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TABLE DES SÉANCES 51 page

et qui s'amuse à proposer toute une série d'énigmes de fort mauvais goût dont le sommet culmine dans

la formule :

« Hide fox, and all after. » [ IV, 2, 29 ]

 

Ce qui est évidemment une référence à une espèce de jeu de cache-tampon. Cela veut dire :

« Le renard est caché, courons après ! »

Le meurtre de POLONIUS et cette extraordinaire scène du cadavre caché au défi de la sensibilité et

de l'inquiétude de tout l'entourage n'est encore qu'une dérision de ce dont il s'agit, à savoir :

d'un deuil non satisfait.

 

Nous avons ici, dans quelque chose dont - vous le voyez - je n'ai pas pu vous donner encore aujourd'hui le dernier mot, cette perspective, ce rapport entre la formule S àa, le fantasme, et quelque chose qui

en apparaît paradoxalement éloigné, c'est à savoir

la relation d'objet pour autant que le deuil nous permet

de l'éclairer.

 

Nous allons, la prochaine fois, le poursuivre dans

le détail, en montrant, en reprenant les détours

de la pièce d'HAMLET pour autant qu'elle nous permet de mieux saisir l'économie ici étroitement liée

du réel, de l'imaginaire et du symbolique.

 

Peut-être au cours de ceci beaucoup d'idées préconçues chez vous resteront-elles en panne,

voire je l'espère bien fracassées, mais ceci je pense que vous y serez préparés par le fait que, puisque nous commentons une tragédie où l'on ne ménage guère les cadavres, ces sortes de dégâts purement idéiques ne vous paraîtront…

à côté des dégâts laissés derrière lui par HAMLET

…que peu de chose et que, pour tout dire, vous vous consolerez du chemin peut-être difficile que je vous fais parcourir avec cette formule hamlétique :

 

« On ne fait pas d'HAMLET sans casser des neufs ! »

 

 


 

IV, 4, 32-66

 

[ Now, whether it be
Bestial oblivion, or some craven scruple
Of thinking too precisely on th' event,
A thought which, quarter'd, hath but one part wisdom
And ever three parts coward,- I do not know
Why yet I live to say 'This thing's to do,'
Sith I have cause, and will, and strength, and means
To do't. Examples gross as earth exhort me.
Witness this army of such mass and charge,
Led by a delicate and tender prince,
Whose spirit, with divine ambition puff'd,
Makes mouths at the invisible event,
Exposing what is mortal and unsure
To all that fortune, death, and danger dare,
Even for an eggshell. Rightly to be great
Is not to stir without great argument,
But greatly to find quarrel in a straw
When honour's at the stake. How stand I then,
That have a father kill'd, a mother stain'd,
Excitements of my reason and my blood,
And let all sleep, while to my shame I see
The imminent death of twenty thousand men
That for a fantasy and trick of fame
Go to their graves like beds, fight for a plot
Whereon the numbers cannot try the cause,
Which is not tomb enough and continent
To hide the slain? O, from this time forth,
My thoughts be bloody, or be nothing worth ! ]



 

Traduction LETOURNEUR :

 

[HAMLET : « Comme toutes les circonstances s'élèvent contre moi, et réveillent ma vengeance assoupie ! Qu'est-ce que l'homme, si son bien suprême et tout le prix du marché de son temps se réduisent à manger et dormir ? Une brute, rien de plus. Sûrement celui qui nous a formés avec cette vaste raison, qui peut voir dans le passé et dans l'avenir, ne nous a pas donné cette intelligence et cette divine faculté pour qu'elle reste en nous oisive et sans emploi. Maintenant, soit par un oubli stupide semblable à celui de la brute, soit par une délicatesse scrupuleuse qui craint de trop approfondir l'événement (et dans ce scrupule, pour un quart de sagesse, il y en a trois de lâcheté) je ne sais pas pourquoi je vis encore, pour toujours dire : « j'ai cette chose à faire » puisque j’ai un motif, la volonté, la force et les moyens de la faire.

Des exemples, plein l'univers ! Le globe est couvert d'exemples qui m'exhortent : témoin la masse énorme de cette armée nombreuse conduite par un prince jeune et délicat dont l'âme, stimulée par une divine ambition, affronte l'événement invisible; exposant une vie mortelle et incertaine à tous les hasards,

à la mort et aux dangers les plus terribles, pour une poignée de terre. Ce n'est pas être vraiment grand que de ne jamais agir sans un grand motif : c'est de trouver avec noblesse une sujet de querelle dans un atome quand il s'agit

de l'honneur. Comment resté-je donc immobile, ici, moi qui ai un père assassiné, une mère souillée; … autant d'aiguillons qui pressent mon courage et ma raison; et comment les laissé-je tous s'engourdir dans un lâche sommeil ? Tandis qu'à ma honte, je vois la mort prochaine de vingt milliers d'hommes, qui, pour une chimère, pour une vaine renommée, vont à leurs tombeaux comme à leurs lits; combattant pour un projet dont la multitude ne peut juger la cause; pour un terrain qui n'est pas même une tombe assez vaste pour cacher les morts !

Oh ! que désormais donc mes pensées soient sanguinaires ou nulles.]

 

29 Avril 1959 Table des séances

 

HAMLET ( 7 )

 

Si la tragédie d'HAMLET est la tragédie du désir,

il est temps de remarquer…

c'est là où je vous ai amenés à la fin

de mon dernier propos, au moment où

nous arrivions au bout de notre cours

…ce que l'on remarque toujours en dernier,

à savoir ce qui est le plus évident.

 

Je ne sache pas en effet qu'aucun auteur se soit arrêté seulement à cette remarque…

difficile pourtant à méconnaître

une fois qu'on l'a formulée

…que d'un bout à l'autre d'HAMLET on ne parle que de deuil.

 

La première remarque d'HAMLET concerne ce scandale, ce mariage précoce de sa mère :

ce mariage que la mère, elle-même, dans son anxiété…

son anxiété à savoir ce qui tourmente son fils aimé

…appelle elle-même « Notre mariage trop précoce » :

 

« I doubt it is no other but the main, his father's death and our o'er-hasty marriage. »

[ Pour moi, je n'en soupçonne point d'autre que la mort de son père et notre mariage précipité. ( II, 2, 56 ) ]

 

Pas besoin de vous rappeler ces paroles d'HAMLET sur ces reliefs du repas des funérailles qui servirent au repas des noces : « Économie! Économie ! Thrift, thrift, Horatio ! » [ 1, 2, 180 ]

indiquant avec ce terme quelque chose qui nous rappelle que dans notre exploration du monde de l'objet

dans cette articulation qui est

celle de la société moderne

…entre ce que nous appelons « les valeurs d'usage » et

« les valeurs d'échange » avec toutes les notions qui autour de cela s'engendrent, il y a quelque chose peut-être que l'analyse méconnaît…

j'entends l'analyse marxiste, économique, pour autant qu'elle domine la pensée de notre époque

…et dont nous touchons à tout instant la force et l'ampleur, ce sont les valeurs rituelles.

Encore pour ce que nous les pointions sans cesse dans notre expérience, peut-il être utile que nous les détachions, que nous les articulions comme essentielles.

 

J'ai déjà fait allusion l'avant-dernière fois [en fait le 22-04-1959],

à cette fonction du rite dans le deuil.

C'est par cette médiation que le rite introduit

à ce que le deuil ouvre de béance quelque part,

plus exactement à la façon dont il vient coïncider, mettre au centre d'une béance tout à fait essentielle, la béance symbolique, majeure, le manque symbolique,

le point X en somme dont on peut dire que quelque part, quand FREUD fait allusion à « l'ombilic du rêve »,

peut-être est-ce justement le correspondant psychologique qu'il évoque de ce manque.

 

Aussi bien sur la question du deuil ne pouvons-nous ne pas être frappés que dans tous les deuils qui sont majeurs, qui sont mis en question dans HAMLET, toujours revient ceci :

que les rites ont été abrégés, clandestins.

 

POLONIUS est enterré sans cérémonie, secrètement,

à la va-vite, pour des raisons politiques.

 

Et vous vous souvenez de tout ce qui se joue autour de l'enterrement d'OPHÉLIE, de la discussion de savoir comment il se fait que très probablement, étant morte l'ayant voulu, s'étant noyée d'une façon délibérée…

du moins est-ce l'avis du populaire

…néanmoins elle est enterrée en terre sainte, en terre chrétienne, néanmoins quelque chose du rite chrétien lui est accordé, les fossoyeurs n'en doutent pas.

 

Si elle n'était pas une personne d'un rang si élevé, on l'aurait traitée autrement, de la façon dont

le prêtre articule que cela aurait dû être, car lui n'est pas d'avis qu'on lui rende ces honneurs funéraires.

 

On l'aurait jetée en terre non consacrée, on aurait accumulé sur elle les tessons et les détritus de la malédiction et des ténèbres. Le prêtre n'a consenti qu'à des rites abrégés eux aussi.

 

Tout ceci est fortement accentué à la fin de la scène du cimetière. Nous ne pouvons pas ne pas tenir compte de tous ces éléments, surtout si nous y ajoutons

bien d'autres choses.

 

L'ombre du père est une ombre qui a un grief inexpiable,

qui a été surprise…

nous dit-il - offensée d'une façon éternelle

…qui a été surprise…

ce n'est pas là un des moindres

mystères du sens de cette tragédie

…« …dans la fleur de ses pêchés… ». [Cut off even in the blossoms of my sin… ( I, 5, 76 ) ]

 

Il n'a pas eu le temps de rassembler avant sa mort

ce quelque chose qui l'eut mis en état de comparaître devant le jugement dernier.

 

Nous avons là une sorte de traces, de clues comme on dit en anglais, d'éléments qui s'ordonnent trop, convergent trop d'une façon éminemment significative pour que nous ne nous y arrêtions pas…

pour que nous ne demandions pas, comme nous

avons commencé de le faire la dernière fois

…sur le rapport du drame du désir avec tout ce dont

il s'agit autour du deuil et des exigences du deuil.

 

C'est le point sur lequel je voudrais aujourd'hui m'arrêter pour tâcher d'approfondir dans quel sens ceci, pour nous, introduit une question :

- en tant que cette question est celle de l'objet,

- et de l'objet en tant que nous l'abordons dans l'analyse sous diverses formes.

 

Nous l'abordons au sens de l'objet du désir.

Et il y a aussi de l'objet au désir un rapport simple, comme dans un rendez-vous qui pourrait être articulé comme s'il s'agissait d'un simple appointement,

alors que peut-être c'est autre chose.

 

Nous abordons aussi la question de l'objet d'un angle tout différent quand nous parlons de l'objet en tant que le sujet s'y identifie dans le deuil, il peut, dit­on, le réintégrer à son ego. Qu'est-ce là ?

 

 

Est-ce qu'il n'y a pas là deux phases qui dans l'analyse ne sont pas articulées, ne sont pas accordées ?

 

Est-ce que quelque chose n'exige pas de nous que nous essayions de pénétrer plus loin dans ce problème?

 

Bien sûr, ce que je viens de dire du deuil dans HAMLET ne nous permet pas de voiler :

 

- que le fond de ce deuil c'est - dans HAMLET comme dans ŒDIPE - un crime,

 

- que jusqu'à un certain point tous ces deuils se succèdent en cascade comme les suites, les séquelles, les conséquences du crime d'où part le drame.

 

Et ceci est aussi bien ce par quoi Hamlet, disons-nous, est un drame œdipien, ce qui nous permet de l'égaler, de le mettre au même niveau fonctionnel,

dans la généalogie tragique, que l'Œdipe.

 

C'est cela qui a mis FREUD…

et à sa suite ses disciples

…sur la piste de l'importance pour nous d'HAMLET.

 

Mais ce doit être du même coup pour nous une occasion de faire sur ce sujet…

- puisque HAMLET pour la tradition analytique se situe au centre d'une méditation sur les origines,

- puisque nous avons l'habitude de reconnaître

dans le crime d'Œdipe la trame la plus essentielle du rapport du sujet à ce que nous appelons ici l'Autre, à savoir le lieu où s'inscrit la loi

…de rappeler quelques termes essentiels de la façon dont, pour nous, sont jusqu'à présent articulées

ces relations du sujet avec ce qu'on peut appeler le crime originel.

 

Il est bien clair que nous devons distinguer…

au lieu de faire comme toujours, de laisser

les choses dans une sorte de trouble et de flou qui ne facilite pas les spéculations des choses que nous avons à dire sur ce sujet

…que nous nous trouvons en présence de deux étages.

Il y a le mythe freudien, qui mérite d'être appelé ainsi…

la construction du totem, établie en tant qu'elle ordonne ce qu'on peut appeler à proprement parler un mythe. J'ai déjà, à l'occasion, touché ce problème :

en quoi peut-être même on peut dire que la construction freudienne est peut-être ici l'exemple unique d'un mythe formé qui soit sorti dans notre âge historique

…il y a ce mythe qui nous indique en quelque sorte

la liaison primitive, essentielle, de toute nécessité, qui fait que nous ne pouvons concevoir l'ordre de la loi, sinon sur la base de quelque chose de plus primordial qui se présente comme quoi ?

 

C'est là le sens du mythe d'Œdipe de FREUD,

il est trop évident que ce crime, qui est

le meurtre primitif du père

qui est pour lui exigé comme devant reparaître toujours comme formant l'horizon, la barre terminale du problème des origines en toute matière analytique, remarquons-le, car il le retrouve toujours et rien ne lui paraît épuisé qu'il ne le rejoigne à ce dernier terme

le meurtre primitif du père, qu'il le place à l'origine de

la horde ou à l'origine de la tradition judaïque,

a bien évidemment un caractère d'exigence mythique.

 

Un autre plan est celui où ce quelque chose se développe et s'incarne d'un drame formateur.

Autre chose est le rapport de la loi primitive au crime primitif, et ce qui se passe quand le héros tragique qui est ŒDIPE, qui aussi bien est chacun

de nous en quelque point de son être virtuellement quand il reproduit le drame œdipien, quand en tuant le père il s'accouple avec la mère, quand en quelque sorte il renouvelle sur le plan tragique, en une sorte de bain lustral, la renaissance de la loi.

 

Ici nous pouvons voir les dissymétries entre la tragédie d'ŒDIPE et la tragédie d'HAMLET.

 

ŒDIPE répond strictement à cette définition que

je viens de donner de reproduction rituelle du mythe.

 

 

ŒDIPE…

en somme, complètement innocent, inconscient

…fait dans une sorte de rêve qui est sa vie…

La vie est un songe [94]

…accomplit à son insu le renouvellement des passes qui vont du crime à la restauration de l'ordre

et à la punition qu'il assume lui-même,

qui nous le fait apparaître à la fin, châtré.

 

Car c'est bien là l'élément dont nous devons tenir

un compte essentiel et qui reste…

si nous nous tenons au niveau

génétique du meurtre primitif

…l'élément qui nous reste voilé.

 

C'est le sens en fin de compte de ce qui pointe,

de ce qui importe, c'est à savoir de cette punition, de cette sanction, de cette castration dans laquelle reste enfermé à clef le quelque chose qui est le résultat, qui est à proprement parler l'humanisation de la sexualité chez l'homme, qui est aussi bien la clef dans laquelle nous avons coutume, par notre expérience, de faire tourner tous les accidents d'évolution du désir.

 

C'est ici qu'il n'est pas indifférent de nous apercevoir des dissymétries entre le drame d'HAMLET et le drame d'ŒDIPE.

Les poursuivre jusque dans le détail serait presque une opération trop brillante. Indiquons quand même que le crime se produit dans ŒDIPE, au niveau de

la génération du héros.

 

Dans HAMLET, il s'est déjà produit au niveau de

la génération précédente.

 

Dans ŒDIPE il se produit, le héros ne sachant pas ce qu'il fait et en quelque sorte guidé par le fatum.

 

Ici, dans HAMLET, le crime est accompli d'une façon délibérée puisqu'il l'est même par traîtrise. Il surprend celui qui en est la victime : le père, dans une sorte de sommeil, et même dans un sommeil tout à fait réel.

 

Il est dans ce sommeil quelque chose qui n'est pas absolument intégré.

 

On peut dire qu'ŒDIPE a joué le drame comme chacun

de nous le répète dans ses rêves, mais ici le héros

a été vraiment…

ici nos références peuvent servir

…surpris d'une façon complètement étrangère au phylum de ce qu'il poursuit alors de ses pensées.

 

Il l'indique : « J'ai été surpris dans la fleur de mes pêchés. »[95]

 

Un coup vient le frapper, partant d'un point

d'où il ne l'attend pas, véritable intrusion du réel, véritable rupture du fil de la destinée.

 

Il meurt sur un lit de fleurs, nous dit le texte shakespearien, et la scène des acteurs va même jusqu'à nous reproduire, dans l'espèce de pantomime préliminaire, ce lit de fleurs sur la scène.

 

Il y a là sans aucun doute quelque mystère,

et dont aussi bien dès le début, je vous ai signalé le contraste avec le fait si singulier que ceci…

qui est l'irruption la plus étrangère au sujet

…dans le crime est quelque chose qui paraît

en quelque sorte compensé, contrasté de la façon

la plus paradoxale par le fait qu'ici le sujet sait.

 

Je veux dire qu'HAMLET est informé par son père

qui sait ce qui est arrivé, et ce n'est pas là

non plus l'une des moindres énigmes.

 

Le drame d'HAMLET, contrairement à celui d'ŒDIPE,

ne part pas de cette question :

 

- qu'est-ce qui se passe ?

 

- Où est le crime ?

 

- Où est le coupable ?

 

Il part de la dénonciation du crime…

du crime mis au jour dans l'oreille du sujet

…et il se déroule à partir de la révélation du crime.

 

Aussi bien verrons-nous là à la fois toute l'ambiguïté

et le contraste de quelque chose dont on peut inscrire, sous la forme qui est celle où nous inscrivons

le message de l'inconscient, à savoir :

le signifiant de A barré, S(A).

 

Dans la forme si l'on peut dire normale de l'œdipe, le S(A) porte une incarnation, celle de l'Autre,

du père…

d'autant que de lui est attendue et

appelée la sanction du lieu de l'Autre

…la vérité de la vérité :

- en tant qu'il doit être l'auteur de la loi,

- et pourtant en tant qu'il n'est jamais que celui qui la subit,

- celui qui, pas plus que quiconque d'autre, ne peut la garantir,

- celui qui lui aussi, a à subir la barre,

- celui qui pour autant qu'il est le père réel fait de lui un père châtré.

 

Toute différente…

quoi qu'elle puisse se

symboliser de la même manière

…est la position à la fin, d’HAMLET, ou plus exactement à son départ puisque c'est le message

qui ouvre le drame d'HAMLET.

 

Ici aussi nous voyons l'Autre s'avérer sous la forme la plus signifiante comme un A barré, A .

Ce n'est pas seulement de la surface des vivants qu'il est rayé, c'est de sa juste rémunération. Il est entré avec le crime dans le domaine de l'enfer, c'est-à-dire une dette qu'il n'a pas pu payer,

une dette inexpiable, dit-il.

 

Et c'est bien là le sens le plus terrible

et le plus angoissant de sa révélation pour son fils.

 

ŒDIPE a payé, se présente comme celui qui porte dans la destinée du héros la charge de la dette accomplie, rétribuée.

 

Ce dont se plaint pour l'éternité le père d'HAMLET, c'est d'avoir été dans ce fil, interrompu, surpris, brisé, c'est de ne plus pouvoir en répondre jamais.

 

Vous le voyez, ce autour de quoi nous mène

notre investigation à mesure qu'elle progresse,

c'est ce dont il s'agit dans la rétribution,

dans la punition, dans la castration, dans le rapport au signifiant phallus puisque c'est dans ce sens

que nous avons commencé de l'articuler.

 

Et une ambiguïté s'établit entre ce que FREUD

lui-même nous a indiqué…

d'une façon peut-être un peu « fin de siècle »

…à savoir ce quelque chose qui ferait que nous sommes voués à ne plus vivre l'œdipe que sous une forme

en quelque sorte faussée, ce quelque chose dont

il y a assurément un écho dans HAMLET.

 

Un des premiers cris à la fin du premier acte d'HAMLET est celui-ci :

 

« The time is out of joint. O cursed spite That ever I was born to set it right !
Le temps est sorti de ses gonds, Ô maudit

 

Je ne peux traduire autrement « spite »

 

dépit. » [ I, 5, 188 ]

 

« Spite » est partout dans les Sonnets de SHAKESPEARE, « dépit » a pris pour nous un sens subjectif.

 

Notre premier pas dans une introduction à

la compréhension des élisabéthains serait…

à propos d'un certain nombre de mots

…de voir leur redonner aussi le pouvoir de tourner sur leurs gonds, c'est-à-dire de situer le dépit quelque part…

entre le dépit objectif et le dépit subjectif

…dans quelque chose dont nous semblons avoir perdu

la référence, qui est justement ce qui se passe

au niveau de l'ordre, à savoir des termes qui peuvent être entre les deux, entre l'objectif et le subjectif.

 

« 0 cursed spite », c'est ce dont il a dépit, c'est en quoi

le temps lui fait aussi injustice…

nous ne savons plus articuler ces mots qui sont en jeu au centre de ce qui est le vécu du sujet

…ou bien tout ce qu'il peut désigner comme l'injustice dans le monde.

 

Peut-être y reconnaissez-vous au passage le fourvoiement de « la belle âme » dont nous ne sommes pas sortis, loin de là, malgré tous nos efforts, mais que le vocabulaire shakespearien transcende.

 

Et ce n'est pas pour rien que j'ai fait allusion ici aux Sonnets si allégrement. Donc :

 

« Ô malédiction, que je ne sois né jamais pour le remettre droit. »

[O cursed spite That ever I was born to set it right ! ( I, 5, 188 )]

 

Et voici donc à la fois justifié, mais approfondi,

ce qui peut nous apparaître dans l'HAMLET illustrer une forme décadente de l'œdipe. [ Cf. Œdipe à Colonne : μή ϕῦναι [ mè phunai ] ]

 

Une sorte d'Untergang complète qui fait ambiguïté avec ce vers quoi je veux maintenant un instant amener votre attention, à savoir ce que FREUD appelle ainsi dans chaque vie individuelle, à savoir ce qu'il a décrit sous ce titre en 1924, attirant lui-même l'attention sur ce qui est en fin de compte l'énigme de l'œdipe, qui n'est pas simplement que le sujet ait voulu, désiré le meurtre de son père, le viol de sa mère, mais que ceci soit dans l'inconscient.

C'est à savoir comment ceci vient à être dans l'inconscient et comment il vient à y être au point que le sujet, pendant une période de sa vie importante, la période de latence…

source des points de construction chez

l'être humain de tout son monde objectif

…vient à ne plus s'en occuper du tout.

 

Tellement à ne plus s'en occuper du tout que vous savez fort bien que FREUD admet, du moins à l'origine de son articulation doctrinale, que dans un cas idéal ne plus s'en occuper devienne quelque chose d'heureusement définitif.

 

Je vous renvoie à ce texte qui n'est pas long,

et que vous trouverez dans le tome XIII des Gesammelte Werke.[96] Qu'est-ce que FREUD nous dit ?


Date: 2016-03-03; view: 486


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