François Hollande endossera officiellement mardi l’habit de président de la République. Il n’aura ensuite aucun répit : former son gouvernement, préserver la relation franco-allemande et mettre le PS en ordre de bataille pour les législatives seront ses premiers défis.
1/ Mobiliser pour les législatives Aujourd’hui, en fin d’après-midi, le président élu est annoncé au conseil national du PS, le « parlement » du parti qui, pour la première fois depuis la victoire du 6 mai, se réunit à la Mutualité à Paris.
Stature de président oblige, François Hollande ne devrait y passer que pour « un court moment », selon son directeur de campagne, Pierre Moscovici. Suffisamment en tout cas pour « remercier les socialistes » et donner le coup d’envoi de la mobilisation en vue des élections législatives des 10 et 17 juin, alors que les sondages donnent gauche et droite au coude-à-coude.
Il lui faut donc mettre la famille PS en ordre de marche avant de possibles déceptions lors de l’annonce du nouveau gouvernement, prévue mercredi. Le slogan de campagne est déjà prêt : « Donner une majorité à François Hollande ». Et l’objectif est clair : éviter absolument la cohabitation, indique Manuel Valls, son directeur de la communication. « Une majorité socialiste absolue, ce serait mieux », complète le sénateur François Rebsamen. En clair : pas question d’être l’otage durant le quinquennat des écologistes et du Front de gauche.
2/ Premier contact avec Angela Merkel Francois Hollande s’y était engagé : une fois investi, son premier déplacement officiel serait pour Angela Merkel. Demain soir, le nouveau président, accompagné de son conseiller diplomatique Paul-Jean Ortiz, a donc rendez-vous pour un dîner de travail avec la chancelière allemande à Berlin. Un premier contact qui s’annonce délicat : si la chancelière croit « possible » un « partenariat stable » avec François Hollande, Merkel s’est déjà montrée rétive à « de nouvelles négociations sur le traité budgétaire européen », réclamées par le président français.
Toutefois, au-delà des divergences sur la crise en Europe, ce premier rendez-vous aura aussi une allure de test sur la qualité relationnelle de deux personnalités qui ne se connaissent pas. Merkel avait d’ailleurs soutenu Nicolas Sarkozy durant la campagne. « C’est dans ces moments informels que se noue quelque chose. Le premier contact est essentiel pour la suite », estime ainsi Pierre Moscovici, qui ne croit pas au clash. Bien que, hier sur France 3, Benoît Hamon, le porte-parole du PS, n’en ait pas écarté l’hypothèse : « Le risque d’aller au clash, qui le prend, sinon Mme Merkel? Elle prend les engagements qu’elle veut pour l’Allemagne mais nous, nous avons un mandat du peuple français. »
3/ Le subtil équilibre du gouvernement Demain aura lieu la nomination du Premier ministre. « Avant le départ pour Berlin », précise Valls. Donc en milieu d’après-midi. Mais ce n’est que mercredi que le suspense sera entièrement levé avec l’annonce du premier gouvernement de François Hollande.
L’image de la nouvelle équipe sera scrutée à la loupe et abondamment commentée. Et d’abord sur la place des femmes aux postes régaliens : durant la campagne, le candidat a promis une « stricte parité ». Quelques-unes ont déjà effectué des mises en garde, comme la sénatrice Nicole Bricq, pressentie au Budget : pas question de jouer « les Hollandettes » à des postes subalternes. Autre enjeu : quel sort sera réservé à la diversité? En 2007, Nicolas Sarkozy avait promu Rachida Dati, Rama Yade et Fadela Amara. Personne n’imagine qu’un gouvernement de gauche puisse faire moins… Enfin, le renouvellement des têtes sera à prendre en compte. « Commencer le changement avec Laurent Fabius et Martine Aubry, c’est un peu dur… », grogne un ministre potentiel.
Le premier Conseil des ministres devrait quant à lui se dérouler jeudi, jour de l’Ascension. Qui s’achèvera par la traditionnelle première « photo de famille » sur le perron de l’Elysée.
4/ Réussir la passation des pouvoirs Extrêmement codifié, ce rituel républicain est évidemment préparé avec une extrême minutie. Car il le sait : ses premiers pas, son premier discours marqueront la suite de son quinquennat. « François Hollande a voulu une cérémonie qui corresponde à ce qu’il est : la sobriété », explique Valls.
Pas question donc de poser avec la famille comme a pu le faire Nicolas Sarkozy en 2007 : ni ses enfants ni ceux de sa compagne, Valérie Trierweiler, ne seront donc présents. Les invités personnels ont été triés sur le volet : « moins de 60 », précise son entourage.
Une fois la cérémonie terminée et une gerbe déposée sur la tombe du Soldat inconnu sous l’Arc de Triomphe, François Hollande organisera à l’Elysée son premier déjeuner de nouveau président avec les anciens Premiers ministres de gauche : Pierre Mauroy, Laurent Fabius, Michel Rocard, Edith Cresson et Lionel Jospin. Il rendra ensuite hommage à Jules Ferry (en présence d’écoliers) et à Marie Curie, deux symboles des priorités de son quinquennat : la jeunesse, l’éducation, la République. Avant de se rendre à l’Hôtel de Ville de Paris pour « une adresse aux Parisiens » à qui il accordera son premier bain de foule de chef de l’Etat. 5/ Passer le test des marchés Ce sera le premier grand test sur les marchés pour la France depuis l’élection de François Hollande. Mercredi, l’Etat français espère emprunter entre 7,8 et 9,2 Mdsˆ (sous forme d’émissions d’obligations à moyen et long terme) pour financer sa dette. Une étape cruciale qui permettra de mesurer la confiance des investisseurs privés à l’égard de la nouvelle équipe au pouvoir.
Dans l’entourage du président élu, on reste serein : « Les marchés ont banalisé l’élection de François Hollande », relativise Michel Sapin, qui ne se dit « pas inquiet ». « En revanche, l’aggravation de la crise grecque peut avoir un impact », ajoute un autre proche. La révision à la baisse des perspectives de croissance publiées récemment par la Commission européenne pourrait en outre avoir des conséquences.
Un motif d’espoir : la dernière émission de dette s’était déroulée sans anicroche le 3 mai dernier, trois jours avant les résultats de l’élection : 7,4 Mdsˆ de dette française avaient trouvé preneur, qui plus est à des taux d’intérêt plutôt avantageux (2,96% pour les obligations à dix ans, contre 2,98% en avril). Un succès qu’il faudra confirmer mercredi.
6/ Ne pas froisser Barack Obama La fin de semaine, Hollande la passera aux Etats-Unis, où il est attendu vendredi. Elle sera consacrée aux enjeux internationaux : lors du G 8 de Camp David (18 et 19 mai) et, dans la foulée du sommet de l’Otan à Chicago (20 et 21 mai), le chef de l’Etat fera son entrée dans « la cour des grands ».
Dès vendredi matin, le nouveau président aura un entretien bilatéral avec Barack Obama à la Maison-Blanche. « Un privilège puisque François Hollande sera le seul chef d’Etat du G8 à rencontrer le président américain en tête à tête », souligne Pierre Moscovici. Comme pour Merkel, la discussion avec Obama — qui vient de lancer sa campagne en vue de sa réélection — s’annonce compliquée. La décision de rapatrier les soldats français d’Afghanistan « d’ici fin 2012 », un an avant la date prévue, peut constituer un sujet de crispation.
Un signe : devant la commission des Affaires étrangères du Sénat, Phil Gordon, responsable de l’Europe au département d’Etat, a réaffirmé avec force jeudi dernier le principe « in together, out together » (on y est ensemble, on en sort ensemble). Autrement dit : pas question de rupture unilatérale avec les engagements de l’Alliance.
« Si François Hollande veut nouer des relations fortes et d’amitié, il a aussi une idée très claire de ses volontés », explique Moscovici. Sous-entendu : pas question de revenir sur ses engagements de campagne.