Home Random Page


CATEGORIES:

BiologyChemistryConstructionCultureEcologyEconomyElectronicsFinanceGeographyHistoryInformaticsLawMathematicsMechanicsMedicineOtherPedagogyPhilosophyPhysicsPolicyPsychologySociologySportTourism






TABLE DES SÉANCES 43 page

 

J'ai aussi un peu indiqué ce que pouvait être HAMLET pour les acteurs, c'est un domaine sur lequel nous aurons peut-être à revenir tout à l'heure, qui est très significatif.

 

J'ai dit que c'était le rôle par excellence et qu'en même temps, on disait « l'HAMLET d'un tel, d'un tel, d'un tel… ».

 

C'est-à-dire qu'autant il y a d'acteurs d'une certaine puissance personnelle, autant il y a d'HAMLET.

 

Mais cela va plus loin.

Certains ont été jusqu'à soutenir…

en particulier ROBERTSON au niveau du troisième centenaire, supportés un peu sans doute par une espèce de rush, qu'il y a eu à ce moment-là sur les thèmes shakespeariens, l'exaltation passionnelle avec laquelle tout le monde littéraire anglais

a fait revivre ce thème

…certains ont fait entendre une voix qui s'opposait pour dire que : strictement, HAMLET c'était le vide,

cela ne tenait pas debout, qu'il n'y a pas de clef d'HAMLET, que SHAKESPEARE avait fait comme il avait pu pour rapetasser un thème dont l'exploration philologique, qui est allée assez loin, montre…

on savait qu'il y avait déjà un HAMLET qu'on attribue à KYD, qui aurait été joué une douzaine d'années avant cet automne de 1601 où nous avons

à peu près la certitude que pour la première fois apparut cet HAMLET

…on a pu aller jusqu'à dire…

et je dirai que c'est là-dessus que se termine

le premier chapitre du livre de JONES

…il a été proprement articulé jusque par GRILLPARZER, qui est un dramaturge autrichien auquel FREUD fait

à l'occasion une référence très importante et qui dit que ce qui était la raison même d'HAMLET c'était

son impénétrabilité, ce qui est tout de même assez curieux comme opinion !

 

Que cela ait pu être avancé…

on ne peut pas dire que ce ne soit pas une opinion strictement anti-aristotélicienne, pour autant que

le caractère ὅμοιός [omoïos] [ ὅμοιός,α,ον +datif : semblable à…] du héros

par rapport à nous est ce qu'on met au premier plan pour expliquer, sur la base même de l'explication aristotélicienne, l'effet de la comédie et de la tragédie.

 

Que tout ceci ait pu être avancé au sujet d'HAMLET est quelque chose qui a bien son prix.

Il faut dire qu'il y a là-dessus toute une gamme d'opinions qui ne s'équivalent pas, qui présentent toute une série de nuances concernant ce qu'on peut en dire, et que ce n'est pas la même chose de dire qu'HAMLET est une pièce ratée.

 

Dites-vous bien que quelqu'un qui n'est rien de moins que T.S. ELIOT…



qui pour un certain milieu est plus ou moins

le plus grand poète anglais moderne

…pense lui aussi - et il l'a dit - que SHAKESPEARE n'a pas été à la hauteur de son héros.

Je veux dire que si HAMLET est quelqu'un qui est inégal à sa tâche, SHAKESPEARE a été aussi inégal

à l'articulation du rôle d'HAMLET.

 

Ce sont là des opinions qu'on peut dire tout de même problématiques, je vous les énumère pour vous mener vers ce dont il s'agit. C'est l'opinion la plus nuancée qui est, je crois, ici la plus juste :

c'est, dans le rapport d'HAMLET à celui qui l'appréhende…

soit comme lecteur, soit comme spectateur

quelque chose qui est de l'ordre d'une illusion.

 

C'est autre chose que de dire qu'HAMLET c'est simplement « le vide ». Une illusion, ce n'est pas le vide. Pour pouvoir produire sur la scène un effet

fantomatique de l'ordre de ce que représenterait,

si vous voulez, mon petit miroir concave avec l'image réelle qui surgit et qui ne peut se voir que d'un certain angle et d'un certain point, il faut toute une machinerie.

 

 

 

Qu'HAMLET soit une illusion, l'organisation de l'illusion, voilà quelque chose qui n'est pas le même ordre d'illusion que si tout le monde rêve à propos du vide. Il est tout de même important de faire cette distinction.

 

Ce qu'il y a de sûr en tout cas, c'est que tout confirme qu'il y a quelque chose de cet ordre.

Cela donne, c'est le premier point, la poignée

à laquelle nous pouvons solidement nous accrocher.

 

Par exemple quelqu'un qui est TRENCH [71] qui est cité par JONES - on verra dans quels termes –

écrit quelque chose comme ceci :

 

« Nous trouvons la plus grande difficulté, avec l'aide même de SHAKESPEARE, à comprendre HAMLET. Même SHAKESPEARE peut-être trouvait-il difficile de le comprendre HAMLET lui-même

 

on voit que ce passage est amusant, le glissement de la plume ou de la pensée va vers ceci :

 

HAMLET lui-même se trouvait, c'est possible, dans l'impossibilité de se comprendre lui-même. »

 

Et : « Plus capable que les autres hommes de lire dans le cœur et les motifs des autres… »

 

Cette fin de phrase ne se rapporte ni à nous-mêmes, ni à SHAKESPEARE, mais à HAMLET, vous savez qu'HAMLET tout le temps, se livre à ce jeu de démontage

avec ses interlocuteurs, avec ceux qui viennent l'interroger, lui tendre des pièges.

 

Et : « …il est tout à fait incapable de lire ses propres motifs. »

 

Voilà ce qui est dit.

 

Je vous signale que tout de suite après,

JONES qui a justement commencé par faire toutes

les réserves en disant qu'il ne faut pas nous laisser entraîner à parler d'HAMLET comme d'un personnage réel, c'est ailleurs qu'il faut chercher l'articulation,

et que c’est au-delà nous devons trouver…

C'est la position traditionnelle en matière d'interprétation psychanalytique mais qui, je crois, contient quelque erreur, quelque fallace, sur laquelle je veux d'abord attirer votre attention.

JONES fait cette remarque et à la suite de cette citation, il ne manque pas de glisser lui-même

dans quelque chose qui s'exprime à peu près ainsi :

 

« Je ne connais pas de jugement plus authentique que celui-ci dans toute la littérature

sur le problème. »

 

À un autre endroit, le même JONES

nous dira qu'en somme :

 

« …le poète, le héros, et l'audience, sont profondément émus par des sentiments qui les touchent

à leur insu. »

 

Il y a là donc quelque chose qui nous fait toucher

du doigt la stricte équivalence de certains termes

de cette question, à savoir le poète et le héros, avec quelque chose…

il suffit de s'arrêter

un instant pour s'en apercevoir

…c'est qu'ils ne sont vraiment là que par leur discours.

 

S'il s'agit de quelque chose qui est la communication de ce qui est dans l'inconscient de ceux qui sont avancés là comme étant les premiers termes, à savoir le poète et le héros, on ne peut pas dire que cette communication de l'inconscient, en tout cas puisse

se concevoir, n'est présentifiée par rien d'autre

que par l'articulation du discours dramatique.

 

Ne parlons pas du héros qui à vrai dire

si vous me suivez dans le chemin

où j'essaye de vous induire

n'est strictement identique qu'à des mots.

 

Surtout si nous commençons de prendre le sentiment que ce qui fait la plus haute valeur dramatique,

dans l'occasion, de ce héros, c'est « un mode ».

 

C'est bien là la seconde poignée à laquelle je vous demande de vous accrocher, c'est du même ordre que ce côté qui se dérobe de tout ce que nous pouvons dire de sa consistance.

 

En d'autres termes, Hamlet ici devient l'œuvre exemplaire.

 

Que « le mode » sur lequel une œuvre nous touche…

nous touche précisément de la façon

la plus profonde, c'est-à-dire

sur le plan de l'inconscient

…est quelque chose qui tient à cet arrangement,

à une composition de l'œuvre, qui sans aucun doute, fait que nous sommes intéressés très précisément

au niveau de l'inconscient, mais que cela n'est pas en raison de la présence de quelque chose qui réellement supporte en face de nous un inconscient.

 

Je veux dire que nous n'avons affaire, ni…

contrairement à ce qu'on croit

…à l'inconscient du poète, même s'il témoigne de sa présence :

- par quelques traces non concertées dans son œuvre,

- par des éléments de lapsus,

- par des éléments symboliques de lui-même inaperçus,

…ce n'est pas cela qui nous intéresse de façon majeure.

 

On peut en trouver dans HAMLET quelques traces,

c'est à cela que s'est employée, au dernier terme, Ella SHARPE comme je vous l'ai dit la dernière fois.

C'est à savoir qu'elle va chercher à écheniller,

de ci de là, ce qui dans le caractère d'HAMLET

peut faire apercevoir je ne sais quel accrochage, quelle fixation de la métaphore autour de thèmes féminins, ou de thèmes oraux. Je vous assure qu'au regard du problème que pose HAMLET, c'est vraiment là quelque chose qui paraît secondaire, presque puéril, sans perdre naturellement tout intérêt.

 

Dans beaucoup d'œuvres, en allant ainsi chercher

sous cet angle quelques traces, quelque chose qui peut vous renseigner sur un auteur, vous faites œuvre d'investigation biographique sur l'auteur,

vous n'analysez pas la portée de l'œuvre comme telle.

 

Et la portée de premier plan que prend pour nous HAMLET est celle qui lui donne la valeur de structure équivalente à celle d'Œdipe. Quelque chose qui peut nous permettre de nous intéresser au plus profond de la trame.

Ce qui pour nous permet de structurer certains problèmes, c'est évidemment autre chose que tel ou tel aveu fugace, c'est bien évidemment l'ensemble, l'articulation de la tragédie en elle-même qui est

ce qui nous intéresse, c'est cela que je suis

en train d'accentuer.

 

Cela vaut par son organisation, par ce que cela instaure de plans superposés à l'intérieur de quoi peut trouver place la dimension propre de

la subjectivité humaine, et ce qui fait que…

si vous voulez, dans cette machinerie, ou encore

dans ces portants, pour métaphoriser ce que je veux vous dire, dans la nécessité d'un certain nombre de plans superposés

…la profondeur d'une pièce, d'une salle, d'une scène, la profondeur est donnée, à l'intérieur de quoi peut se poser de la façon la plus ample le problème pour nous de l'articulation du désir.

 

Donc…

je me fais bien comprendre

…je dis que si Hamlet

c'est là le point essentiel

…a une portée pour nous privilégiée, je veux dire si Hamlet est bien le plus grand drame, ou l'un des plus grands drames de la tragédie moderne…

en mettant Faust de l'autre côté

…ce n'est pas simplement parce qu'il y a SHAKESPEARE…

si génial que nous le supposions

…et tel tournant de sa vie.

 

Car bien évidemment aussi, nous pouvons dire qu'HAMLET est un point où il s'est passé quelque chose dans la vie de SHAKESPEARE. Ceci se résume peut-être à cela, tout ce que nous pouvons en dire, car ce quelque chose qui s'est passé, nous le savons, c'est la mort de son père, et nous contenter de cela nous fait nous contenter de peu de choses.

 

Et nous supposons aussi qu'autour de cet événement

il y a dû y avoir d'autres choses dans sa vie,

car le virage, l'orientation, le tournant

de sa production est véritablement manifeste.

Avant il n'y a rien que cette suite de comédies ou ces drames historiques qui sont vraiment deux genres qu'il a poussés, l'un et l'autre, à leur dernier degré de beauté, de perfection, d'aisance.

Jusque là c'est presque un auteur avec deux grandes spécialités sur lesquelles il joue avec une maestria,

un brio, un bonheur qui nous le met de l'ordre des auteurs à succès.

 

À partir d'Hamlet le ciel change, et nous touchons à ces choses au-delà de toute limite, qui n'ont plus rien à faire avec aucune espèce de canon,

qui ne sont plus du même ordre.

 

Après Hamlet, c'est le King Lear et bien d'autres choses encore pour aboutir à la Tempest.

Nous sentons là tout autre chose, un drame humain

qui se développe, d'un tout autre registre.

C'est en fin de compte le SHAKESPEARE

joyau de l'histoire humaine et du drame humain,

qui ouvre une nouvelle dimension sur l'homme.

 

Donc il s'est bien passé quelque chose à ce moment-là. Mais est-ce qu'il suffit que nous en soyons certains pour penser que ce soit cela ?

Bien sûr, d'une certaine façon.

 

Mais observons tout de même que si Hamlet est la pièce qui se présente le plus comme une énigme,

il n'est que trop évident que toute pièce qui fait problème n'est pas pour autant une bonne pièce.

Une pièce fort mauvaise peut l'être aussi. Et dans une mauvaise pièce, il y a probablement à l'occasion, un inconscient tout aussi présent, et encore plus présent qu'il peut y en avoir dans une bonne.

 

Si nous sommes émus par une pièce de théâtre,

ce n'est pas en raison de ce qu'elle représente d'efforts difficiles, de ce qu'à son insu un auteur

y laisse passer, c'est en raison, je le répète,

des dimensions du développement qu'elle offre à

la place à prendre, pour nous, à ce qu'à proprement parler recèle en nous notre propre rapport avec

notre propre désir.

Et ceci nous est offert d'une façon si éminente dans une pièce qui, par certains côtés, réalise au maximum ces nécessités de dimension, cet ordre et cette superposition de plans qui donnent sa place

à ce qui doit là, en nous, venir retentir.

 

Cela n'est pas parce que SHAKESPEARE est à ce moment là pris dans un drame personnel.

Si l'on pousse les choses à leurs dernières limites, ce drame personnel on croit le saisir et il se dérobe.

 

On a été jusqu'à dire que c'était le drame qui était dans les Sonnets, les rapports avec son protecteur

et sa maîtresse…

vous savez qu'il s'est trouvé à la fois doublement trompé, du côté de son ami

et du côté de sa maîtresse.

On est allé jusqu'à dire…

encore que le drame de ce moment-là se soit très probablement passé à une autre période plus tempérée de la vie de SHAKESPEARE, on n'a aucune certitude

sur cette histoire, on n'a que le témoignage des Sonnets qui lui-même est singulièrement élaboré.

 

Je crois qu'il s'agit d'une autre cause que celle là. Ce n'est pas la présence, le point derrière HAMLET

de tout ce que nous pouvons, à l'occasion, rêver

qui est en cause, c'est la composition.

 

Sans doute, cette composition, l'auteur est-il parvenu à la pousser à ce haut degré de perfection, qui fait d’HAMLET quelque chose qui se distingue

de tous les pré-HAMLET que nous avons pu, avec notre philologie, découvrir par une articulation tellement singulière, tellement exceptionnelle que c'est là justement ce qui doit faire l'objet de notre réflexion.

 

Si SHAKESPEARE a été capable de le faire jusqu'à ce degré, c'est probablement en raison d'un approfondissement qui est tout autant l'approfondissement du métier d’auteur, que l'approfondissement de l'expérience vécue d'un homme

qui assurément a vécu et dont toute la vie a été heureuse, dont tout nous indique que sa vie a été traversée par toutes les sollicitations et toutes les passions.

Qu'il y ait le drame de SHAKESPEARE derrière HAMLET, c'est secondaire au regard de ce qui compose la structure, c'est cette structure qui répond de l'effet d'Hamlet.

 

Et ceci d'autant plus qu'HAMLET lui-même…

comme s'expriment métaphoriquement les auteurs

…après tout, est un personnage dont ce n'est pas simplement en raison de notre ignorance que nous ne connaissons pas les profondeurs.

Effectivement c'est un personnage qui est composé

de quelque chose qui est la place vide pour situer

car c'est là l'important

notre ignorance.

 

Une ignorance située est autre chose que quelque chose

de purement négatif. Cette ignorance située après tout, n'est justement rien d'autre que cette présentification de l'inconscient. Elle donne à HAMLET sa portée et sa force.

 

Je pense avoir réussi à vous communiquer avec le plus de nuances, sans rien écarter, sans nier la dimension proprement psychologique qui est intéressée

dans une pièce comme celle-là, qui est une question de ce qu'on appelle « la psychanalyse appliquée ».

 

Alors que c'est bien tout le contraire, au niveau

où nous sommes, c'est bien de psychanalyse théorique qu'il s'agit, et au regard de la question théorique que pose l'adéquation de notre analyse à une œuvre d'art, toute espèce de question clinique est une question

de psychanalyse appliquée.

 

Il y a des personnes qui m'écoutent et qui auront sans doute besoin que j'en dise quand même un petit peu plus dans un certain sens :

qu'elles me posent des questions !

 

Si HAMLET est vraiment ce que je vous dis,

à savoir une composition, une structure telle que là,

le désir puisse trouver sa place suffisamment correctement, rigoureusement posée pour que tous

les désirs ou, plus exactement, tous les problèmes

de rapport du sujet au désir puissent s'y projeter, il suffirait en quelque sorte de le lire.

Je fais donc allusion aux gens qui pourraient

me poser la question de la fonction de l'acteur.

Où est la fonction du théâtre, de « la représentation » ?

Il est clair que ce n'est pas du tout la même chose de lire HAMLET et de le voir représenté.

 

Je ne pense pas non plus que ceci, pour vous, puisse faire longtemps problème et que, dans la perspective qui est celle que j'essaye de développer devant vous concernant en somme la fonction de l'inconscient…

la fonction de l'inconscient que

j'ai défini comme discours de l'Autre

…on ne peut pas mieux l'illustrer que dans

la perspective que nous donne une expérience

comme celle du rapport de l'audience à HAMLET.

 

Il est clair que là l'inconscient se présentifie sous la forme

du discours de l'Autre qui est un discours parfaitement composé. Le héros n'est là présent que par ce discours, de même que le poète, mort depuis longtemps, en fin de compte, c'est son discours qu'il nous lègue. Mais bien sûr, cette dimension qu'ajoute la représentation

à savoir les acteurs qui vont jouer cet HAMLET

…c'est strictement analogue de ce par quoi nous-mêmes sommes intéressés dans notre propre inconscient.

 

Et si je vous dis que ce qui constitue notre rapport à l'inconscient, c'est ceci par quoi notre imaginaire,

je veux dire notre rapport avec notre propre corps…

j'ignore parait-il l'existence du corps, j'ai une théorie de l'analyse incorporelle, c'est ce qu'on découvre, du moins, à entendre le rayonnement de ce que j'articule ici, à une certaine distance !

…le « signifiant » pour dire le mot, c'est nous qui en fournissons le matériel…

c'est cela même que j'enseigne et

que je passe mon temps à vous dire

c'est avec nos propres membres

l'imaginaire c'est cela

que nous faisons l'alphabet de ce discours qui est inconscient et, bien entendu, chacun de nous dans des rapports divers,

car nous ne nous servons pas des mêmes éléments

pour être pris dans l'inconscient.

 

Et c'est « l'analogue », « l'acteur » qui prête ses membres, sa présence, non pas simplement comme une marionnette, mais avec son inconscient bel et bien réel, à savoir le rapport de ses membres avec une certaine histoire qui est la sienne.

 

Chacun sait que s'il y a de bons et de mauvais acteurs, c'est dans la mesure, je crois, où l'inconscient

d'un acteur est plus ou moins compatible avec ce prêt de sa marionnette.

Ou il s'y prête ou ne s'y prête pas, c'est ce qui fait qu'un acteur a plus ou moins de talent,

de génie, voire qu'il est plus ou moins compatible avec certains rôles, pourquoi pas !

 

Même ceux qui ont la gamme la plus étendue, après tout, peuvent jouer certains rôles mieux que d'autres.

En d'autres termes, bien sûr, l'acteur est là.

C'est dans la mesure de la convenance de quelque chose qui en effet peut bien avoir le rapport le plus étroit avec son inconscient, avec ce qu'il a à nous représenter, qu'il donne à cela une pointe qui ajoute incontestablement quelque chose, mais qui est loin

de constituer l'essentiel de ce qui est communiqué, la représentation du drame.

 

Ceci nous ouvrirait, je crois, la porte assez loin vers la psychologie de l'acteur. Bien entendu il y a des lois de compatibilité générale, le rapport de l'acteur avec la possibilité de l'exhibition est quelque chose qui pose un problème de psychologie particulière à l'acteur, le problème qui a pu être abordé du rapport entre certaines textures psychologiques et le théâtre.

 

Quelqu'un a écrit il y a quelques années un article qui donnait de l'espoir sur ce qu'il appelait

L'hystérie et le théâtre. Je l'ai revu récemment. Nous aurons peut-être l'occasion d'en parler avec intérêt,

sinon sans doute avec un certain acquiescement.

 

Cette parenthèse fermée, reprenons le fil de notre propos.

Quelle est donc cette structure autour de quoi se compose la mise en place qui est essentielle dans ce que

je cherche à vous faire comprendre de l'effet d'Hamlet ? Cette mise en place de l'intérieur, à l'intérieur

de quoi le désir peut et doit prendre sa place.

 

Au premier aspect, nous allons voir que ce qui est donné communément dans le registre analytique comme articulation, compréhension de ce qu'est HAMLET,

est quelque chose qui a l'air d'aller dans ce sens.

 

Est-ce que c'est pour rejoindre des thématiques

tout à fait classiques, voire banales, que je vous ai fait toutes ces remarques introductives ?

Vous allez voir qu'il n'en est rien.

 

Néanmoins commençons d'aborder les choses par ce qui nous est d'habitude présenté. Et ne croyez pas que ce soit si simple, ni si univoque, une certaine rectitude est tout ce qu'il y a de plus difficile à maintenir pour les auteurs eux-mêmes dans le développement

de leur pensée, car tout le temps il y a une sorte de fuite, d'oscillation, dont vous allez voir quelques exemples autour de ce que je vais vous énoncer.

 

Dans une première approximation qui est celle à laquelle tout le monde est accordé, HAMLET est celui qui « ne sait pas ce qu'il veut », celui qui amèrement s'arrête au moment où il voit partir les troupes du jeune FORTINBRAS qui passent à un moment à l'horizon de la scène, et qui est tout d'un coup heurté par le fait que voilà des gens qui vont faire une grande action pour trois fois rien, pour un petit bout de Pologne, et qui vont tout sacrifier, leur vie, alors que lui est là qui ne fait rien, alors qu'il a tout pour

le faire :

 

« la cause, la volonté, la force et les moyens. »

 

Comme il le dit lui-même :

 

« J'en reste toujours à dire, c'est la chose qui reste à faire. »[72]

 

Voilà le problème qui se pose à chacun :

Pourquoi HAMLET n'agit-il pas ?

 

Pourquoi ce « will », ce désir, cette volonté,

est quelque chose qui en lui, paraît suspendu,

qui si vous voulez rejoint ce que Sir James PAGET

a écrit de l'hystérique :

 

« Les uns disent qu'il ne le veut pas.

Lui dit qu'il ne peut pas.

Ce dont il s'agit c'est qu'il ne peut pas vouloir. »[73]

 

Que nous dit là-dessus la tradition analytique ?

La tradition analytique dit que tout repose en cette occasion sur le désir pour la mère, que ce désir est refoulé, que c'est cela qui est la cause,

que le héros ne saurait s'avancer vers l'action

qui lui est commandée, à savoir la vengeance contre un homme qui est l'actuel possesseur…

illégitime ô combien puisque criminel !


Date: 2016-03-03; view: 507


<== previous page | next page ==>
TABLE DES SÉANCES 42 page | TABLE DES SÉANCES 44 page
doclecture.net - lectures - 2014-2024 year. Copyright infringement or personal data (0.03 sec.)