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Des structures industrielles insuffisamment dynamiques

 

Mais ce renouveau ne peut masquer les effets de la maturité industrielle : la Grande-Bretagne a plus tôt que les autres réalisé un transfert massif de ressources du secteur traditionnel à faible productivité vers le secteur moderne à productivité croissante. La production peut augmenter sous l’effet de deux causes : l’augmentation des ressources mises en œuvre dans le processus de production ; une amélioration de l’efficience de la main-d’œuvre et des investissements. Or, au début du XXe siècle, l’économie britannique fonctionne à pleine capacité. Le facteur travail augmente de 0,7% par an en moyenne de 1900 à 1913, par suite de l’augmentation de la population active et des réallocations de ressources des secteurs à faible productivité vers ceux à forte productivité. Mais, en même temps, le marché du travail se rigidifie, car une partie significative de la population active s’expatrie outre-mer (5 millions de 1880 à 1913). En outre, la féminisation demeure faible (en 1911, sur 452 actifs, 318 hommes et 134 femmes contre 155 en Allemagne et 197 en France) et le service domestique demeure le premier employeur du pays (2,25 millions de personnes en 1911), soit plus que l’agriculture (2,22) et les différentes branches industrielles). Il est vrai que ces dernières ne sont pas en mesure d’offrir des emplois répondant à la demande : faute des qualifications requises, il existe un manque de flexibilité de la main-d’œuvre britannique. Il se retrouve chez les dirigeants, car la révolution managériale tarde à se développer outre-manche. Selon Jeffrey S. Williamson, entre 1900 et 1914, l’accumulation des qualifications s’effectue au rythme de 0,3% par an contre 0,6% aux Etats-Unis.

 

Les flux d’investissement en direction des activités productives tendent à s’essouffler. Même si les équipements productifs représentent au Royaume-Uni un pourcentage de la formation brute de capital fixe (FBCF) supérieur (36%) à celui observé en Allemagne (26%) et aux Etats-Unis (24%), le taux d’investissements y apparaît nettement plus faible que dans les autres grands pays industrialisés :

 

Tableau 6 – Taux de FBCF des grandes puissances industrielles (en % du PNB)

 

  Période %
Royaume-Uni 1855-1914 9,0
Allemagne 1851-1913 19,8
France 1865-1913 20,2
Etats-Unis 1869-1913 21,9

Source : S. Kuznets (961).

 

L’essoufflement des gains de productivité apparaît plus flagrant encore. L’indicateur le plus global est la productivité globale des facteurs de production, qui mesure l’efficience de l’utilisation combinée des facteurs travail et capital : selon J.P. Dormois, elle stagne de 1900 à 1913, alors qu’elle progresse de 1,5% aux Etats-Unis et de 1,2% en Allemagne. Sans doute l’économie britannique atteint-elle le plafond de ses possibilités. Mais si elle stagne, c’est que les niveaux de productivité sont déjà très élevés, certes inférieurs aux niveaux américains (depuis 1890), mais supérieurs aux niveaux allemands. La Grande-Bretagne atteint alors les meilleurs résultats compte tenu des contraintes auxquelles elle doit faire face (Dormois, 1994).



 

Après 1870, en effet, « la société britannique avait perdu sa faculté de tirer parti de l’innovation quand arrivèrent les techniques de la seconde révolution industrielle » (Joel Mokyr, 1990, p. 310). Les procédés de fabrication de l’acier Bessemer et Thomas-Gilchrist, pourtant expérimentés en Angleterre, ne se diffusent que lentement. De même, les Britanniques, qui ont conçu et mis en place le premier réseau télégraphique mondial, échouent avec le réseau téléphonique au bénéfice des Etats-Unis. Ils négligent aussi les percées ou matières de chimie organique, en dépit des découvertes de W. Henry Perkin (première couleur d’aniline, 1856). Le problème n’est pas tant l’inventivité que l’application des nouveaux procédés de fabrication : tel est le cas dans l’industrie cotonnière avec les nouvelles machines à tisser américaines, dans la chimie avec l’attachement anachronique au procédé Leblanc de fabrication de la soude face à la concurrence du procédé belge Solvay, etc.

 

La Grande-Bretagne souffre donc des handicaps d’une industrialisation précoce, de la « contrainte des origines » (path dependency), bien mise en évidence par Paul David : les choix technologiques faits au début de l’industrialisation déterminent long terme la structure de l’économie. En fait l’économie britannique commence à souffrir du poids de ses industrie motrices : le coton, le charbon, la fonte et l’acier, les constructions navales. Selon Nick Crafts (1986), l’industrialisation britannique s’est effectuée de façon « idiosyncrasique », c’est-à-dire au coup par coup, sans plan d’ensemble, avec pour résultat une structure industrielle plus difficilement adaptable à des conditions extérieures changeantes. L’économie britannique se caractérise par un sur-engagement dans des activités peu innovantes, intensives en travail et dont les immobilisations en capital sont réduites. C’est justement dans ces produits de base que le commerce anglais conserve longtemps un avantage sur les marchés mondiaux. Il s’agit, selon Crafts, des branches suivantes :

1/ rails

2/ construction navale

3/ sidérurgie

4/ métallurgie

5/ alcools

6/ tabac

7/ textiles

8/ agro-alimentaire.

De fait, en 1913, charbon, fer, acier, lainages et cotonnades fournissent encore 51% des exportations totales britanniques. Cette résistance à l’introduction des nouveaux procédés et des nouveaux produits tient sans doute pour partie au sous-encadrement des entreprises industrielles. Main-d’œuvre qualifiée et, surtout, contremaîtres, avec le soutien des Trade Unions y contrôlent les rythmes et les méthodes de travail, constituant ainsi un obstacle à la promotion et à la diffusion des techniques de production avancées » (Elbaum et Lazonick, 1986).


 


Date: 2015-12-11; view: 797


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