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TABLE DES SÉANCES 53 page

Le phallus, là bel et bien réel, c'est comme tel

qu'il s'agit de le frapper. HAMLET s'arrête toujours.

Il dit « Je pourrais bien le tuer »[100] au moment où il trouve

notre CLAUDIUS en prières.

 

Et cette sorte de flottement devant l'objet

à atteindre, ce côté incertain de ce qu'il y a

à frapper, c'est là qu'est le ressort même de ce qui fait dévier à tout instant le bras d'HAMLET, justement ce lien narcissique dont nous parle FREUD dans son texte du déclin de l'œdipe.

 

On ne peut pas frapper le phallus, parce que le phallus même s'il est là bel et bien réel, il est une ombre.

 

Je vous prie de méditer ceci à propos de toutes sortes de choses bien étranges, paradoxales, nommément ceci :

à quel point cette chose dont nous nous émouvions

à l'époque, à savoir pourquoi, après tout, il était tout à fait clair qu'on n'assassinait pas HITLER.

 

 

HITLER qui représente si bien l'objet dont FREUD

nous montre la fonction dans cette espèce d'homogénéisation

de la foule par identification à un objet à l'horizon,

à un objet X, à un objet qui n'est pas comme les autres, est-ce que ce n'est pas là quelque chose qui

nous permet de rejoindre ce dont nous sommes

pour l'instant en train de parler ?

 

La manifestation tout à fait énigmatique du signifiant de

la puissance comme tel, c'est là ce dont il s'agit.

 

L'œdipe…

quand ceci se présente sous la forme particulièrement saisissante dans le réel,

comme c'est dans HAMLET, celui du criminel

et de l'usurpateur installé comme tel

…détourne le bras d'HAMLET, non pas parce qu'il a peur de ce personnage qu'il méprise mais parce qu'il sait que ce qu'il a à frapper c'est autre chose que ce qui est là.

 

Et ceci est tellement vrai que deux minutes plus tard, quand il sera arrivé dans la chambre de sa mère, qu'il aura commencé à lui secouer les tripes d'importance, il entend un bruit derrière

la tapisserie et il se rue sans regarder.

 

Je ne sais plus quel auteur astucieux a fait remarquer qu'il est impossible qu'il croie que ce soit CLAUDIUS, car il vient de le quitter dans la pièce à côté,

et néanmoins, quand il aura éventré, étripé

le malheureux POLONIUS, il fera cette réflexion :

 

« Pauvre vieux fou, je croyais avoir affaire à quelque chose de meilleur. »[101]

 

Chacun pense qu'il a voulu tuer le roi, mais devant le roi…

je parle de CLAUDIUS, le roi réel,

l'usurpateur aussi

…il s'est en fin de compte arrêté parce qu'il voulait en avoir un meilleur, c'est-à-dire l'avoir lui aussi dans la fleur de son pêché. Tel qu'il se présentait là, c'était pas ça, c'était pas le bon.



 

Ce dont il s'agit, c'est justement du phallus

et c'est pour cela qu'il ne pourra jamais l'atteindre jusqu'au moment où justement, il aura fait

le sacrifice complet, et aussi bien malgré lui,

de tout son attachement narcissique, à savoir quand lui est blessé à mort et qu'il le sait.

 

C'est seulement à ce moment-là qu'il pourra faire l'acte qui atteint CLAUDIUS. La chose est singulière et évidente, elle est frappante, et je dirais,

elle est inscrite dans toutes sortes de menues énigmes

du style d'HAMLET.

 

Quand cette sorte de personnage qui pour lui n'est qu'un calf, un veau capital qu'il a en quelque sorte immolé aux mânes de son père…

car il n'est guère affecté

par le meurtre de POLONIUS

…quand il a planqué ce POLONIUS dans un coin sous l'escalier et qu'on lui demande partout de quoi il s'agit,

il glisse là quelques unes de ces menues plaisanteries qui sont chez lui toujours si déroutantes pour ses adversaires.

 

Tout le monde se demande…

c'est bien là le fond de l'affaire

…si ce qu'il dit, c'est bien ce qu'il veut dire,

car ce qu'il dit, cela chatouille tout le monde

au bon endroit. Mais pour qu'il le dise il faut

qu'il en sache tellement qu'on ne peut pas y croire,

et ainsi de suite…

 

C'est une position qui doit nous être assez familière du point de vue du phénomène de l'aveu du sujet.

Il dit ces propos qui sont restés jusqu'à présent assez fermés aux auteurs :

 

« The body is with the king

 

il n'emploie pas le mot « corpse »,

il dit « body » ici, je vous prie de le remarquer

 

but the king is not with the body. » [ IV, 2, 25 ]

Je vous prie simplement de remplacer le mot « roi » par le mot « phallus » pour vous apercevoir que c'est précisément ce dont il s'agit, à savoir que le corps est engagé dans cette affaire du phallus - Ô combien ! - mais que par contre le phallus, lui, n'est engagé à rien, et qu'il vous glisse toujours entre les doigts.

 

Tout de suite après il dit :

 

- « The King is a thing, le Roi est une chose. »[102]

- « Une chose ? »

 

lui disent les gens complètement sidérés, abrutis, comme chaque fois qu'il se livre

à ses aphorismes coutumiers :

 

- « A thing, my lord ? »

- HAMLET : « Of nothing, une chose de rien. »

 

À partir de quoi tout le monde trouve à se conforter de je ne sais quelle citation du psalmiste où l'on dit qu'en effet l'homme est une « Thing of not, une chose de rien ». Mais je crois qu'il vaut mieux pour cela se rapporter aux textes shakespeariens eux-mêmes.

 

SHAKESPEARE me paraît, après lecture attentive des Sonnets, être quelqu'un qui a illustré singulièrement, en sa personne, un point tout à fait extrême

et singulier du désir.

 

Quelque part dans un de ses sonnets dont on n'imagine pas l'audace…

je suis étonné qu'on puisse

parler à ce propos d'ambiguïté

…il parle à l'objet de son amour qui - comme chacun le sait - était de son propre sexe, et semble-t-il

un fort charmant jeune homme qui semble bien avoir été le comte d'Essex.

Il lui dit qu'il a toutes les apparences qui

en lui satisfont à l'amour, en ceci qu'il ressemble en tout à une femme, qu'il n'y a qu'une toute petite chose dont la nature a voulu le pourvoir - Dieu sait pourquoi ! - et que cette petite chose il n'a malheureusement, lui, rien à en faire et qu'il est bien désolé que cela doive faire les délices des femmes.

 

Il lui dit que « Tant pis, pourvu que ton amour reste, que ceci soit leur plaisir. »[103]

 

Les termes « thing » et « nothing » sont là strictement employés et ne laissent aucune espèce de doute

que ceci fasse partie du vocabulaire familier

deSHAKESPEARE.

 

Ce vocabulaire familier après tout, ici, est une chose secondaire. L'important, c'est si en allant plus loin nous pouvons justement pénétrer dans ce qui est la position, elle-même créatrice, de SHAKESPEARE, sa position que je crois sans aucun doute pouvoir être dite sur le plan sexuel invertie, mais peut­être pas sur le plan de l'amour tellement pervertie.

 

Si nous nous introduisons dans ce chemin des Sonnets

qui va nous permettre de préciser d'encore un peu plus près ce qui peut apparaître dans cette dialectique du sujet avec l'objet de son désir, nous pourrons aller plus loin dans quelque chose que j'appellerai les instants où l'objet par quelque voie…

et la voie majeure étant celle du deuil …disparaissant, s'évanouissant au petit pas,

fait pour un temps…

un temps qui ne saurait subsister

que dans l'éclair d'un instant

…se manifester la vraie nature de ce qui lui correspond dans le sujet, à savoir ce que j'appellerai les « apparitions du phallus », les « phallophanies ».

C'est là-dessus que je vous laisserai aujourd'hui.

Jacques Vallée DES BARREAUX

La vie est un songe

Tout n'est plein ici bas que de vaine apparence,
Ce qu'on donne à sagesse est conduit par le sort,
L'on monte et l'on descend avec pareil effort,
Sans jamais rencontrer l'état de consistance.

Que veiller et dormir ont peu de différence,
Grand maître en l'art d'aimer, tu te trompes bien fort
En nommant le sommeil l'image de la mort,
La vie et le sommeil ont plus de ressemblance.

Comme on rêve en son lit, rêver en la maison,
Espérer sans succès, et craindre sans raison,
Passer et repasser d'une à une autre envie,

Travailler avec peine et travailler sans fruit,
Le dirai-je, mortels, qu'est-ce que cette vie ?
C'est un songe qui dure un peu plus qu'une nuit.

 

 

13 Mai 1959Table des séances

 

Nous parlons du désir.

Pendant cette interruption d'une quinzaine de jours, j'ai essayé moi-même de recentrer ce chemin qui est le nôtre cette année et qui nous oblige, comme tout chemin, parfois à de longs détours.

 

Dans mon effort de ressaisir l'origine en même temps que la visée de notre propos, je crois avoir essayé de refaire aussi pour vous cette mise au point

qui aussi bien n'est qu'une façon de plus de

se concentrer dans le progrès de notre attention.

 

Il s'agit en somme, au point où nous en sommes, d'essayer d'articuler où est notre rendez-vous :

- il n'est pas seulement le rendez-vous de ce séminaire,

- ni non plus le rendez-vous de notre travail quotidien d'analystes,

- il est aussi bien le rendez-vous de notre fonction d'analyste

et du sens de l'analyse.

 

On ne peut qu'être surpris de la persistance d'un mouvement tel que l'analyse, s'il était seulement, parmi d'autres dans l'histoire, une entreprise thérapeutique

plus ou moins fondée, plus ou moins réussie.

 

Il n'y a pas d'exemple d'aucune théorisation,

d'une orthopédie psychique quelconque qui ait eu

une carrière plus longue qu'un demi-siècle.

 

Et assurément, on ne peut manquer de sentir que

ce qui fait la durée de l'analyse, ce qui fait sa place

au-delà de sa fonction, de son utilisation médicale…

que personne en fin de compte

ne songe à contester

…c'est qu'il y a dans l'analyse quelque chose concernant l'homme de façon tout à fait nouvelle, sérieuse, authentique.

Nouvelle dans son apport, sérieuse dans sa portée, authentifiée par quoi ? Sûrement par autre chose que des résultats souvent discutables, parfois précaires.

 

Je crois que ce qui est le plus caractéristique dans le phénomène, c'est ce sentiment qu'on a de cette chose que j'ai appelée une fois La Chose freudienne, que c'est une chose dont on parle pour la première fois.

 

J'irai plus loin, jusqu'à dire que ce qui est

à la fois le témoignage et la manifestation la plus certaine

de cette authenticité dont il s'agit de la Chose,

le témoignage en est donné chaque jour par

le formidable verbiage qu'il y a autour.

Si vous prenez dans sa masse la production analytique,

ce qui saisit c'est cet effort des auteurs…

qui en fin de compte glisse toujours

…à saisir de sa propre activité, un principe.

 

Mais ce principe, à l'articuler d'une façon qui,

tout au cours de l'analyse, ne se présente jamais comme clos, fermé, accompli, satisfaisant,

ce perpétuel mouvement, glissement dialectique,

qui est le mouvement et la vie de la recherche analytique,

est quelque chose qui témoigne de la spécificité du problème autour duquel cette recherche est accrochée.

 

Auprès de cela, tout ce que notre recherche comporte de maladresse, de confusion, de mal assuré même

dans ses principes, tout ce que dans sa pratique

cela apporte d'équivoque…

j'entends de retrouver toujours non seulement devant soi, mais dans sa pratique même, ce qui est justement son principe, ce qu'on voulait éviter, à savoir la suggestion, la persuasion,

la construction, voire la mystagogie

…toutes ces contradictions dans le mouvement analytique ne font que mieux accuser la spécificité de La chose freudienne.

 

Cette chose, nous l'envisageons cette année par hypothèse

soutenus par toute la marche concentrique

de notre recherche précédente

…sous cette forme, à savoir que cette chose c'est le désir.

Et en même temps, au moment où nous articulons cette formule, nous nous apercevons d'une sorte de contradiction du fait que tout notre effort semble s'exercer dans le sens de faire perdre à ce désir

sa valeur, son accent original, sans pourtant que nous puissions toucher du doigt, voire faire que l'expérience nous montre que c'est bien avec

son accent original que nous avons affaire à lui.

 

Le désir n'est pas quelque chose que nous puissions considérer comme réduit, normalisé, fonctionnant

à travers les exigences d'une sorte de préformation organique qui nous entraînerait à l'avance dans la voie

et le chemin tracé dans lequel nous aurions à le faire rentrer, à le ramener.

 

Le désir, depuis l'origine de l'articulation analytique par FREUD, se présente avec ce caractère :

 

- qu'en anglais, « lust » veut bien dire « convoitise » aussi bien que « luxure », ce même mot qui est dans le lust principle.

 

- Et vous savez qu'en allemand, il garde toute l'ambiguïté du « plaisir » et du « désir ».

 

Ce quelque chose qui se présente d'abord pour l'expérience comme trouble, comme quelque chose

qui trouble la perception de l'objet, quelque chose…

aussi bien que les malédictions

des poètes et des moralistes

…qui nous montre, comme aussi bien il le dégrade

cet objet, le désordonne, l'avilit, en tout cas l'ébranle, parfois va jusqu'à dissoudre celui-là même qui le perçoit, c'est-à-dire le sujet.

 

Cet accent est certainement articulé au principe

de la position freudienne pour autant que la mise au premier plan du Lust, tel qu'il est articulé dans FREUD, nous est présentée d'une façon radicalement différente de tout ce qui a été articulé précédemment concernant le principe du désir.

 

Et il nous est présenté dans FREUD comme étant, dans son origine et sa source, opposé au principe de réalité. L'accent est conservé, dans FREUD, de l'expérience originale du désir comme étant opposée, contraire,

à la construction de la réalité.

 

Le désir est précisé comme marqué, accentué par le caractère aveugle de la recherche qui est la sienne, comme quelque chose qui se présente comme le tourment de l'homme, et qui est effectivement fait d'une contradiction dans la recherche de ce qui jusque-là…

pour tous ceux qui ont tenté d'articuler

le sens des voies de l'homme dans sa recherche

…de tout ce qui jusque-là, a toujours été articulé au principe comme étant « la recherche de son bien » par l'homme.

 

Le principe du plaisir, à travers toute la pensée philosophique et moraliste à travers les siècles, n'est jamais parti dans toute définition originelle par laquelle toute théorie morale de l'homme se propose, s'est toujours affirmé, quelle qu'il soit, comme hédoniste.

 

À savoir que l'homme recherchait fondamentalement son bien, qu'il le sût ou qu'il ne le sût pas, et qu'aussi bien ce n'était que par une sorte d'accident

que se trouvait promue l'expérience de cette erreur

de son désir, de ses aberrations.

 

C'est dans son principe, et comme fondamentalement contradictoire, que pour la première fois dans

une théorie de l'homme, le plaisir se trouve articulé avec un accent différent, et dans toute la mesure

où le terme du plaisir dans son signifiant même,

dans FREUD, est contaminé de l'accent spécial

avec lequel se présente the lust, la Lust, la convoitise, le désir.

 

Le désir donc ne s'organise pas, ne se compose pas dans une sorte d'« accord préformé avec le chant du monde »

comme après tout une idée harmonique, optimiste

du développement humain pourrait le supposer.

 

L'expérience analytique nous apprend

que les choses vont dans un sens différent.

Comme vous le savez, comme nous l'avons ici énoncé, elle nous montre quelque chose qui est justement

ce qui va nous engager dans une voie d'expérience

qui est aussi bien, de par son développement même, quelque chose où nous allons perdre l'accent, l'affirmation de cet instant primordial.

 

C'est à savoir que l'histoire du désir s'organise

en un discours qui se développe dans l'insensé…

ceci c'est l'inconscient

…en un discours dont les déplacements,

dont les condensations sont sans aucun doute

ce que sont déplacements et condensations

dans le discours, c'est-à-dire métonymies et métaphores,

- mais métaphores qui n'engendrent aucun sens, à la différence de la métaphore,

- déplacements qui ne portent aucun être et où le sujet

ne reconnaît pas quelque chose qui se déplace.

 

C'est autour de l'exploration de ce discours

de l'inconscient que l'expérience de l'analyse

s'est développée, c'est donc autour de quelque chose dont la dimension radicale, nous pouvons l'appeler

la diachronie du discours.

 

Ce qui fait l'essence de notre recherche,

ce où se situe ce que nous essayons de ressaisir quant à ce qu'il en est de ce désir,

c'est notre effort pour le situer dans la synchronie.

 

Nous sommes introduits à ceci par quelque chose qui se fait entendre chaque fois que nous abordons notre expérience.

Nous ne pouvons pas ne pas voir, ne pas saisir…

- que nous lisions le compte-rendu, le text book de l'expérience la plus originelle de l'analyse, à savoir L'Interprétation des rêves de FREUD,

- ou que nous nous rapportions à une séance quelconque, une suite d'interprétations

…le caractère de renvoi indéfini qu'a tout exercice d'interprétation, qui ne nous présente jamais

le désir que sous une forme articulée, mais qui suppose au principe quelque chose qui nécessite ce mécanisme de renvoi de vœu en vœu où le mouvement du sujet s'inscrit, et aussi bien cette distance

où il se trouve de ses propres vœux.

 

C'est pourquoi il nous semble qu'il peut légitimement se formuler comme un espoir, la référence à la structure

référence linguistique comme telle

…en tant qu'elle nous rappelle qu'il ne saurait y avoir formation symbolique si à côté

et principiellement, primordialement à tout exercice de la parole qui s'appelle discours

il n'y a nécessairement un synchronisme, une structure du langage comme système synchronique.

 

C'est là que nous cherchons à repérer quelle est

la fonction du désir.

 

le désir se situe-t-il dans ce rapport qui fait que

ce quelque chose d’X désormais, que nous appelons « l'homme » dans la mesure où il est le sujet du λόγος [logos],

où il se constitue dans le signifiant comme sujet ?

 

Où se situe dans ce rapport comme synchronique, le désir ?

Ce qui - je pense - vous fera sentir la nécessité primordiale de cette reprise, c'est ce quelque chose où nous voyons la recherche analytique…

en tant qu'elle méconnaît

cette organisation structurale

…s'engager.

 

En effet au moment même où j'articulais plus tôt

la fonction contraire, instaurée à l'origine, principiellement, par l'expérience freudienne

entre principe du plaisir et principe de réalité, vous ne pouviez pas en même temps vous apercevoir que nous en sommes justement au point où la théorie essaye de s'articuler, justement dans les termes mêmes où je disais

que nous pouvions dire que le désir, là ne se compose pas.

 

Il se compose pourtant dans l'appétit qu'ont les auteurs de le penser, de le sentir d'une certaine façon, dans ce certain « accord avec le chant du monde ».

 

Tout est fait pour essayer de déduire d'une convergence de l'expérience avec une maturation ce qui est au moins à souhaiter comme un développement achevé.

 

Et en même temps, il est bien clair que tout ceci voudrait dire que les auteurs ont abandonné eux-mêmes tout contact avec leur expérience, s'ils pouvaient effectivement articuler la théorie analytique dans ces termes, c'est-à-dire trouver quoi que ce soit

de satisfaisant, de classique, à l'adaptation ontologique du sujet à son expérience.

 

Le paradoxe est le suivant, c'est que plus on va

dans le sens de cette exigence à laquelle on va

par toutes sortes d'erreurs…

il faut bien le dire d'erreurs révélatrices, révélatrices justement qu'il faudrait essayer d'articuler les choses autrement

…plus on va dans le sens de cette expérience,

plus on arrive à des paradoxes comme le suivant.

 

Je prends un exemple.

Et je le prends chez un des meilleurs auteurs qui soit, chez un des plus soucieux précisément d'une articulation juste, non seulement de notre expérience mais aussi bien de la somme de ses données, dans un effort aussi pour recenser nos termes, les notions dont nous nous servons, les concepts, j'ai nommé Edward GLOVER

dont l'œuvre est assurément une des plus utiles

pour quiconque veut essayer…

d'abord dans l'analyse, cela est absolument indispensable, plus qu'ailleurs

…de savoir ce qu'il a fait, et aussi bien dont

la somme d'expériences qu'il inclut dans ses écrits.

 

Je prends un exemple d'un des nombreux articles

qu'il faut que vous lisiez, celui qui est paru dans le International Journal of Psycho-analysis, d'Octobre 1933, part 4 :

« De la relation de la formation perverse au développement du sens de la réalité »[104].

 

Beaucoup de choses sont importantes à discuter dans cet article, ne seraient­ce que les termes de départ qu'il nous donne dans le dessein de manier correctement ce qu'il s'agit pour lui de nous montrer, nommément :

 

- La définition du « Sens de la réalité comme étant cette faculté

dont nous inférons l'existence dans l'examen de l'épreuve de la réalité. »

Il y a grand intérêt à ce que les choses soient formulées quelques fois.

 

- Deuxièmement, ce qu'il appelle « L'épreuve efficiente de la réalité, pour tout sujet ayant passé l'âge de la puberté, c'est la capacité de conserver le contact psychique avec les objets qui permettent la gratification de l'instinct, incluant aussi bien ici les pulsions infantiles modifiées résiduelles. »

 

- Troisièmement, « L'objectivité est la capacité d'asseoir correctement la relation de la pulsion instinctuelle à l'objet instinctuel, quels que soient les buts de cette impulsion, c'est à savoir qu'ils puissent être ou non gratifiés. »

 

Voilà des données de principe qui sont fort importantes et qui, assurément, ne peuvent manquer de vous frapper comme donnant au terme d'objectivité en tout cas

un caractère qui n'est plus celui qui lui est habituellement dévolu.

 

Sa nature va nous donner l'idée qu'en effet quelque chose n'est pas perdu de la dimension originale

de la recherche freudienne, puisque quelque chose peut être bouleversé de ce qui, justement jusque-là, nous paraissait être les catégories et les ordres nécessités par notre vue du monde.

 

On ne peut d'autant plus qu'être frappé de ce que comporte notre enquête avec un tel départ.

Elle comporte en l'occasion une recherche de ce que signifie la relation perverse, ceci étant entendu

au sens le plus large, par rapport au « sens de la réalité ».

 

Je vous le dis, l'esprit de l'article comporte

que la formation perverse est conçue par l'auteur

comme étant en fin de compte un moyen pour le sujet de parer aux déchirures, aux choses qui font « flop », aux choses qui ne se disent pas pour lui


Date: 2016-03-03; view: 504


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