y compris le nom, l’habitation et le métier, les biens matériels, la famille, le corps et les facultés physiques. L’avoir est donc un atout référentiel important, surtout pour le bourgeois, car il sert à déterminer l’être, à le situer et à souligner le degré de son insertion sociale. Chaque objet possédé est un signifiant qui offre au lecteur une structure explicative de l’état social, psychologique et physique du personnage et lui accorde sa valeur de personne. Il est donc le prolongement du personnage.
L’être se définit aussi par ce qu’il peut faire, par sa capacité d’exploiter au maximum les facilités ou ressources que lui offre son corps, (celui-ci étant la marque tangible d’une appartenance au monde et à l’espèce humaine ainsi qu’un atout possessionnel). Comme enveloppe charnelle, le corps intègre le moi dans l’espèce et est garant de la continuité d’être.
Quand El Hadji se voit incapable de se servir de l’avoir le plus privé et le plus personnel (son organe sexuel) qu’il ait, il perd un aspect central de son être. Pour dramatiser cette perte et montrer le lien symbolique qui existe entre faire, avoir et être, entre la capacité de faire l’amour et celle d’affirmer le moi, Ousmane crée une situation circonstancielle servant à mettre en lumière ce lien. A cause des ennuis psychologiques, de l’opprobre provoquée par les autres du « xala », El Hadji n’a pas soigné ses affaires. Son magasin, source de son aisance financière, n’a plus de stock puisqu’il n’est plus réapprovisionné en marchandises. Et pourtant, les factures s’entassent. L’argent, qui, selon notre auteur, est devenu la seule valeur morale reconnue » dans la société moderne [15] et dont le pouvoir constitue la base de l’importance et l’intégration sociale de l’être, est devenu pour El Hadji une chose rare. Et El Hadji, dans la lignée de Ibra (Voltaïque) et Mbayé (Le Mandat), avec son esprit sybarite et ostentatoire, est dispenser et adonné au extravagances outrancières. Ainsi son être, défini d’abord par l’avoir et aussi par sa capacité de faire l’amour, s’écroule avec la perte de sa virilité. Cette perte entraîne l’écroulement de ses privilèges de propriétaire, de possédant et de bourgeois, et donc de son être.

Voilà où réside la deuxième étape du processus de la technique symboliste de Sembène Ousmane. Ayant montré qu’El Hadji est victime du « xala », Ousmane prend soin de son inertie sexuelle. Ainsi le lien entre avoir et être est-il bien renforcé, étant donné que la perte de soi et du pouvoir de faire se traduit physiquement et ouvertement par la perte d’avoir. L’objectif principal de Sembène Ousmane (dans l’œuvre) est vraiment de renchérir sur le symbolisme matérialiste ou possessionnel du « xala » et de mettre l’accent sur l’effondrement des valeurs bourgeoises comme déterminants indispensables pour la définition de la personne (= de l’être).
Donc El Hadji, pour qui le lien de possession est un lien interne d’être, n’est plus homme dès que les bases de son existence sont atteintes. Or, bien avant ce moment, c’était grâce à ses atouts possessionnels qu’il était arrivé à s’affirmer, à faire valoir son désir de paraître et à présenter au monde une façade sociale brillante. Pour paraître, il faisait étalage de ses attributs vestimentaires : avec sa montre - bracelet en or, son accoutrement de toubab (faisait de lui un être à part au milieu de ses concitoyens dont la grande majorité étant indigente est toujours pauvrement vêtue), ses complets sur mesure en draps anglais, ses chemises et souliers impeccables. De plus, il était toujours nanti de son « attache-case » bourrée de liasses de billets de banque. Il se comportait comme un véritable « gentleman », en effet comme un riche vaniteux qui, avec son fabuleux compte bancaire, dépensait avec ostentation, voulant toujours être bien vu et bien considéré dans la société. Il donnait généreusement aux gens qui lui rendaient visite, soucieux de sa réputation d’homme généreux et libertin. Avec sa voiture de marque (sa mercédès noire) et sa camionnette pour le service domestique et le transport des enfants dans les différents établissements scolaires de la ville, El Hadji se rangeait parmi la notabilité opulente du pays. Qui plus est, il disposait, dans le quartier le plus élégant de la ville, de deux villas dont chacune était baptisée au nom de chacune de ses deux premières épouses : « Villa Adja Awa Astou » et « Villa Oumi N’Doye ». Chacune valait cinquante ou même soixante fois la baraque du père de celle qui allait être la troisième femme. De plus, elles étaient richement meublées avec des éléments portant la griffe « Meubles de France ». Dans chaque villa, on faisait toujours bombance et « brillante chère ». Tout cela pour montrer qu’El Hadji était un bourgeois d’un grand train de vie et qu’il était un homme n’ayant aucun problème à maintenir deux foyers confortables.
C’était surtout pour exhiber sa richesse et ses dispositions bourgeoises qu’il avait décidé de prendre une troisième femme, de se « re-re-remarier » comme il l’a lui-même dit (p. 9). La finalité de ce mariage n’était pas la procréation, comme la plupart des foyers africains, puisqu’El Hadji avait déjà « une kyrielle de onze gosses » (p. 11) de deux sexes. De plus, ses deux femmes, surtout la deuxième, n’étaient pas dénuées de fraîcheur et de jeunesse. Ce troisième mariage n’était donc pas nécessaire. Pour El Hadji, cependant, une épouse est un signe extérieur de richesse et un apparat. D’ailleurs, les démarches de la Badienne en vue d’imposer sa nièce N’goné sur l’homme ressemblèrent au marchandage d’un objet qu’il faut bien vanter avant que l’on l’accepte. El Hadji voyait donc la femme comme un véritable atout professionnel, un objet qui« le hissait au rang de la notabilité traditionnelle. En même temps, c’était une promotion » (p. 12).
Et pour fêter ce mariage, c’était de l’extravagance et de la pompe. Selon Sembène, la noce a fini par perdre « sa solennité pour retrouver une atmosphère de bombance »
(p. 41).
Or, cette noce est « la sursomme (qui) abat l’âne ». C’est le catalyseur du revirement de la fortune d’El Hadji. Elle constitue le malheureux pont entre son passé glorieux et son présent humiliant. Elle marque sa « chute » et sa perdition. Avec cette troisième épouse, N’goné, le « xala » a fait son apparition. Les avoirs d’El Hadji commencent à glisser entre ses doigts. Avec la disparition de sa virilité, se manifeste la disparition de sa dignité de mâle et de son rang social.
L’homme qui était bien vu, qui déployait hautainement son apparat extérieur et son esprit sybarite, qui se régalait de sa « fabuleuse » opulence et qui avait confiance en lui-même, est devenu victime du complexe d’infériorité. Pour montrer sa nouvelle situation, il commence à chercher les endroits reculés et les huits-clos : chambre d’hôtel et villages où se trouvent les adeptes des sciences occultes. Il tient même à passer parfois la nuit dans sa voiture et préfère très souvent repousser au plus tard possible son retour au bercail. L’homme sur-privilégié et renommé devient un homme souterrain qui mène une vie de ver. L’homme respectable et respecté devient l’objet de la risée publique. Il devient l’homme du « xala » et non plus l’homme d’affaires. Il perd son prestige partout, même devant ses femmes et enfants. Il parle peu ; il mange à peine ; il dort moins encore. Il est désorienté et las [16]. Le désastre est honteux et vertigineux.

Les affaires s’écroulent comme un château de cartes. L’argent fuit ; les dettes s’entassent. Les salaires des employés, les bons d’essence les factures d’eau et d’électricité ne sont plus réglés. Les accords signés au Crédit automobile ne sont pas honorés. C’est la banqueroute. Son renvoi du Groupement des Hommes d’Affaires est inévitable, car il n’en fait déjà plus véritablement partie. Son seul commerce est avec le « xala ». Enfin, c’est la débâcle, ainsi décrite :
« Ses créanciers le prirent d’assaut. La Société Vivrière Nationale engagea des poursuites judiciaires : le Crédit automobile opéra des saisies - arrêt sur l’auto-cadeau-mariage, la camionnette-service-domestique, la Mercédès. La Société Immobilière lança des huissiers pour l’expropriation des villas. Les jours furent très lugubres pour cet homme accoutumé à vivre d’une certaine manière ». [17]
Sa troisième et dernière femme obtient le divorce ; la deuxième, installée chez ses parents commence à fréquenter les gens aisés. La cellule intime et privée qui était sa famille est disloquée. Il est seul et solitaire, soutenu seulement par sa première femme, Adja Awa Astou. Il est réduit à l’impuissance absolue ; il est poussé dans une impasse mortifiante comme une souris prise dans un piège ou comme un poisson pris dans une nasse. Ses atouts référentiels l’abandonnent donc comme des écailles qui se débarrassent d’un oignon, pour ne révéler que sa véritable essence - son moi authentique. Il est nu comme un ver. C’est pour l’effondrement total. Il n’a plus rien que son « xala ». C’est sa seule possession. Le mendiant (qui se confesse d’être l’auteur du « xala ») donne la description la plus exacte de cet honteux état de volonté d’El hadji quand il s’écrie :
« Tu n’as plus rien ! Rien de rien, que ton « xala » (p. 165). La marche inexorable vers la faillite (graduelle d’abord et puis totale) et l’objet de dénuement matériel d’El Hadji est aussi symboliquement représentée dans les mots d’ordre imposés sur lui par le même mendiant et aussi dans l’action de celui-là :
« Tu vas te mettre nu, tout nu, El Hadji. Nu devant nous tous (p. 167).
« Méthodiquement, El Hadji déboutonnait sa veste de pyjama [...] Il avait quitté son pantalon » (p. 170).
Donc ce qui semble singulier enfin chez El Hadji est son « xala », son impuissance. Et dans le roman, ce « xala », qui est le noyau de la narration, vu comme impuissance (sexuelle, physique, sociale et économique), transmet ses microbes à tous ceux qui ont des contacts avec la principale victime du « xala ». Mais avant tout, le « xala » se révèle comme la punition du bourgeois exploiteur.


Date: 2015-12-24; view: 818


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