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A- La délicate distinction entre actes préparatoires et commencement d’exécution

I- Le principe générale d’exclusion de la répression pénale des actes préparatoires

 

 

On l’a vu les actes préparatoires, en droit pénal français, sont en-dehors du champ pénal puisque l’Article 121-5 CP ne réprime qu’à partir du « commencement d’exécution ».

Molinier définissait les actes préparatoires de la façon suivante : « Les faits d’exécution sont ceux qui constituent le délit, qui lui donnent l’existence ; les faits préparatoires sont ceux qui précèdent l’exécution, sont destinés à la faciliter, à la rendre possible, mais ne sont point des actes matériels constitutifs du délit et ne rentrent pas dans la définition légale de ce délit ».

Cette définition paraît à première vue claire toutefois il faut préciser que dans l’iter criminis les actes préparatoires précèdent les actes d’exécution de l’infraction et qu’à défaut de définition légale de ces deux notions un flou subsiste quant à la réelle distinction entre actes préparatoires et commencement d’exécution. Cette question a soulevé d’importants débats doctrinaux qui ne sont jamais réellement parvenus à s’entendre relativement au concept de commencement d’exécution (A) laissant à la jurisprudence le soin de trancher ces problèmes de définition (B).

 

 

A- La délicate distinction entre actes préparatoires et commencement d’exécution

 

 

La définition des actes préparatoires est assez problématique dans la mesure où le Code pénal n’en donne pas de définition. En effet, l’Article 121-5 énonce « La tentative est constituée dès lors que, manifestée par un commencement d’exécution, elle n’a pas été suspendue ou n’a manqué son effet qu’en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur ». Il apparaît donc que pour qu’il y ait tentative punissable il faut un commencement d’exécution et toute la difficulté réside ici. En effet, en l’absence de toute définition légale, la doctrine en se fondant sur l’iter criminis a essayé de tracer la frontière entre actes préparatoires et commencement d’exécution mais là encore les différentes théories ne sont pas unanimes.

Une chose est sûre : dans le chemin criminel les actes préparatoires sont situés en amont des actes d’exécution mais il reste à définir le type d’agissements qui entrent dans la catégorie des actes préparatoires ou dans celle du commencement d’exécution. De plus, tout le monde s’accorde à dire qu’il est nécessaire de ne pas intervenir trop tôt dans la répression dans la mesure où cela reviendrait à priver les infractions de leur matérialité et serait attentatoire au respect de la présomption d’innocence.



Cependant, au-delà de ces considérations, deux courants doctrinaux s’opposent dans leur conception du commencement d’exécution. Il s’agit d’une tendance objectiviste qui définit le commencement d’exécution d’un point de vue strictement matériel et d’un courant subjectiviste qui, au contraire, s’attache surtout à l’état dangereux du délinquant, à l’irrévocabilité de son dessein criminel.

 

-La théorie objectiviste :

La doctrine objectiviste se subdivise elle–même en deux conceptions. L’une très rigoureuse considère que l’on devrait s’en tenir aux actes d’exécution tels que décrits dans la loi d’incrimination. C’est-à-dire que ces auteurs pensent qu’il y a commencement d’exécution dès lors que la personne a effectué l’un des agissements figurant parmi les éléments matériels constitutifs de l’infraction tels que visés par la loi. Par voie de conséquence, les faits imputés à l’agent qui ne correspondent pas aux éléments matériels légaux de l’infraction ne sont que des actes préparatoires et doivent donc restés impunis. Par exemple, l’Article 311-1 CP dispose que « le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui ». Si l’on s’en tient à cette conception objective stricte il n’y aurait commencement d’exécution qu’à partir du moment où le délinquant aurait introduit sa main dans le sac à main de sa victime. Dans une autre hypothèse, un voleur qui se ferait arrêter par la police muni d’un pied-de-biche juste devant la porte d’entrée d’une maison mais sans avoir eu le temps de la fracturer ne pourrait pas être poursuivi tant qu’il n’aurait pas commencé à exécuter l’infraction mais en serait toujours à la préparation de son forfait. Cette conception rigoureuse a l’avantage de définir et de circonscrire précisément la notion de commencement d’exécution mais n’a jamais été mise en pratique car elle permet de laisser impunis des actes qui se trouvent trop près du but recherché par le délinquant.

Ainsi, une conception objectiviste plus souple a vu le jour. Ces auteurs considèrent que lorsque la loi exige un commencement d’exécution elle n’exige pas le commencement de l’exécution de l’infraction mais le commencement d’exécution de la tentative. On vise ici à réprimer « l’entrée en action » de l’agent. D’ailleurs cette solution a été adoptée par la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation dans un arrêt du 14 juin 1977 dans lequel les juges visent expressément « le commencement d’exécution de la tentative » et non plus le commencement d’exécution de l’infraction. Ceci permet d’étendre quelque peu la répression.

 

-La théorie subjectiviste :

Les tenants de la théorie subjectiviste du commencement d’exécution s’attachent plus à l’état d’esprit du délinquant, à son état dangereux qu’à la matérialité de ses actes. Dans cette conception, on estime que la personne est en action à partir du moment où il apparaît clairement qu’elle serait allée jusqu’au bout de son action si elle n’avait pas été interrompue. On recherche ici la conscience criminelle de l’individu. Par exemple Donnedieu de Vabres considère qu’il y a tentative punissable quand « il existe entre le mal qu’a commis l’agent et le but qu’il se proposait une distance morale si faible que, laissé à lui-même, il l’aurait presque certainement franchie ».

Ainsi, toute tentative, selon cette doctrine, devrait être punissable, on n’a plus besoin de l’exigence de commencement d’exécution du moment que l’intention d’aller jusqu’au bout de la commission est certaine. Cette conception a au moins l’avantage d’étendre au maximum la tentative punissable. Toutefois, en suivant cette théorie on punit sans distinction toute les infractions tentées de la même façon que les infractions consommées dès l’instant qu’il y a manifestation d’un dessein criminel alors qu’il faut avouer que le résultat d’une tentative est socialement moins grave que celui d’une infraction consommée.

De plus, on peut être d’accord avec Messieurs Merle et Vitu lorsqu’ils estiment que cette conception repose sur la seule observation du comportement psychologique de l’individu ce qui crée quand même une certaine incertitude et la référence de Donnedieu de Vabres à la notion de « distance morale » revient à situer le moment de la répression très en amont de l’iter criminis, à savoir dès la phase de la résolution criminelle ce qui entraîne la négation totale du commencement d’exécution exigé par l’Article 121-5 CP.

 

La frontière entre actes préparatoires et commencement d’exécution est donc quelque peu floue et les controverses doctrinales n’aident pas réellement à tracer une distinction claire entre ces deux notions. De plus, il faut préciser qu’un acte préparatoire est, par nature, équivoque. Par exemple, on peut acheter une arme pour commettre un meurtre mais également pour aller à la chasse ou faire du tir dans un club.

Egalement, pour des raisons « évidentes » de politique criminelle il ne faut pas incriminer trop tôt la tentative afin de laisser au délinquant le choix de revenir sur son intention criminelle entre les actes préparatoires et la commission de l’infraction. Dans l’hypothèse où les actes préparatoires entreraient dans le champ de répression de la tentative, la personne n’aurait alors aucune raison de renoncer à commettre l’infraction qu’il projetait de commettre.

La jurisprudence n’a donc pas eu le choix que de trancher elle-même cette question. D’ailleurs , dans un arrêt rendu le 2 décembre 1954[2] par la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation, les juges ont énoncé que « la loi n’ayant pas défini les circonstances qui forment le commencement d’exécution (…) en a confié l’appréciation à la cour et au jury ». Cette décision résume bien la difficulté relative aux actes préparatoires, en l’absence de solution doctrinale unanime il revient à la jurisprudence d’établir la distinction entre actes préparatoires et commencement d’exécution et, pour ce faire, les juges ont adopté une conception mixte en s’inspirant des deux théories expliquées ci-dessus.

 

 


Date: 2015-12-24; view: 691


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