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TABLE DES SÉANCES 49 page

Bref, ce qui se produit à ce moment, c'est cette

destruction ou perte de l'objet qui est réintégrée dans

son cadre narcissique. Pour le sujet il apparaît,

si je puis dire, au-dehors.

 

Ce dont il est l'équivalent, selon la formule

que j'employais tout à l'heure, ce dont il prend

la place, et ce qui ne peut être donné au sujet

qu'au moment où littéralement il se sacrifie,

où il ne l'est plus lui-même, où il le rejette de tout son être, il est bien et uniquement le phallus.

 

En quoi OPHÉLIE est à ce moment-là le phallus,

c'est en ceci, et pour autant qu'ici le sujet extériorise le phallus en tant que symbole signifiant

de la vie et que comme tel il le rejette.

Ceci c'est le deuxième temps de la relation à l'objet.

 

Le temps un peu avancé me fait scrupule de vous donner toutes les coordonnées, et j'y reviendrai.

Que c'est bien de cela qu'il s'agit, c'est-à-dire d'une transformation de la formule Sàφ, (φ : le phallus)

et sous la forme du rejet, ceci est démontré une fois que vous vous en êtes aperçu, par tout à fait autre chose que l'étymologie d'OPHÉLIE.

D'abord parce qu'il ne s'agit que de cela,

à savoir de la fécondité.

 

« La conception est une bénédiction… [Conception is a blessing…]

dit HAMLET à POLONIUS

mais prenez garde à votre fille. » […but not as your daughter may conceive. Friend, look to't. (II, 2) ]

 

Et tout le dialogue avec OPHÉLIE est bien la femme conçue ici uniquement comme le porteur de cette turgescence vitale qu'il s'agit de maudire et de tarir. Une nunnery peut aussi bien à l'époque désigner un bordel [III, 1, 121-141], l'usage sémantique le montre.

 

D'autre part, l'attitude d'HAMLET avec OPHÉLIE

dans la play scene est aussi quelque chose où se désigne

ce rapport entre le phallus et l'objet.

 

Là, parce qu'il est devant sa mère et expressément

en tant qu'il est devant sa mère, en lui disant :

« …il y a ici un métal qui m'attire plus que vous. » [ III, 2 ]

 

il va situer sa tête entre les jambes…

« Lady, shall I lie in your lap ? » [ III, 2 ]

…d'OPHÉLIE, en le lui demandant expressément.

 

Le rapport phallique de l'objet du désir est aussi clairement indiqué à ce niveau-là, et ne se trouve pas non plus superflu d'indiquer…

puisque l'iconographie en a fait un tel état

…que parmi les fleurs avec lesquelles OPHÉLIE

va se noyer, il est expressément mentionné que

les « dead men’s fingers »[91] dont il s'agit sont désignées

d'une façon plus grossière par les gens du commun.



 

Cette plante dont il s'agit est l'orchis mascula.

 

Il s'agit de quelque chose qui a un rapport quelconque avec la mandragore qui fait que ceci

a quelque rapport avec l'élément phallique.

 

J'ai cherché ceci dans le New English Dictionnary,

mais j'ai été très déçu, car encore que ceci soit cité en référence au terme finger, il n'y a aucune allusion à ce à quoi SHAKESPEARE fait allusion

par cette appellation.

 

Troisième temps qui est celui où je vous ai déjà plusieurs fois amenés et où je vais une fois de plus vous quitter, le temps de la scène du cimetière.

 

C'est à savoir le lien en valeur entre quelque chose qui se pose comme une réintégration de (a) et la possibilité enfin pour HAMLET de boucler la boucle, c'est-à-dire enfin de se précipiter vers son destin.

 

Ce troisième temps, pour autant qu'entièrement gratuit, absolument capital, car toute la scène du cimetière est faite pour qu'elle se produise, cette chose que SHAKESPEARE n'a trouvé nulle part ailleurs :

cette sorte de bataille furieuse au fond d'une tombe sur laquelle j'ai déjà insisté.

 

Cette désignation comme d'une pointe de la fonction de l'objet comme n'étant ici reconquis qu'au prix

du deuil et de la mort, c'est là-dessus que je pense qu'enfin je pourrai achever la prochaine fois.

 

22 Avril 1959Table des séances

 

HAMLET ( 6 )

 

HAMLET, nous l'avons dit, ne peut supporter

le rendez-vous. Le rendez-vous est toujours trop tôt pour lui, et il le retarde.

 

Cet élément de la procrastination ne peut pas, d'aucune façon…

encore que certains auteurs, dans une littérature que j'ai de plus en plus, au cours de cette étude, approfondie…

…être écarté. La procrastination reste une des dimensions essentielles de la tragédie d'HAMLET.

 

Quand il agit par contre, c'est toujours avec précipitation. Il agit quand tout d'un coup, il semble qu'une occasion s'offre, quand je ne sais quel appel de l'événement au-delà de lui-même, de sa résolution, de sa décision, semble lui offrir je ne sais quelle ouverture ambiguë qui est proprement pour nous, analystes, ce qui a introduit dans la dimension de l'accomplissement cette perspective que nous appelons la fuite.

 

Rien n'est plus net que ce moment où il se précipite sur ce quelque chose qui remue derrière la tapisserie,

où il tue POLONIUS.

 

En d'autres moments aussi, la façon quasi mystérieuse

je dirai presque en état second, quand la nuit

il se réveille sur ce bateau dans la tempête

…dont il va vérifier les messages, rompre les sceaux du message dont GUILDENSTERN et ROSENCRANTZ sont porteurs, et la façon aussi quasi automatique dont

il substitue un message à un autre, refait grâce à

sa bague le sceau royal, et va rencontrer aussi

cette prodigieuse occasion de l'enlèvement par

les pirates pour fausser compagnie à ses gardiens qui iront sans s'en douter vers leur propre exécution.

Nous avons là quelque chose d'une vraie phénoménologie

puisqu'il faut appeler les choses par leur nom

…dont nous savons tout l'accent facilement reconnaissable, presque familier, de notre expérience, comme aussi bien à nos conceptions, dans la relation avec la vie du névrosé.

 

C'est ce que la dernière fois j'ai essayé de vous faire sentir au-delà de ces caractéristiques

si sensibles, dans cette référence structurale qui parcourt toute la pièce : HAMLET est toujours à l'heure de l'Autre.

 

Bien sûr ce n'est là qu'un mirage, car l'heure de l'Autre

et c'est aussi ce que je vous ai expliqué lorsque j'ai appelé la réponse dernière dans ce signifiant de l'Autre barré :

il n'y a pas - vous ai-je dit - d'Autre de l'Autre. Il n'y a pas, dans

le signifiant lui-même, de garant de la dimension de vérité instaurée par le signifiant

…il n'y a que la sienne d'heure, et il n'y a aussi qu'une seule heure : c'est l'heure de sa perte.

 

Et toute la tragédie d'HAMLET est de nous montrer

le cheminement implacable d'HAMLET vers cette heure.

Ce qui spécifie sa destinée, ce qui en fait la valeur hautement problématique, qu'est-ce donc ?

 

Car ce rendez-vous avec l'heure de sa perte,

n'est pas seulement le sort commun qui est significatif pour toute destinée humaine. La fatalité d'HAMLET

a un signe particulier car elle n'aurait pas

pour nous autrement cette valeur éminente.

C'est là donc que nous en sommes. C'est là que nous en étions à la fin de notre discours la dernière fois.

 

Qu'est-ce qui manque à HAMLET ?

Et jusqu'à quel point le dessein de la tragédie d'HAMLET telle que SHAKESPEARE nous l'a composée, nous permet-il une articulation, un repérage de

ce manque qui va au-delà des approximations

dont toujours nous nous contentons et qui aussi bien, pour ce que nous nous contentions qu'elles soient approximatives, font aussi le flou, pas seulement de notre langage : de notre conduite, de nos suggestions - il faut le dire - à l'endroit du patient.

 

 

Commençons tout de même par cette approximation

dont il s'agit.

 

On peut le dire, ce qui manque c'est à tout instant, chez HAMLET…

ce que nous pourrions appeler d'un langage communicatif, dans le langage de tous les jours

…cette sorte de fixation d'un but, d'un objet dans son action qui comporte toujours quelque part de ce qu'on appelle arbitraire.

 

HAMLET, nous l'avons vu…

nous avons même commencé d'explorer pourquoi

…est quelqu'un…

comme le disent les bonnes femmes

…qui « ne sait pas ce qu'il veut ».

 

Et en quelque sorte cette première dimension est par lui, dans le discours que lui fait tenir SHAKESPEARE, présentifiée. Elle est présentifiée à un certain tournant qui est bien significatif d'ailleurs.

C'est le tournant de son éclipse dans sa tragédie.

 

Je veux dire pendant le court moment où il ne va pas être là, où il va faire ce circuit marin duquel il va revenir excessivement vite, à peine sorti du port,

où il va faire ce voyage vers l'Angleterre,

sur les ordres du roi, toujours obéissant.

 

Il croise les troupes de FORTINBRAS qui est là dans l'arrière-plan de la tragédie, évoqué dès le début, et qui à la fin vient faire le ménage sur la scène, ramasser les morts, remettre en ordre les dégâts.

 

Et voici comment notre HAMLET parle de ce FORTINBRAS. Il est frappé de voir ces troupes vaillantes qui vont conquérir quelques arpents de Pologne au nom

d'un prétexte guerrier plus ou moins futile qui est celui d'une occasion de retour sur lui-même.

 

« La moindre occasion m'accuse, Elle éperonne ma vengeance qui s'engourdit ! Qu'est-ce qu'un homme si son bonheur suprême, si l'emploi de son temps est seulement manger et dormir ?

Une bête sans plus. Celui qui mit en nous cet œil de la raison… »

En anglais, c'est:

 

« Sure he that made us with such large discourse, Looking before and after, gave us not
That capability and godlike reason To fust in us unused.
»

 

Ce que le traducteur transcrit par : « …la raison

 

c'est le grand discours, le discours fondamental, ce que j'appellerai ici le discours concret

 

qui nous fait voir devant et derrière, et nous donne cette capacité

 

ici le mot raison vient à sa place

 

ne nous a sûrement pas fait ce don divin pour que faute d'emploi il moisisse en nous.

Or - ditHAMLET - soit oubli bestial, bestial oblivion

 

c'est un des mots clefs de la dimension

de son être dans la tragédie

 

soit lâche scrupule, craven scruple, qui trop minutieux envisage l'issue, - pensée qui mise en quatre, a un quart de sagesse contre trois quart de lâcheté - je vis disant, je ne sais trop pourquoi,

« cette chose est à faire », « This thing's to do », quand j'ai mieux de la faire et le puis, Sith I have cause, and will, and strength, and means, To do't. Quand j'ai la raison, la cause, la volonté, la force et les moyens de la faire. Des exemples gros comme le monde m'y convient, comme ces grosses et onéreuses armées conduites par un tendre et délicat prince, dont l'esprit, au souffle d'une ambition divine, nargue le dénouement invisible, exposant sa faiblesse débile et mortelle aux audaces de la fortune, du danger et de la mort, even for an egg-shell, pour une coquille vide.

Être grand, sans conteste ce n'est point de s'émouvoir sans grand sujet, c'est de trouver ce grand sujet dans un fétu quand l'honneur est en jeu. Rightly to be great is not to stir without great argument, but greatly to find quarrel in a straw When honour's at the stake. Que suis-je moi si mon père tué et ma mère salie, deux motifs, ma raison et mon sang laissent tout sommeiller, quand je vois à ma honte le trépas imminent de plus de vingt mille hommes qui pour un fantôme de gloire vont au tombeau ainsi qu'au lit, en combattant pour un lopin sur lequel ne peut lutter leur nombre, dont la capacité comme tombe ne peut tenir les morts, Which is not tomb enough and continent to hide the slain ? Et que dorénavant mes pensées soient de sang ou qu'elles ne soient dignes de rien. O, from this time forth, My thoughts be bloody, or be nothing worth. » [ IV, 4, 32-66 ]

 

Telle est la méditation d'HAMLET sur ce que j'appellerais « l'objet de l'action humaine », cet objet qui ici, laisse la porte ouverte à ce que j'appellerai toutes les particularisations auxquelles nous nous arrêtons.

 

Nous appellerons cela l'oblativité :

verser son sang pour une noble cause, l'honneur. L'honneur est aussi désigné : être engagé par sa parole.

Nous appellerons cela le don.

En tant qu'analystes effectivement, nous ne pouvons pas ne pas rencontrer ces déterminations concrètes, ne pas être saisis de leur poids, qu'il soit de chair ou d'engagement. Ce que j'essaye de vous montrer ici, c'est quelque chose qui de tout cela n'est pas seulement la forme commune, le plus petit commun dénominateur.

 

Il ne s'agit pas seulement d'une position, d'une articulation qui pourrait se caractériser comme un formalisme,

quand je vous écris la formule Sàa mise au terme

de cette question que le sujet pose dans l'Autre qui, s'adressant à lui, s'appelle le « Que veux-tu ? ».

 

Cette question qui est le « Che vuoi ? » où le sujet est à la recherche de son dernier mot, et qui n'a aucune chance :

 

- hors de l'exploration de la chaîne inconsciente en tant qu'elle parcourt le circuit de la chaîne signifiante supérieure, mais qui n'est…

hors conditions spéciales que nous appelons analytiques

…rien qui ne soit effectivement ouvert à l'investigation,

 

- hors ce secours de la chaîne inconsciente en tant qu'elle a été, par l'analyste, par l'expérience freudienne découverte.

 

 

Ce à quoi nous avons affaire, c'est ce quelque chose à quoi peut s'accorder, dans un court circuit imaginaire, dans le rapport à mi-chemin de ce circuit du désir [d] avec ce qui est en face, à savoir

le fantasme [S àa] et la structure du fantasme…

sa structure générale, c'est ce que j'exprime

…à savoir un certain rapport du sujet au signifiant, c'est ce qui est exprimé par le S, c'est le sujet

en tant qu'il est affecté irréductiblement par le signifiant avec toutes les conséquences que ceci comporte

…dans un certain rapport spécifique avec une conjoncture imaginaire dans son essence : (a),

non pas l'objet du désir, mais l'objet dans le désir.

 

C'est de cette fonction de l'objet dans le désir qu'il s'agit d'approcher.

C'est pour autant que la tragédie d'HAMLET nous permet de l'approcher, de l'articuler d'une façon exemplaire que nous nous penchons avec cet intérêt insistant sur la structure de l'œuvre de SHAKESPEARE.

 

Approchons plus près.

Sàa comme tel signifie ceci :

 

- c'est en tant que le sujet est privé de quelque chose de lui-même qui a pris valeur du signifiant même de son aliénation, (ce quelque chose c'est le phallus)

 

- c'est en tant donc que le sujet est privé de quelque chose qui tient à sa vie même, parce que ceci a pris valeur de ce qui le rattache au signifiant

 

- c'est en tant qu'il est dans cette position qu'un objet particulier devient objet de désir.

 

Être objet de désir est quelque chose d'essentiellement différent d'être l'objet d'aucun besoin.

 

C'est de cette subsistance de l'objet comme tel,

de l'objet dans le désir, dans le temps, qu'il vient prendre la place

de ce qui, au sujet, reste de par sa nature masqué.

Ce sacrifice de lui-même, cette « livre de chair » engagée dans son rapport au signifiant, c'est parce que quelque chose vient prendre la place de ça,

que ce quelque chose devient objet dans le désir.

 

Et ceci qui est si profondément énigmatique d'être dans son fond une relation au caché, à l'occulté, c'est parce qu'il en est ainsi, c'est parce que…

si vous me permettez une formule qui est de celles qui viennent sous ma plume dans mes notes et qui me revient là, mais n'en faites pas

une formule doctrinale, prenez­là tout au plus pour une image

…c'est en tant que la vie humaine pourrait se définir comme un calcul dont le zéro serait irrationnel.

 

Cette formule n'est qu'une métaphore mathématique et il faut donner ici à l'irrationnel son sens mathématique. Je ne fais pas ici allusion à je ne sais quel affectif insondable, mais à quelque chose qui se manifeste à l'intérieur même des mathématiques sous la forme équivalente de ce qu'on appelle un nombre imaginaire qui est √-1.

 

Car il y a quelque chose qui ne saurait correspondre à quoi que ce soit d'intuitivable, et qui pourtant veut être gardé avec sa pleine fonction.

C'est ce rapport, dis-je :

de l'objet avec cet élément caché du support vivant du sujet, pour autant

que prenant fonction de signifiant il ne peut pas être subjectivité comme tel.

 

C'est parce qu'il en est ainsi que cette structure, de la même façon, dans le même rapport où nous sommes avec la √-1…

qui est quelque chose qui en soi ne saurait correspondre à rien de réel au sens aussi mathématique du terme

…c'est justement aussi à cause de cela que nous ne pouvons saisir la véritable fonction de l'objet

qu'en faisant le tour d'une série de ses relations possibles avec le S, c'est-à-dire avec le S qui…

au point précis où le (a) prend le maximum de sa valeur

…ne peut être qu'occulté.

Et c'est justement ce tour des fonctions de l'objet, ce serait beaucoup de dire que la tragédie d'HAMLET nous le fait fermer, mais assurément en tout cas

elle nous permet d'aller beaucoup plus loin

que l'on n'est jamais allé par aucune voie.

 

Partons de la fin, du point de rencontre, de l'heure du rendez-vous, de cet acte où, en fin de compte, vous devez bien vous rendre compte que l'acte terminal, celui où enfin il jette, pour prix de son action accomplie, tout le poids de sa vie, cet acte mérite d'être appelé acte qu'il active et qu'il subit.

 

Il y a bien tout autour de cet acte un côté d'hallali.

Au moment où son geste s'accomplit, il est aussi bien le cerf forcé de DIANE. Il est celui autour duquel

se resserre le complot ourdi…

je ne sais pas si vous vous en rendez compte

…avec un cynisme et une méchanceté incroyable,

entre CLAUDIUS et LAERTE, quelles que puissent être les raisons de l'un et de l'autre, probablement

y étant impliquée aussi cette sorte de tarentule,

le courtisan ridicule qui est venu lui proposer

le tournoi où se cache le complot.

 

Telle est la structure.

Elle est des plus claires.

Le tournoi qui lui est proposé le met en position

de champion d'un autre. J'ai déjà insisté là-dessus.

 

Il est le tenant du pari, de la gageure de son oncle et beau-père, CLAUDIUS. Il se passe quelque chose

sur quoi j'ai insisté déjà la dernière fois, c'est à savoir

pour des enjeux, des objets(a) qui se caractérisent

là avec tout leur éclat, à savoir que comme tous les objets et tous les enjeux, ils sont essentiellement d'abord dans le monde du désir humain caractérisés par ce que la tradition religieuse…

dans des représentations exemplaires

…nous apprend à nommer une vanitas, une sorte de tapisserie au petit point. C'est l'accumulation

de tous les objets de prix qui sont là et mis dans une balance en face de la mort.

 

Il a gagé avec LAERTE six chevaux de Barbarie contre lesquels il a mis en balance six rapières et

des poignards français, à savoir tout un attirail de duelliste, avec tout ce qui en dépend, comme ce qui sert à les pendre, leurs fourreaux, je pense. [ V, 2, 141 ]

 

Et particulièrement, il y en a trois qui ont ce que le texte appelle des « carriages ». Ce mot « carriage »

est une forme particulièrement précieuse d'exprimer une sorte de boucle dans laquelle doit pendre l'épée. C'est un mot de collectionneur qui fait ambiguïté avec l'affût du canon, de sorte qu'il s'établit

tout un dialogue entre HAMLET et celui qui vient

lui rapporter les conditions du tournoi.

 

Pendant un assez long dialogue tout est fait pour faire miroiter devant vos yeux la qualité, le nombre, la panoplie de ces objets, donnant tout son accent à cette sorte d'épreuve dont je vous ai dit le caractère paradoxal, voire absurde, ce tournoi qui vient

se proposer à HAMLET.

 

Et pourtant HAMLET semble une fois de plus tendre

le cou, comme si rien en somme ne pouvait en lui s'opposer à une sorte de disponibilité fondamentale. Sa réponse est là tout à fait significative.

 

« Monsieur, je vais me tenir dans cette salle n'en déplaise à sa Majesté, c'est mon heure de délassement; qu'on apporte les fleurets, au bon vouloir du gentilhomme, et si le roi persiste dans sa décision, je le ferai gagner si je peux; sinon, je ne gagnerai rien que ma courte honte et les bottes reçues. » [ V, 2, 164-68 ]

 

Voilà donc quelque chose qui, dans l'acte terminal,

nous montre la structure même du fantasme :

au moment où il est à la pointe de sa résolution, enfin, comme toujours à la veille de sa résolution, le voilà qui se loue littéralement à un autre

et encore pour rien, de la façon la plus gratuite, cet autre étant justement son ennemi et celui

qu'il doit abattre.

 

Et ceci, il le met en balance avec les choses

du monde, premièrement qui l'intéressent le moins,

à savoir que ce n'est pas à ce moment-là

tous ces objets de collection qui sont sa préoccupation majeure,

mais qu'il va s'efforcer de gagner pour un autre.

 

Sans doute à l'étage au-dessous il y a quelque chose dont les autres pensent que c'est avec cela qu'on va le captiver, et à quoi bien entendu il n'est pas tout à fait étranger, non pas comme les autres le pensent, mais quand même sur le même plan où les autres

le situent, à savoir qu'il est intéressé d'honneur…

c'est-à-dire à un niveau de ce que

HEGEL appelle « la lutte de pur prestige »

…intéressé d'honneur dans ce qui va l'opposer

à un rival d'autre part admiré.

 

Et nous ne pouvons pas ne pas nous arrêter un instant à la sûreté de cette connection mise là,

poussée en avant par SHAKESPEARE.

Vous y reconnaissez quelque chose qui est ancien

dans notre discours, dans notre dialogue, à savoir

le stade du miroir.

 

Que LAERTE à ce niveau soit son semblable,

c'est ce qui est expressément articulé dans le texte.

C'est articulé d'une façon indirecte, je veux dire

à l'intérieur d'une parodie.

 

C'est quand il répond à ce courtisan trop borné, qui s'appelle OSRIC, et qui vient lui proposer le duel, lui parler de son adversaire en commençant à faire jouer devant ses yeux la qualité éminente de celui auquel il aura à montrer son mérite. Il lui coupe la parole en faisant encore mieux que lui :

 

« Sir, his definement suffers no perdition in you, Monsieur, sa représentation ne souffre point en vous de défaillance, si comme je le sais, diviser ses mérites pour en faire l'inventaire doit dépasser l'arithmétique de la mémoire, et cependant ne saurait le désemparer, si merveilleusement grande

est la rapidité de ses voiles. » [ V, 2, 110 ]

 

C'est un discours extrêmement précieux qu'il poursuit, très alambiqué, qui parodie en quelque sorte le style de son interlocuteur, et par lequel il conclut :

 

« I take him to be a soul of great article, je tiens que son âme est une âme d'assez grand prix,

et qu'en lui est infuse une telle rareté et un tel prix que pour faire de lui prononciation véritable,

son semblable ne peut être que son miroir, et qui d'autre pourrait tracer son portrait sinon

à être sa propre ombre et rien de plus. » [ V, 2, 113-117 ]

 

Bref, la référence à l'image de l'autre [i(a)]comme étant


Date: 2016-03-03; view: 505


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