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TABLE DES SÉANCES 48 page

non pas à la praxis humaine, mais à une subjectivité humaine

donnée comme essentiellement primitive, soit soutenu dans une doctrine qui se qualifie marxiste, alors qu'il me semble qu'il suffit d'ouvrir le premier tome du Capital pour s'apercevoir que le premier pas

de l'analyse de MARX est très à proprement parler

à propos du caractère fétiche de la marchandise, d'aborder le problème très exactement au niveau propre et, comme tel, encore que le terme n'y soit pas dit, comme tel au niveau du signifiant.

 

Les rapports signifiants, les rapports de valeurs sont donnés d'abord, et toute la subjectivité, celle de la fétichisation éventuellement, vient s'inscrire à l'intérieur de cette dialectique signifiante.

Ceci ne fait pas l'ombre d'un doute. Ceci est une simple parenthèse, reflet que je déverse dans votre oreille, de mes indignations occasionnelles, et de l'ennui que je peux ressentir d'avoir perdu mon temps.

 

Maintenant essayons de nous servir de ce rapport

S en présence du (a) [S àa] qui est pour nous le support fantasmatique du désir. Il faut que nous l'articulions nettement, parce que (a), cet autre imaginaire, qu'est-ce que cela veut dire ?

 

Cela veut dire que quelque chose de plus ample qu'une personne peut s'y inclure, toute une chaîne, tout un scénario. Je n'ai pas besoin de revenir à cette occasion à ce que, l'année dernière, j'ai mis ici en avant à propos de l'analyse du Balcon de Jean GENET. Il suffit, pour donner son sens à ce que je veux dire en l'occasion, de renvoyer à ce que nous pouvons appeler « le bordel diffus », pour autant qu'il devient la cause de ce qu'on appelle chez nous le sacro-saint génital.

 

Ce qui est important dans cet élément à proprement parler structurel du fantasme imaginaire en tant qu'il se situe au niveau de (a), c'est d'une part

ce caractère opaque, celui qui le spécifie sous ses formes les plus accentuées comme le pôle du désir pervers,

en d'autres termes qui en fait l'élément structural des perversions et nous montre donc que la perversion se caractérise en ceci :

que tout l'accent du fantasme est mis du côté

du corrélatif proprement imaginaire de l'autre : (a),

ou de la parenthèse dans laquelle quelque chose qui est (a+b+c…) c'est toute la combinaison des objets

les plus élaborés qui peuvent se trouver là réunis selon l'aventure, les séquelles, les résidus

dans lesquels est venu se cristalliser la fonction

d'un fantasme dans un désir pervers.

 

Néanmoins ce qui est essentiel…

et ce qui est cet élément de phénoménologie auquel je faisais allusion tout à l'heure



…c'est de vous rappeler que si étrange, si bizarre que puisse être dans son aspect le fantasme du désir pervers, le désir y est toujours de quelque façon intéressé.

 

Intéressé dans un rapport qui est toujours lié au pathétique, à la douleur d'exister comme tel, d'exister tout purement, ou d'exister comme terme sexuel.

C'est évidemment dans la mesure où celui qui subit l'injure dans le fantasme sadique est quelque chose

qui intéresse le sujet en tant que lui-même peut être offert à cette injure, que le fantasme sadique subsiste.

 

Et de cette dimension on ne peut dire qu'une chose, c'est qu'on ne peut être que surpris que - même un seul instant - on ait pu penser à l'éluder en faisant de la tendance sadique quelque chose qui d'aucune façon puisse se rapporter à une pure et simple agression primitive.

 

Je ne m'étends que trop. Si je le fais, ce n'est que pour bien accentuer quelque chose qui est ce vers quoi il nous faut articuler maintenant la véritable opposition entre perversion et névrose.

 

Si la perversion est donc quelque chose d'articulé bien sûr…

et exactement du même niveau,

vous allez le voir, que la névrose

…quelque chose d'interprétable, d'analysable…

pour autant que dans les éléments imaginaires quelque chose se trouve d'un rapport essentiel du sujet à son être, sous une forme essentiellement localisée, fixée comme on l'a toujours dit

…la névrose se situe par un accent mis sur l'autre terme du fantasme, c'est-à­dire au niveau de l'S.

 

Je vous ai dit que ce fantasme comme tel se situe à l'extrême, à la pointe, au niveau de butée du reflet de l'interrogation subjective, pour autant que

le sujet tente de s'y ressaisir dans cet au-delà

de la demande, dans la dimension même du discours

de l'Autre où il a à retrouver ce qui a été perdu

par cette entrée dans le discours de l'Autre.

 

Je vous ai dit qu'au dernier terme ce n'est pas

du niveau de la vérité, mais de l'heure de la vérité qu'il s'agit.

 

C'est en effet essentiellement ce qui nous montre,

ce qui nous permet de désigner ce qui distingue

le plus profondément le fantasme de la névrose

du fantasme de la perversion.

Le fantasme de la perversion - vous ai-je dit –

est appelable, il est dans l'espace, il suspend

je ne sais quelle relation essentielle.

Il n'est pas à proprement parler a-temporel,

il est hors du temps.

 

Le rapport du sujet au temps, dans la névrose,

est justement ce quelque chose dont on parle trop peu et qui est pourtant la base même des rapports

du sujet à son objet au niveau du fantasme.

 

Dans la névrose, l'objet se charge de cette signification qui est à chercher dans ce que j'appelle l'heure de vérité.

L'objet y est toujours à l'heure d'avant, ou à l'heure d'après :

 

- si l'hystérie se caractérise par la fondation

d'un désir en tant qu'insatisfait,

 

- l'obsession se caractérise par la fonction d'un désir impossible.

 

Mais ce qu'il y a au-delà de ces deux termes est quelque chose qui a un rapport double et inverse…

dans un cas et dans l'autre

…avec ce phénomène qui affleure, qui pointe, qui se manifeste d'une façon permanente dans cette procrastination de l'obsessionnel par exemple, fondée sur le fait d'ailleurs qu'il anticipe toujours trop tard. De même que pour l'hystérique, il y a qu'il répète toujours ce qu'il y a d'initial dans son trauma, à savoir

un certain « trop tôt », une immaturation fondamentale.

 

C'est ici…

- dans ce fait que le fondement d'un comportement névrotique, dans sa forme la plus générale,

- et que dans son objet, le sujet cherche toujours à lire son heure, même si l'on peut dire qu'il apprend à lire l'heure,

…c'est en ce point que nous retrouvons notre HAMLET.

 

Vous verrez pourquoi HAMLET peut être gratifié,

qu'on peut lui prêter au gré de chacun, toutes

les formes du comportement névrotique aussi loin que vous les poussiez, à savoir jusqu'à la névrose de caractère.

Mais aussi bien, tout aussi légitimement, il y a

à cela une raison qui, elle, s'étale à travers toute l'intrigue et qui fait véritablement un des facteurs communs de la structure d'HAMLET :

- de même que le premier terme, le premier facteur était la dépendance par rapport au désir de l'Autre, au désir de la mère,

- voici le second caractère commun que je vous prie maintenant de retrouver à la lecture ou à la relecture d'HAMLET, HAMLET est toujours suspendu à l'heure de l'autre, et ceci jusqu'à la fin.

 

Vous rappelez-vous un des premiers tournants

que je vous ai arrêté en commençant de déchiffrer

ce texte d'HAMLET, celui après la play scene,

« la scène des comédiens » où le roi s'est troublé,

a dénoncé visiblement aux yeux de tous…

à propos de ce qui se produisait sur la scène

…son propre crime, qu'il ne pouvait en supporter

le spectacle.

 

HAMLET triomphe, exulte, bafoue celui qui ainsi s'est dénoncé, et sur le chemin qui le mène au rendez-vous déjà pris, avant la play scene, avec sa mère…

et dont tout un chacun presse

sa mère de hâter le terme

…sur le chemin de cette rencontre où va se dérouler la grande scène sur laquelle j'ai déjà tant de fois mis l'accent, il rencontre son beau-père, CLAUDIUS, en prière, CLAUDIUS ébranlé jusque dans ses fondements par ce qui vient de le toucher, en lui montrant le visage même, le scénario de son action.

 

HAMLET est là devant son oncle dont tout semble indiquer, même dans la scène, que non seulement

il est peu disposé à se défendre, mais même qu'il ne voit pas la menace qui pèse au-dessus de sa tête.

Et il s'arrête parce que ce n'est pas l'heure.

 

Ce n'est pas l'heure de l'autre.

Ce n'est pas l'heure où l'autre doit avoir à rendre ses comptes devant l'Éternel.

 

Cela serait trop bien d'un côté, ou trop mal de l'autre. Cela ne vengerait pas assez son père, parce que, peut-être dans ce geste de repentir qu'est la prière, s'ouvrirait pour lui la voie du salut.

 

Quoiqu'il en soit, il y a une chose certaine,

c'est qu'HAMLET qui vient de faire cette capture

de la conscience du roi…

 

« The play’s the thing Where in I'll catch the conscience of the king. »[87]

 

…qu'il se proposait, HAMLET s'arrête.

 

Il ne pense pas un seul instant que c'est maintenant son heure. Quoi qu'il puisse par la suite advenir,

ce n'est pas l'heure de l'autre, et il suspend son geste.

De même ce ne sera jamais - et toujours dans tout ce que fait HAMLET - qu'à l'heure de l'autre qu'il le fera.

 

Il accepte tout.

N'oublions pas tout de même, qu'au départ

et dans l'écœurement où il était déjà, avant même

la rencontre avec le ghost et le dévoilement du fond

du crime, de ces simples ré-épousailles de sa mère, il ne songeait qu'à une chose : partir pour Wittenberg.

 

C'est ce que quelqu'un illustrait récemment

pour commenter un certain style pratique qui tend

à s'établir dans les mœurs contemporaines, il faisait remarquer qu'HAMLET était le plus bel exemple

de ce que l'« on évite beaucoup de drames en donnant des passeports à temps ».

Si on lui avait donné ses passeports pour Wittenberg, il n'y aurait pas eu de drame.

 

C'est à l'heure de ses parents qu'il reste là.

C'est à l'heure des autres qu'il suspend son crime.

C'est à l'heure de son beau-père, qu'il s'embarque pour l'Angleterre. c'est à l'heure de ROSENCRANTZ et de GUILDENSTERN qu'il est amené, évidemment avec une aisance qui faisait l'émerveillement de FREUD, à les envoyer

au-devant de la mort grâce à un tour de passe-passe assez joliment accompli.

Et c'est quand même à l'heure d'OPHÉLIE aussi,

à l'heure de son suicide, que cette tragédie

va trouver son terme, dans un moment où HAMLET,

qui vient - semble-t­il - d'apercevoir que cela

n'est pas difficile de tuer quelqu'un, « le temps de dire one »,

il n'aura pas le temps de « faire ouf ».

 

Et pourtant on vient de lui annoncer quelque chose

qui ne ressemble en rien à une occasion de tuer CLAUDIUS. On vient de lui proposer un très joli tournoi

dont tous les détails ont été minutieusement minutés, préparés, et dont les enjeux sont constitués

par ce que nous appellerons au sens collectionniste du terme, une série d'objets qui sont tous

à caractère d'objets précieux, d'objets de collection.

 

Il faudrait reprendre le texte, il y a même là des raffinements, nous entrons dans le domaine de la collection. Il s'agit d'épées, de dragonnes, de choses qui n'ont de valeur que comme objets de luxe.

Et ceci va fournir l'enjeu d'une sorte de joute

dans laquelle HAMLET en fait est provoqué

sur le thème d'une certaine infériorité

dont on lui accorde le bénéfice du challenge.

 

C'est une cérémonie compliquée, un tournoi qui, bien entendu, pour nous, est le piège où il doit tomber, qui a été fomenté par son beau-père et son ami LAERTE, mais qui pour lui, n'oublions pas, n'est rien d'autre que d'accepter encore de faire l'école buissonnière,

à savoir : « on va beaucoup s'amuser ».

 

Quand même il ressent au niveau du cœur un petit avertissement. Il y a là quelque chose qui l'émeut. La dialectique du pressentiment à ce moment - du héros - vient ici donner un instant son accent au drame.

 

Mais tout de même, essentiellement, c'est encore

« à l'heure de l'autre » et…

d'une façon encore bien plus énorme

…pour soutenir la gageure de l'autre…

car ce ne sont pas ses biens qui sont engagés, c'est au bénéfice de son beau-père, et lui-même comme tenant de son beau-père

…qu'il va se trouver entrer dans cette lutte…

courtoise en principe

…avec celui qui est présumé être plus fort que lui

en escrime et, comme tel, va susciter en lui

les sentiments de rivalité et d'honneur au piège desquels on a calculé qu'on le prendrait sûrement.

 

Il se précipite donc dans le piège.

Je dirais que ce qu'il y a de nouveau à ce moment-là, c'est seulement l'énergie, le cœur avec lequel

il s'y précipite.

 

Jusqu'au dernier terme,

jusqu'à l'heure dernière,

jusqu'à l'heure qui est tellement déterminante qu'elle va être sa propre heure…

à savoir qu'il sera atteint mortellement

avant qu'il puisse atteindre son ennemi

…c'est « à l'heure de l'autre » que la tragédie poursuit tout le temps sa chaîne, et s'accomplit.

Ceci est, pour concevoir ce dont il s'agit,

un cadre absolument essentiel.

 

C'est en ceci que la résonance du personnage

et du drame d'HAMLET, est la résonance même, métaphysique, de la question du héros moderne,

pour autant qu'en effet quelque chose pour lui

a changé dans son rapport à son destin.

 

Je vous l'ai dit, ce qui distingue HAMLET d'ŒDIPE, c'est que lui, HAMLET, sait.

Et ceci d'ailleurs explique avant tout…

menés en ce point cœur

…ce que nous venons de désigner être des traits de surface.

 

Par exemple, la folie d'HAMLET.

Il y a des héros tragiques, dans la tragédie antique, qui sont fous mais, à ma connaissance, il n'y en a pas

je dis dans la tragédie,

je ne parle pas des textes légendaires

qui fassent le fou comme tel.

 

Est-ce qu'on peut dire que tout dans la folie d'HAMLET se résume à faire le fou ?

C'est une question que nous allons maintenant

nous poser. Mais il fait le fou parce qu'il sait qu'il est le plus faible.

Et ceci n'a d'intérêt à être pointé…

vous voyez que, tout superficiel que ce soit,

je le pointe maintenant

…non pas parce que cela va plus avant dans notre direction, mais seulement parce que c'est secondaire.

 

Ce n'est cependant pas secondaire en ceci…

il faut réfléchir à ceci si nous voulons comprendre ce que SHAKESPEARE a voulu dans HAMLET

…c'est que c'est le trait essentiel de la légende originale, ce qu'il y a dans SAXO GRAMMATICUS et dans BELLEFOREST.

 

SHAKESPEARE a choisi le sujet d'un héros contraint, pour poursuivre les cheminements qui l'amènent

au terme de son geste, à faire le fou.

 

Ceci est une dimension proprement moderne.

Celui qui sait est dans une position si dangereuse, comme tel tellement désigné pour l'échec et le sacrifice, que son cheminement doit être - comme dit quelque part PASCAL - « d'être fou avec les autres »[88]

 

Cette façon de faire le fou qui est un des enseignements, une des dimensions de ce que je pourrais appeler

la politique du héros moderne, est quelque chose

qui mérite de n'être pas négligé si nous pensons

que c'est ce dont s'est saisi SHAKESPEARE au moment où il veut faire la tragédie d'HAMLET.

 

Ce que lui offrent les auteurs, c'est essentiellement cela. Et il ne s'agit que de cela, de savoir ce que ce fou a derrière la tête. Que ce soit à l'intérieur de cela que SHAKESPEARE ait choisi son sujet

est un point tout à fait essentiel.

 

Nous voici maintenant arrivés au point où OPHÉLIE a à remplir son rôle. Si la pièce a vraiment tout ce que je viens déjà de vous développer dans sa structure, en fin de compte à quoi bon ce personnage d'OPHÉLIE ?

 

Je rappelle ce que certains me reprochent de n'avoir avancé qu'avec une certaine timidité, je ne crois pas que j'ai fait preuve d'une exceptionnelle timidité.

 

Je ne voudrais pas vous encourager à cette sorte

de calembredaine dont les textes psychanalytiques fourmillent littéralement, je suis seulement étonné qu'on n'ait pas donné qu'OPHÉLIE est l’ὀμϕαλός [omphalos][89] parce qu'on en trouve d'aussi gros et d'aussi énormes, des « pas piqués des hannetons », à seulement ouvrir

les Unfinished papers on HAMLET qu'Ella SHARPE a peut-être laissés regrettablement inachevés avant sa mort,

et qu'on a peut-être eu tort de publier.

Mais OPHÉLIE est évidemment essentielle.

Elle correspond à ça, et est liée à jamais,

pour les siècles à la figure d'HAMLET.

 

Je veux simplement…

puisqu'il est assez tard pour que je ne puisse pas en finir aujourd'hui avec OPHÉLIE

…vous scander ce qui se passe le long de la pièce.

 

OPHÉLIE, nous en entendons d'abord parler comme

de la cause du triste état d'HAMLET.

Cela c'est la sagesse psychanalytique de POLONIUS :

 

« Il est triste, c'est parce qu'il n'est pas heureux. il n'est pas heureux, c'est à cause de ma fille. Vous ne la connaissez pas ? C'est la fine fleur, et comme de bien entendu, moi,

le père, je ne tolérerai pas cela ! »

 

On la voit apparaître à propos de quelque chose qui en fait déjà une personne très remarquable, à savoir à propos d'une observation clinique, que c'est elle qui a eu le bonheur d'être la première personne qu'HAMLET a rencontrée après la rencontre avec le ghost.

 

C'est-à-dire qu'à peine sorti de cette rencontre qui avait quand même quelque chose d'assez secouant, il a rencontré OPHÉLIE. Et la façon dont

il se comporte avec OPHÉLIE est quelque chose qui,

je crois, vaut la peine d'être rapportée :

 

« My lord, as I was sewing in my closet, Monseigneur, comme j'étais à coudre dans ma chambre,

Le seigneur HAMLET, son pourpoint tout défait, Point de chapeau sur la tête, les bas crottés et qui sans jarretières tombaient sur ses talons, Pale as bis shirt, bis knees knocking each other, Pale comme sa chemise, ses genoux s'entrechoquant, Et l'air aussi malheureux que s'il eut été délivré de l'enfer pour parler de ses horreurs, Le voilà qui vient à moi [...).

 

He took me by the wrist and held me the hard, Il me prend par le poignet et le serre bien fort,

Then gœs he to the length of all his arms, Il se recule de toute la longueur de son bras, And with his other hand thus o'er his brow, Avec son autre main sur les sourcils, He falls to such perusal of my face, Il tombe dans un tel examen de ma figure, comme s'il voulait la dessiner.

Il se tient longuement ainsi, Et à la fin, me secouant légèrement le bras, Et par trois fois hochant la tête de haut en bas, And thrice his head thus waving up and down, Il exhala un soupir si triste et si profond que ce soupir parut ébranler tout son être et terminer sa vie; Après quoi il me lâche: Et toujours regardant par dessus son épaule, He seem'd to find his way without his eyes, Il paraît trouver son chemin sans l'aide de ses yeux, Hors de la porte et jusqu'à la fin il les tient fixes sur moi . »

[II, 1, 87-100]

 

Aussitôt POLONIUS s'écrie : « c'est l'amour ! »

 

Cette observation et, je crois, cette interrogation, cette distance prise à l'objet comme pour procéder

à je ne sais quelle identification désormais difficile, cette vacillation en présence de ce qui jusqu'alors

a été l'objet d'exaltation suprême, est quelque chose qui nous donne le premier temps, « estrangement »[90] si l'on peut dire.

 

Nous ne pouvons pas en dire plus.

 

Néanmoins je crois, jusqu'à un certain point,

que nous ne forçons rien en désignant comme proprement pathologique ce qui se passe dans ce moment, qui témoigne d'un grand désordre d'HAMLET dans sa tenue, et en le rendant parent de ces périodes d'irruption de désorganisation subjective quelle qu'elle soit.

 

Il se passe pour autant que quelque chose vacille dans le fantasme,

y fait apparaître ses composantes, les fait apparaître

et recevoir dans quelque chose qui se manifeste dans ces symptômes comme ce qu'on appelle une expérience de dépersonnalisation, et qui est ce par quoi les limites imaginaires entre le sujet et l'objet trouvent

à se changer, au sens propre du terme,

dans l'ordre de ce qu'on appelle le fantastique.

 

C'est bien proprement quand quelque chose dans

la structure imaginaire du fantasme trouve à

se rejoindre, à communiquer avec ce qui parvient beaucoup plus aisément au niveau du message, à savoir ce qui vient en-dessous, à ce point-là qui est l'image de l'autre, en tant que cette image de l'autre c'est mon propre moi.

 

C'est ce dans quoi les auteurs comme FEDERN marquent avec beaucoup de finesse les corrélations nécessaires entre le sentiment du propre corps et l'étrangeté de ce qui parvient dans une certaine crise, dans une certaine rupture, dans une certaine atteinte de l'objet comme tel, et d'un niveau spécifié que nous trouvons là.

 

Peut-être ici forçé-je un peu les choses dans

le dessein de vous intéresser, je veux dire dans

le dessein de vous montrer en quoi ceci se rapporte

à des expériences électives de notre clinique.

Nous y reviendrons sans doute.

 

Dites-vous qu'il est impossible en tout cas, sans cette référence à ce schéma pathologique, à ce drame, de bien situer ce qui a été promu pour la première fois par FREUD au niveau analytique sous le nom de Unheimliche. Ce n'est pas lié, comme certains l'ont cru, à toutes sortes d'irruptions de l'inconscient.

 

C'est lié à cette sorte de déséquilibre qui se produit dans le fantasme, et pour autant que le fantasme, franchissant les limites qui lui sont d'abord assignées, se décompose et vient retrouver ce par quoi il rejoint l'image de l'autre.

En fait, ceci n'est qu'une touche.

 

Dans le cas d'HAMLET, nous trouvons après, quelque chose en quoi OPHÉLIE est complètement dissoute en tant qu'objet d'amour.

 

« I did love you once. Je vous aimais autrefois. [III, 1] », dit HAMLET.

 

Et les choses passent dans les rapports avec OPHÉLIE dans ce style d'agression cruelle, de sarcasmes poussés très loin, qui n'en fait pas les scènes

les moins étranges de toute la littérature classique.

 

Car si on a pu voir jouer sur cette corde dans

des pièces extrêmes, dans quelque chose qui se situe avec ce caractère vraiment central, milieu,

de la scène tragique de la pièce d'HAMLET, une scène comme celle qui a eu lieu entre HAMLET et OPHÉLIE n'est pas une scène banale.

 

Ça, c'est ce qui caractérise cette attitude par quoi nous trouvons trace de ce que j'indiquais tout à l'heure comme déséquilibre de la relation fantasmatique en tant qu'il verse vers l'objet côté pervers.

C'est un des traits de cette relation.

Un autre des traits, c'est que cet objet

dont il s'agit n'est plus du tout traité

comme il pouvait l'être, comme une femme.

 

Elle devient pour lui la porteuse d'enfants, de tous les péchés, celle qui est désignée pour engendrer les pécheurs et celle qui est désignée ensuite comme devant succomber sous toutes les calomnies.

Elle devient le pur et simple support d'une vie qui, dans son essence, devient pour HAMLET condamnée.

 


Date: 2016-03-03; view: 447


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