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TABLE DES SÉANCES 60 page

…nous n'aurions pas à faire constamment cette remarque de la division qui s'y introduit régulièrement, et que nous sommes bien forcés d'articuler au moment même où nous parlons à ce sujet très conci­liant, plus ou moins problématique entre les deux plans qui constituent cet objet :

 

- comme objet d'amour ou, comme on s'exprime, de tendresse,

ou de l'autre auquel nous faisons don de notre unicité

 

- et le même autre considéré comme instrument du désir.

Il est bien clair que c'est l'amour de l'autre

qui résout tout, mais on voit bien par cette seule remarque que peut-être ici nous sortons juste­ment des limites de l'épure puisqu'en fin de compte,

ce n'est pas à nos disposi­tions, mais à la tendresse de l'autre qu'est réservé ceci :

qu'au prix sans aucun doute d'un certain décentrement

de lui-même, il satisfasse au plus exact de ce qui, sur le plan du désir, est pour nous promu comme objet.

 

Finalement il semble bien ici que, plus ou moins camouflées, nous reproduisions tout simplement

de vieilles distinctions introduites de l'expérience religieuse.

 

C'est à savoir la dis­tinction de la tendresse amoureuse au sens concret ou passionnel, charnel - comme on s'exprime –

du terme, et de l'amour de charité.

 

Si c'est vraiment cela pourquoi ne pas renvoyer nos patients aux pasteurs qui le leur prêcheront bien mieux que nous.

 

Aussi bien d'ailleurs nous ne sommes pas sans quelque aver­tissement que ce serait un langage mal toléré et que, de temps en temps, il n'est pas mieux que nos patients pour anticiper les glissements

là-dessus de nos lan­gages et nous dire :

 

« qu'après tout si ce sont ces beaux principes de morale que nous avons à leur prêcher ils pourraient bien aller les chercher ailleurs, mais qu'il est curieusement déjà arrivé que cela leur tape assez sur les nerfs pour qu'ils n'aient pas envie d'en entendre à nouveau. »

 

Je fais là une ironie bien facile.

Ce n'est pas une ironie pure et simple.

 

J'irai plus loin, je dirai qu'en fin de compte,

il n'y a d'ébauche de théorie du désir, je veux dire d'une théorie du désir où nous puissions, nous, reconnaître…

si je mets les points sur les « i »

les chiffres mêmes à travers lesquels j'entends maintenant l'articuler pour vous, sinon les dogmes religieux.

Et que ce n'est pas par hasard si dans l'articulation religieuse, le désir, lui…

sans aucun doute dans des coins protégés dont l'accès bien entendu est réservé, n'est pas ouvert tout grand au commun des mortels, des fidèles, mais dans des coins qu'on appelle la mystique

…est bien inscrit.



 

Comme telle, la satisfaction du désir est liée

à toute une organisation divine qui est celle qui…

pour ledit commun

…se présente sous la forme des « mystères »…

probablement aussi pour les autres

…je n'ai pas besoin de les nommer.

 

Et il faut voir ce que peut représenter - pour le croyant - d’échelle sensible, des termes suffisamment vibrants comme celui d'incarnation ou de rédemption.

 

Mais j'irai plus loin :

je dirai que le plus profond de tous, qui s'appelle « la Trinité », nous aurions grand tort de croire que

ça n'est pas quelque chose qui, au moins, n'est pas sans rapport avec le chiffre 3 auquel nous avons toujours affaire, si nous nous apercevons qu'il n'y a pas

de juste accès, d'équi­libre possible à atteindre pour un désir que nous appelons normal,

sans une expérience qui fait intervenir

une certaine triade subjective.

 

Pourquoi ne pas dire ces choses, puisqu'elles sont là dans une extrême simplicité ?

Et pour moi, je ne répugne pas plus, je me satisfais tout autant, à de telles références qu'à celles de plus ou moins confuses appréhensions de cérémonies primitives - totémiques ou autres - dans lesquelles ce que nous retrouvons de meilleur n'est pas très diffé­rent de ces éléments de structure.

 

Bien entendu, c'est justement pour autant que

nous essayons de l'aborder d'une façon qui, pour

ne pas être exhaustive, n'est pas prise sous l'angle du mystère, que je crois qu'il y a intérêt à ce que nous nous engagions dans cette voie.

Mais alors, je le répète, certaines questions…

je dirais d'horizon moral voire social

…ne sont pas superflues à rappeler à cette occasion.

 

C'est à savoir d'articu­ler ceci…

qui apparaît bien clair dans

l'expérience contemporaine

…qu'il ne saurait y avoir de satisfaction de chacun sans la satisfaction de tous.

 

Et que ceci est au principe d'un mouvement qui…

même si nous n'y sommes pas

avec d'autres puis­samment engagés

nous presse de toutes parts, et assurément assez pour être tout prêt de bouleverser beaucoup de nos commodités.

 

Encore s'agit-il de rappeler que la satisfaction

dont il s'agit mérite peut-être qu'on l'interroge. Car est-elle purement et simplement la satisfaction des besoins ?

 

Ceux-là mêmes dont je parle…

mettons-les sous la rubrique du mouvement qui s'inscrit dans la pers­pective marxiste, et qui n'a rien d'autre

à son principe que celui que je viens d'exprimer :

« Il n'y a de satisfaction de chacun sinon dans la satisfaction de tous. »

…n'oseraient pas le prétendre, puisque justement

ce qui est le but de ce mou­vement et des révolutions qu'il comporte, c'est au dernier terme de faire accé­der ces « tous » à une liberté sans aucun doute lointaine, et posée comme devant être post-révolutionnaire.

 

Mais cette liberté dès lors, quel autre contenu

pou­vons-nous lui donner que d'être justement

la libre disposition pour chacun de son désir ?

 

Il reste néanmoins que la satisfaction du désir,

dans cette perspective, est une question post-révolutionnaire, et de ceci nous nous apercevons tous les jours !

 

Cela n'arrange rien, nous ne pouvons pas renvoyer

le désir auquel nous avons affaire à une étape post-révolutionnaire.

 

Et chacun sait d'ailleurs que je ne suis pas là en train de dire du mal de tel ou tel mode de vie, qu'il soit en deçà ou au-delà d'une certaine limite.

 

La question du désir reste au premier plan des

pré­occupations des pouvoirs, je veux dire qu'il faut bien qu'il y ait quelque manière sociale et collective de « to manage »avec lui.

 

Cela n'est pas plus commode de ce côté-ci d'un certain « rideau » que de l'autre. Il s'agit toujours

de tempérer un cer­tain malaise, le Malaise dans la culture comme l'a appelé FREUD. Il n'y a pas d'autre

« malaise dans la culture » que le malaise du désir.

 

Pour vous frapper un dernier clou sur ce que je veux dire, je vous poserai la question de savoir chacun…

non pas en tant qu'analystes trop portés - moins ici qu'ailleurs - à vous croire destinés à être les régents des désirs des autres

…de vous interroger sur ce que veut dire pour chacun de vous, au cœur de votre exis­tence, le terme :

qu'est-ce que réaliser son désir ?

 

Cela existe quand même !

 

Il y a quand même des choses qui s'accomplissent, elles sont un peu déviées à droite, un peu déviées

à gauche, tordues, cafouillantes et plus ou moins merdeuses, mais ce sont quand même des choses

qu'à une cer­taine heure, nous pouvons rassembler

sous ce faisceau à tel ou tel moment :

« Ceci allait dans le sens de réaliser mon désir ».

 

Mais si je vous demande d'articuler ce que cela veut dire de réaliser son désir, je tiens le pari

que vous ne l'articulerez pas facilement.

 

Et pourtant, s'il m'est permis…

je croiserai cela avec la référence religieuse

à laquelle je me suis avancé aujourd'hui

…de faire état de cette for­midable création d'humour noir que la religion…

à laquelle je me référais tout à l'heure,

celle que nous avons là bien vivante

…la religion chrétienne, a promue sous le nom

de « Jugement dernier ».

 

Je vous pose la question :

 

- simplement de savoir si ça n'est pas une des questions que nous devons projeter comme en son lieu le plus convenable - lieu du « Jugement dernier »,

 

- la question de savoir si ce jour du « Jugement dernier », ce que nous pourrons dire sur ce sujet… ce que dans notre existence unique nous aurons fait dans ce sens de réaliser notre désir …ne pèsera pas aussi lourd que celle… qui ne la réfute à aucun degré, qui ne la contrebalance d'aucune manière …de savoir si nous aurons - ou non - fait ce qu'on appelle « le bien ».

 

Mais revenons sur notre formule, notre structure du désir, pour voir ce qui en fait non plus seulement

la fonction de l'objet

comme j'ai essayé de l'articu­ler il y a deux ans,

…ni non plus celle du sujet

en tant que j'ai essayé de vous le montrer

…qui se distingue en ce point clef du désir par cet évanouissement du sujet en tant qu'il a à se nommer comme tel,

mais dans la corrélation qui lie l'un à l'autre,

qui fait que l'objet a cette fonction précisément de signifier ce point où le sujet ne peut se nommer, où la pudeur dirai-je est la forme royale de ce qui se monnaie dans les symptômes en honte et en dégoût.

 

Et je vous demande encore un temps, avant d'entrer dans cette articulation, pour vous faire remarquer

ce quelque chose que je suis forcé de laisser là comme une marque, à savoir comme un point que je n'ai pas pu en son temps, pour des raisons de programme, développer comme je l'eus désiré,

qui est celui de la comédie.

 

La comédie, contrairement à ce qu'un vain peuple

peut croire, est ce qu'il y a de plus profond dans cet accès au mécanisme de la scène en tant qu'il

permet à l'être humain la décomposition spectrale de ce qui est sa situation dans le monde.

 

La comédie est au-delà de cette pudeur.

 

La tragédie finit avec « le nom du héros »,

et avec la totale identification du héros :

HAMLETest HAMLET, il est tel nom.

C'est même parce que son père était déjà HAMLET

qu'en fin de compte tout se résout là, à savoir qu'HAMLET est définitivement aboli dans son désir.

Je crois en avoir assez dit maintenant avec HAMLET.

 

Mais la comédie est un très curieux attrape-désir,

et c'est pourquoi chaque fois qu'un piège du désir fonctionne nous sommes dans la comédie.

 

C'est le désir en tant qu'il apparaît là où on ne l'attendait pas :

- le père ridicule,

- le dévot hypo­crite,

- le vertueux en proie à une entreprise adultère,

…voilà ceux avec quoi on fait la comédie.

 

Mais il faut bien entendu cet élément qui fait que

le désir ne s'avoue pas :

- il est masqué et démasqué,

- il est bafoué,

- il est puni à l'occasion,

…mais c'est pour la forme, car dans les vraies comédies, la punition n'effleure même pas l'aile de corbeau

du désir, lequel file absolument intact :

 

- TARTUFFE est exactement le même après que l'exempt lui ait mis la main sur l'épaule.

 

- ARNOLPHE fait « ouf ! »[114] c'est-à-dire qu'il est toujours ARNOLPHE et qu'il n'y a aucune raison qu'il ne recommence pas avec une nouvelle AGNÈS.

 

- Et HARPAGON n'est pas guéri par la conclusion plus ou moins postiche de la comédie moliéresque.

 

Le désir dans la comédie, est démasqué mais non pas réfuté.

 

Je ne vous donne là qu'une indication.

 

Maintenant je voudrais vous introduire dans ce qui va me servir à situer notre comportement à l'endroit du désir en tant que nous, dans l'analyse, l'expérience nous a appris à le voir pour, comme le disait

un de nos grands poètes…

encore qu'il soit encore un plus grand peintre

ce désir là nous pouvons l'attraper par la queue [115],

c'est à savoir dans le fantasme.

 

Le sujet donc, en tant qu'il désire ne sait pas où il en est par rapport à l'articulation inconsciente, c'est-à-dire à ce signe, à cette scansion qu'il répète en tant qu'inconsciente.

 

Où est-il ce sujet comme tel, est-il au point où il désire ?

 

C'est là le point de mon articulation d'aujourd'hui :

 

- il n'est pas au point où il désire,

 

- il est quelque part dans le fan­tasme.

 

Et c'est là ce que je veux articuler aujourd'hui, car de là dépend toute notre conduite dans l'interprétation.

 

J'ai fait état autrefois ici d'une observation parue dans une sorte de petit bul­letin en Belgique[116], concernant l'apparition d'une « perversion transitoire »

au moment de la cure, de quelque chose qui a été improprement étiqueté comme une forme de phobie, alors qu'il s'agissait très nettement et comme l'auteur sans doute lui-même dans ses interrogations…

 

Je dois dire que ce texte est précieux, il est très consciencieux et très utilisable par les interrogations que l'auteur lui-même pointe, à savoir la femme qui a dirigé ce traitement et qui, sans aucun doute, mieux dirigée elle-même, avait toutes les qualités qu'il fallait pour voir beaucoup mieux et aller beaucoup plus loin.

 

Il est clair que cette observation, dans laquelle

on peut dire qu'au nom de certains principes…

principe de réalité en l'occasion

…l'analyste se permet de jouer du désir du sujet comme s'il s'agis­sait là du point qui chez lui devait être remis en place.

 

Le sujet…

sans aucun doute pas par hasard

…se met à fantasmer que sa guérison coïncidera

avec le fait qu'il couchera avec l'analyste.

 

Sans aucun doute ce n'est pas par hasard que quelque chose d'aussi tranchant, d'aussi cru, arrive

au premier plan d'une expérience analytique.

 

C'est une conséquence de l'orientation générale donnée au traite­ment, et de quelque chose qui est nettement bien perçu par l'auteur lui-même

comme ayant été le point crucial.

 

À savoir le moment où il s'agit d'interpréter

un fantasme et d'identifier ou non un élément

de ce fantasme.

 

Lequel…

heureuse­ment et très magnifiquement

…est à ce moment, je ne dis pas un homme en armure, mais une armure qui avance derrière le sujet,

armure armée de quelque chose d'assez facilement reconnaissable puisque c'est une seringue de Fly-tox, c'est-à-dire ce qu'on peut faire comme représentation, la plus comique et la plus caractérisée aussi,

de l'appareil phallique comme destructeur.

 

Et ceci au plus grand embarras rétrospectif de l'auteur.

 

C'est bel et bien de là qu'ont dépendu beaucoup de choses et il pressent qu'à cela a été accroché,

dans la suite, tout le déclenchement de la perversion artificielle.

 

Tout dépend du fait que cela était interprété

en termes de réalité, d'expérience réelle de la mère phallique incon­testablement, et non pas chez le sujet de ceci…

qui ressort tout à fait clairement d'une certaine vue de l'observation à partir du moment

où on veut bien la prendre

…que le sujet fait là surgir l'image nécessaire et manquante du père comme tel pour autant qu'il est exigé pour la stabilisation de son désir.

 

Et rien ne saurait mieux tout de même nous combler que le fait que ce personnage man­quant apparaît dès lors sous la forme d'un montage, de quelque chose qui donne l'image vivante du sujet en tant qu'il est reconstitué à l'aide d'un certain nombre de coupures, d'articulations de l'armure, pour autant qu'elles sont jointures, et jointures pures comme telles.

 

C'est en ce sens, et d'une façon tout à fait concrète qu'on pourrait refaire le type d'intervention qui eut été nécessaire, que peut-être ce qu'on appelle dans cette occasion « guérison » eut pu être trouvé à de moindre frais que par le détour d'une perversion transitoire, sans doute jouée dans le réel, et qui incontesta­blement nous permet de toucher, dans une certaine pratique, en quoi la référence à la réalité représente

une régression dans le traitement.

 

Je vais maintenant bien préciser ce que j'entends vous faire sentir concernant ces rapports de S et de (a).

 

Je vais d'abord vous donner un modèle qui n'est

qu'un modèle, le Fort-da, c'est-à-dire quelque chose

que je n'ai pas besoin d'autrement commenter,

à savoir ce moment que nous pouvons considérer comme théori­quement premier de l'introduction du sujet dans le symbolique, pour autant que c'est dans l'alternance d'un couple signifiant que réside cette introduction, en rapport avec un petit objet quel qu'il soit :

disons une balle ou tout aussi bien un petit bout

de cordon, quelque chose d'effiloché au bout de

la couche, pourvu que cela tienne, et que cela puisse être rejeté et ramené.

 

Voici donc l'élément dont il s'agit et dans lequel ce qui s'exprime est quelque chose qui est juste avant l'apparition du S, c'est-à-dire le moment où le S s'interroge par rapport à l'autre en tant que présent ou absent.

 

C'est donc le lieu par lequel le sujet entre, à ce niveau, dans le symbolique, et fait surgir au départ

ce quelque chose dont M. WINNICOTT, par la nécessité d'une pensée complètement axée sur les expé­riences primaires de la frustration, a introduit le terme, pour lui nécessaire dans la genèse possible de tout développement humain comme tel, d’« objet transi­tionnel ».

L'objet transi­tionnel, c'est la petite balle du Fort-da.

 

À partir de quand ce jeu, pouvons-nous le considérer comme promu à sa fonction dans le désir ?

À partir du moment où il devient fantasme,

c'est­-à-dire où le sujet n'entre plus dans le jeu, mais s'anticipe dans ce jeu, où il court-circuite ce jeu, où il est tout entier inclus dans le fantasme.

 

Je veux dire, où il se saisit lui-même dans sa disparition. Il ne se saisira bien entendu jamais sans peine, mais ce qui est exigible pour ce que j'appelle fantasme en tant que support du désir, c'est que le sujet soit représenté dans le fantasme dans ce moment de disparition.

 

Et je vous fais remarquer que je ne suis pas là

en train de rien dire d'extraordinaire.

Simplement j'articule ce biais, cet éclair, ce moment où M. JONES s'est arrêté quand il a cherché à donner son sens concret aux termes de complexe de castration et où…

pour des raisons d'exigence

de sa compré­hension personnelle

…il ne va pas ailleurs, parce que c'est comme cela que pour lui les choses sont phénoménologiquement sensibles.

 

Les gens sont quand même arrêtés par des limites de compréhension quand ils veulent à tout prix comprendre !

Ce que j'essaye de vous faire dépasser un tout petit peu en vous disant qu'on peut aller un peu plus loin en s'arrêtant d'essayer de comprendre.

Et c'est en quoi je ne suis pas phénoménologiste.

 

Et JONES identifie le « complexe de castration » à la crainte de la disparition du désir. C'est exactement ce que

je suis en train de vous dire sous une forme différente.

Puisque le sujet craint que son désir disparaisse, cela doit bien signifier quelque chose, c'est que quelque part il se désire désirant, que c'est là ce qui est la structure du désir, faites bien attention, du névrosé.

 

C'est pour cela que je n'irai pas au névrosé tout d'abord, parce que ceci vous paraît trop facilement un simple doublement :

je me désire désirant, et me désire désirant désiré, etc.

 

Ce n'est pas de cela du tout qu'il s'agit, et c'est pour cela que le fantasme per­vers est utile à ré-épeler.

Et si aujourd'hui je ne peux pas aller plus loin, j'essaye­rai de le faire en prenant un de ces fantasme les plus accessibles, et au reste fort parent de

ce à quoi j'ai eu à faire allusion tout à l'heure dans l'observation que j'ai évoquée, c'est à savoir le fantasme de l'exhibitionniste, du voyeuriste égale­ment.

 

Car - vous allez le voir - peut-être convient-il de ne pas se contenter de la façon dont est communément rapportée la structure dont il s'agit.

On a l'habitude de nous dire :

« C'est très simple, c'est très joli ce fantasme per­vers,

la pulsion scoptophilique ». Bien sûr on aime regarder,

on aime être regardé, ces « charmantes pulsions vitales »,

comme dit quelque part Paul ÉLUARD.

 

Il y a en somme là quelque chose, la pulsion, qui se complaît à ce que le poème d'ÉLUARD exprimait très joliment sous la formule « Donner à voir », manifestation de la forme s'offrant d'elle-même à l'autre.

 

En somme, je vous le fais remarquer :

ce n'est pas rien déjà de dire cela.

Cela ne nous paraît plus si simple.

Cela implique, puisque nous étions à ce niveau-là hier soir, à savoir ce qu'il peut y avoir

de subjectivité implicite dans une vie animale,

cela implique quand même une certaine subjectivité.

 

Il n'est guère possible de concevoir ce donner à voir même, sans donner au mot « donner » la plénitude des vertus du don, tout de même une référence, innocente sans doute,

non éveillée, de cette forme, à sa propre richesse.

 

Et aussi bien en avons-nous des indications tout à fait concrètes dans le luxe mis par des animaux dans les manifestations de la parade captivante, principalement de la parade sexuelle. Je ne vais pas me remettre

à faire frétiller devant vous l'épinoche, je pense vous en avoir parlé assez longuement pour que ce que je suis en train de vous dire ait un sens.

 

C'est simplement pour dire que dans la courbe

d'un certain comportement, si instinctuel que nous le supposions, quelque chose peut être impliqué que ce même petit mouvement de retour, et du même coup d'anti­cipation qui est là dans la courbe de la parole.

 

Je veux dire une projection temporelle de ce quelque chose qui est dans l'exubérance de la pulsion

à se montrer, telle que nous pouvons la retrouver au niveau naturel.

 

Ici je ne peux que latéralement…

et pour ceux qui étaient hier à la séance scientifique

…qu'inciter celui qui est intervenu sur ce sujet

à s'apercevoir qu'il y a lieu, justement dans cette anticipation temporelle, de moduler ce qui est attente peut-être, sans aucun doute chez l'animal dans certaines circonstances, avec ce quelque chose qui nous permet d'articuler la déception de cette attente comme une tromperie.

 

Et le médium dirais-je jusqu'à ce qu'on me convainque du contraire, me paraît être constitué par une promesse. Que l'animal se fasse une promesse de la réussite

de tel ou tel de ses comportements, c'est là toute la ques­tion pour que nous puissions parler de tromperie au lieu de déception de l'attente.

 

Maintenant revenons à notre exhibitionniste.

Est-ce qu'il s'inscrit d'aucune manière dans cette dialectique du « montré », même en tant que ce « montré » est relié aux voies de l'autre ?

 

Je peux simplement ici quand même vous faire remarquer dans la relation exhibitionniste à l'autre…

je vais employer des termes cahin-caha pour me faire comprendre, ce ne sont pas certainement

les meilleurs, les plus littéraires

…que l'autre fusse frappé dans son désir complice…

et Dieu sait que l'autre

l'est vraiment à l'occasion

…de ce qui se passe là, et de ce qui se passe - comme quoi ? - en tant que rupture.


Date: 2016-03-03; view: 453


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