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TABLE DES SÉANCES 36 page

 

Ici, il faut prendre HAMLET, sa conduite dans la tragédie, dans son ensemble. Et puisque nous avons parlé du désir d'HAMLET, il faut s'apercevoir de

ce qui n'a pas échappé aux analystes, naturellement, mais qui n'est peut-être pas du même registre, du même ordre.

Il s'agit de situer ce qu'il en est d'HAMLET comme d'un […] qui pour nous est l'axe, l'âme, le centre, la pierre de touche du désir. Ce n'est pas exacte­ment cela, à savoir les rapports d'HAMLET à ce qui peut être l'objet conscient de son désir.

 

Là-dessus rien ne nous est, par l'auteur, refusé.

Nous avons dans la pièce comme le baromètre de la position d'HAMLET par rapport au désir, nous l'avons de la façon la plus évidente et la plus claire sous la forme du personnage d'OPHÉLIE.

 

OPHÉLIE est très évidemment une des créations les plus fascinantes qui ait été proposée à l'imagination humaine. Quelque chose que nous pouvons appeler :

- le drame de l'objet féminin,

- le drame du désir du monde,

…qui apparaît à l'orée d'une civilisation sous

la forme d'HÉLÈNE, c'est remarquable de le voir dans un point, qui est peut-être aussi un point sommet, incarné dans le drame et le malheur d'OPHÉLIE.

 

Vous savez qu'il a été repris sous maintes formes

par la création esthétique, artistique, soit par

les poètes, soit par les peintres, tout au moins

à l'époque pré-raphaélite, jusqu'à nous donner

des tableaux fignolés où les termes mêmes de

la description que donne SHAKESPEARE de cette OPHÉLIE flottant dans sa robe au fil de l'eau où elle s'est laissée, dans sa folie, glisser - car le suicide d'OPHÉLIE est ambigu. Ce qui se passe dans la pièce c'est que tout de suite, corrélativement en somme au drame

c'est FREUD qui nous l'indique

…nous voyons cette horreur de la féminité comme telle.

Les termes en sont articulés au sens le plus propre du terme.

 

C'est-à-dire ce qu'il découvre, ce qu'il met en valeur, ce qu'il fait jouer devant les yeux mêmes d'OPHÉLIE comme étant toutes les possibilités de dégra­dation, de variation, de corruption, qui sont liées à l'évolution de la vie même de la femme, pour autant qu'elle se laisse entraîner à tous les actes

qui peu à peu font d'elle une mère.

C'est au nom de ceci qu'HAMLET repousse OPHÉLIE

de la façon qui apparaît dans la pièce

la plus sarcastique et la plus cruelle.

 

Nous avons ici une première corrélation de quelque chose qui marque bien l'évolution et les…



une évolution et une corrélation comme essentielles de quelque chose qui porte le cas d'HAMLET

sur sa position à l'endroit du désir.

 

Remarquez que nous nous trouvons là tout de suite confrontés, au passage, avec le « psychanalyste sauvage », POLONIUS, le père d'OPHÉLIE qui lui, a tout de suite mis le doigt dessus : la mélancolie d'HAMLET ?

 

C'est parce qu'il a écrit des lettres d'amour

à sa fille et que lui, POLONIUS, ne manquant pas d'accomplir son devoir de père, a fait répondre

par sa fille, vertement.

Autrement dit : notre HAMLET est malade d'amour !

Ce personnage caricatural est là pour nous représenter l'accompagnement ironique de ce qui s'offre toujours de pente facile à l'inter­prétation externe des événements.

 

Les choses se structurent un tout petit peu autrement, comme personne n'en doute.

 

Il s'agit bien entendu de quelque chose qui concerne les rapports d'HAMLET - avec quoi ? - Avec son acte essentiellement. Bien sûr, le changement profond de sa position sexuelle est tout à fait capital, mais

il est à articuler, à orga­niser un tant soit peu autrement.

 

Il s'agit d'un acte à faire, et il en dépend dans

sa position d'ensemble. Et très précisément de ce quelque chose qui se manifeste tout au long de cette pièce, qui en fait la pièce de cette position fondamentale par rapport à l'acte, qui en anglais a un mot d'usage beaucoup plus courant qu'en français…

c'est ce qu'on appelle, en français,

ajournement, retardement

…et qui s'exprime en anglais par procrastinate :

« renvoyer au lendemain ».

C'est en effet de cela qu'il s'agit.

Notre HAMLET, tout au long de la pièce, pro­crastine.

Il s'agit de savoir ce que vont vouloir dire

les divers renvois qu'il va faire de l'acte

chaque fois qu'il va en avoir l'occasion, et ce qui va être déterminant à la fin, dans le fait que

cet acte à commettre, il va le franchir.

 

Je crois qu'ici en tout cas, s’il y a quelque chose

à mettre en relief, c'est justement la question

qui se pose à propos de ce que signifie l'acte

qui se propose à lui.

 

L'acte qui se propose à lui n'a rien à faire en fin de compte…

et c'est là ce qui est suffisamment indiqué

dans ce que je vous ai fait remarquer

…avec l'acte œdi­pien en révolte contre le père.

 

Le conflit avec le père, au sens où il est, dans

le psychisme, créateur, ce n'est pas l'acte d'ŒDIPE, pour autant que l'acte d'ŒDIPE soutient la vie d'ŒDIPE,

et qu'il en fait ce héros qu'il est avant sa chute, tant qu'il ne sait rien, qui fait l'Œdipe conclure sur le dramatique.

 

Lui, HAMLET, sait qu'il est coupable d'être,

il est insupportable d'être. Avant tout commencement du drame d'Hamlet, HAMLET connaît le crime d'exister, et c'est à partir de ce com­mencement qu'il lui faut choisir, et pour lui le problème d'exister à partir de ce commencement se pose dans des termes qui sont les siens : à savoir le « To be, or not to be »qui est quelque chose qui l'engage irrémédiablement dans l'être comme il l'articule fort bien.

 

C'est justement parce que pour lui le drame œdipien est ouvert au commen­cement et non pas à la fin,

que le choix se propose entre « être » et « ne pas être ».

 

Et c'est justement parce qu'il y a cet « ou bienou bien… » qu'il s'avère qu'il est pris de toutes façons dans

la chaîne du signifiant, dans quelque chose qui fait que, de ce choix, il est de toutes façons la victime.

Je donnerai la traduction de LETOURNEUR qui me semble la meilleure :

 

« Être ou ne pas être ! C'est là la question.

S'il est plus noble à l'âme de souffrir les traits poignants de l'injuste fortune, ou, se révoltant contre cette multitude de maux

Or to take arms against a sea of troubles, and by opposing, end them. To die- to sleep - no more ; Mourir, - dormir, - rien de plus, et par ce sommeil dire : nous mettons un terme aux angoisses du cœur, et à cette foule de plaies et de douleurs…

and by a sleep to say we end the heartache, and the thousand natural shocks that flesh is heir to.

l’héritage naturel de cette masse de chair

 

Je pense que ces mots ne sont pas

faits pour nous être indif­férents

 

…//… Mourir – dormir. Dormir ? Rêver peut-être ; oui, voilà le grand obs­tacle.

Car de savoir quels songes peuvent survenir dans ce sommeil de la mort, après que nous sommes dépouillés de cette enveloppe mortelle

 

« This mortal coil » n'est pas tout à fait « l'enveloppe », c'est cette espèce de torsion de quelque chose d'enroulé qu'il y a autour de nous

 

c'est de quoi nous forcer à faire une pause. Voilà l'idée qui donne une si longue vie à la calamité. Car quel homme voudrait supporter les traits et les injures du temps, les injustices de l’oppresseur, les outrages de l'orgueilleux, les tortures de l’amour méprisé …//… L'insolence des grands en place

et les avilissants rebuts que le mérite patient essuie de l'homme sans âme, lorsque avec un poinçon

il pourrait lui-même se pro­curer le repos ? »

 

Ce devant quoi se trouve HAMLET dans ce « Être, ou ne pas être » c'est ren­contrer la place prise par ce que lui a dit son père. Et ce que son père lui a dit en tant que fantôme, c'est que : lui a été surpris par la mort « dans la fleur de ses péchés ».

 

Il s'agit de rencontrer la place prise par le péché de l'autre, le péché non payé. Celui qui sait est par contre - contrairement à ŒDIPE - quelqu'un qui

n'a pas payé ce crime d'exister.

 

Les conséquences, d'ailleurs, à la génération suivante ne sont pas légères : les deux fils d'ŒDIPE ne songent qu'à se massacrer entre eux avec toute

la vigueur et la conviction désirables.

 

Alors que pour HAMLET il en est tout autrement :

HAMLET ne peut ni payer à sa place, ni laisser la dette ouverte.

En fin de compte, il doit la faire payer, mais dans les conditions où il est placé, le coup passe à travers lui-même. Et c'est de l'arme même…

à la suite d'une sombre trame sur laquelle

nous aurons à nous étendre largement

…dont HAMLET se trouve blessé, uniquement après

que lui, HAMLET, soit touché à mort, qu'il peut toucher

le criminel qui est là à sa portée, à savoir CLAUDIUS.

 

C'est cette communauté de décillement…

le fait que le père et le fils,

l'un et l'autre savent

…qui est ici le ressort qui fait toute la difficulté du problème de l'assomption par HAMLET de son acte.

 

Et les voies par lesquelles il pourra le rejoindre, qui rendront possible cet acte en lui-même impossible dans la mesure même où l'autre sait, ce sont les voies de détour qui lui rendront possible fina­lement d'accomplir ce qui doit être accompli, ce sont

ces voies qui doivent faire l'objet de notre intérêt parce que ce sont elles qui vont nous instruire.

 

Puisque c'est cela qui est le véritable problème qu'il s'agissait aujourd'hui d'introduire, il faut bien que je vous porte en quelque sorte au terme

de la chose, je veux dire ce par quoi finalement,

et par quelles voies, HAMLET arrive à accom­plir son acte.

 

N'oublions quand même pas que s'il y arrive,

si CLAUDIUS à la fin tombe frappé, c'est tout de même du boulot bousillé. Cela n'est rien de moins

qu'après être passé au travers du corps de quelqu'un qu'il se trouve certaine­ment, vous le verrez,

avoir plongé dans l'abîme.

 

À savoir l'ami, le compagnon, LAËRTE, après que sa mère, par suite d'une méprise, se soit empoisonnée avec la coupe même qui devait lui servir d'attentat, de sécurité, pour le cas où la pointe du fleuret empoisonnée n'aurait pas touché HAMLET, c'est après un certain nombre d'autres victimes, et ce n'est pas avant d'avoir été, lui-même, frappé à mort qu'il peut porter le coup.

Il y a pourtant là quelque chose qui pour nous,

doit faire problème.

 

Si effectivement quelque chose s'accomplit,

s'il y a eu in extremis cette sorte de rectification

du désir qui a rendu l'acte possible,

comment a-t-il été accom­pli ?

 

C'est justement là que porte la clef, ce qui fait que cette pièce géniale n'a jamais été remplacée par

une autre mieux faite. Car en somme qu'est-ce que c'est que ces grands thèmes mythiques sur lesquels s'essaient au cours des âges les créations des poètes, si ce n'est une espèce de longue approximation

qui fait que le mythe, à le serrer au plus près

de ses possibilités, finit par entrer à proprement parler dans la subjectivité et dans la psychologie.

 

Je soutiens, et je soutiendrai sans ambiguïté…

et je pense être dans

la ligne de FREUD en le faisant

que les créations poétiques engendrent plus qu'elles ne reflètent les créations psycho­logiques.

 

Ce canevas diffus, en quelque sorte, qui vaguement flotte dans ce rapport pri­mordial de la rivalité du fils et du père, est quelque chose qui ici lui donne tout son relief et qui fait le véritable cœur de la pièce d'Hamlet.

C'est dans la mesure où quelque chose vient à équivaloir

à ce qui a manqué…

à ce qui a manqué en raison même

de cette situation originelle, initiale, distincte par rapport à l'œdipe, c'est-à-dire

la castration, en raison même du fait

qu'à l'intérieur de la pièce les choses se présentent comme une espèce de lent cheminement en zigzag, de lent accouchement et par des voies détournées de la castration nécessaire

…dans cette mesure même et dans cette mesure où ceci est réalisé au dernier terme, qu'HAMLET fait jaillir l'action terminale où il succombe et où les choses étant poussées à ne pouvoir échapper à ce que d'autres, les FORTINBRAS, toujours prêts à recueillir l'héritage, viennent à lui succéder.

11 Mars 1959 Table des séances

 

Hamlet ( 2 )

 

 

Nous voici donc depuis la dernière fois dans HAMLET. HAMLET ne vient pas là par hasard, encore que

je vous aie dit qu'il était introduit à cette place par la formule du « Être ou ne pas être » qui s'était imposée à moi à propos du rêve d'Ella SHARPE.

 

J'ai été amené à relire une part de ce qui a été écrit d'HAMLET sur le plan analytique, et aussi

de ce qui en a été écrit avant.

 

Les auteurs, du moins les meilleurs, ne sont pas, bien entendu, sans faire état de ce qui en a été écrit bien avant, et je dois dire que nous sommes amenés fort loin, quitte de temps en temps

à me perdre un petit peu, non sans plaisir.

 

Le problème est de rassembler ce dont il s'agit

pour ce qui est de notre but précis.

Notre but précis étant de donner, ou de redonner, son sens à la fonction du désir dans l'analyse et l'interprétation analytique.

 

Il est clair que pour cela nous ne devons pas avoir une trop grande peine car…

j'espère vous le faire sentir et je vous

donne ici tout de suite mon propos

…je crois que ce qui distingue La tragédie d'HAMLET, prince de Danemark, c'est essentiellement d'être

la tragédie du désir.

 

HAMLET qui…

sans qu'on en soit absolument sûr,

mais enfin, selon les recoupements

vraiment les plus rigoureux

…devrait avoir été joué à Londres pour la première fois pendant la saison d'hiver 1601.

HAMLET dont la première édition in-quarto

cette fameuse édition qui a été quasiment ce que l'on appelle une « édition pirate » à l'époque, à savoir qu'elle n'était point faite sous le contrôle de l'auteur mais empruntée à ce que l'on appelait les prompt-books, les livrets à usage du souffleur

…cette édition…

c'est amusant quand même de savoir

ces petits traits d'histoire littéraire

…est resté inconnue jusqu'en 1823, lorsqu'on a mis

la main sur un de ces exemplaires sordides,

ce qui tient à ce qu'ils ont été beaucoup manipulés, emportés probablement aux représentations.

 

Et l'édition in-folio, la grande édition de SHAKESPEARE, n'a commencé à paraître qu'après sa mort en 1623, précédant la grande édition où l'on trouve la division en actes. Ce qui explique que la division

en actes soit beaucoup moins décisive et claire

dans SHAKESPEARE qu'ailleurs.

 

En fait, on ne croit pas que SHAKESPEARE ait songé à diviser ses pièces en cinq actes. Cela a son importance parce que nous allons voir comment se répartit cette pièce.

 

L'hiver 1601, c'est deux ans avant la mort de la reine ELISABETH. Et en effet on peut considérer approximativement qu'HAMLET…

qui a une importance capitale

dans la vie de SHAKESPEARE

…redouble, si l'on peut dire, le drame de cette jointure entre deux époques, deux versants de la vie du poète, car le ton change complètement lorsque apparaît sur le trône JACQUES Ier.

 

Et déjà quelque chose s'annonce, comme dit un auteur, qui brise ce charme cristallin du règne d'ELISABETH, de « la reine vierge », celle qui réussira ces longues années de paix miraculeuses au sortir de ce qui constituait…

dans l'histoire d'Angleterre

comme dans beaucoup de pays

…une période de chaos dans laquelle elle devait promptement rentrer, avec tout le drame

de la révolution puritaine.

 

Bref, 1601 annonce déjà cette mort de la reine

qu'on ne pouvait assurément pas prévoir,

par l'exécution de son amant, le comte d'Essex,

qui se place la même année que la pièce d'HAMLET.

 

Ces repères ne sont pas absolument vains à évoquer, d'autant plus que nous ne sommes pas les seuls

à avoir essayé de restituer HAMLET dans son contexte. Ce que je vous dis là, je ne l'ai vu dans aucun auteur analytique, souligné. Ce sont pourtant des espèces de faits premiers qui ont bien leur importance.

 

À la vérité, ce qui a été écrit chez les auteurs analytiques ne peut pas être dit avoir été éclaircissant, et ce n'est pas d'aujourd'hui que je ferai

la critique de ce vers quoi a versé une espèce d'interprétation analytique, à la ligne, d'HAMLET.

 

Je veux dire…

« J'essaye de retrouver tel ou tel élément », sans à vrai

dire qu'on puisse en dire autre chose

…que s'éloigne de plus en plus, à mesure que les auteurs insistent, la compréhension de l'ensemble,

la cohérence du texte.

 

Je dois dire aussi de notre Ella SHARPE, dont je fais grand cas, que là-dessus…

dans son paper, il est vrai « unfinished »

que l'on a trouvé après sa mort

…elle m'a grandement déçu. J'en ferai état quand même parce que c'est significatif. C'est tellement dans la ligne que nous sommes amenés à expliquer, eu égard à

la tendance qu'on voit prise par la théorie analytique, que cela vaut la peine d'être mis en valeur.

Mais nous n'allons pas commencer par là.

 

Nous allons commencer par l'article de JONES [63] paru en 1910 dans le American journal of Psychology - qui est une date et un monument, et qu'il est essentiel d'avoir lu.

Il n'est pas facile actuellement de se le procurer.

Et dans la petite réédition qu'il en a faite,

JONES a - je crois - ajouté autre chose,

quelques compléments à sa théorie d'HAMLET.

 

Dans cet article :

 

- The Œdipus Complex as an explanation of HAMLET's Mystery,

- Le complexe d'Œdipe en tant qu'explication du mystère d'HAMLET,

 

il ajoute comme sous-titre :

- A study in Motive, Une étude de motivation.

 

En 1910 JONES aborde le problème magistralement indiqué par FREUD, comme je vous l'ai montré la dernière fois,

dans cette demi-page sur laquelle on peut dire qu'en fin de compte tout est déjà, puisque même les points d'horizon sont marqués, à savoir les rapports de SHAKESPEARE avec le sens du problème qui se pose pour lui :

la signification de l'objet féminin.

 

Je crois que c'est là quelque chose de tout à fait central.

Et si FREUD nous pointe à l'horizon Timon d'Athènes,

c'est une voie dans laquelle assurément Ella SHARPE

a essayé de s'engager.

 

Elle a fait de toute l'œuvre de SHAKESPEARE une sorte de vaste oscillation cyclothymique, y montrant les pièces ascendantes, c'est-à-dire qu'on pourrait croire optimistes, les pièces où l'agression va vers le dehors,

et celles où l'agression revient vers le héros

ou le poète, celles de la phase descendante.

Voilà comment nous pourrions classer les pièces

de SHAKESPEARE, voire même à l'occasion les dater.

 

Je ne crois pas que ce soit là quelque chose d'entièrement valable, et nous allons nous en tenir pour le moment au point où nous en sommes.

C'est-à-dire d'abord à HAMLET pour essayer…

Je donnerai peut-être quelques indications sur ce qui suit ou précède, sur La douzième nuit et Troylus and Cressida,

car je crois que c'est presque impossible de ne pas en tenir compte, cela éclaire grandement

les problèmes que nous allons d'abord introduire

sur le seul texte d'HAMLET.

Avec ce grand style de documentation qui caractérise ses écrits…

il y a chez JONES une solidité, une certaine ampleur de style dans la documentation

qui distingue hautement ses contributions

…JONES fait une sorte de résumé de ce qu'il appelle, à très juste titre, le mystère d'HAMLET.

 

De deux choses l'une :

- ou vous vous rendez compte de l'ampleur qu'a prise la question,

- ou vous ne vous en rendez pas compte.

 

Pour ceux qui ne s'en rendent pas compte, je ne vais pas répéter là ce qu'il y a dans l'article de JONES, d'une façon ou d'une autre, informez-vous.

 

Il faut que je dise que la masse des écrits sur HAMLET est quelque chose de sans équivalent, l'abondance

de la littérature est quelque chose d'incroyable. Mais ce qui est plus incroyable encore,

c'est l'extraordinaire diversité des interprétations qui en ont été données. Je veux dire que

les interprétations les plus contradictoires

se sont succédée, ont déferlé à travers l'histoire, instaurant le problème du problème, à savoir :

pourquoi tout le monde s'acharne-t-il à y comprendre quelque chose ?

 

Et elles donnent les résultats les plus extravagants, les plus incohérents, les plus divers. On ne peut pas dire que cela n'aille excessivement loin, nous aurons

à y revenir à l'intérieur même de ce que je vais rapidement rappeler des versants de cette explication que résume JONES dans son article.

 

À peu près tout a été dit.

Et pour aller à l'extrême, il y a un Popular Science Monthly

qui doit être une espèce de publication

de vulgarisation plus ou moins médicale

…qui a fait quelque chose en 1880 qui s'appelle The Impediment of adipose, Les embêtements de l'adipose.

À la fin d'HAMLET on nous dit qu'HAMLET est gros et court de souffle, et dans cette revue il y a tout un développement sur l'adipose d'HAMLET !

Il y a un certain VINING[64] qui, en 1881, a découvert qu'HAMLET était une femme déguisée en homme, dont

le but à travers toute la pièce était la séduction d'HORATIO, et que c'était pour atteindre le cœur d'HORATIO qu'HAMLET manigançait toute son histoire. C'est tout de même une assez jolie histoire !

 

En même temps, on ne peut pas dire que ce soit absolument sans écho pour nous, il est certain

que les rapports d'HAMLET avec les gens de son

propre sexe sont quand même étroitement tissés

dans le problème de la pièce.

 

Revenons à des choses sérieuses et, avec JONES, rappelons que ces efforts de la critique se sont groupés autour de deux versants. Quand il y a deux versants dans la logique, il y a toujours un troisième versant, contrairement à ce qu'on croit, le tiers n'est pas si exclu que cela. Et c'est évidemment

le tiers qui, dans le cas, est intéressant.

 

Les deux versants n'ont pas eu de minces tenants. Dans le premier versant, il y a ceux qui ont,

en somme, interrogé la psychologie d'HAMLET.

C'est évidemment à eux qu'appartient la primauté,

que doit être donné le haut du pavé de notre estime.

 

Nous y rencontrons GŒTHE, et COLERIDGE qui dans ses Lectures on SHAKESPEARE a pris une position très caractéristique dont je trouve que JONES aurait pu peut-être faire

un plus ample état.

 

Car JONES, chose curieuse, s'est surtout lancé dans un extraordinairement abondant commentaire de ce qui a été fait en allemand, qui a été proliférant,

voire prolixe.

 

Les positions de GŒTHE et de COLERIDGE ne sont pas identiques. Elles ont cependant une grande parenté qui consiste à mettre l'accent sur la forme spirituelle du personnage d'HAMLET.

En gros, disons que pour GŒTHE, c'est « l'action paralysée par la pensée ». Comme on le sait, ceci a une longue lignée. On s'est rappelé…


Date: 2016-03-03; view: 456


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