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Le garçon qui entrait dans les livres.

1. Expliquez en français les mots et les expressions: embêter qn, binoclard, une merveille, rire aux éclats, sompteux, parvenir à, penaud, festin, pour un oui ou pour un non, à 4 pattes, un bouquin, avoir mal au coeur, suspect.

2. Inventez dees contextes pour les expressions: rire aux éclats, pour un oui ou pour un non, à 4 pattes, un bouquin, avoir mal au coeur.

3. Observez la phrase: “Pas plus compliqué que ça”. Elle veut dire: = ce n’est pas tellement compliqué.

Encore, on peut dire du type: “c’est pas si grave que ça”.

Inventez vos phrases en imitant cet exemple.

4. Apprenez par coeur l’extrait en commençant par les mots: “Le secret de Lucas c’est qu’il parvenait à entrer dans les livres.” et en finissant par : “…qui n’en finissait pas” (p. 38).

Le garçon qui entrait dans les livres (Philippe Claudel)

 

Tout le monde à l’école embêtait Lucas, parce qu’il était malingre et binoclard. Et à la maison, tout le monde le disputait. Tout le temps. Son père, sa mère, et son frère qui avait quatre ans de plus que lui. Sa mère disait que son grand frère était une merveille et que lui, Lucas, était un monstre, un bon à rien, un laideron, un idiot, un fainéant, un chenapan, une erreur. Son père disait que sa mère avait bien raison de dire cela, et son grand frère riait aux éclats puis lui donnait une grande claque dans le dos. Lucas savait bien que sa maman et son papa ne l’aimaient pas. Il savait cela, mais il ne savait pas pourquoi. Ça arrive que des papas et des mamans n’aiment pas leurs enfants, mais généralement, on ne le dit pas. On ne le dit jamais dans les histoires pour les enfants.

Vous allez peut-être penser que Lucas était très triste. Eh bien, vous vous trompez complètement! Et si bizarre que cela puisse paraître, Lucas était le plus heureux des petits garçons, car il avait un secret. Lequel ? Eh… Un secret, ça ne se dit pas! Bon d’accord, je veux bien vous le dire parce que c’est vous, mais il faut me promettre de ne pas le répéter. Promis ? Je n’ai pas entendu! Promis ? Bon, c’est bien, je vais donc tout vous dire.

Le secret de Lucas, c’est qu’il parvenait à entrer dans les livres. Oui, oui, absolument, il entrait dans les livres, comme vous vous entrez dans votre chambre, dans la baignoire ou dans la salle de classe. Il avait découvert cela un beau matin, à la récréation. Ce jour-là, comme d’habitude il avait voulu jouer avec les autres, mais une fois encore les autres l’avaient chassé. Alors Lucas s’était assis sur le banc, en dessous du marronnier, tout penaud. Les larmes lui venaient aux yeux. La maîtresse s’en était rendu compte et s’était approchée de lui. ‘Tiens’, avait-elle dit, ‘tu ne seras plus jamais seul.’ Et elle lui avait tendu un livre. Lucas l’avait pris, ouvert, avait lu le premier mot, la première phrase et soudain, pffffttttt, il avait été comme aspiré! Il était entré dans le livre, d’un coup, comme s’il avait plongé sur un toboggan qui n’en finissait pas.



Oh la la! il s’en souviendra toute sa vie de cette première fois. Les autres avaient disparu, leurs jeux, leur méchanceté. La cour de l’école aussi avait disparu, le marronnier, le banc sur lequel il était assis, et même la maîtresse avait disparu! Lucas était dans le livre, au côté d’un chevalier qui rentrait dans son château après vingt ans d’absence. Le chevalier était magnifique, son armure renvoyait les rayons du soleil, son cheval était caparaçonné de cuir rouge et de tissu damassé. Lucas portait l’écu et la lance du chevalier, il trottinait à sa gauche. Les paysans dans les champs arrêtaient leurs travaux et lançaient des cris de joie en les voyant. Personne n’embêtait Lucas. Personne ne lui faisait de reproche. Nul ne se moquait de lui. Le soir même, lors du festin qui célébrait le retour du chevalier, il s’assit en face de lui et de sa dame, et il goûta à tous les plats, et même au héron farci et au cygne en gelée!

Après ce premier livre prêté par la maîtresse, Lucas essaya d’entrer dans d’autres livres. Il avait peur que le miracle ne se reproduise plus. Il se trompait. A chaque fois, ça marchait! Quel que soit le livre, quel que soit le lieu, il entrait dedans immédiatement! Il ouvrait la couverture comme on ouvre une porte, et il entrait. Pas plus compliqué que cela. Parfois d’ailleurs, il en ressortait très vite, comme le jour où un Zoboïde à triple laser commença à le prendre en chasse tandis qu’il traversait la stratosphère de la planète Foudrazol, ou le soir où, alors qu’il filait sous les mers dans un curieux engin, une pieuvre de la taille d’un immeuble de dix étages essaya de l’avaler! Pour s’échapper du livre, Lucas le refermait, tout simplement.

A la maison, l’ambiance était épouvantable: son père, sa mère et son frère criaient de plus en plus fort. Ils en avaient toujours après lui, pour un oui ou pour un non. Mais Lucas n’y faisait plus attention. Il s’asseyait dans un coin de la cuisine ou du salon. Il prenait un livre et il disparaissait dedans. Il n’entendait plus rien. Une jolie jeune fille l’embrassait sur la bouche. Il était un chien d’avalanche. Il devenait roi du Kafiristan et se déplaçait avec une caravane de soixante chameaux. Il grimpait au sommet de Nanga Parbat. Il glissait sur une gondole dans venise.

Un soir pourtant, tout se passa mal. Il était en train d’approcher d’un grand cerf qui paissait au clair de lune une belle herbe fraîche dans une immense forêt de Pologne. Lucas avançait doucement, très doucement, à quatre pattes, pour ne pas effrayer l’animal lorsqu’une main énorme l’attrapa par l’épaule.

‘Je t’apprendrai à ne pas répondre quand on te parle!”

Son père se tenait devant lui, le visage déformé par la colère.

‘J’en ai assez de tes maudits bouquins!’

Sa mère lui arracha le livre, le déchira en plusieurs morceaux, et le jeta à la poubelle. Son frère riait. Son père et sa mère s’acharnèrent sur lui en proférant des mots terribles, des mots très durs qui cognèrent contre lui à la façon de cailloux pointus. Lucas trembla, ferma les yeux. Il songea au grand cerf qu’il ne verrait peut-être plus jamais. Des larmes coulèrent sur ses joues. Il se recroquevilla du mieux qu’il put pour se protéger.

Le soir même, en tentant de s’endormir, Lucas prit une grande décision. Il avait mal au coeur. Ça ne pouvait plus durer. Il regarda sa chambre. Il songea à son père, à sa mère, à son frère et à leur méchanceté, et il songea aux livres. Il mit son réveil à sonner à cinq heures du matin. Il savait désormais ce qui lui restait à faire.

Le lendemain, quand ce fut l’heure du lever, sa mère appela Lucas. Personne ne répondit. Elle n’entendit aucun bruit. Alors elle se mit à hurler son nom, pour qu’il descende vite, sinon… Son père commença lui aussi à hurler, et son frère aussi. Pas de réponse. Ils montèrent tous les trois l’escalier, comme des fous. Ils ouvrirent la porte de la chambre de Lucas et là, ils ne trouvèrent rien.

Rien du tout.

Personne.

Tout était en ordre, rien ne manquait, sauf Lucas.

Ses affaires d’école étaient là. Ses vêtements étaient là, mais lui n’y était plus. Seul un très gros livre traînait sur le sol, un livre avec des millieurs et des milliers de pages, un livre qui s’intitulait Les Plus Belles Histoires du monde. Sa mère lui donna un grand coup de pied. Le livre alla heurter le mur, on entendit comme un petit cri, ou plutôt comme un petit rire, mais c’était si mince, si lointain que personne ne le remarqua vraiment, ni le père, ni le frère, ni la mère.

Ensuite, ceux-ci eurent beau fouiller toute la maison de la cave au grenier, ils ne retrouvèrent pas Lucas. Pas plus là qu’à l’école, d’ailleurs. On ne le revit jamais. Il avait, pour tout le monde, disparu. Il s’était envolé, volatilisé! Fragment 5 La police enquêta. Elle questionna les parents de Lucas ainsi que son frère. Ils ne surent pas répondre. Ils s’emmêlèrent dans leurs mots. Cela parut suspect. On apprit comment ils le traitaient. On les accusa de l’avoir fait disparaître et on les mit en prison.

Moi, on ne m’a pas demandé mon avis, mais je sais très bien où est Lucas… Vous avez deviné je pense ? Non ? Oui, c’est cela, oui, vous brûlez, vous avez trouvé! Mais s’il vous plaît, chuuuuuttt, ne le dites à personne, et croyez-moi, là où est Lucas désormais, il est très très très heureux, il a des millions d’amis, et plus personne ne peut lui faire du mal.

 


Date: 2016-01-14; view: 771


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