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A. Les ondes perdues

a. Les pertes ne sont-elles pas fatales ?

Cf. Les Faux-Monnayeurs, leçon de botanique que donne Vincent : c’est une mise en abyme du fonctionnement du roman même, avec des remarques essentielles. Chap. 17 de la première partie (page 247 en folio). « Quelle leçon dans l’abandon paléologique de certaines formes ! » : comme les pistes du roman, qui sont nombreuses et abandonnées, certaines ondes ne sont pas réincorporées. C’est par là qu’il fallait commencer la discussion. Dans le Journal des faux-monnayeurs, Gide écrit « L’Afcadio [premier nom du roman] essaierait en vain de nouer des fils : il y aurait des personnages inutiles, des gestes inefficaces, des propos inopérants, et l’action ne s’engagerait pas ». Intention d’engager systématiquement les actions secondaires sans suivre l’action principale. Reproche de Martin du Gard. Marges de blanc peuvent se transformer en marges de silence. Par exemple aussi dans Paysan parvenu : roman des possibles, cf. article dans la Revue Marivaux, « Le Paysan parvenu ou les romans possibles » de Marc Escola. L’un des romans les plus cher au cœur de Gracq peut laisser perplexe : dans la Chartreuse de Parme, l’actrice Fausta que Fabrice courtise par une de ces « piques de vanité » mais à laquelle il ne donne pas suite. Il est humilié par l’amant de la Fausta. Episode qui se développe pour lui-même, pour le rythme, comme touche supplémentaire au portrait du jeune héros, sans avoir de véritable répercussion, l’auteur lui-même se demande s’il faut conserver Fausta. Chute du roman aussi : naissance du fils de Fabrice et Clélia semble ouvrir une autre partie, et pourtant le fil se perd et l’œuvre s’achève brusquement, comme négligemment.

b. Gratuité du romancier

Bon plaisir du romancier qui mène à une forme de gratuité. Certaines descriptions semblent devoir, au sein du roman, comme certains personnages, tomber dans l’insignifiance, sans reprise qui les répercute. Cf. « L’effet de réel » de Barthes, où il pointe le baromètre, élément descriptif « scandaleusement insignifiant ». Effet de réel = détail pour dire : « nous sommes le réel ». Barthes dit que « la carence même du signifié au profit du seul référent devient le signifiant même du réalisme ». Cela ne semble pas être le cas de la description de Rouen, texte purement ornemental. Genette pose aussi le problème des descriptions flaubertiennes, dans « Silences de Flaubert » dans Figures I. Absences par moment de Flaubert derrière son narrateur. Genette montre comment Flaubert semble s’absenter par brefs moments de son récit, menaçant d’extraire un morceau de description du système d’écho. Cela se fait sur une page ou sur des détails, par exemple ce que peut voir Mme Bovary quand elle traverse les jardins : objets décrits qui apparaissent pour le plaisir ou par absentéisme de Flaubert. C’est aussi ce qui peut faire l’unité du style flaubertien ; mais le mur circulaire ne renvoie qu’à un mur de silence. Dans Quatrevingt-treize, « Dénombrement titanique : l’effet de liste dans Quatrevingt-treize» de Judith Wulf, qui décrit l’effet de liste emprunté à l’épopée. Liste qui semble être là au détriment de l’essentiel, comme accessoire, sans répercussion sur le plan du récit. Interruption du récit par des catalogues plus épiques que romanesques. On rencontre un effet liste qui mime la présentation en colonne, sans pour autant la substituer à une construction syntaxique. Série d’éléments qui rompent avec la linéarité textuelle, et resserre la phrase autour d’un substantif (page 200) : expression de « dénombrement titanique ». Victor Hugo, reprenant ce procédé, s’applique à le faire entrer dans le mouvement romanesque, à l’intégrer dans un épisode. Page 330 : un crieur annonce le catalogue épique, et est interrompu par le rassemblement, qui commente la liste. Cela fait aussi une liste des réactions anonymes. Derrière l’inquiétante froideur de l’outil, il y a la série des voix populaires, qui favorisent l’effet de leur point de vue ». Hugo pointe vers un « intertexte épique […] la liste est rejetée pour le dénombrement. Liste est négative (sentences de Louis XVI). La liste chez Hugo entretient un rapport ambigu avec ses modèles épiques : elle les exploite tout en les critiquant. » Mise en fiction plus à même de susciter l’émotion. Son équivalent est le catalogue épique. Ce qui compte, c’est moins le contenu que le rôle du contexte.



c. Evaporation par les pistes multiples du roman ?

Valéry rêve d’un roman qui développe toutes ses pistes. Cf. article de Marc Escola, page 43 et suivante. « Un carrefour de possible ou un roman sans mémoire. La diégèse ne se développe que par l’abandon d’un certain nombre de développements possibles ». Hésitations, incohérences, contradictions dans Le Paysan parvenu. Exemple d’oubli de Jacob, piste ouverte non récupérée. Deux pistes : celle du début du roman, familial ; et celui qui liquide les personnages nommés, pour une forme de virginité. Paysan parvenu est roman sans mémoire. Page 46-47 : « à la fois déroute du personnage et du récit : dans la fuite de Jacob devant le chevalier qui le reconnait chez la Rémy, le roman peut bien avoir tout oublié de son passé, c’est bien un personnage de la première partie qui fait irruption dans la cinquième partie. Faute d’une échappée du récit, c’est le personnage qui fuit. Personnage qui apparaît de nulle part : personnage qui fuit devant un possible qu’il n’avait pas envisagé. »

Possibles du roman : exemple de Jacques le fataliste. L’auteur-narrateur s’amuse à donner à son lecteur narrataire plusieurs déroulements possibles de récit, dès l’incipit du roman, lecteur rabroué quand il demande l’origine des personnages. Quand il doit dire où vont les héros, le narrateur donne plusieurs hypothèses, échos semés à tout vent et non récupérés, s’évanouissent. Ce développement infini des possibles, qui peut être récupéré par des exemples, se retrouve plus que jamais dans le Nouveau Roman.

Il ne fallait pas partir tout de suite sur le nouveau roman dans la discussion : d’abord montrer comment le jugement (de Gracq ; mais aussi d’Hugo pour le second sujet) est contredit par la littérature du XVIIIe-XIXe siècle !

Variations chez Robbe-Grillet : multiples descriptions du canal ou du mille-pattes : descriptions avec variations qui forment des échos qui se détruisent, se pulvérisent, font entendre un son brouillé. Descriptions précises des objets finissent par se détruire les uns les autres : vision quasi-fantastique, impossibilité de se représenter un objet trop précisément décrit, avec des caractéristiques contradictoires. Gracq semble se détruire : mur peine à contenir le sens, le sens par ses renvois peut se perdre, se détruire, le roman trouve aussi sa richesse dans ses irrégularités, ses manquements.

 

B. Irrégularités du récit

a. Les blancs du récit

Relèvent du mystère du texte, d’échos qui ne retentiront as : on ne connaîtra jamais le secret de la bonne hôtesse dans Jacques le fataliste Idée de pluralité du sens : oui, mais avec précaution. Il ne s’agissait pas de faire de Gracq un apôtre du sens unique. Il n’est pas un romancier du sens délivré, du tout dire. Echos perdus : cf. définition du récit idéal dans Les Diaboliques de Barbey d’Aurevilly, dans Les dessous de carte d’une partie de whist, nouvelle, ou Le Plus bel amour de Dom Juan. Nouvelles qui sont écrites de façon diabolique : on ne saura jamais le fin mot de l’histoire. A la fin des dessous de carte, un des personnages loue cette technique de ne montrer la vérité qu’à travers un soupirail. Refus d’utiliser la marge pour renvoyer à un écho audible, rester dans le silence.

Dans Les Gommes, Wallace, l’enquêteur : comment les signes œdipiens sont-ils récupérés ? Ils ne le sont pas, on n’aura jamais de certitude. La marge qui entoure le texte peut aussi être un fossé dans lequel les échos vont se perdre. Question de l’inachèvement. Cf. Jacques le fataliste, ou inachèvement du Paysan parvenu. Béance finale expliquée par les critiques (cf. cours sur le roman) : hésitation de Marivaux entre onde morale et onde réaliste, fil familial et fil social. Route prévue pour un personnage peut ne pas être accomplie jusqu’au bout. Route peut être accomplie par le personnage, déviation, irrégularité par rapport à la belle ordonnance d’un monde contenu dans ce mur réfléchissant.

b. Déviation pour le personnage

Déviation à la fois pour le personnage : page 99-100 dans Romanciers et personnages : le romancier ne peut jamais rendre compte de la complexité de la vie, il ne peut rendre cela que de façon très partielle. Pas forcément souhaitable de le faire de cette façon harmonieuse. Personnage, par son individualité, peut intercepter les échos, les ondes attendues. Ici, cf. aussi le fait que l’auteur peut prendre ses aises à l’égard de la progression de son récit. Cf. Hugo, digressions qui ne semblent pas toutes récupérables, dont la liste : plaisir, laisser-aller. Digressions qui ne sont pas sans utilité pour la diégèse, mais qui par leurs dimensions marquent un arrêt, une sortie de l’enceinte. Certaines de ces digressions permettent à Hugo lui-même, non plus au narrateur, de parler, et de faire entendre certaines de ses idées majeures sur la peine de mort. Cf. il tonne contre l’arbitraire : « le président d’un tribunal était en même temps tout le tribunal lui-même » « il fallait peu de temps pour changer un corps de garde en tribunal militaire » : propos qui vont être utiles à l’action ; et sorties de route de l’auteur, évocations de ses convictions ou de ses expériences personnelles.

c. Liberté du langage

Romancier tend à unifier la polyphonie du langage, mais elle implique un parcours sinueux. Roman habité de voix multiples, de registres multiples, contrairement à la poésie (selon Bakhtine). Mélange de voix et de points de vue qui se répondent, se complètent, bigarrure : cacophonie. C’est le cas de Céline. Illusion d’oralité chez Céline, reconstitution d’oralité, avec des tics qui vont au-delà de l’illusion populaire. On peut parler d’illusion d’oralité populaire, recomposée et placée au sein d’un ensemble littéraire. Dialogisme = heurts entre cette oralité populaire et le langage le plus littéraire par ailleurs. Cacophonie mêlant les registres dans une voix, les voix aux autres. Catégories vocales mêlées : fils narratifs sont brouillés, une voix peut jouer contre une autre, buter contre une autre. Monde chamarré, fracturé que celui du Voyage. Motif de la guerre qui passe par la bigarrure du langage. Symbole dans le terme employé par le narrateur sur un personnage qui « sait parler », sait chanter aussi, personnage d’une autre époque : la mère Henrouille, passage qui donne la manière dont elle sait parler, dont elle sait chanter avec a voix cassée. Voix cassée du Voyage, expression emblématique du Voyage, idéal poétique en voie de perdition.

 


Date: 2016-03-03; view: 517


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