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TABLE DES SÉANCES 59 page

Si à tort ou à raison - peu importe ! - Kurt EISSLER, dans l'œuvre de Ferdinand RAIMUND, peut trouver bizarre qu'on fasse intervenir à un moment,

une période de cinq ans dont jamais personne

n'avait parlé avant…

c'est le détail irrelevant qui va le mettre

sur la voie d'une certaine recherche

…il est clair que nous n'avons pas du tout procédé de la même façon concernant ce qui se passe dans HAMLET car en tout cas nous sommes sûrs que ce tissu d’irrelevances ne peut en aucun cas être purement et simplement résolu par nous, par le fait que SHAKESPEARE se laissait conduire ici par son bon génie.

 

Nous avons le sentiment qu'il y était pour quelque chose et après tout, n'y serait-il même pour rien d'autre que pour la manifestation de son inconscient le plus profond, c'est en tout cas ici l'architecture de ces irrelevances qui nous montre que ce à quoi

il parvient, c'est essentiellement à se déployer

dans l'affirmation majeure que nous distinguions tout à l'heure, à savoir dans ce type de rapport du sujet,

à son niveau le plus profond, comme sujet parlant, c'est-à-dire pour autant qu'il fait venir au jour

son rapport à la coupure comme tel.

 

C'est bien là ce que nous montre l'architecture d'HAMLET pour autant que nous voyons ce qui,

dans HAMLET, dépend fondamentalement d'un rapport

qui est celui du sujet à la vérité.

 

À la différence du « rêve du père mort » dont nous sommes partis cette année dans notre exploration, le rêve

du père mort qui apparaît devant le fils transpercé de douleur, ici le père sait qu'il est mort et le fait savoir à son fils.

Et ce qui distingue le scénario, l'articulation d'HAMLET de SHAKESPEARE de l'histoire d'HAMLET telle qu'elle apparaît dans l'histoire de SAXO GRAMMATICUS,

c'est justement qu'ils sont tous les deux seuls à savoir.

 

Dans l'histoire de SAXO GRAMMATICUS, c'est publiquement que le meurtre a eu lieu et HAMLET fait le fou

pour dissimuler ses intentions, tout le monde sait qu'il y a eu crime.

 

Ici, il n'y a qu'eux deux qui savent, dont un ghost.

Or un ghost, qu'est-ce que c'est, si ce n'est la représentation de ce paradoxe tel que seule peut le fomenter l'œuvre d'art, et c'est là que SHAKESPEARE va nous le rendre entièrement crédible.

 

D'autres que moi ont montré la fonction que remplit cette venue du ghost au premier plan.

La fonction du ghost s'impose dès le départ d'HAMLET. Et ce ghost que dit-il ?

 

Il dit des choses très étranges et je suis étonné qu'aucun n'ait même abordé, je ne dis pas

la psychanalyse du ghost, mais n'ait mis l'accent

de quelque interrogation sur ce que dit le ghost.



Ce qu'il dit en tout cas, ce n'est pas douteux.

 

Il dit la trahison est absolue, il n'y avait rien

de plus grand, de plus parfait, que mon rapport de fidélité à cette femme. Il n'y a rien de plus total que la trahison dont j'ai été l'objet.

 

Tout ce qui se pose, tout ce qui s'affirme comme bonne foi, fidélité et vœu, est donc pour HAMLET, posé non seulement comme révocable, mais comme littéralement révoqué.

L'annulation absolue de ceci se déroule au niveau de la chaîne signifiante, et c'est quelque chose qui est tout différent de cette carence de quelque chose qui garantisse.

 

Ce terme qui est garanti, c'est la non-vérité, cette sorte de révélation, si l'on peut dire, du mensonge…

c'est quelque chose qui mériterait d'être suivi …représente l'esprit d'HAMLET, cette sorte de stupeur où il entre après les révélations paternelles.

C'est quelque chose qui est, dans le texte de SHAKESPEARE, traduit d'une façon tout à fait remarquable, à savoir que quand on lui demande

ce qu'il a appris, il ne veut pas le dire, et pour cause !

 

Mais il l'exprime de façon tout à fait particulière, on pourrait dire en français :

 

« Qu'il n'y a pas un bougre de salaud dans le royaume de Danemark qui ne soit un immonde individu. » [ There's never a villain dwelling in all Denmark… But he's an arrant knave. I, 5, 124 ]

 

C'est-à-dire qu'il s'exprime dans le régime de la tautologie.

 

Mais laissons cela de côté, ce ne sont que détails

et anecdotes, la question est ailleurs.

 

La question est ceci : où sommes-nous trompés ?

Il est généralement reçu qu'un mort ne saurait être un menteur. Et pourquoi ?

 

Pour la même raison peut-être que toute notre science conserve encore ce postulat.

EINSTEIN l'a souligné en termes propres…

il disait de temps en temps, des choses

qui n'étaient pas si superficielles que cela, dans l'ordre philosophique

…il disait : « Le bon vieux Dieu est malin, assurément il est honnête. ».

 

En pouvons-nous dire autant d'un père qui nous exprime de façon catégorique qu'il est en proie

à tous les tourments des flammes de l'enfer,

et ceci pour des crimes absolument infâmes ?

 

Il y a là, quand même, quelque chose qui ne peut pas manquer de nous alerter, il y a là quelque discordance…

- et si nous suivons les effets, dans HAMLET,

de ce qui se présente comme la damnation éternelle,

de la vérité à jamais condamnée à se dérober à lui,

- si nous concevons qu'HAMLET reste alors enfermé dans cette affirmation du père,

…est-ce que nous-mêmes, jusqu'à un certain point, nous ne pouvons pas nous interroger sur ce que signifie, au moins fonctionnellement, cette parole par rapport à la genèse et au déroulement de tout le drame ?

Bien des choses pourraient être dites, y compris celle-ci, que le père d'HAMLET dit ceci :

en français :

 

« Mais si ne s'émeut point la vertu quand le vice s'en viendrait la tenter sous la forme du ciel.

Ainsi, la luxure, le vice, au lit d'un ange radieux prend bientôt en dégoût cette couche céleste

et court à l'immondice. » [113]

 

C'est d'ailleurs une mauvaise traduction car on doit dire : « Ainsi le vice, quoique lié à un ange radieux. »

 

De quel « ange radieux » s'agit-il ?

Si c'est un « ange radieux » qui introduit le vice dans

ce rapport d'amour déchu dans lequel toute la charge est portée sur l'autre, se peut-il - ici plus que n'importe où - que celui qui vient à jamais porter

le témoignage de l'injure subie n'y soit pour rien ? Ceci, bien sûr, est la clé qui ne pourra jamais être tournée, le secret qui ne pourra jamais être levé.

 

Mais est-ce que quelque chose ne vient pas ici nous mettre sur la trace du mot sous lequel nous devons comprendre ?

Eh bien, c'est - ici comme ailleurs - le fantasme.

 

Car l'énigme à jamais irrésolue, si primitive

que nous supposions - et à juste titre - la cervelle des contemporains de SHAKESPEARE, tout de même

quel curieux choix que cette fiole de poison versé dans l'oreille du ghost

qui est le père, qui est HAMLET-père, ne l'oubliez pas, car ils s'appellent tous les deux HAMLET.

 

Là-dessus, les analystes ne se sont guère aventurés. Il y en a bien eu pour indiquer que peut-être

quelque élément symbolique devait être reconnu.

 

Mais il est quelque chose qui, en tout cas, peut être situé selon notre méthode sous la forme du bloc qu'il forme, du trou qu'il forme, de l'énigme impénétrée qu'il constitue.

Inutile, je l'ai déjà fait, de souligner le paradoxe de cette révélation, jusqu'à y compris de ses suites.

 

L'important est ceci, nous avons là une structure

non seulement fantasmatique qui colle tellement bien à ce qui se passe, à savoir :

qu'en tout cas s’il y a quelqu'un qui est empoisonné par l'oreille, c'est HAMLET, et ici ce qui fait fonction de poison, c'est la parole de son père.

 

Dès lors, l'intention de SHAKESPEARE s'éclaire quelque peu, c'est à savoir que ce qu'il nous a montré d'abord, c'est le rapport du désir avec cette révélation : pendant deux mois, HAMLET reste sous

le coup de cette révélation.

 

Et comment va-t-il reconquérir peu à peu l'usage de ses membres ? Eh bien, justement, par une œuvre d'art.

Les comédiens lui viennent à temps pour qu'il en fasse « le banc d'épreuve de la conscience du roi », nous dit le texte.

 

Ce qui est certain, c'est que c'est par la voie de cette épreuve qu'il va pouvoir rentrer dans l'action, dans une action qui va se dérouler nécessairement

à partir de la première des conséquences.

C'est à savoir d'abord que ce personnage qui,

à partir de la révélation paternelle souhaitait uniquement sa propre dissolution :

 

« Ô viande trop solide, que ne t'évapores-tu, que ne puisses-tu te dissoudre ! [ I, 2, 129-130 ] »

 

…à la fin de la pièce, nous le voyons saisi

d'une ivresse qui a un nom bien précis, c'est celle de l'artifex, il est fou de joie d'avoir réussi son pire effet, on ne peut plus le tenir et c'est tout juste si HORATIO ne doit s'accrocher à ses basques

pour contenir une exubérance trop grande.

 

Quand il lui dit :

 

« Est-ce que je ne pourrais pas maintenant m'engager dans quelques troupes comme acteur,

avec une part entière ? » [ III, 2, 263 ]

 

HORATIO répond :

 

« Une moitié de part. » Il sait à quoi s'en tenir.

En effet, tout est loin d'être reconquis avec cette affaire, ce n'est pas parce qu'il est artifex qu'il a encore trouvé son rôle, mais il suffit qu'on sache qu'il est artifex pour comprendre que le premier rôle qu'il trouvera, il le prendra.

 

Il exercera ce qui lui est, en fin de compte, commandé, je vous lirai une autre fois ce passage dans son texte.

 

Tel poison une fois ingéré par le rat…

et vous savez que le rat n'est jamais très loin de toutes ces affaires, spécialement dans HAMLET

…lui donne cette soif qui est la soif même dont

il mourra, car elle dissoudra complètement en lui

ce poison mortel, tel qu'il a été d'abord inspiré à HAMLET.

 

Quelque chose s'ajoute à ce que je viens de vous dire qui permet d'y mettre tout son accent.

 

Un auteur nommé […] s'est étonné de ceci dont tous les spectateurs auraient dû s'apercevoir depuis longtemps, c'est que CLAUDIUS se montre si insensible à ce qui précède la scène du jeu, celle où HAMLET fait représenter devant CLAUDIUS la scène même de son crime.

 

Il y a une sorte de prologue qui consiste en

une pantomime où l'on voit, avant, toute cette longue scène de protestations de fidélité et d'amour de la reine de comédie auprès du roi de comédie, avant le geste de verser le poison dans l'oreille, dans le contexte même du verger, du jardin, qui est fait pratiquement devant CLAUDIUS qui littéralement ne pipe pas.

 

Des vies entières se sont engagées sur ce point.

M. […] a dit quelque chose, à savoir que le ghost mentait, ce qu'à Dieu ne plaise, je ne dis pas!

 

Et M. […] a écrit de longs ouvrages pour expliquer comment il peut se faire que CLAUDIUS, si manifestement coupable, ne se soit pas reconnu dans la scène représentée. Et il a échafaudé toutes sortes de choses minutieuses et logiques pour dire que s'il ne s'est pas reconnu, c'est qu'il regardait ailleurs.

Ce n'est pas indiqué dans le jeu de scène,

et peut-être, après tout, cela ne vaut pas

le travail d'une vie entière.

 

Est­ce que nous ne pourrions pas suggérer qu'assurément CLAUDIUS y est pour quelque chose.

il l'avoue lui-même, il le clame à la face du ciel, dans une sombre histoire où chavirèrent :

- non seulement l'équilibre conjugal d'HAMLET-père,

mais bien autre chose encore :

- et sa vie même,

- et que c'est bien vrai que :

 

« Son crime sent mauvais au point de puer jusqu'au Ciel. » [ III, 3, 36 ]

 

Tout indique qu'à un moment il se sent vraiment piqué au vif, au plus profond de lui-même, il bondit au moment où HAMLET lui dit quoi ?

Il lui dit :

 

« Celui qui va entrer sur la scène c'est LUCIANUS,il va empoisonner le roi, c'est son neveu. III, 2, 231 »

 

On commence à comprendre que CLAUDIUS depuis quelque temps sent qu'il y a quelque chose, une odeur de soufre dans l'air, il a d'ailleurs demandé :

 

- « Il n'y a pas d'offense là-dedans ? »

 

- « Pas la moindre offense. », a répondu HAMLET.

 

CLAUDIUS, à ce moment­là, sent qu'on passe un peu la mesure.

 

À la vérité, on reste dans une ambiguïté totale,

à savoir que si le scandale est général, si toute

la Cour à partir de ce moment-là, considère qu'HAMLET est particulièrement impossible…

car tout le monde est du côté du roi

…c'est bien assurément pour la Cour parce qu'ils n'ont pas reconnu là le crime de CLAUDIUS.

 

Car personne ne sait rien et personne n'a jamais rien su jusqu'à la fin…

en dehors d'HAMLET et de son confident

…de la façon dont CLAUDIUS a exterminé HAMLET-père.

La fonction du fantasme semble donc bien ici être quelque chose de différent de celle du « moyen » comme on dit dans les romans policiers, et ce quelque chose devient beaucoup plus clair si nous pensons…

comme je crois vous le montrer

…que SHAKESPEARE a été plus loin que quiconque,

au point que son œuvre est « L'Œuvre » même,

est celle où nous pouvons voir décrite une sorte de cartographie de tous les rapports humains possibles, avec ce stigmate qui s'appelle désir en tant que point de touche, ce qui désigne irréductiblement son être, ce par quoi miraculeusement nous pouvons trouver cette sorte de correspondance.

 

Ne vous parait-il pas absolument merveilleux que quelqu'un dont l'œuvre partout recoupée présente cette unité de correspondance, que quelqu'un qui

a été certainement un des êtres qui se sont avancés le plus loin dans cette direction d'oscillations,

ait lui-même sans aucun doute vécu une aventure, celle qui est décrite dans le Sonnet qui nous permet

de recouper exactement les positions fondamentales

du désir, j'y reviendrai plus tard.

 

Cet homme surprenant à traversé la vie de l'Angleterre élisabéthaine, incontestablement pas inaperçu,

avec ses quelques quarante pièces et avec quelque chose dont nous avons tout de même quelques traces,

je veux dire quelques témoignages.

 

Mais lisez un ouvrage fort bien fait et qui résume

à l'heure actuelle à peu près tout ce qui a été fait de recherches sur SHAKESPEARE.

Il y a une chose absolument surprenante,

c'est qu'à part le fait qu'il a sûrement existé,

nous ne pouvons sur lui, sur ses attaches,

sur tout ce qui l'a entouré, sur ses amours,

ses amitiés, nous ne pouvons véritablement rien dire.

 

Tout est passé, tout a disparu sans laisser de traces.

Notre auteur se présente, à nous analystes,

comme l'énigme la plus radicalement à jamais évanouie, dissoute, disparue, que nous puissions signaler dans notre histoire.

03 Juin 1959Table des séances

 

Je continue ma tentative d'articuler pour vous ce qui doit régler notre action dans l'analyse en tant que nous avons affaire, dans le sujet, à l'inconscient.

 

Je sais que ce n'est pas là chose facile et, aussi bien je ne me permets pas tout, dans la sorte

de formulation à laquelle j'aimerais vous amener.

 

Il arrive que mes détours soient liés au sentiment que j'ai du besoin de vous rendre sensible

la démarche dont il s'agit.

 

Il n'est pas forcé que pour autant je réussisse toujours à ce que vous ne perdiez pas le sens de la route. Néanmoins je vous demande de me suivre,

de me faire confiance.

 

Et pour repartir du point où nous étions la dernière fois, j'articule plus simplement ce que j'ai…

évidemment non sans précautions,

non sans efforts pour éviter les ambiguïtés

…formulé en mettant au premier plan le terme de l'« être ».

 

Et pour procéder à coups de marteau, je demande…

si hasardeuse que puisse

vous sembler pareille formule

…la restitution, la réintégration dans nos concepts quotidiens de termes si gros que, depuis des siècles, on n'ose plus y toucher qu'avec une sorte de tremblement respectueux.

 

Je veux parler de l'« être » et de l'« Un ».

Disons… bien entendu, c'est à leur emploi de faire

la preuve de leur cohé­rence : que ce que j'appelle l'« être », et que jusqu'à un certain point j'ai été jusqu'à qualifier la dernière fois d’« être pur »

à un certain niveau de son émergence, c'est quelque chose qui correspond aux termes selon lesquels

nous nous repérons, nommément du réel et du symbolique.

 

Et qu'ici l'« être » c'est tout simplement ceci :

- que nous ne sommes pas des idéalistes,

- que pour nous, comme on dit dans les livres de philosophie, nous sommes de ceux qui pensons

que l'être est antérieur à la pensée, mais que pour nous repérer il nous faut rien moins que cela, ici dans notre travail d'analyste.

 

Je regrette d'avoir à remuer pour vous le ciel

de la phi­losophie, mais je dois dire que je ne le fais que contraint et forcé, et après tout, que parce que je ne trouve rien de mieux pour opérer.

 

L'être, nous dirons donc que c'est proprement le réel en tant qu'il se mani­feste au niveau du symbolique, mais entendons bien que c'est au niveau du sym­bolique.

 

En tout cas pour nous, nous n'avons pas à

la considérer ailleurs cette chose qui paraît

toute simple, ceci qu'il y a quelque chose d'ajouté

quand nous disons « il est ça », et que ceci vise le réel, et pour autant que le réel est affirmé ou rejeté

ou dénié dans le symbolique.

 

Cet « être », il n'est nulle part ailleurs…

que ceci soit bien entendu

…que dans les intervalles, dans les coupures et là où, à proprement parler, il est le moins signi­fiant des signifiants,

à savoir la coupure.

 

Qu'il est la même chose que la coupure le présentifie dans le symbolique. Et nous parlons d’« être pur ».

Je vais le dire plus brutalement puisque la dernière fois il semble…

et je veux l'admettre bien volontiers

…que certaines formules que j'ai avancées ont paru circonlocutoires, voire confuses à certains.

L'« être pur » dont il s'agit, c'est ce même être dont

je viens de donner la définition générale, et ceci pour autant que sous le nom d'incons­cient, le symbolique, une chaîne signifiante subsiste selon une formule

que vous me permettrez d'avancer : tout sujet est Un.

 

Ici il faut que je vous demande de l'indulgence,

à savoir de me suivre. Ce qui veut dire simplement que vous ne vous imaginiez pas que ce que j'avance là est quelque chose que j'avance avec moins de précaution que j'ai avancé l'« être ».

Je vous demande de me faire le crédit qu'avant

de vous parler, je me suis déjà aperçu que ce que

je vais maintenant avancer, à savoir l'Un, n'est pas une notion uni­voque, et que les dictionnaires de philosophie

vous diront qu'il y a plus d'un emploi de ce terme.

 

À savoir que l'Un, ce qui est le tout, ne se confond pas en tous ses emplois, en tous ses usages, avec l'1 en nombre, c'est-à-dire l'1 qui suppose la succession et l'ordre des nombres qui s'y dégage comme tel.

 

Car il semble bien en effet, selon toute apparence, que cet Un, il soit secondaire à l'ins­titution du nombre comme tel, et que pour une déduction correcte… en tout cas les approches empiriques, elles,

ne laissent là-dessus aucun doute :

la psy­chologie anglaise essaye d'instaurer l'entrée empirique du nombre dans notre expérience, et ce n'est pas pour rien que je me réfère ici à la tentative d'argu­mentation la plus « au ras de terre ».

 

Je vous ai déjà fait remarquer qu'il est impos­sible de structurer l'expérience humaine, je veux dire cette expérience affective la plus commune, sans partir de ce fait

que l'être humain compte, et qu'il se compte.

 

Je dirai…

d'une façon abrégée car il faut, pour aller plus loin, que je suppose acquis par un certain temps de réflexion ce que j'ai déjà dit

…que le désir est étroi­tement lié à ce qui se passe pour autant que l'être humain a à s'articuler dans le signifiant.

Et qu'en tant qu'être, c'est dans les intervalles qu'il apparaît à un niveau que nous essayerons peut-être, un peu plus loin, d'articuler d'une façon que là, délibérément, je vais faire plus ambiguë que celle

de l'Un telle que je viens de l'introduire, puisque, elle, je ne pense pas qu'on ait encore essayé de bien l'articuler comme telle dans son ambiguïté même.

 

C'est la notion du « pas Un ».

C'est en tant que ce S apparaît ici comme ce « pas Un » que nous allons reprendre et revoir, que nous allons avoir affaire à lui aujourd'hui.

 

Mais reprenons les choses au niveau de l'expérience, je veux dire ici au niveau du désir.

 

Si le désir joue ce rôle de servir d'index au sujet

au point où il ne peut se désigner sans s'évanouir, nous dirons

qu'au niveau du désir le sujet « se compte ».

 

« Il se compte », pour jouer sur les ambiguïtés,

sur la langue, c'est là d'abord que je veux attirer votre attention, je veux dire sur le penchant que nous avons toujours d'oublier ce à quoi nous avons affaire dans l'expérience, celle de nos patients…

ceux dont nous avons l'audace de nous charger

…et c'est pourquoi je vous rapporte à vous-mêmes.

Dans le désir, nous nous comptons comptant.

 

C'est là que le sujet apparaît comptant, non dans

le comput mais là où l'on dit qu'il a à faire face

à ce qu'il y a, au dernier terme qui le constitue comme lui-même.

 

Il est tout de même temps de rappeler à des analystes qu'il n'y a rien qui constitue plus le dernier terme de la présence du sujet, pour autant que c'est à cela que nous avons affaire, que le désir.

 

À partir de là, que ce remaniement du comptant commence à se livrer à toutes sortes de transactions qui l'évaporent en équivalents diversement fiduciaires, c'est évidemment tout un problème, mais il y a

quand même un moment où il faut payer comptant.

 

Si les gens viennent nous trouver, c'est en général pour cela c'est parce que ça ne marche pas au moment de payer comptant, de quoi qu'il s'agisse :

 

- du désir sexuel,

- ou de l'action au sens plein et au sens le plus simple.

 

C'est là-dedans que se pose la question de l'objet.

Il est clair que si l'objet c'était simple,

non seulement il ne serait pas difficile pour le sujet

de faire face, comptant, à ses sentiments, mais…

si vous me permettez ce jeu de mots

…il en serait plus souvent - de l'objet - content alors qu'il faut qu'il s'en contente, ce qui est tout différent !

 

Ceci est évidemment lié au fait…

qu'il convient aussi de rappeler parce

que c'est le principe de notre expérience

…qu'à ce niveau du désir, l'objet pour le satis­faire n'est pas, pour le moins, d'un accès simple,

et que même nous dirons qu'il n'est pas facile

de le rencontrer, pour des raisons structurales

qui sont justement celles dans lesquelles nous allons essayer d'entrer plus avant.

 

Nous n'avons pas l'air d'aller vite, mais c'est parce que c'est dur, encore que, je le répète,

ce soit notre expérience quotidienne.

 

Si l'objet du désir [était] le plus mûr, le plus adulte

comme nous nous exprimons de temps en temps

dans cette sorte d'ivresse baveuse qui s'appelle l'exaltation du « désir génital »


Date: 2016-03-03; view: 413


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