Cédric Villain nous raconte l'histoire d’un monument situé en plein cœur de Paris.
Lors de la Révolution française, le peuple détruit, entre autres, la statue équestre de Louis XIV qui trône en plein milieu de la très belle place Vendôme, en plein centre de Paris. Elle doit être remplacée par un monument à la gloire du peuple français. Mais comme ça n’a pas été fait, Napoléon Bonaparte en profite pour faire ériger une colonne monumentale dédiée à la gloire de son armée, tout comme l’Arc de triomphe, d’ailleurs construit à la même époque.On notera à ce propos que de tout temps, les hommes célèbrent leurs victoires ou leurs dévotions en construisant des formes symboliques, comment dire, soit très féminines, soit très viriles …
Bon, revenons à notre colonne. Construite entre 1805 et 1810, elle mesure 44 m de haut et elle est constituée de 98 anneaux de granit recouverts de 425 plaques de bronze, qui forment une bande de bas-relief de 220 m de long. Ce bronze, c’est celui de 1200 canons ennemis. En fait, elle s’inspire de la colonne Trajane de Rome que Napoléon avait d’abord pensé rapporter à Paris. C'est d’ailleurs une statue de Napoléon lui-même en tenue d’empereur romain qui la surmonte pompeusement.
Mais nous voilà en 1814, c’est la chute de l’Empire et la statue est déboulonnée, tout juste quatre ans après son inauguration. Elle est remplacée au sommet de la colonne par un drapeau blanc à fleur de lys, symbole de la royauté. Il faudra attendre 1833 pour que le roi Louis-Philippe y fasse remettre une statue de Napoléon habillé en redingote et coiffé de son célèbre chapeau. Trente ans plus tard, Napoléon III, neveu de Napoléon premier, la fait remplacer par une nouvelle représentation de son oncle à nouveau en tenue d’empereur romain.
En 1871, les Parisiens se rebellent, révoltés par la défaite française lors de la guerre franco-prussienne de 1870 : c’est la Commune de Paris, une tentative de prise d'autonomie de la capitale française qui va durer deux mois. Le 12 avril, les communards votent la destruction de la colonne Vendôme, histoire de faire un coup d'éclat contre un symbole impérial et guerrier. Pour mettre la colonne à terre, les communards utilisent un cabestan relié à deux poulies. Le 16 mai 1871 à cinq heures trente de l’après-midi, la colonne s’écrase sur un tas de fagots et de fumier devant une foule de curieux. Mais une semaine plus tard, la Commune est réprimée dans le sang : quelques 20 000 communards sont tués et 40 000 autres arrêtés.
Lors de la Commune, le peintre Gustave Courbet s’était engagé auprès des communards et il avait été l’un des premiers à demander le démantèlement de la colonne. Aussi est-il tenu pour responsable de sa destruction.Peintre aux idéaux socialistes, Courbet a toujours préféré représenter des gens simples dans des situations ordinaires. Outre ses peintures monumentales comme Un enterrement à Ornans ou L’Atelier du peintre, l’œuvre qui lui reste attachée est L’Origine du monde, toutes trois conservées au Musée d’Orsay à Paris.Jugé pour sa complicité au soulèvement populaire de Paris, Courbet est condamné à rembourser le relèvement de la colonne dont les débris sont restés sur place. Ses biens sont saisis, et Courbet, malade, doit s’exiler en Suisse.
Les travaux lui sont facturés 323 091 francs et 68 centimes, mais il meurt le 31 décembre 1877 alors qu’il devait payer la première traite de 10 000 francs à partir du lendemain. Restaurée à l’identique, y compris la statue, la colonne sera de nouveau en place en décembre 1875. Et elle y est toujours…
Texte & image : Cédric Villain
Karambolage 365 - 6 septembre 2015
C’est la rentrée ! La reprise du métro-boulot-dodo. Nikola Obermann en profite pour nous livrer une petite leçon de savoir-vivre dans le métro parisien.
KARAMBOLAGE N° 365 - strapontin
le quotidien : les strapontins du métro parisien
Vendredi 26 juin à 00h00
Voici un siège rabattable, nos amis français l’appellent aussi « strapontin ». Il est commun à différents lieux : théâtre, cinéma et transports publics. Le siège rabattable qui nous intéresse aujourd'hui est celui du métro de Paris car son utilisation est régie par toute une série de règles tacites.
Quand on entre dans un wagon du métro parisien, on peut prendre place dans l’un des carrés à quatre sièges situés à droite et à gauche ou sur l'un des huit strapontins de l'entrée. Du moins dans les métros les plus anciens. Observons un peu ce Parisien bon teint qui lit son journal du matin, tranquillement assis sur un strapontin. A la station suivante, 12 personnes montent. Notre homme analyse rapidement la situation et poursuit sa lecture ; il y a encore assez de place pour tout le monde : 7 personnes s'approprient les strapontins restants, 5 voyagent debout. À l’arrêt suivant 4 passagers montent, 9 sont maintenant debout. Notre lecteur de journal ne bronche pas, pour l’instant tout roule... Changement d’ambiance à la station suivante : certes, 3 personnes descendent, mais 8 montent.
Eh oui, voici le moment magique où tous les Parisiens bien éduqués se lèvent comme un seul homme de leurs strapontins pour faire de la place aux nouveaux arrivants. Seuls les Parisiens mal élevés et les touristes restent assis. Ce qui amène les Parisiens bien éduqués à leur lancer aussitôt des regards réprobateurs, voire carrément de discrets coups de sacs à dos ou de sacs à main. Les Parisiens mal élevés savent parfaitement pourquoi ils sont harcelés ainsi ; par contre, les touristes se disent sans doute que les Français sont des rustres.
Voilà donc un conseil pour mes compatriotes en goguette à Paris : à moins d’être vieux, handicapé ou enceinte – car dans ces cas précis les Parisiens se montrent indulgents, essayez de repérer cet instant magique où les Parisiens se lèvent en même temps dans un ballet parfaitement orchestré et suivez le mouvement. Vous éviterez ainsi les bleus mais surtout, vous vous sentirez totalement intégrés.
Soit dit en passant, un touriste français à Berlin n'a pas à entrer dans ce genre de considérations. Car il est rare que le métro berlinois soit aussi bondé que le métro parisien, et pour cause : un wagon de métro berlinois est conçu pour 4 voyageurs au mètre carré, alors qu'un wagon parisien doit accueillir par décret 6 voyageurs au mètre carré.
le monument : l'Obélisque
Karambolage 276 - 30 septembre 2012
Cédric Villain poursuit son histoire des monuments français : aujourd’hui, il s’attaque à l’obélisque de Louxor qui trône, à Paris, sur la place de la Concorde.
C’est l’un des monuments les plus célèbres de France, c’est même le plus vieux de Paris. Il est placé sur l’une des plus célèbres places de la capitale française et pourtant il n’est même pas français. Il s’agit de l’obélisque de Louxor situé sur la place de la Concorde. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce monument n’est pas une prise de guerre de la campagne d’Egypte conduite en 1798 par Napoléon Bonaparte, non, c’est un cadeau que le vice-roi d’Egypte Méhémet Ali fait à la France en 1830 en hommage au Français Champollion qui vient de déchiffrer le secret des Hiéroglyphes.La place de la Concorde est l’une des extrémités de l’avenue des Champs Élysées. Conçue au 18e siècle, elle se trouve sur la ligne historique appelée "voie royale" qui traverse Paris du centre vers l’ouest en partant du palais du Louvre jusqu’à la récente arche de la Défense. La place s’est appelée place Louis XV puis place de la Révolution. Elle a accueilli un temps la célèbre guillotine et c’est pour chasser le spectre sanglant de la Terreur qu’on l’a baptisée place de la Concorde. La Concorde, c’est l’amitié, la fraternité, l’intelligence entre les êtres. Rien à voir avec l’avion supersonique.
Rebaptisée place Louis XV à la Restauration, puis place Louis XVI, elle reprend ce nom de Concorde en 1830, à l’époque de la Monarchie de Juillet. C’est une période instable pour la France, émaillée de révoltes et d’émeutes, c’est donc avec un certain soulagement que le roi des Français Louis Philippe accueille le cadeau égyptien et décide de l’installer sur cette place si encombrée de symboles. Politiquement neutre, un monument étranger, auréolé d’une histoire millénaire, ne fâchera ni les Monarchistes, ni les Bonapartistes, ni même les Républicains. En fait, ce sont deux obélisques, situés devant le temple d’Amon à Louxor, que Méhémet donne à la France. C’est Champollion lui-même qui décide de commencer par démonter celui de droite, le plus abîmé. Datant du 13e siècle avant Jésus-Christ, l’obélisque symbolise un rayon de soleil solidifié. C'est un monolithe. Ça signifie qu'il est constitué d'une seule pierre de 23m, ce qui n'a pas été sans poser quelques problèmes lors de son transfert. Il pèse 230 tonnes et il est gravé sur ses quatre faces de hiéroglyphes évoquant le règne de Ramsès II. Il faudra cinq ans pour que le rayon de granit rose démonté à Louxor se lève enfin à Paris le 25 octobre 1836.
Il a été emporté avec son piédestal composé de 16 babouins assis mais la pose suggestive des animaux laissant clairement voir leur anatomie a été jugée peu propice à un édifice public. Le piédestal, Il faudra aller le voir au Louvre, département Egyptologie, à quelques centaines de mètres de la place. Celui qui le remplace est un parallélépipède quelconque sur lequel on a gravé en dorure le détail des opérations de transfert du monument. Pour l’anecdote, la France a offert en échange des obélisques une horloge monumentale placée au Caire qui – dit-on – ne fonctionna jamais. Le second obélisque qui, en fait, n’avait jamais quitté l’Egypte, a été officiellement rendu à son pays en 1981. À Paris, en 1998, un nouveau pyramidion doré, pointu, a été ajouté au sommet, et il brille maintenant de tous les feux du soleil sur ce que les Français appellent toujours pompeusement la plus belle avenue du monde.