Nicolas prit l’annuaire, chercha dans les pages jaunes à la rubrique « Articles d’église et de pâtisserie », trouva le numéro dont il avait besoin, 99 00 66 00, le composa aussitôt, et attendit.
- Allô, ici saint Nicolas, fit la voix lointaine, à l’autre bout de la ligne.
- Bonjour, cher monsieur saint Nicolas, dit Nicolas. Je voudrais savoir ce qu’il faut faire pour devenir comme vous. Je m’appelle Nicolas, c’est déjà ça, mais pour être saint, comment ça se passe ? Y a-t-il une école spéciale, et un examen à préparer ?
- Moi, répondit saint Nicolas, j’ai rafistolé trois enfants qu’un sadique avait découpés en morceaux et mis en conserve dans un tonneau de sel. Tout le monde a trouvé ça bien, alors j’ai été nommé saint.
- Comment voulez-vous que je réussisse un truc pareil ? s’indigna Nicolas. D’abord, je trouve votre histoire plutôt dégoûtante. Et puis, de toute façon, plus personne aujourd’hui ne conserve la viande dans des tonneaux de sel. Si je vous ressuscite quelques poulets et lapins du congélateur, est-ce que ça suffira ?
- Essayez toujours, dit gravement saint Nicolas, je vais en discuter avec la direction.
Nicolas se précipita à la cuisine, ouvrit le congélateur familial, ressuscita selon les règles un poulet, un canard, deux lapins et même un demi-cochon qui se trouvait là, excepté les côtelettes qu’on avait déjà mangées.
Puis, sans perdre de temps, il recomposa le 99 00 66 00. Mais plus jamais, à l’autre bout de la ligne, on ne décrocha.
Escargot et tortue, tortue et escargot
C’est un jeune escargot qui partait en vacances rencontra en chemin une vieille tortue qui admirait le paysage. C’était la première fois que l’escargot voyait une tortue et il fut très surpris en découvrant que les escargots n’étaient pas les seuls animaux à transporter leur habitation sur leur dos. Seulement, cette vieille tortue lui parut très grosse et très laide. Il ne se gêna pas pour le lui dire. La tortue, furieuse, grimpa sur un rocher, sauta sur l’escargot et l’écrasa. Sous sa carapace.
Très loin de là, une jeune tortue qui partait en vacances rencontra en chemin un vieil escargot qui admirait le paysage. C’était la première fois que la tortue voyait un escargot et elle fut très surprise en découvrant que les tortues n’étaient pas les seuls animaux à transporter leur habitation sur leur dos. Seulement, ce vieil escargot lui parut très petit et très laid. Elle ne se gêna pas pour le lui dire. L’escargot, furieux, grimpa sur un rocher, sauta sur la tortue et s’écrasa. Sur sa carapace.
Cauchemar
L* A h 30. Je suis au lit, trois oreillers dans le dos, un livre sur les genoux. Ma mère entre dans la chambre.
- Qu’est-ce que tu lis encore ?
Elle m’arrache le livre des mains, regarde, dégoûtée, la couverture dégoulinante de sang. Meurtre à la cantine, ça s’appelle, n° 356 de la collection Nuits atroces.
- Ah non ! soupire-t-elle. Encore un de tes livres d’horreur ! Et après, tu t’étonneras de faire des cauchemars !
J’essaye de lui reprendre le livre, mais elle est plus forte que moi. Je proteste :
- J’ai quand même le droit de lire ce qui me plaît !
En réalité, tout ça, c’est du cinéma. Les livres d’horreur, ça ne m’intéresse pas, mais alors pas du tout. Je ne les lis pas, je fais juste semblant.
Maman quitte la chambre, emportant le livre. J’attends qu’elle ait fermé la porte, puis je règle la sonnerie du réveil sur minuit, et j’éteins la lumière.
Minuit. Le réveil sonne. Une sonnerie gentille, pas agressive du tout, rassurante même.
Je me lève, tout de suite réveillé, et je me prépare. J’accélère le rythme de ma respiration, comme si j’allais étouffer. J’imagine que je suis perdu, en pleine nuit, dans une forêt menaçante. Ça marche : je tremble de la tête aux pieds, secoué de sanglots sans larmes. Je sors dans le couloir et ouvre la porte de la chambre voisine. Je pousse de petits gémissements aigus, comme des aboiements de chien étranglé. Je n’ai pas besoin de me forcer, ça vient tout seul.
Maman se réveille.
- Oh, non, Damien, encore tes cauchemars !
Elle a compris, mais pour parfaire la mise en
scène, je balbutie des mots sans suite :
- Le couteau... il a crevé l’œil avec son couteau.. . dans les spaghettis... du sang... du sang dans les spaghettis...
Je m’écroule sur le lit de maman. Elle me sauve de la noyade en me serrant très fort dans ses bras.
- Allez, allez, c’est fini, calme-toi. Tu vois, tu aurais dû m’écouter, c’est à cause de tes livres abominables...
Je me blottis contre elle, je m’accroche à elle. Elle ne pourra pas me repousser maintenant. Encore une nuit de gagnée.
Mais il ne faut pas que j’oublie d’acheter un nouveau Nuits atroces. Sinon, maman va s’apercevoir que c’est toujours le même titre que je lis. Je veux dire : que je fais semblant de lire ! Parce que je ne suis pas fou, quand même : je n’ai pas envie de faire des cauchemars, moi.
Problème
Un roi a trois fils, dix-huit serviteurs, quinze servantes, deux chiens, huit chevaux et trente- quatre pantalons. Un jour, il fait venir ses fils et leur dit :
-Je suis né le 18 octobre 12447 à 6 h 33. Étant donné que nous sommes aujourd’hui le 26 juillet 12518 et qu’il est exactement 13 h 42, vous pouvez calculer à la minute près l’âge que j’ai. Je suis las de gouverner et j’ai décidé de me retirer. Me succédera celui d’entre vous qui me rapportera la calculette que m’a volée jadis le sorcier de la Montagne Noire. Bonne chance à vous trois !
Le fils aîné achète une carte du royaume et part à 14 h 18 avec sa voiture de sport. Il roule à une vitesse moyenne de 182 km/h. Après avoir parcouru une distance de 57 km, il tombe sur un contrôle routier dans une agglomération où la vitesse est limitée à 50 km/h. Les gendarmes lui retirent sur-le-champ son permis de conduire.
Le deuxième fils du roi se rend à la gare. La demoiselle des renseignements lui indique que le prochain train part à 15 h 02, qu’il roule à la vitesse de 115 km/h et qu’il rattrapera tôt ou tard le train précédent, parti à 13 h 33 et roulant à la vitesse de 56 km/h. La demoiselle des renseignements a une très jolie voix. Le fils du roi, pour l’entendre, lui fait répéter deux cent soixante et onze fois l’heure du train. Tant et si bien qu’il rate le départ.
Le fils cadet décide de partir à pied. Il parcourt 203 km en neuf étapes. Arrivé sur la Montagne Noire, il aperçoit une vache sanglotant dans un champ. Il lui demande la cause de son chagrin.
Elle lui explique qu’elle est la fille d’un roi riche et puissant, mais que son professeur de mathématiques l’a transformée en vache parce qu’elle n’a pas trouvé la solution de l’exercice 34 page 176. Le prince cadet prend le livre de mathématiques de la princesse-vache et résout le problème en un rien de temps. Paf! La vache redevient une merveilleuse princesse. Pour remercier son sauveur, la princesse lui donne un double décimètre magique et un gros baiser sur la joue. Le prince grimpe jusqu’au sommet de la Montagne Noire et trouve le sorcier devant sa grotte. Le sorcier se précipite sur le prince avec une équerre et un compas, mais le prince lui donne un coup de double décimètre sur la tête et le transforme en parallélépipède rectangle.
Le prince rentre chez lui avec la calculette électronique de son papa. La princesse décide de le suivre. Ils marchent à une vitesse moyenne de 4,032 km/h. La princesse dit « Ah, que j’ai mal aux pieds ! » mille quatre cent soixante- quatre fois par jour.
Arrivé au château royal, le prince est sacré roi et épouse la princesse.
Question : combien de temps vivront-ils heureux et combien auront-ils d’enfants ?