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TABLE DES SÉANCES 45 page

va faire un homme.

À savoir quelque chose qui va en faire quelqu'un capable…

pour un court instant sans aucun doute, mais un instant qui suffit pour que la pièce se termine

…capable de se battre et capable de tuer.

 

Ce que je veux vous dire, c'est…

non pas que SHAKESPEARE, bien entendu,

s'est dit toutes ces jolies choses

…c'est que, s'il a mis quelque part dans l'articulation de sa pièce quelque chose d'aussi singulier que le personnage de LAERTE pour lui faire jouer, au moment du sommet crucial de la pièce,

ce rôle d'exemple et de support vers lequel HAMLET

se précipite dans une étreinte passionnée,

et d'où il sort littéralement autre…

ce cri accompagné de commentaires qui vont tellement dans le sens que je vous dis qu'il faut les lire

…que c'est là dans HAMLET que se produit le moment

où il peut ressaisir son désir.

 

Ce qui vous prouve que nous sommes là au cœur

de l'économie de ce dont il s'agit. Bien entendu

ceci n'a presque qu'un intérêt limité après tout,

et pour nous montrer vers quel point sont tirées toutes les avenues de l'articulation de la pièce.

Et c'est dans ces avenues qu'à tout instant pour nous, notre intérêt est suspendu, c'est ce qui fait

notre participation au drame d'HAMLET.

 

Bien entendu cela n'a d'intérêt d'en arriver là que parce qu'il y a eu avant quatre actes qui ont précédé cette scène du cimetière. Dans ces quatre actes

il y a eu d'autres choses que nous allons revoir maintenant en remontant en arrière.

 

Au premier plan il y a le rôle de la play scene.

Qu'est-ce que c'est que cette représentation,

qu'est-ce qu'elle veut dire ?

Pourquoi est-ce que SHAKESPEARE l'a conçue comme indispensable ?

Elle a plus d'un motif, plus d'un prétexte,

mais ce que nous essayerons de voir,

c'est son prétexte le plus profond.

Bref, je pense aujourd'hui vous avoir suffisamment indiqué dans quel sens d'expérience, d'articulation de la structure se pose pour nous le problème

de l'étude d'HAMLET, à savoir ce que nous,

quand nous l'aurons finie, pourrons en garder

pour nous d'utilisable, de maniable, de schématique pour notre propre repérage concernant le désir.

 

Lequel ? Je vous le dirai le désir du névrosé

à chaque instant de son incidence, je vous le montrerai ce désir d'HAMLET.

 

On l'a dit, c'est le désir d'un hystérique.

C'est peut-être bien vrai.

C'est le désir d'un obsessionnel, on peut le dire, c'est un fait qu'il est bourré de symptômes psychasthéniques, même sévères, mais la question n'est pas là.

 

À la vérité il est les deux.



Il est purement et simplement la place de ce désir.

HAMLET n'est pas un cas clinique.

 

HAMLET, bien entendu…

il est trop évident de le rappeler

…n'est pas un être réel, c'est un drame qui permet

de situer, si vous voulez, comme une plaque tournante où se situe un désir, où nous pourrons retrouver

tous les traits du désir, c'est-à-dire l'orienter, l'interpréter dans le sens de ce qui se passe

à l'insu d'un rêve pour le désir de l'hystérique,

à savoir ce désir que l'hystérique est forcé

de se construire.

 

C'est pour cela que je dirai que le problème d'HAMLET est plus près du désir de l'hystérique, parce qu'en quelque sorte le problème d'HAMLET est de retrouver la place de son désir. Cela ressemble beaucoup

à ce qu'un hystérique est capable de faire,

c'est à dire de se créer un désir insatisfait.

 

Mais c'est aussi vrai que c'est le désir de l'obsessionnel, pour autant que le problème de l'obsessionnel, c'est de se supporter sur un désir impossible.

Ce n'est pas tout à fait pareil. Les deux sont vrais.

Vous verrez que nous ferons virer autant d'un côté que de l'autre l'interprétation des propos et

des actes d'HAMLET. Ce qu'il faut que vous arriviez

à saisir, c'est quelque chose de plus radical que

le désir de tel ou tel, que le désir avec lequel

vous épinglez un hystérique, ou un obsessionnel.

 

[Untel ?] lorsqu'il s'adresse au personnage de l'hystérique, dit que chacun sait qu'un hystérique est incapable d'aimer.

 

Quand je lis des choses comme cela, j'ai toujours envie de dire à l'auteur :

« Et vous, êtes-vous capable d'aimer ? »

 

Il dit qu'un hystérique vit dans l'irréel. Et lui ? Le médecin parle toujours comme si il était, lui, bien enfoncé dans ses bottes, les bottes de l'amour, du désir, de la volonté et tout ce qui s'ensuit.

 

C'est quand même une position très curieuse,

et nous devons savoir depuis un certain temps

que c'est une position dangereuse.

 

C'est grâce à elle qu'on prend des positions de contre-transfert grâce auxquelles on ne comprend rien au malade auquel on a affaire.

 

C'est exactement de cet ordre là que sont les choses, et c'est pour cela qu'il est essentiel d'articuler, de situer où se place le désir.

 

 

08 Avril 1959 Table des séances

 

HAMLET ( 4 )

 

Qu'on me donne mon désir !

 

Tel est le sens que je vous ai dit qu'avait HAMLET, pour tous ceux, critiques, acteurs ou spectateurs, qui s'en emparent.

 

Je vous ai dit que c'était ainsi en raison de l'exceptionnelle, de la géniale rigueur structurale où le thème d'HAMLET arrive après une élaboration ténébreuse, qui commence aux XIIème et XIIIème siècles chez SAXO GRAMMATICUS, puis ensuite dans la version romancée de BELLEFOREST, et sans doute dans une esquisse de KYD et une première esquisse aussi, semble-t-il, de SHAKESPEARE, pour aboutir à la forme que nous en avons.

 

Cette forme se caractérise à nos yeux…

avec la méthode que nous employons ici

…par quelque chose que j'appelle la structure, qui est précisément ce dans quoi j'essaie de vous donner une clé qui vous permette de vous repérer avec certitude dans cette forme topologique que j'ai appelée le graphe, qu'on pourrait peut-être appeler le gramme.

 

Reprenons notre HAMLET.

 

Je pense que depuis trois fois que je vous en parle, vous l'avez tous lu au moins une fois.

Essayons de ressaisir, dans ce mouvement à la fois simple et profondément marqué de tous les détours qui ont permis à tant de pensées humaines de s'y loger, ce mouvement d'HAMLET.

 

Si ce peut être à la fois simple et si jamais fini, ce n'est pas très difficile de savoir pourquoi.

Le drame d'HAMLET, c'est la rencontre avec la mort.

D'autres ont insisté…

j'y ai fait allusion d'ailleurs

dans nos précédentes approches

…sur le caractère prodigieusement fixant, pertinent, de la première scène sur la terrasse d'Elseneur,

de cette scène sur ce qui va revenir,

que les sentinelles ont déjà vu une fois :

c'est la rencontre avec le spectre, avec cette forme d'en bas dont on ne sait pas encore alors, ce qu'elle est, ce qu'elle apporte, ce qu'elle veut dire.

 

COLERIDGE dit dans ses notes sur HAMLET

qui sont si jolies et que l'on trouve facilement

dans les Lectures on Shakespeare

j'y reviens car je vous ai peut-être donné l'impression d'en médire, je veux dire qu'en vous disant qu'après tout COLERIDGE ne fait que s'y retrouver, j'avais l'air de minimiser ce qu'il en disait

…c'est le premier qui ait sondé…

comme dans bien d'autres domaines

…la profondeur de ce qu'il y a dans HAMLET.

 

À propos de cette première scène, HUME lui-même, qui était tellement contre les fantômes, croyait à celui-là, que l'art de SHAKESPEARE arrivait à l'y faire croire malgré sa résistance.

 

« La force qu'il déployait contre les fantômes - dit-il - est semblable à celle d'un Samson.

Et là le Samson est terrassé. »

 

Il est clair que c'est bien parce que SHAKESPEARE

a approché de très près quelque chose qui n'était pas

le ghost, mais qui était effectivement cette rencontre non avec le mort, mais avec la mort, qui en somme

est le point crucial de cette pièce.

 

L'aller d'HAMLET au devant de la mort, c'est là d'où nous devons partir pour concevoir ce qui nous est promis dès cette première scène où le spectre apparaît

au moment même où l'on dit qu'il est apparu :

 

« The bell then beating one. La cloche sonnant une heure. » [ I, 1 ]

 

Ce « one » nous le retrouverons à la fin de la pièce quand…

après le cheminement contourné

…HAMLET se trouve tout proche de faire l'acte

qui doit en même temps achever son destin et où,

en quelque sorte, il s'avance en fermant les yeux vers celui qu'il doit atteindre, disant à HORATIO,

et ce n'est pas à n'importe quel moment qu'il finit par le lui dire :

 

« Qu'est-ce que c'est de tuer un homme, le temps de dire « one ». » [81]

 

Evidemment pour s'y acheminer il prend des chemins

de traverse, il fait comme on dit « l'école buissonnière ».

Ce qui me permet d'emprunter un mot qui est dans

le texte. Il s'agit d'HORATIO à qui…

tout modeste et tout gentil, alors

qu'il vient de lui apporter son aide

…il dit « Je suis ici un truant scholar, je musarde. »[Horatio.A truant disposition, good my lord. I, 2 ]

 

Personne ne le croit, mais c'est bien en effet ce qui toujours a frappé les critiques : cet HAMLET, il musarde. Que n'y va-t-il tout droit ?

En somme ce que nous essayons de faire ici, d'approfondir, c'est de savoir pourquoi il en est ainsi.

 

Là-dessus ce que nous faisons n'est pas quelque chose qui soit une route à côté, c'est une route qui est différente de celle suivie par ceux qui ont parlé avant nous, mais elle est différente pour autant qu'elle reporte peut-être la question un peu plus loin.

 

Ce qu'ils ont dit ne perd pas pour autant sa portée, ce qu'ils ont senti est ce que FREUD a mis

tout de suite au premier plan.

 

C'est que dans cette action en cause, l'action de porter la mort, dont on ne sait pas pourquoi une action si pressante et en fin de compte si brève à exécuter demande tant de temps à HAMLET. Ce que l'on nous en dit d'abord, c'est que cette action de porter la mort rencontre chez HAMLET l'obstacle du désir.

Ceci est la découverte, la raison et le paradoxe,

puisque ce que je vous ai montré…

et qui reste l'énigme irrésolue d'HAMLET

l'énigme que nous essayons de résoudre

…c'est justement cette chose à quoi il semble que l'esprit doive s'arrêter, c'est que le désir en cause

puisque c'est le désir découvert par FREUD,

le désir pour la mère, le désir en tant qu'il suscite la rivalité avec celui qui la possède

ce désir, mon dieu, devrait aller dans le même sens

que l'action.

 

Pour commencer de déchiffrer ce que ceci peut vouloir dire…

donc en fin de compte la fonction mythique d'HAMLET

qui en fait un thème égal à celui d'ŒDIPE

…ce qui nous apparaît d'abord c'est ce que nous lisons dans le mythe, le lien intime qu'il y a en somme entre ce meurtre à faire, ce meurtre juste,

ce meurtre qu'il veut faire…

 

- il n'y a pas de conflit chez lui de droit ou d'ordre, concernant, comme l'ont suggéré certains auteurs, je vous l'ai rappelé, les fondements de l'exécution de la justice.

 

- Il n'y a pas d'ambiguïté chez lui entre l'ordre public, la main de la loi, et les tâches privées.

 

- Il ne fait aucun doute pour lui que ce meurtre est là toute la loi, que ce meurtre ne fait pas question.

 

…et sa propre mort. Ce meurtre ne s'exécutera que lorsque déjà HAMLET est frappé à mort, dans ce court intervalle qui lui reste entre cette mort reçue et le moment où il s'y perd.

 

C'est donc de là qu'il faut partir.

De ce rendez-vous auquel nous pouvons donner tout son sens.

 

L'acte d'HAMLET se projette, se situe à son terme

au rendez-vous dernier de tous les rendez-vous,

en ce point par rapport :

- au sujet tel qu'ici nous essayons de l'articuler, de le définir,

 

- au sujet pour autant qu'il n'est pas encore venu au jour : son avènement est retardé dans l'articulation proprement philosophique,

 

- au sujet tel que FREUD nous a appris qu'il est construit.

 

- Un sujet qui se distingue du sujet dont la philosophie occidentale parle depuis que théorie de la connaissance il y a, sujet qui n'est point le support universel des objets, et en quelque sorte son négatif, son omniprésent support.

 

- Un sujet en tant qu'il parle et en tant qu'il est structuré dans un rapport complexe avec le signifiant qui est très exactement celui que nous essayons d'articuler ici.

 

Et pour le représenter une fois de plus :

 

 

si tant est que le point entrecroisé de l'intention de la demande et de la chaîne signifiante se fait pour la première fois au point A que nous avons défini comme le grand Autre en tant que lieu de la vérité.

Je veux dire en tant que lieu où la parole se situe en prenant place, instaure cet ordre évoqué, invoqué chaque fois que le sujet articule quelque chose, chaque fois qu'il parle et qu'il fait ce quelque chose qui se distingue de toutes les autres formes immanentes de captivation où de l'un par rapport

à l'autre rien n'équivaut à ce qui dans la parole instaure toujours cet élément tiers, à savoir ce lieu de l'Autre où la parole, même mensongère, s'inscrit comme vérité.

 

Ce discours pour l'Autre, cette référence à l'Autre, se prolonge au-delà, dans ceci qu'elle est reprise

à partir de l'Autre pour constituer la question :

« Qu'est-ce que je veux ? »

 

Ou plus exactement la question qui se pose au sujet sous une forme déjà négative :

« Que veux-tu ? »

 

La question de ce que…

au-delà de cette demande aliénée dans le système du discours en tant qu'il est là, reposant au lieu de l'Autre

…le sujet - prolongeant son élan - se demande là

ce qu'il est comme sujet, et où il a en somme

à rencontrer quoi au-delà du lieu de la vérité ?

 

Ce que le génie même, non de la langue

mais de la métaphore extrême…

qui tend devant certains spectacles

significatifs à se formuler

…appelle d'un nom que nous reconnaîtrons ici

au passage : « l'heure de la vérité ».

 

Car n'oublions pas…

en un temps où toute philosophie s'est engagée

à articuler ce qui lie le temps à l'être

…qu'il est tout à fait simple de s'apercevoir

que le temps

dans sa constitution même : passé-présent-futur, ceux de la grammaire

se repère, et à rien d'autre qu'à l'acte de la parole.

Le présent c'est ce moment où je parle et rien d'autre. Il nous est strictement impossible de concevoir

une temporalité dans une dimension animale,

c'est-à-dire dans une dimension de l'appétit.

 

Le b, a, ba de la temporalité exige même la structure en langage. Dans cet au-delà de l'Autre, dans ce discours

qui n'est plus discours pour l'Autre, mais discours de l'Autre à proprement parler, dans lequel

va se constituer cette ligne brisée des signifiants de l'inconscient.

 

Dans cet Autre dans lequel le sujet s'avance avec

sa question comme telle, ce qu'il vise au dernier terme :

 

- c'est l'heure de cette rencontre avec lui-même,

 

- de cette rencontre avec son vouloir,

 

- de cette rencontre avec quelque chose que nous allons au dernier terme essayer de formuler, et dont nous ne pouvons même pas tout de suite donner les éléments, si tant est tout de même que certains signes ici nous les représentent et sont en quelque sorte pour vous le repère, la pré-figure de l'étagement de ce qui nous attend dans

ce qu'on peut appeler les pas, les étapes nécessaires de la question.

 

Remarquons quand même que si HAMLET…

 

qui - je vous l'ai dit - n'est pas ceci ou cela, n'est pas un obsessionnel pour la bonne raison d'abord qu'il est une création poétique.

HAMLET n'a pas de névrose, HAMLET nous démontre de la névrose, et c'est tout autre chose que de l'être

 

…si HAMLET, par certaines phrases…

quand nous nous regardons dans HAMLET,

sous un certain éclairage du miroir

…nous apparaît plus près que tout de la structure de l'obsessionnel, c'est déjà en ceci que la fonction du désir

puisque c'est là la question

que nous posons à propos d'HAMLET

…nous apparaît justement en ceci qui est révélateur de l'élément essentiel de la structure, qui est celui justement mis en valeur au maximum par la névrose obsessionnelle, c'est qu'une des fonctions du désir,

la fonction majeure chez l'obsessionnel, c'est…

cette heure de la rencontre désirée

…la maintenir à distance, l'attendre.

 

Et ici j'emploie le terme que FREUD offre dans

Inhibition, Symptôme, Angoisse : « Erwartung »…

qu'il distingue expressément

de « abwarten », « tendre le dos »

…« Erwartung », « l'attendre » au sens actif c'est aussi « la faire attendre ». Ce jeu avec l'heure de la rencontre domine essentiellement le rapport de l'obsessionnel.

 

Sans doute HAMLET nous démontre-t-il toute cette dialectique, tout ce dépliant qui joue avec l'objet sous bien d'autres faces encore, mais celle-ci est

la plus évidente, celle qui apparaît en surface

et qui frappe, qui donne le style de cette pièce,

et qui en a fait toujours l'énigme.

 

Essayons de voir maintenant dans d'autres éléments les coordonnées que nous donne la pièce.

 

Qu'est-ce qui distingue la position d'HAMLET

par rapport en somme à une trame fondamentale ?

Qu'est-ce qui en fait cette variante de l'œdipe

si frappante dans son caractère de variation ?

 

Car enfin ŒDIPE, lui, n'y faisait pas tant de façons, comme l'a fort bien remarqué FREUD dans la petite note d'explication à laquelle on recourt quand

on donne sa langue au chat, à savoir :

 

« Mon Dieu, tout se dégrade, nous sommes dans la période de décadence nous autres modernes, nous nous tortillons six cents fois avant de faire ce que les autres, les bons, les braves, les anciens, faisaient tout « dret » ! »

 

Ce n'est pas une explication, cette référence à l'idée de décadence doit nous être suspecte, nous pouvons la prendre par d'autres côtés. Je crois qu'il convient de reporter la question plus loin.

S'il est vrai qu'en soient là les modernes, cela doit être pour une raison…

du moins si nous sommes psychanalystes

…autre que pour la raison qu'ils n'ont pas les nerfs aussi solides que les avaient leurs pères.

 

Non ! Déjà quelque chose sur quoi j'ai attiré votre attention est essentiel : ŒDIPE, lui, n'avait pas

à barguigner trente six fois devant l'acte, il l'avait fait avant même d'y penser et sans le savoir. La structure du mythe d'ŒDIPE

est essentiellement constituée par cela.

 

Eh bien il est tout à fait clair et évident qu'il y a ici quelque chose, quelque chose qui est justement

ce par quoi je vous ai introduit cette année…

et ce n'est pas par hasard

…dans cette initiation au gramme comme clef du problème du désir.

 

Rappelez-vous le rêve très simple du Principe du plaisir

et de la réalité, le rêve où le père mort apparaît, et je vous ai marqué sur la ligne supérieure,

la ligne d'énonciation dans le rêve : « Il ne savait pas ».

 

Cette bienheureuse ignorance de ceux qui sont plongés dans le drame nécessaire qui s'ensuit du fait que

le sujet qui parle est soumis au signifiant,

cette ignorance est ici. Je vous fais remarquer

en passant que personne ne vous explique pourquoi.

 

Car enfin, si le père endormi au jardin a été meurtri par le fait qu'on lui a versé dans l'oreille - comme on dit dans JARRY - ce délicat suc, « hébénon »,

il semble que la chose ait dû lui échapper,

car rien ne nous dit qu'il est sorti de son sommeil pour en constater le dégât, que les dartres qui couvrirent son corps ne furent jamais vues que

par ceux qui découvrirent son cadavre.

 

Et donc ceci suppose que dans le domaine de l'au-delà on a des informations très précises sur la façon

dont on y est parvenu, ce qui peut en effet être une hypothèse de principe, ce qui n'est pas non plus quelque chose que nous devions d'emblée tenir pour certain.

Tout ceci pour souligner l'arbitraire de

la révélation initiale, de celle dont parle

tout le grand mouvement d'HAMLET :

la révélation par le père de la vérité sur sa mort distingue essentiellement une coordonnée du mythe

de ce qui se passe dans le mythe d'Œdipe.

 

Quelque chose est levé, un voile, celui qui pèse justement sur l'articulation de la ligne inconsciente, ce voile que nous-mêmes essayons de lever, non sans qu'il nous donne, vous le savez, quelque fil à retordre.

 

Car il est clair qu'il doit bien avoir

quelque fonction essentielle

je dirais, pour la sécurité

du sujet en tant qu'il parle

…pour que nos interventions pour rétablir

la cohérence de la chaîne signifiante au niveau de l'inconscient présentent toutes ces difficultés, reçoivent de la part du sujet toute cette opposition, ces refus.

C'est quelque chose que nous appelons « résistance »

et qui est le pivot de toute l'histoire de l'analyse.

 

Ici la question est résolue : le père savait.

Et du fait qu'il savait, HAMLET sait aussi.

C'est-à-dire qu'il a la réponse.

Il a la réponse, et il ne peut y avoir qu'une réponse.

 

Elle n'est pas obligatoirement dicible en termes psychologiques, je veux dire que cela n'est pas une réponse forcément compréhensible, encore bien moins qui vous prenne aux tripes, mais cela n'en est pas moins une réponse du type fatal.

 

Cette réponse essayons de voir ce que c'est.

 

Cette réponse qui est en somme le message

au point où il se constitue dans la ligne supérieure, dans la ligne de l'inconscient.

 

Cette réponse que j'ai déjà symbolisée pour vous

à l'avance et non - bien entendu - sans être forcé

de ce fait de vous demander de me faire crédit.

Mais il est plus facile, plus honnête de demander

à quelqu'un de vous faire crédit sur quelque chose qui d'abord n'a aucune espèce de sens.

Cela ne vous engage à rien, si ce n'est peut-être

à le chercher, ce qui laisse tout de même une liberté de le créer par vous-mêmes.

 

 

Cette réponse, j'ai commencé à l'articuler

sous la forme suivante :

signifiant de l’Autre, S(A), ce qui distingue

la réponse au niveau de la ligne supérieure de celle au niveau de la ligne inférieure.

Au niveau de la ligne inférieure la réponse c'est toujours le signifié de l'Autre, s(A) c'est toujours par rapport à cette parole qui se déroule au niveau de l'Autre

et qui modèle le sens de ce que nous avons voulu dire.

 

Mais qui aura voulu dire cela au niveau de l'Autre ? C'est signifié au niveau du discours simple,

mais au niveau de l'au-delà de ce discours [d → S àa], au niveau de la question que le sujet se pose à lui-même,

qui veut dire en fin de compte :

« qu'est-ce que je suis devenu dans tout cela ? ».

La réponse je vous l'ai dit, c'est le signifiant de l'Autre avec la barre : S(A).

Il y a mille façons de commencer à vous développer

ce qu'inclut ce symbole.

 

Mais nous choisissons aujourd'hui…

puisque nous sommes dans HAMLET

…la voie claire, évidente, pathétique, dramatique.


Date: 2016-03-03; view: 491


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