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Rôle moteur des transports

 

En 1837, à l’avènement de la Reine Victoria, la transformation des transports a tout juste commencé. Or ceux-ci, avec l’industrie, constituent le moteur premier de la croissance économique mid-victorienne : Deane et Cole (1968) leur attribuent un taux de croissance de 2,8% par an en moyenne de 1831-41 à 1861-71 et Feinstein (1972) également de 2,8% de 1855-57 à 1900-02. Les moyens de transport traditionnels continuent de progresser : routes (turnpike roads, macadam), voie d’eau (dès 1830, 4300 kilomètres de voies navigables, dont deux tiers de canaux). Néanmoins leurs insuffisances croissantes ouvrent la voie au chemin de fer, frait de la rencontre de deux inventions, le rail et la locomotive. A partir de 1830 et de la construction de la ligne de Liverpool à Manchester par George Stephenson, s’engagent deux grands cycles d’investissement ferroviaire, le premier dans les années 1830, le second, beaucoup plus considérable, durant la décennie suivante. Résultat : fin 1851, la Grande-Bretagne compte 6800 miles de lignes, soit trois fois plus qu’en 1844. La réalisation de ce réseau national a requis des travaux colossaux, exécutés à la pelle et à la pioche par des armées d’ouvriers, dont les navvies, spécialistes migrant de chantiers en chantiers. En 1851 toujours, la Grande-Bretagne a une longueur de lignes en service égale à celle des cinq pays d’Europe occidentales (France, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Suisse). Elle le doit à la hardiesse, mélangée de cupidité, des épargnants et des capitalistes, mais aussi à l’esprit audacieux et novateur ainsi qu’aux talents d’organisation des ingénieurs (les Stephenson père et fils) et des entrepreneurs (Peto, Brassey). Ces chemins de fer ont été entièrement réalisés grâce à l’initiative et au capital privé. Exécutés au prix de dépenses plus élevées qu’en France, en Allemagne et surtout aux Etats-Unis, ils n’ont cependant rien coûté au contribuable, grâce aux compagnies anonymes par actions.

 

Le milieu du XIXe siècle marque la fin de la période héroïque. La rythme de construction se ralentit nettement en dépit d’un troisième, mais modeste railway boom en 1864. Au milieu des années 1850, le nombre des employés de l’exploitation dépasse pour la première fois celui des ouvriers travaillant à la construction des lignes et les recettes du trafic dépassent le montant des nouveaux investissements. Le réseau continue cependant à croître assez rapidement pendant la période mid-victorienne. Il s’agit surtout de lignes secondaires ou d’embranchements, peu rentables d’où la réticence des investissements. L’extension du réseau s’accompagne d’un mouvement de fusion par fusion ou absorption de compagnies, sous l’impulsion de constructeurs d’empire, comme Georges Hudson, le roi des chemins de fer de 1836 à 1849, date de sa faillite.



 

L’on peut s’interroger sur les conséquences économiques du chemin de fer. Suivant l’opinion dominante des contemporains, les historiens considèrent que les chemins de fer jouent un rôle essentiel dans le développement économique du pays et auraient peut-être même sauvé le capitalisme britannique (Eric Hobsbawm, 1972), en ouvrant de larges opportunités d’investissement profitable et en créant une demande massive de bien d’équipements. S’inspirant des méthodes de la New Economic History américain, B.R. Mitchell et G.R. Hawke ont montré que la construction des chemins de fer a coûté beaucoup plus cher que les canaux, notamment dans les années 1840 (55% de la FBCF en 1845-49 contre 20-25% dans les années 1850 et 1860). Pour Mitchell, les chemins de fer ont joué un rôle plus de soutien que d’entraînement sur la conjoncture générale (effet contra-cyclique). Ils ont exercé une influence particulièrement forte sur certaines branches de l’économie : le BTP (un tiers de la main-d’œuvre en 1847) ; la sidérurgie, surtout pendant les années 1844-47, jusqu’en 1870 et au profit d’abord du Pays de Galles. Pour Hawke, le rôle du chemin de fer ne doit pas être exagéré, car la diversification de la sidérurgie ou des constructions mécaniques avait commencé avant l’ère des chemins de fer. Peter Mathias (1983) conteste a point de vue : sans le chemin de fer, la production de la sidérurgie avait été moindre et ses économies d’échelle diminuées.

 

A long terme, les chemins de fer ont assuré un service pour l’ensemble de l’économie. Le chemin de fer a contribué grandement à réduire le coût du transport : en 1865, selon Hawke, -27% pour le charbon transporté par chemin de fer par rapport au coût de son acheminement par voie d’eau. Hawke s’appuie sur le concept de social saving (économie pour la communauté), défini par la différence entre le coût effectif de transport par chemin de fer et le coût effectif du même service si le chemin de fer n’avait pas existé. Hawke a déduit que si l’Angleterre et le Pays de Galles n’avaient pas construit de réseau ferroviaire, elle aurait en en 1861, un produit national inférieur de 7 à 11%. En conséquence de quoi, la croissance britannique n’a pas reçu d’impulsion décisive. Cette analyse est contestée par David McCloskey, qui estime que les chiffres de Hawke surestiment la contribution des chemins de fer à la croissance, mais aussi par Peter Mathias (1983). Ce dernier considère à l’inverse les estimations de Hawke comme trop basse, car ne prenant pas en compte les effets secondaires : création d’emplois, établissement d’importants ateliers de construction et de réparation, forte augmentation de la mobilité humaine, impulsion au développement du marché financier et aux exportations de capitaux (construction des chemins de fer aux Etats-Unis, en Amérique latine et dans l’Empire).

 

La victoire du navire à vapeur n’est pas encore totalement assurée à l’époque mid-victorienne. C’est que le navire à vapeur continue de souffrir de lourds handicaps par rapport au voilier. Plus coûteux à construire et à exploiter (fragilité des roues à aubes), il n’a longtemps qu’un seul avantage, sa régularité et sa rapidité plus grandes. Il n’est d’abord utilisé que sur les itinéraires courts, pour le transport des passagers du courrier, des marchandises de grande valeur ou de faible poids. En 1855, les vapeurs monopolisent le trafic des voyageurs avec l’Irlande, les ports continentaux de la Manche et de la Mer du Nord, pénètrent en Méditerranée. En revanche, les voiliers résistent sur l’Atlantique nord, d’où la nécessité de subventions aux premières compagnies de paquebot à vapeur (Samuel Cunard en 1840). Les voiliers l’emportent encore, car les Américains ont créé le clipper, adopté par les constructeurs britanniques en 1837 et réalisé avec coque en fer dans les années 1860. Si le navire à vapeur commence à l’emporter, c’est qu’il bénéficie de progrès nouveaux : la subvention de l’hélice aux roues à aubes à partir des années 1850 ; développement de la construction en fer à partir des mêmes années, très avantageuse pour les Britanniques, qui ruinent alors la concurrence américaine. Toutefois, la construction en fer profite aussi aux voiliers : en 1864, la marine à voile britannique atteint son record. Le facteur décisif en faveur de la vapeur réside dans la réduction de la consommation de charbon des machines marines, notamment l’introduction de la machine compound, apparue en 1854, mise au point dans les années 1860 et largement adoptée depuis 1870. Toutes les conditions sont dès lors requises pour la conquête de l’Atlantique nord par la marine à vapeur et la constitution de très puissantes compagnies de navigation.

 

Conclusion

 

L’époque mid-victorienne constitue une forme d’apogée du libéralisme (Crouzet, 1978). Les dirigeants politique britannique adhérent au laissez-faire. Il postule que le bien-être de la collectivité comme des individus est maximisé lorsque les marchés obéissent au seul jeu de l’offre et de la demande et que l’Etat réduit au maximum ses interventions dans le domaine économique et social. Ces idées, si elles schématisent la vision des économistes classiques (Adam Smith, David Ricardo, John Stuart Mill), exercent une emprise forte. En pratique, l’Etat ne reste pas totalement passif. Il libéralise par exemple le régime des sociétés :

-1825 : possibilité de créer des SA par actions sans autorisation du Parlement

-1844 : pour constituer une SA, il suffit d’un enregistrement auprès de Board of Trade

-1856 : accord à la formation de SA à responsabilité limitée (limited ou Ltd)

-1858 : extension de cette mesure aux banques

-1862 : codification du droit des sociétés.

Mais il intervient aussi dans le domaine social (loi de 1842 interdisant le travail de fond des femmes et des enfants dans les mines de charbon) ou ferroviaire (l’autorisation de compagnie est soumise à l’autorisation du Parlement).

 

L’apogée du « laissez-faire » se situe bien à l’époque mid-victorienne. Les limites de l’intervention étatique sont évidentes en matière politique financière : économies, équilibre des comptes de l’Etat au niveau le plus bas possible, réduction des impôts. Jusqu’aux années 1870, les dépenses de l’Etat augmentent beaucoup moins vite que le PNB, l’essentiel étant constitué de dépenses militaires et du service de la dette publique. Les gouvernants, convaincus que la prospérité est mieux assurée lorsqu’on laisse jouer librement les forces du marché, minimisent le rôle de l’Etat comme consommateur et percepteur d’impôt. De plus, les ouvriers ne s’organisent en Trade Unions que dans certains métiers et les ententes entre industriels se raréfient.

 


Date: 2015-12-11; view: 823


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