Ces jeunes poètes pensent à se former par l’imitation, imitation originale, tel est le sujet du premier livre de la Deffense et illustration de Du Bellay.
La traduction
La traduction en soi est vue comme dangereuse parce que chaque langue a son génie propre. Ils préconisent donc l’imitation, soit le fait de se nourrir (d’où le concept dans l’histoire littéraire d’« innutrition ») des textes anciens pour élaborer ensuite des écrits qui s’en nourrissent mais pour aboutir à une création personnelle. Ils prennent en cela pour modèles les latins qui se sont nourris des modèles grecs pour élaborer leur propre littérature : Tite-Live, Tacite // Thucydide, Ovide // Pindare.
Premier modèle, c’est le modèle italien, le modèle de Pétrarque
Ainsi à l’imitation de Pétrarque ils commettent tous plus ou moins des « canzionere » : voir les canzionere de Pétrarque, poésie lyrique contant l’aventure amoureuse de Pétrarque avec Laure.
Du Bellay L’Olive 1549
Pontus de Tyard Les Erreurs amoureuses 1549-1550
Ronsard Les Amours 1552
Baïf Les Amours de Méline
Voici ce qu’en dit Du Bellay une fois qu’il a pris du recul :
Du Bellay 1553
J’ai oublié l’art de pétrarquiser,
Je veux d’amour franchement deviser,
Sans vous flatter et sans me déguiser :
Ceux qui font tant de plaintes
N’ont pas el quart d’une vrai amitié,
Et n’ont pas tant de peine la moitié,
Comme leurs yeux, pour vous faire pitié,
Jettent de larmes feintes.
Ce n’est que feu de leurs froides chaleurs,
Ce n’est qu’horreur de leurs feintes douleurs,
Ce n’est encor de leurs soupirs et pleurs
Que vent, pluie et orages,
Et bref, ce n’est, à ouïr leurs chansons,
De leurs amours que flammes et glaçons,
Flèches, liens et mille autres façons
De semblables outrages.
De vos beautés, ce n’est que tout fin or,
Perles, cristal, marbre et ivoire encor,
Et tout l’honneur de l’Indique trésor,
Fleurs, lis œillets, et roses :
De vos douceurs, ce n’est que sucre et miel,
De vos rigueurs, n’est qu’aloès et fiel,
De vos esprits, c’est tout ce que le ciel
Tient de grâces encloses...
Je ris souvent, voyant pleurer ces fous,
Qui mille fois voudraient mourir pour vous,
Si vous croyez de leur parler si doux
Le parjure artifice ;
Mais, quant à moi, sans feindre ni pleurer,
Touchant ce point je vous puis assurer
Que je veux sain et dispos demeurer,
Pour vous faire service.
De vos beauté je dirai seulement
Que, si mon œil ne juge follement,
Votre beauté est jointe également
A votre bonne grâce ;
De mon amour, que mon affection
Est arrivée à la perfection
De ce qu’on peut avoir de passion
Pour une belle face.
Si toutefois Pétrarque vous plaît mieux,
Je reprendrai mon chant mélodieux,
Et volerai jusqu’au séjour des dieux
D’une aile mieux guidée ;
Là, dans le sein de leurs divinités,
Je choisirai cent mille nouveautés
Dont je peindrai vos plus grandes beautés
Sur la plus belle idée.