Home Random Page


CATEGORIES:

BiologyChemistryConstructionCultureEcologyEconomyElectronicsFinanceGeographyHistoryInformaticsLawMathematicsMechanicsMedicineOtherPedagogyPhilosophyPhysicsPolicyPsychologySociologySportTourism






Allez à cette adresse pour écouter le texte (séquence 2 à la fin et séquence 3 au début) http://clpav.fr/MERIMEE/lecture-merimee.htm

 

Devoir 2 : Lisez le texte suivant et répondez au Questionnement systématique du texte :

 

Un soir, à l'heure où l'on ne voit plus rien, je fumais, appuyé sur le parapet du quai, lorsqu'une femme, remontant l'escalier qui conduit à la rivière, vint s'asseoir près de moi. Elle avait dans les cheveux un gros bouquet de jasmin, dont les pétales exhalent le soir une odeur enivrante. Elle était simplement, peut-être pauvrement vêtue, tout en noir comme la plupart des grisettes dans la soirée. Les femmes comme il faut ne portent le noir que le matin ; le soir, elles s'habillent à la francesa. En arrivant auprès de moi, ma baigneuse laissa glisser sur ses épaules la mantille qui lui couvrait la tête, et, à l'obscure clarté qui tombe des étoiles, je vis qu'elle était petite, jeune, bien faite, et qu'elle avait de très grands yeux. Je jetai mon cigare aussitôt. Elle comprit cette attention d'une politesse toute française, et se hâta de me dire qu'elle aimait

beaucoup l'odeur du tabac, et que même elle fumait, quand elle trouvait des papelitos bien doux. Par bonheur j'en avais de tels dans mon étui, et je m'empressai de lui en offrir. Elle daigna en prendre un, et l'alluma à un bout de corde enflammé qu'un enfant nous apporta moyennant un sou. Mêlant nos fumées, nous causâmes si longtemps, la belle baigneuse et moi, que nous nous trouvâmes presque seuls sur le quai. Je crus n'être point indiscret en lui offrant d'aller prendre des glaces à la neveria.

Après une hésitation modeste elle accepta, mais avant de se décider elle désira savoir quelle heure il était. Je fis sonner ma montre, et cette sonnerie parut l'étonner beaucoup.

- Quelles inventions on a chez vous, messieurs les étrangers ! De quel pays êtes-vous, monsieur ? Anglais sans doute ?

- Français et votre grand serviteur. Et vous mademoiselle, ou madame, vous êtes probablement de Cordou ?

- Non.

- Vous êtes du moins Andalouse. Il me semble le reconnaître à votre doux parler

- Si vous remarquez si bien l'accent du monde, vous devez bien deviner qui je suis.

- Je crois que vous êtes du pays de Jésus, à deux pas du paradis.

(J'avais appris cette métaphore, qui désigne l'Andalousie, de mon ami Francisco Sevilla, picador bien connu.)

- Bah ! le paradis... Les gens d'ici disent qu'il n'est pas fait pour nous.

- Alors, vous seriez donc Moresque, ou... je m'arrêtai, n'osant dire juive.

- Allons, allons ! vous voyez bien que je suis bohémienne ; voulez-vous que je vous dise la bajia? Avez-vous entendu parler de la Carmencita ? C'est moi.

Tout en causant, nous étions entrés dans la neveria, et nous étions assis à une petite table éclairée par une bougie renfermée dans un globe de verre.



J'eus alors tout le loisir d'examiner ma gitana pendant que quelques honnêtes gens s'ébahissaient, en prenant leurs glaces, de me voir en si bonne compagnie.

Je doute fort que mademoiselle Carmen fût de race pure, du moins elle était infiniment plus jolie que toutes les femmes de sa nation que j'aie jamais rencontrées. Pour qu'une femme soit belle, il faut, disent les Espagnols, qu'elle réunisse trente si, ou, si l'on veut, qu'on puisse la définir au moyen de dix adjectifs applicables chacun à trois parties de sa personne. Par exemple, elle doit avoir trois choses noires : les yeux, les paupières et les sourcils ; trois fines, les doigts, les lèvres, les cheveux, etc. Voyez Brantôme pour le reste. Ma bohémienne ne pouvait prétendre à tant de perfections.

Sa peau, d'ailleurs parfaitement unie, approchait fort de la teinte du cuivre. Ses yeux étaient obliques, mais admirablement fendus ; ses lèvres un peu fortes, mais bien dessinées et laissant voir des dents plus blanches que des amandes sans leur peau. Ses cheveux, peut-être un peu gros, étaient noirs, à reflets bleus comme l'aile d'un corbeau, longs et luisants. Pour ne pas vous fatiguer d'une description trop prolixe, je vous dirai en somme qu'à chaque défaut elle réunissait une qualité qui ressortait peut-être plus fortement par le contraste. C'était une beauté étrange et sauvage, une

figure qui étonnait d'abord, mais qu'on ne pouvait oublier. Ses yeux surtout avaient une expression à la fois voluptueuse et farouche que je n'ai trouvée depuis à aucun regard humain. Oeil de bohémien, oeil de loup, c'est un dicton espagnol qui dénote une bonne observation. Si vous n'avez pas le temps d'aller au jardin des Plantes pour étudier le regard d'un loup, considérez votre chat quand il guette un moineau.

On sent qu'il eût été ridicule de se faire tirer la bonne aventure dans un café. Aussi je priai la jolie sorcière de me permettre de l'accompagner à son domicile ; elle y consentit sans difficulté, mais elle voulut connaître encore la marche

du temps, et me pria de nouveau de faire sonner ma montre.

- Est-elle vraiment d'or ? dit-elle en la considérant avec une excessive attention.

Quand nous nous remîmes en marche, il était nuit close ; la plupart des boutiques étaient fermées et les rues presque désertes. Nous passâmes le pont du Guadalquivir, et à l'extrémité du faubourg nous nous arrêtâmes devant une maison qui n'avait nullement l'apparence d'un palais. Un enfant nous ouvrit. La bohémienne lui dit quelques mots dans une langue à moi inconnue, que je sûs depuis être la rommani ou chipe calli, l'idiome des gitanos. Aussitôt l'enfant disparut,nous laissant dans une chambre assez vaste, meublée d'une petite table, de deux tabourets et d'un coffre. Je ne dois point oublier une jarre d'eau, un tas d'oranges et une botte d'oignons.

Dès que nous fûmes seuls, la bohémienne tira de son coffre des cartes qui paraissaient avoir beaucoup servi, un aimant, un caméléon desséché, et quelques autres objets nécessaires à son art. Puis elle me dit de faire la croix dans ma main

gauche avec une pièce de monnaie, et les cérémonies magiques commencèrent. Il est inutile de vous rapporter ses prédictions, et, quant à sa manière d'opérer, il était évident qu'elle n'était pas sorcière à demi. Malheureusement nous fûmes bientôt dérangés. La porte s'ouvrit tout à coup avec violence, et un homme, enveloppé

jusqu'aux yeux dans un manteau brun entra dans la chambre en apostrophant la bohémienne d'une façon peu gracieuse. Je n'entendais pas ce qu'il disait, mais le ton de sa voix indiquait qu'il était de fort mauvaise humeur . À sa vue, la gitana

ne montra ni surprise ni colère, mais elle accourut à sa rencontre, et, avec une volubilité extraordinaire, lui adressa quelques phrases dans la langue mystérieuse dont elle s'était déjà servie devant moi. Le mot de payllo, souvent répété,

était le seul mot que je comprise. Je savais que les bohémiens désignent ainsi tout homme étranger à leur race. Supposant qu'il s'agissait de moi, je m'attendais à une explication délicate ; déjà j'avais la main sur le pied d'un des tabourets, et je syllogisais à part moi pour deviner le moment précis où il conviendrait de le jeter à la tête de l'intrus. Celui-ci repoussa rudement la bohémienne, et s'avança vers moi ; puis, reculant d'un pas :

- Ah ! Monsieur dit-il, c'est vous !

Je le regardai à mon tour et reconnus mon ami don José.

En ce moment, je regrettais un peu de ne pas l'avoir laissé pendre.

- Eh ! c'est vous, mon brave! m'écriai-je en riant le moins jaune que je pus ; vous avez interrompu mademoiselle au moment où elle m'annonçait des choses bien intéressantes.

- Toujours la même ! ça finira, dit-il entre ses dents, attachant sur elle un regard farouche.

Cependant la bohémienne continuait à lui parler dans sa langue. Elle s'animait par degrés. Son oeil s'injectait de sang etdevenait terrible, ses traits se contractaient, elle frappait du pied. Il me sembla qu'elle le pressait vivement de faire

quelque chose à quoi il montrait de l'hésitation. Ce que c'était, je croyais ne le comprendre que trop à la voir passer et repasser rapidement sa petite main sous son menton.

J'étais tenté de croire qu'il s'agissait d'une gorge à couper et j'avais quelques soupçons que cette gorge ne fût la mienne.

À tout ce torrent d'éloquence, don José ne répondit que par deux ou trois mots prononcés d'un ton bref. Alors la bohémienne lui lança un regard de profond mépris ; puis, s'asseyant à la turque dans un coin de la chambre, elle choisit une orange, la pela et se mit à la manger. Don José me prit le bras, ouvrit la porte et me conduisit dans la rue. Nous fîmes deux cents pas dans le plus profond silence. Puis, étendant la main :

- Toujours tout droit, dit-il, et vous trouverez le pont.

Aussitôt il me tourna le dos et s'éloigna rapidement. Je revins à mon auberge un peu penaud et d'assez mauvaise humeur. Le pire fut qu'en me déshabillant, je m'aperçus que ma montre me manquait.

 

Devoir 3 analyse lexico-sémantique du texte et de sa modalisation :

 

1. Relevez tous les toponymes et expliquez leur sens étymologique.

2. Retrouvez les mots d’origine espagnole (des autres s’il y en a) et justifiez leur emploi dans le texte.

3. Tâchez d’expliquer à l’aide des synonymes des grouppements de mots suivants : d'un ton bref, un peu penaud, ce torrent d'éloquence, J'étais tenté, exhalent une odeur enivrante, les femmes comme il faut, J'eus alors tout le loisir, race pure, tirer la bonne aventure, sa peau......unie, ses lèvres un peu fortes, ses yeux étaient obliques, mais admirablement fendus, une expression à la fois voluptueuse et farouche, dénote une bonne observation, fort mauvaise humeur, volubilité extraordinaire, une explication délicate, à part moi, intrus, un regard farouche.

4. P récisez le sens des grouppements de mots libres suivants où l’adjectif est préposé : le doux parlé, de profond mépris, quelques honnêtes gens, une excessive attention.

5. Analysez l’emploi des mots polysémiques dans le texte et précisez l’occurence (acception ou le sens contextuel) de ces mots : offrir, daigner, se hâter, s’empresser, une hésitation modeste, s'ébahir, approcher, dénoter, rapporter, indiquer

6. Faites l’analyse dérivationnelle des mots suivant : enivrante, moyennant, indiscret, infiniment,perfections, inutile, prédictionset formez le rang dérivationnel de ces mots.

7. Retrouvez de quelle oeuvre littéraire et de quel auteur est prise cette locution « à l'obscure clarté qui tombe des étoiles.. »

8. Retrouvez les phrases où sont employés les mots «aussitôt», « aussi » précisez leur partie de discours, caractérisez sa place dans la phrase.

9. Retrouvez les mots qui indiquent l’attutude du narrateur envers ce qu’il raconte, recopiez-les et précisez le caractère de cette attitude et ses sentiments.

 


Date: 2016-03-03; view: 914


<== previous page | next page ==>
Quelques jugements sur Mérimée et ses nouvelles | Education vocabulary
doclecture.net - lectures - 2014-2024 year. Copyright infringement or personal data (0.008 sec.)