UNE LETTRE DE NOËL

"Pas de télégrammes ?” demanda Robert.

Un grand rire lui répondit : "Tu es pressé d’aller courir dans les rues, hein ? lui dit l’employé de la poste.

Robert referma la porte. Bien sûr, il était pressé. Pressé de porter des télégrammes qui lui faisaient gagner chaque fois un peu d’argent en plus de son salaire. Un franc souvent, quelques fois moins.

Il allait bientôt avoir assez d’argent pour acheter la bicyclette à huit vitesses qui lui faisait tellement envie. Et alors, il serait un grand champion gagnant toutes les courses et donc beaucoup d’argent. Les grands champions gagnent des aillions.

Bientôt Noël. Pour la première fois de sa vie Robert allait s’offrir un cadeau, et quel cadeau !

Robert pensait à tout cela en balayant la cour de la poste, c’était lui qui en était chargé entre deux télégrammes.

Tout à coup il aperçut un petit garçon qui essayait de grimper au mur pour atteindre la boîte aux lettres. Un petit garçon de 7 ans, 8 peut-être, le visage bleu de froid.

Veux-tu descendre ? Tu salis le mur ! cria Robert.

Le petit garçon obéit. Robert s’avança près de lui et vit qu’il avait de grands yeux, un joli sourire, mais qu’il n’était pas assez habillé pour la saison. Il avait sûrement très froid.

- Qu’est-ce que tu fais là ?

- Je veux mettre une lettre à la poste.

Et l’enfant sortit de sa poche une enveloppe un peu sale en ajoutant : « C’est pour le Père Noël ».

Robert eut envie de rire en voyant l’adresse, mais le petit homme avait l’air si gentil qu’il réussit à rester sérieux.

- Je suis sûr qu’il m’apportera ce que je lui demande, – continua l’enfant.

- Et qu’est-ce que tu lui demandes ?

- Quelque chose de très important» Tu crois qu’il me répondra, dis, Monsieur ?

C’était la première fois qu’on l’appelait "Monsieur". Robert répondit : "Bien sûr. Donne, je vais la mettre moi-même dans le sac, ta lettre".

Le petit garçon lui tendit la main : "Tu es gentil, Monsieur, merci". Et il s’en alla, sautant d’un pied sur l’autre.

Robert décacheta la lettre et lut :

"Monsieur Père Noël, ma sœur ne sait pas que je t’écris. Si tu la vois ne lui dis rien. Mon père est à l’hôpital. À la mairie, on nous a donné un peu de charbon, mais pas beaucoup. Ma sœur ne gagne pas assez d'argent, alors on ne peut pas en acheter. Si tu nous apportes un peu de charbon pour Noël, je ne te demanderai pas les patins que je voulais. J'habite dans la rue aux Pains, au numéro 17.

Michel qui t'aime"

Robert relut plusieurs fois la lettre et la mit dans une poche de son veston. Il finit son travail sans pouvoir s'empêcher d'y penser.

Un peu plus tard, Robert passa dans la rue aux Pains, s'arrêta devant le numéro 17 et frappa à la porte. Une jeune fille blonde lui ouvrit :

- Mon Dieu ! Mon père va plus mal ?

- Non, non, n'ayez pas peur, je ne viens pas de 1'hôpital, je suis seulement un ami de Michel et je passais lui dire bonjour.

Puis il se tut ne sachant de quoi parler.

- Excusez-moi, dit la jeune fille en souriant, mais il faut que je m'en aille. Je vais faire le ménage chez des gens, il ne faut pas que je sois en retard.

Et Robert s'en alla. En passant devant le magasin de bicyclettes, il ne put pas s'empêcher de regarder la vitrine. La bicyclette à 8 vitesses était toujours là... toute neuve, si belle

Il soupira.

Le lendemain de Noël, Robert balayait la neige devant la poste.

- Monsieur, monsieur ! cria Michel en courant de toutes ses forces vers lui. Le Père Noël est venu. Il y a du charbon plein la cave et puis, tu sais, il m'a apporté un cadeau, à moi tout seul. Des patins, de vrais patins !

Robert sourit. Après tout il aurait bien le temps de devenir champion. C'est tellement plus extraordinaire d'être le Père Noël !

Date: 2015-12-11; view: 2351