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B- La solution jurisprudentielle : l’absence de répression des actes préparatoires

 

 

La jurisprudence, au milieu de cette incertitude doctrinale, a adopté ce qu’on pourrait appeler une conception médiane : « l’intention matérialisée » afin de déterminer si les agissements effectués par la personne mise en cause sont situés dans la phase d’exécution de l’infraction ou s’ils ne constituent encore qu’une préparation de l’infraction.

La tentative, on l’a vu, est caractérisée par un commencement d’exécution et non par une fin de préparation ainsi les juges essaieront, dans chaque cas d’espèce, de dégager les actes qui relèvent des actes préparatoires de ceux qui relèvent du commencement d’exécution. Pour ce faire, la Cour de Cassation a depuis de nombreuses années dégagé un certain nombre de critères qui permettent de dresser la distinction entre ces deux notions. En effet, pour la Chambre Criminelle la qualification de commencement d’exécution s’applique à tout acte délibéré qui tend directement à la commission de l’infraction. Elle y ajoute un lien de causalité directe et immédiate entre le commencement d’exécution et la consommation de l’infraction.

Par exemple, dans deux arrêts rendus le 25 octobre 1962[3], la Chambre Criminelle énonce que « le commencement d’exécution n’est caractérisé que par des actes devant avoir pour conséquence directe et immédiate de consommer le crime, celui-ci étant entré dans la période d’exécution ».

Dans une autre décision du 3 mai 1974[4] les juges ont estimé que « le commencement d’exécution est constitué par tous les actes qui tendent directement et immédiatement à la consommation du délit, le prévenu étant entré dans sa période d’exécution. ».

Cette exigence d’un lien de causalité permet de faire la différence entre actes préparatoires et commencement d’exécution. En effet, en faisant référence à un lien de causalité direct et immédiat les juges permettent de placer plus précisément le commencement d’exécution sur l’iter criminis : il faut que les actes réalisés soient proches en temps de la consommation de l’infraction. Il faut d’ailleurs sans doute y voir un rejet des actes préparatoires qui étant équivoques ou trop peu précis ne permettent pas de conclure avec précision à la volonté de l’agent de passer à l’acte. Par exemple, dans un arrêt du 27 mai 1959[5], les juges ont décidé que ne constituait pas la tentative d’escroquerie mais seulement des actes préparatoires l’incendie volontaire d’un camion assuré contre l’incendie dans la mesure où le propriétaire du camion n’avait pas fait de déclaration de sinistre ni de demande d’indemnisation à sa compagnie d’assurances, l’incendie n’apparaît donc pas comme un acte univoque bien qu’il soit volontaire.



Cette distinction jurisprudentielle entre actes préparatoires et actes d’exécution a été reprise par quelques années plus tard dans l’Affaire Lacour du 25 octobre 1962. En l’espèce, un homme avait remis une somme d’argent à quelqu’un qui avait, à l’issue de ce contrat, obligation de tuer une tierce personne. L’agent qui a reçu l’argent a par la suite décidé de ne pas tuer la personne visée. Ces deux hommes étaient poursuivis sur le terrain de la tentative d’assassinat mais la Chambre Criminelle a conclu que « le fait de remettre des fonds à un homme de main chargé de tuer la victime désignée n’a pas pour conséquence directe et immédiate de consommer le crime d’assassinat et constitue seulement un acte préparatoire dès l’instant où l’exécutant matériel s’est abstenu d’agir ».

Cette solution a été reprise par la suite notamment dans un arrêt du 15 mai 1979 relatif à la tentative d’achat de stupéfiants par un collégien.

Donc, il faut un rapport étroit, une proximité entre l’acte et l’exécution complète afin que l’achèvement de l’infraction soit probable. Il faut également que l’acte en question ne laisse subsister aucun doute quant à l’intention de l’agent.

Nous sommes donc en présence de ce que certains auteurs qualifient « d’intention matérialisée » puisque deux éléments sont essentiels pour avoir à faire à un commencement d’exécution : un élément objectif qui est l’acte et un élément psychologique qui est l’intention de commettre l’infraction. Le commencement d’exécution serait donc un acte matériel qui ne laisse aucun doute sur les intentions du délinquant et qui tend directement et immédiatement à la commission de l’infraction.

Cette référence à l’intention de l’agent laisse penser que la Cour de Cassation s’inspire d’un doctrine italienne fondée par Carrara, faisant de l’acte d’exécution un acte à caractère univoque en opposition à l’acte préparatoire qui a un caractère équivoque. En effet, la lecture des différents arrêts rendus par la Chambre Criminelle en matière de tentative punissable montre que les juges ont uniquement retenus les actes prouvant l’irrévocabilité du dessein criminel de l’agent.

Par exemple, dans l’Affaire du magasin du Louvre du 29 décembre 1970, les juges de la Chambre criminelle ont estimé que « la mise en place par des malfaiteurs d’un puissant dispositif d’attaque (armes, gants, passe-montagne, foulard autour du coup, faux-nez) démontre à l’évidence que la phase d’exécution de l’agression prévue était commencée, que les malfaiteurs placés en embuscade, avaient accompli volontairement des actes qui devaient avoir pour conséquence directe et immédiate la consommation du vol ».

 

Il n’est pas inintéressant de noter qu’en ce qui concerne la qualification d’actes préparatoires, certains juges se déterminent en fonction de considérations plus criminologiques que juridiques : ils qualifieront par exemple certains agissements d’actes préparatoires parce qu’ils ont en face d’eux un délinquant primaire et n’hésiteront pas à qualifier ces mêmes actes de commencement d’exécution s’ils se trouvent face à un récidiviste. On peut sans doute y voir une dérive liée à l’incertitude existante en la matière faute de définition et de frontière précise entre actes préparatoires et commencement d’exécution.

Mais, il apparaît clairement que les juges se refusent à réprimer des actes simplement préparatoires.

 

La jurisprudence constante de la Cour de Cassation en instaurant des critères bien précis en matière de commencement d’exécution n’est pas prête à changer. Cependant, nous assistons à l’heure actuelle à une prise en compte des actes préparatoires dans la répression de certaines infractions. En effet, le législateur est de plus en plus enclin à incriminer des comportements qui rentreraient habituellement dans la catégorie des actes préparatoires soit parce qu’ils représentent un certain danger social soit parce qu’ils sont suffisamment dangereux pour être proscrits en tant que tels et indépendamment du point de savoir quel aurait été le résultat issus de ces agissements.

 

 


Date: 2015-12-24; view: 640


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