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TABLE DES SÉANCES 35 page

Nous aurons peut-être l'occasion d'y venir.

 

Il s'agit aujourd'hui de commencer à défri­cher

ce terrain, à nous demander ce que FREUD lui-même a voulu dire en intro­duisant HAMLET, et ce que démontre ce qui a pu s'en dire ultérieurement dans les œuvres d'autres auteurs.

Voici le texte de FREUD qui vaut la peine d'être lu au début de cette recherche, je le donne dans

la traduction française[60].

 

Après avoir parlé du complexe d'Œdipe pour la première fois, et il n'est pas vain de remarquer ici que

ce com­plexe d'Œdipe, il l'introduit dans la Science des rêves

à propos des « rêves de mort des personnes qui nous sont chères »,

c'est-à-dire à propos précisément de ce qui nous

a servi cette année de départ et de premier guide dans la mise en valeur de quelque chose qui s'est présenté d'abord tout naturellement dans ce rêve

que j'ai choisi pour être un des plus simples

se rapportant à un mort.

 

Ce rêve qui nous a servi à montrer comment s'instituait sur deux lignes d'intersub­jectivité superposées, doublées l'une par rapport à l'autre,

le fameux « il ne savait pas » que nous avons placé sur

une ligne, la ligne de la position du sujet…

le sujet paternel dans l'occasion étant

ce qui est évoqué par le sujet rêveur

…c'est-à-dire le quelque part où se situe, sous une forme en quelque sorte incarnée par le père lui-même et à la place du père, sous la forme d'« il ne savait pas », précisément le fait que le père est inconscient et incarne ici l'image, l'inconscient même du sujet - et de quoi ? - de son propre vœu, du vœu de mort contre son père.

 

Bien entendu il en connaît un autre, une sorte de vœu bienveillant, d'appel à une mort consolatrice.

Mais justement cette inconscience…

qui est celle du sujet concernant

son vœu de mort œdipien

…est en quelque sorte incarnée, dans l'image du rêve, sous cette forme :

que le père ne doit même pas savoir que le fils

a fait contre lui ce vœu bienveillant de mort.

 

« Il ne savait pas », dit le rêve absur­dement, « qu'il était mort ». C'est là que s'arrête le texte du rêve.

Et ce qui est refoulé pour le sujet, qui n'est pas ignoré du père fantasmatique, c'est le « selon son vœu » dont FREUD nous dit qu'il est le signifiant que nous devons considé­rer comme refoulé.

 

« Une autre de nos grandes œuvres tragiques - nous dit FREUD - Hamlet de SHAKESPEARE, a les mêmes racines qu’Œdipe Roi. La mise en œuvre toute diffé­rente montre, d'une manière identique, quelles différences il y a dans la vie intel­lectuelle (Seelenleben) de ces deux époques, et quel progrès le refoulement a fait dans la vie sentimentale



 

le mot « sentimentale », Gemütsleben, est approximatif

 

Dans Œdipe, les désirs de l'enfant apparaissent et sont réalisés comme dans le rêve ; [p.230] »

 

FREUD a en effet beaucoup insisté sur le fait que

les rêves œdipiens sont là en quelque sorte comme le rejeton, la source fondamentale de ces désirs incons­cients

qui réapparaissent toujours, et l'Œdipe

je parle de l'Œdipe de SOPHOCLE

ou de la tragédie grecque

…comme l'affabulation, l'élaboration de ce qui surgit toujours de ces désirs inconscients.

C'est ainsi que textuellement les choses sont articulées dans la Science des rêves.

 

« …dans Hamlet, ces mêmes désirs de l'enfant sont refoulés, et nous n'apprenons leur existence, tout comme dans les névroses, que par leur action d'inhibition (Hemmungswirkungen). Fait singulier, tandis que ce drame a tou­jours exercé une action considérable, on n'a jamais pu se mettre d'accord sur le caractère de son héros. La pièce est fondée sur les hésitations d'HAMLET à accom­plir

la vengeance dont il est chargé; le texte ne dit pas quelles sont les raisons et les motifs de ces hésitations; les nombreux essais d'explication n'ont pu les découvrir. Selon Gœthe, et c'est maintenant encore la conception dominante, HAMLET représenterait l'homme dont l'activité est dominée par

un développe­ment excessif de la pensée, Gedankentätigkeit, dont la force d'action est para­lysée,

« Von des Gedankens Blüsse angekränkelt », « Il se ressent de la pâleur de la pensée ». Selon d'autres, le poète aurait voulu représenter un caractère mala­dif, irrésolu et neurasthénique.

Mais nous voyons dans la pièce qu'HAMLET n'est pas incapable d'agir. Il agit par deux fois :

- d'abord dans un mouvement de passion violente, quand il tue l'homme qui écoute derrière la tapisserie ; [p.230-231]»

 

Vous savez qu'il s'agit de POLONIUS, et que c'est

au moment où HAMLET a avec sa mère un entretien qui est loin d'être crucial puisque rien dans cette pièce ne l'est jamais, sauf sa terminaison mortelle où

en quelques instants s'accumule, sous forme de cadavres, tout ce qui, des nœuds de l'action, était jusqu'alors retardé.

« … ensuite d'une manière réfléchie et astucieuse, quand, avec l'indifférence totale d'un prince de la Renaissance, il livre les deux courtisans

 

Il s'agit de ROSENCRANTZ et de GUILDENSTERN

qui représentent des sortes de faux-frères.

 

à la mort qu'on lui avait destinée. Qu'est-ce qui l'empêche donc d'accomplir la tâche

que lui a donnée le fantôme de son père ? [p.231] »

 

Vous savez que la pièce s'ouvre sur la terrasse d'Elseneur par l'apparition de ce fantôme à deux gardes qui en avertiront, bientôt après, HAMLET.

 

« Il faut bien convenir que c'est la nature de cette tâche. HAMLET peut agir, mais il ne saurait

se venger d'un homme qui a écarté son père et pris la place de celui-ci auprès de sa mère …//…

En réalité, c'est l'horreur qui devrait le pousser à la vengeance, qui est remplacée par des remords, des scrupules de conscience, …//… Je viens de traduire en termes conscients ce qui demeure inconscient dans l'âme du héros; [p.231] »

 

Ce premier apport de FREUD se présente avec un caractère d'une justesse d'équilibre qui, si je puis dire,

nous conserve la voie droite pour situer,

pour maintenir HAMLET à la place où il l'a mis.

 

Ici cela est tout à fait clair.

Mais c'est aussi par rapport à ce premier jet

de la perception de FREUD que devra se situer

par la suite tout ce qui s'imposera comme excursions autour de cela, et comme broderies et - vous verrez - quelquefois assez distantes.

 

Les auteurs, au gré justement de l'avancement

de l'exploration analytique, centrent l'intérêt sur

des points qui d'ailleurs, dans Hamlet, se retrouvent

quel­quefois valablement, mais au détriment de cette sorte de rigueur avec laquelle FREUD, dès le départ, le situe.

 

Et je dirais qu'en même temps…

et c'est ceci qui est le caractère en somme

le moins exploité, le moins interrogé

…tout est là, quelque chose qui se trouve situé

sur le plan des « scrupules de conscience », quelque chose

qui de toute façon ne peut être considéré que

comme une élaboration.

Si on nous présente comme étant ce qui se passe,

la façon dont on peut exprimer sur le plan conscient

ce qui demeure inconscient dans l'âme du héros, il semble que c'est à juste titre que nous pourrons tout de même demander com­ment l'articuler dans l'inconscient.

Car il y a une chose certaine, c'est qu'une éla­boration symptomatique comme un « scrupule de conscience » n'est tout de même pas dans l'inconscient, s'il est dans le conscient, si c'est construit de quelque façon par les moyens de la défense, il faudrait tout de même nous demander ce qui répond dans l'inconscient à la structure consciente. C'est donc cela que nous sommes en train d'essayer de faire.

 

Je termine le peu qui reste du paragraphe de FREUD. Il ne lui en faut pas long pour jeter - de toutes façons - ce qui aura été le pont sur l'abîme d'HAMLET.

À la vérité, c'est tout à fait frappant en effet qu'Hamlet soit resté une totale énigme littéraire jusqu'à FREUD. Cela ne veut pas dire qu'il ne l'est pas encore, mais il y a eu ce pont. Cela est vrai pour d'autres œuvres, Le Misanthrope est le même genre d'énigme.

 

« L'aversion pour les actes sexuels …//… concorde avec ce symptôme. Ce dégoût devait grandir toujours davantage chez le poète et jusqu'à ce qu'il l'expri­mât complètement dans Timon d'Athènes. »

 

Je lis ce passage jusqu'au bout car il est important et ouvre la voie en deux lignes pour ceux qui dans la suite ont essayé d'ordonner autour du problème d'un refoulement personnel l'ensemble de l'œuvre de SHAKESPEARE.

 

C'est effec­tivement ce qu'a essayé de faire Ella SHARPE. Ce qui a été indiqué dans ce qui a été publié après sa mort sous la forme des Unfinished Papers, dont son Hamlet [61]qui est paru d'abord dans le International Journal of Psycho-analysis, et qui res­semble à une tentative de prendre dans l'ensemble l'évolution de l'œuvre de SHAKESPEARE comme significative de quelque chose, dont je crois qu'en vou­lant donner un certain schéma, Ella SHARPE a fait certainement quelque chose d'imprudent, en tout cas de critiquable du point de vue méthodique,

ce qui n'exclut pas qu'elle ait trouvé effectivement quelque chose de valable.

« Le poète ne peut avoir exprimé dans Hamlet que ses propres sentiments. Georg BRANDES indique dans son Shakespeare (c'est en 1896) que ce drame fut écrit aussitôt après la mort du père de SHAKESPEARE (1601), …//… et nous pouvons admettre qu'à ce moment, les impressions d'enfance

qui se rapportaient à son père étaient particulièrement vives. On sait d'ailleurs que le fils

de SHAKESPEARE - mort de bonne heure - s'appelait Hamnet. [p.231] »

 

Je crois que nous pouvons ici terminer avec ce passage qui nous montre à quel point FREUD déjà,

par de simples indications, laisse loin derrière lui les choses dans lesquelles les auteurs se sont engagés depuis. Je voudrais ici engager le problème comme nous pouvons le faire à partir des données qui ont été celles que, depuis le début de cette année, je me trouve devant vous avoir produites.

Car je crois que ces données nous permettent :

 

- de rassembler d'une façon plus synthétique,

plus saisissante, les différents ressorts de ce qui se passe dans Hamlet,

 

- de simplifier en quelque sorte cette multiplicité d'instances à laquelle nous nous trouvons, dans la situation présente souvent confrontés, je veux dire qui donne je ne sais quel caractère de reduplication aux commentaires analytiques sur quelque observation que ce soit, quand nous [les] voyons reprises simultanément, par exemple dans le registre de l'opposition de l'inconscient et de la défense, puis ensuite du « moi » et du « ça » et, je pense, tout ce qui peut se produire quand on y ajoute encore l'instance du « surmoi », sans que jamais soient unifiés ces différents points de vue qui donnent quelquefois à ces travaux je ne sais quel flou, quelle surcharge qui ne semble pas faite pour être quelque chose qui doive être utilisable pour nous dans notre expérience.

 

Ce que nous essayons ici de saisir, ce sont des guides qui, en nous permettant d'y resituer ces différents organes, ces différentes étapes des appareils mentaux que nous a donnés FREUD, nous permettent de les resituer d'une façon qui tienne compte du fait qu'ils ne se superposent sémantiquement que d'une façon par­tielle.

 

Ce n'est pas en les additionnant les unes aux autres, en en faisant une sorte de réunion et d'ensemble, qu'on peut les faire fonctionner normalement.

C'est, si vous voulez, en les reportant sur

un canevas que nous essayons de faire plus fondamental, de façon à ce que nous sachions ce que nous faisons de chacun de ces ordres de références quand nous

les faisons entrer enjeu.

 

Commençons d'épeler ce grand drame d'HAMLET.

Si évocateur qu'ait été le texte de FREUD,

il faut bien que je rappelle de quoi il s'agit.

Il s'agit d'une pièce qui s'ouvre peu après la mort d'un roi qui fut, nous dit son fils HAMLET,

un roi très admirable, l'idéal du roi comme du père,

et qui est mort mystérieusement.

 

La version qui a été donnée de sa mort

est qu'il a été piqué par un serpent dans un verger,

le « orchard »qui est ici interprété par les analystes.

 

Puis très vite

quelques mois après sa mort

…la mère d'HAMLET a épousé celui qui est son

beau-­frère : CLAUDIUS.

 

Ce CLAUDIUS objet de toutes les exécrations du héros central, d'HAMLET, est celui sur qui en somme,

je ferai porter non seulement les motifs de rivalité que peut avoir HAMLET à son égard, HAMLET en somme écarté du trône par cet oncle, mais encore tout ce qu'il entrevoit, tout ce qu'il soupçonne du caractère scandaleux de cette substitution.

 

Bien plus encore, le père qui apparaît comme ghost, « fantôme », pour lui dire dans quelles conditions de trahison dra­matique s'est opéré ce qui - le fantôme le lui dit - a été bel et bien un attentat.

C'est à savoir…

c'est là le texte et il n'a pas manqué

non plus d'exercer la curiosité des analystes

…qu'on a versé dans son oreille durant son sommeil, un poison nommé mystérieusement « hebenon ».

« Hebenon »qui est une sorte de mot formé, forgé,

je ne sais s'il se retrouve dans un autre texte.

On a essayé de lui donner des équivalents, un mot

qui est proche et qui désigne, de la façon dont

il est ordi­nairement traduit, la jusquiame.

 

Il est bien certain que cet attentat par l'oreille

ne saurait de toute façon satisfaire un toxicologue, ce qui donne par ailleurs matière à beaucoup d'interprétations à l'analyste.

 

Voyons tout de suite quelque chose qui, pour nous,

se présente comme sai­sissant, je veux dire à partir des critères, des articulations que nous avons mises

en valeur.

 

Servons-nous de ces clefs, si particulières qu'elles puissent vous apparaître dans leur surgissement.

Cela a été fait à ce propos très particulier,

très déterminé, mais cela n'exclut pas…

et c'est là l'une des phases les plus claires de l'expérience analytique

…que ce particulier est ce qui a la valeur la plus uni­verselle.

 

Il est tout à fait clair que ce que nous avons mis

en évidence en écrivant le « il ne savait pas qu'il était mort » est quelque chose assurément de tout à fait fon­damental.

 

Dans le rapport à l'Autre, A en tant que tel, l'ignorance où est tenu cet Autre d'une situation quelconque est quelque chose d'absolument originel.

 

Vous le savez bien puisqu'on vous apprend même

que c'est l'une des révolutions de l'âme enfantine, que le moment où l'enfant, après avoir cru que

toutes ses pensées…

« toutes ses pensées » c'est quelque chose qui doit toujours nous inci­ter à une grande réserve,

je veux dire que les pensées, c'est nous qui

les appelons ainsi, pour ce qui est vécu par

le sujet, les pensées, c'est « tout ce qui est »

…« tout ce qui est » est connu de ses parents, ses moindres mouvements intérieurs sont connus, s'aperçoit

que l'Autre peut « ne pas savoir ».

Il est indispensable de tenir compte de cette corrélation du « ne pas savoir » chez l'Autre,

avec justement la constitution de l'inconscient : l'un est en quelque sorte l'envers de l'autre,

et - peut-être - son fondement. Car en effet cette formulation ne suffit pas à les constituer.

 

Mais enfin, il y a quelque chose, qui est tout à fait clair et qui nous sert de guide dans le drame d'Hamlet, nous allons essayer de donner corps à cette notion historique, tout de même un petit peu superficielle dans l'atmosphère, dans le style du temps, qu'il s'agit de je ne sais quelle fabulation moderne

par rapport à la stature des anciens,

ce seraient de pauvres dégénérés

…nous sommes dans le style du XIXème siècle,

ce n'est pas pour rien que Georg BRANDES est cité là, et nous ne saurons jamais si FREUD à cette époque, encore que ce soit probable, connaissait NIETZSCHE.

 

Mais cela…

cette référence aux modernes

…peut ne pas nous suffire :

pourquoi les modernes seraient-ils plus névrosés

que les anciens ?

 

C'est en tout cas une pétition de principe.

Ce que nous essayons de voir, c'est quelque chose

qui aille plus loin que cette pétition de principe

ou cette explication par l'explication :

« cela va mal parce que cela va mal ! »

 

Ce que nous avons devant nous, c'est une œuvre

dont nous allons essayer de commencer à séparer

les fibres, les premières fibres.

 

Première fibre, le père ici sait très bien qu'il est mort, mort selon le vœu de celui qui voulait prendre sa place,

à savoir CLAUDIUS qui est son frère.

Le crime est caché assurément pour le centre

de la scène, pour le monde de la scène.

C'est là un point qui est tout à fait essentiel, sans lequel bien entendu le drame d'Hamlet n'aurait même pas lieu de se situer et d'exister.

Et c'est ceci qui dans cet article de JONES - lui accessible - The death of HAMLET's father [62], est mis en relief,

à savoir la différence essentielle que SHAKESPEARE

a introduite par rapport à la saga primitive,

où le massacre de celui qui - dans la saga - porte un nom différent mais qui est le roi, a lieu devant tous au nom d'un prétexte qui regarde en effet ses relations à son épouse.

 

Ce roi est mas­sacré aussi par son frère, mais tout le monde le sait. Là, dans HAMLET, la chose est cachée mais, c'est le point important, le père, lui,

la connaît, et c'est lui qui vient nous le dire :

 

« There needes no ghost my lord, come from the grave

To tell us this. ». [Horatio, Acte I, Scène 5, 126]

FREUD le cite à plusieurs reprises parce que cela fait proverbe :

« Il n'y a pas besoin de fantôme mon bon seigneur,

il n'y a pas besoin de fantôme pour nous dire cela »

 

Et en effet s'il s'agit du thème œdipien,

nous en savons, nous, déjà long.

Mais il est clair que dans la construction du thème d'HAMLET, nous n'en sommes pas encore à le savoir.

 

Et il y a quelque chose de significatif dans le fait que dans la construc­tion de la fable, ce soit le père qui vienne le dire, que le père, lui, le sache.

Je crois que c'est là quelque chose de tout à fait essentiel.

 

Et c'est une pre­mière différence dans « la fibre »,

avec la situation, la construction, la fabulation fondamentale, première, du drame d'Œdipe.

Car Œdipe, lui, ne sait pas.

Quand il sait tout, le drame se déchaîne qui va jusqu'à son auto-châtiment, c'est-à-dire

la liquidation par lui-même d'une situation.

Mais le crime œdipien est commis par Œdipe

dans l'inconscience.

Ici le crime œdipien est su, et il est su de qui ?

De l'autre, de celui qui en est la victime et qui vient surgir pour le porter à la connais­sance du sujet.

 

En somme, vous voyez dans quel chemin nous avançons, dans une méthode si je puis dire de comparaison,

de corrélation entre ces différentes « fibres »

de la structure, qui est une méthode classique,

celle qui consiste dans un tout articulé, et nulle part il n'y a plus d'articulation que dans ce qui est du domaine du signifiant.

 

La notion même d'articulation…

je le souligne sans cesse

…lui est en somme consubstantielle.

Après tout, on ne parle d'articulation dans le monde que parce que le signifiant donne à ce terme un sens. Autrement il n'y a rien que continu ou discontinu, mais non point articulation.

 

Nous essayons de voir, de saisir par une sorte de comparaison des fibres homologues dans l'une et l'autre phases, de l'Œdipe et de d’Hamlet en tant que

FREUD les a rapprochés, ce qui va nous permettre

de concevoir la cohérence des choses.

 

À savoir comment, dans quelle mesure, pourquoi,

il est concevable que, dans la mesure même où une

des touches du clavier se trouve sous un signe opposé à celui où elle est dans l'autre des deux drames,

il se produit une modi­fication strictement corrélative.

Et cette corrélation est là ce qui doit nous mettre au joint de la sorte de causalité dont il s'agit

dans ces drames.

 

C'est partir de l'idée même que ce sont ces modifications corrélatives qui sont pour nous

les plus instructives, qui nous permet de rassembler les ressorts du signifiant d'une manière qui soit pour nous plus ou moins utilisable.

 

Il doit y avoir un rapport saisissable et finalement notable d'une façon quasi algébrique entre ces

pre­mières modifications du signe et ce qui se passe.

Si vous voulez, sur cette ligne du haut

du qu'« il ne le savait pas », là c'est « il savait qu'il était mort ».

Il était mort selon le vœu meurtrier qui l'a poussé dans la tombe, celui de son frère. Nous allons voir quelles sont les relations avec le héros du drame.

 

Mais avant de nous lancer d'une façon toujours un peu précipitée dans la ligne de superposition des identifi­cations

qui est dans la tradition :

il y a des concepts, et les plus commodes sont

les moins élaborés, et Dieu sait ce qu'on ne fait pas avec des « identifica­tions »…

 

« Et CLAUDIUS en fin de compte, ce qu'il a fait, c'est une forme d'HAMLET, c'est le désir d'HAMLET ! »

 

Cela est vite dit puisque pour situer la position d'HAMLET vis à vis de ce désir, nous nous trouvons dans cette posi­tion de devoir faire intervenir ici tout d'un coup le « scrupule de conscience ».

 

C’est à savoir quelque chose qui intro­duit dans les rapports d'HAMLET à ce CLAUDIUS une position double, profondé­ment ambivalente, qui est celle par rapport

à un rival, mais dont on sent bien que cette rivalité est singulière, au second degré :

celui qui en réalité, est celui qui a fait ce que

lui n'aurait pas osé faire.

Et dans ces conditions, il se trouve environné de

je ne sais quelle mystérieuse protection qu'il s'agit de définir…

au nom du « scrupule de conscience », dit-on ?

…par rapport à ce qui s'impose à HAMLET, et ce qui s'impose d'autant plus qu'à partir de la rencontre primitive avec le ghost, c'est-à-dire littéralement

le commandement de le venger, le fan­tôme, HAMLET pour agir contre le meurtrier de son père est armé de tous les sen­timents :

- il a été dépossédé : sentiment d'usurpation,

- sentiment de rivalité,

- sentiment de vengeance,

- et bien plus encore l'ordre exprès de son père

par-des­sus tout admiré.

 

Sûrement, d'HAMLET tout est d'accord pour qu'il agisse… Et il n'agit pas !

 

C'est évidemment ici que commence le problème, et que la voie de progres­sion doit s'armer de la plus grande simplicité. Je veux dire que toujours ce qui nous perd, ce qui nous égare, c'est de substituer, au franchissement de la ques­tion, des clés toutes faites.

 

FREUD nous le dit, il s'agit là de la représentation consciente de quelque chose qui doit s'articuler dans l'inconscient. Ce que nous essayons d'articuler,

de situer quelque part et comme tel dans l'inconscient, c'est ce que veut dire un désir.

 

En tout cas, disons avec FREUD qu'il y a quelque chose qui ne va pas à partir du moment où les choses sont engagées d'une telle sorte. Il y a quelque chose qui ne va pas dans le désir d'HAMLET.

C'est ici que nous allons choisir le chemin.

Cela n'est pas facile car nous n'en sommes pas beaucoup plus loin que le point où on a toujours été.


Date: 2016-03-03; view: 444


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