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Les petits enfants du siècle

Je commençais à aller à l'école. Le matin je faisais déjeuner les garçons, je les emmenais à la maternelle, et j'allais à mon école. Le midi, on restait à la cantine. J'aimais la cantine, on s'assoit et les assiettes arrivent toutes remplies ; c'est toujours bon ce qu'il y a dans des assiettes qui arrivent toutes remplies ; les autres filles en général n'aimaient pas la cantine, elles trouvaient que c'était mauvais ; je me demande ce qu'elles avaient à la maison ; quand je les questionnais, c'était pourtant la même chose que chez nous, de la même marque, et venant des mêmes boutiques, sauf la moutarde, que papa rapportait directement de l'usine ; nous on mettait de la moutarde dans tout.

Le soir, je ramenais les garçons et je les laissais dans la cour, à jouer avec les autres. Je montais prendre les sous et je redescendais aux commissions. Maman faisait le dîner, papa rentrait et ouvrait la télé, on mangeait, papa et les garçons regardaient la télé, maman et moi on faisait la vaisselle, et ils allaient se coucher. Moi je restais dans la cuisine à faire mes devoirs.

Maintenant, notre appartement était bien. Avant, on habitait une sale chambre avec l'eau sur le palier. Quand le coin a été démoli, on nous a mis ici ; on était prioritaires ; dans cette Cité les familles nombreuses étaient prioritaires. On avait reçu le nombre de pièces auquel nous avions droit selon le nombre d'enfants. Les parents avaient une chambre, les garçons une autre, je couchais avec les bébés dans la troisième ; on avait une salle d'eau, la machine à laver était arrivée quand les jumeaux étaient nés, et une cuisine-séjour où on mangeait ; c'est dans la cuisine, où était la table, que je faisais mes devoirs. C'était un bon moment : quel bonheur quand ils étaient tous garés, et que je me retrouvais seule dans la nuit et dans le silence ! Le jour je n'entendais pas le bruit, je ne faisais pas attention ; mais le soir j'entendais le silence. Le silence commençait à dix heures : les radios se taisaient, les piaillements, les voix, les tintements de vaisselles ; une à une, les fenêtres s'éteignaient. À dix heures et demie c'était fini. Plus rien. Le désert. J’étais seule.


Guy de Maupassant c’est un grand écrivain français très célèbre, représentant de la littérature française de la deuxième moitié du XIX siècle. Il appartient au courant réaliste. Il est l’auteur des nouvelles et des romans. Il a écrit plus de 300 nouvelles. On connait les nouvelles de Maupassant Boule de Suif, Le Papa de Simon, Le Père Milon et d’autres. Les romans les plus célèbres sont Une vie, Bel-Ami, Pierre et Jean. Ses œuvres attirent par la force réaliste, par la langue très claire et très précise.



L’auberge raconte l’histoire d’un jeune homme, Ulrich, qui, pour la première fois, va passer l’hiver dans la montagne. Il est accompagné du vieux Gaspard et d’un chien, Sam. Un jour, Gaspard part chasser mais ne revient pas. Ulrich part alors à la recherche mais ne le trouve pas. Il se sent coupable de la mort de son vieux compagnon puis il a peur, seul dans la montagne. Pour oublier sa peur, il commence à boire et perd encore le contrôle de lui-même. Une nuit, il croit entendre le fantôme de Gaspard qui lui reproche de ne pas l’avoir assez cherché. Pour faire partir ce fantôme, il ouvre brusquement la porte…

L’auberge

Il reçut en plein visage un souffle d’air froid qui le glaça jusqu’aux os et il referma le battant et poussa les verrous, sans remarquer que Sam s’était élancé dehors. Puis, frémissant, il jeta du bois au feu, et s’assit devant pour se chauffer; mais soudain il tressaillit, quelqu’un grattait le mur en pleurant.

Il cria éperdu: « Va-t’en». Une plainte lui répondit, longue et douloureuse.

Alors tout ce qui lui restait de raison fut emporté par la terreur. Il répétait: « Va-t’en » en tournant sur lui-même pour trouver un coin où se cacher. L’autre, pleurant toujours, passait le long de la maison en se frottant contre le mur. Ulrich s’élança vers le buffet de chêne plein de vaisselle et de provisions, et, le soulevant avec une force surhumaine, il le traîna jusqu’à la porte, pour s’appuyer d’une barricade ¹. Puis, entassant les uns sur les autres tout ce qui restait de meubles, les matelas, les paillasses, les chaises, il boucha la fenêtre comme on fait lorsqu’un ennemi vous assiège.

Mais celui du dehors poussait maintenant de grands gémissements lugubres auxquels le jeune homme se mit à répondre par des gémissements pareils.

Et des jours et des nuits se passèrent sans qu’ils cessassent de hurler l’un et l’autre. L’un tournait sans cesse autour de la maison et fouillait la muraille de ses ongles avec tant de force qu’il semblait vouloir la démolir; l’autre, au-dedans, suivait tous ses mouvements, courbé, l’oreille collée contre la pierre, et il répondait à tous ses appels par d’épouvantables cris.

Un soir, Ulrich n’entendit plus rien, et il s’assit, tellement brisé de fatigue qu’il s’endormit aussitôt.

 

 

1. Pour former une barricade.


François Mauriac - romancier, poète, dramaturge et journaliste; s'inscrit dans la tradition littéraire réaliste. Dans ses écrits l'auteur aborde des conflits entre l'individu et la société, observe les mœurs et les coutumes de son époque. Ses romans traitent le thème pathétique de la grâce et du rachat. Le roman Thérèse Desqueyroux a paru en 1927.


Date: 2016-04-22; view: 1509


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