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Les vacances du petit Nicolas

Les vacances du petit Nicolas

Sempé-Goscinny

 


Sempé (et Goscinny)

Le Petit Nicolas

Tome 3

Les vacances du petit Nicolas

(1962)

 


Une studieuse année scolaire s’est terminée. Nicolas a remporté le prix d’éloquence, qui récompense chez lui la quantité, sinon la qualité, et il a quitté ses condisciples qui ont nom : Alceste, Rufus, Eudes, Geoffroy, Maixent, Joachim, Clotaire et Agnan. Les livres et les cahiers sont rangés, et c’est aux vacances qu’il s’agit de penser maintenant.

Et chez Nicolas, le choix de l’endroit où l’on va passer ces vacances n’est pas un problème, car...


C’est papa qui décide

Tous les ans, c’est-à-dire le dernier et l’autre, parce qu’avant c’est trop vieux et je ne me rappelle pas, Papa et Maman se disputent beaucoup pour savoir où aller en vacances, et puis Maman se met à pleurer et elle dit qu’elle va aller chez sa maman, et moi je pleure aussi parce que j’aime bien Mémé, mais chez elle il n’y a pas de plage, et à la fin on va où veut Maman et ce n’est pas chez Mémé.

Hier, après le dîner, Papa nous a regardés, l’air fâché et il a dit :

— Écoutez-moi bien ! Cette année, je ne veux pas de discussions, c’est moi qui décide. Nous irons dans le Midi. J’ai l’adresse d’une villa à louer à Plage-les-Pins. Trois pièces, eau courante, électricité. Je ne veux rien savoir pour aller à l’hôtel et manger de la nourriture minable.

— Eh bien, mon chéri, a dit Maman, ça me paraît une très bonne idée.

— Chic ! j’ai dit et je me suis mis à courir autour de la table parce que quand on est content, c’est dur de rester assis.

Papa, il a ouvert des grands yeux, comme il fait quand il est étonné, et il a dit : « Ah ? Bon. »

Pendant que Maman débarrassait la table, Papa est allé chercher son masque de pêche sous-marine dans le placard.

— Tu vas voir, Nicolas, m’a dit Papa, nous allons faire des parties de pêche terribles, tous les deux.

Moi, ça m’a fait un peu peur, parce que je ne sais pas encore très bien nager ; si on me met bien sur l’eau je fais la planche, mais Papa m’a dit de ne pas m’inquiéter, qu’il allait m’apprendre à nager et qu’il avait été champion inter-régional de nage libre quand il était plus jeune, et qu’il pourrait encore battre des records s’il avait le temps de s’entraîner.

— Papa va m’apprendre à faire de la pêche sous-marine ! j’ai dit à Maman quand elle est revenue de la cuisine.

— C’est très bien, mon chéri, m’a répondu Maman, bien qu’en Méditerranée il paraît qu’il n’y a plus beaucoup de poissons. Il y a trop de pêcheurs.



— C’est pas vrai ! a dit Papa ; mais Maman lui a demandé de ne pas la contredire devant le petit et que si elle disait ça, c’est parce qu’elle l’avait lu dans un journal ; et puis elle s’est mise à son tricot, un tricot qu’elle a commencé ça fait des tas de jours.

— Mais alors, j’ai dit à Papa, on va avoir l’air de deux guignols sous l’eau, s’il n’y a pas de poissons !

Papa est allé remettre le masque dans le placard sans rien dire. Moi, j’étais pas tellement content : c’est vrai, chaque fois qu’on va à la pêche avec Papa c’est la même chose, on ne ramène rien. Papa est revenu et puis il a pris son journal.

— Et alors, j’ai dit, des poissons pour la pêche sous-marine, il y en a où ?

— Demande à ta mère, m’a répondu Papa, c’est une experte.

— Il y en a dans l’Atlantique, mon chéri, m’a dit Maman.

Moi, j’ai demandé si l’Atlantique c’était loin de là où nous allions, mais Papa m’a dit que si j’étudiais un peu mieux à l’école, je ne poserais pas de questions comme ça et ce n’est pas très juste, parce qu’à l’école on n’a pas de classes de pêche sous-marine ; mais je n’ai rien dit, j’ai vu que Papa n’avait pas trop envie de parler.

— Il faudra faire la liste des choses à emporter, a dit Maman.

— Ah ! non ! a crié Papa. Cette année, nous n’allons pas partir déguisés en camion de déménagement. Des slips de bain, des shorts, des vêtements simples, quelques lainages...

— Et puis des casseroles, la cafetière électrique, la couverture rouge et un peu de vaisselle, a dit Maman.

Papa, il s’est levé d’un coup, tout fâché, il a ouvert la bouche, mais il n’a pas pu parler, parce que Maman l’a fait à sa place.

— Tu sais bien, a dit Maman, ce que nous ont raconté les Blédurt quand ils ont loué une villa l’année dernière. Pour toute vaisselle, il y avait trois assiettes ébréchées et à la cuisine deux petites casseroles dont une avait un trou au fond. Ils ont dû acheter sur place à prix d’or ce dont ils avaient besoin.

— Blédurt ne sait pas se débrouiller, a dit Papa. Et il s’est rassis.

— Possible, a dit Maman, mais si tu veux une soupe de poisson, je ne peux pas la faire dans une casserole trouée, même si on arrive à se procurer du poisson.

Alors, moi je me suis mis à pleurer, parce que c’est vrai ça, c’est pas drôle d’aller à une mer où il n’y a pas de poissons, alors que pas loin il y a les Atlantiques où c’en est plein. Maman a laissé son tricot, elle m’a pris dans ses bras et elle m’a dit qu’il ne fallait pas être triste à cause des vilains poissons et que je serai bien content tous les matins quand je verrai la mer de la fenêtre de ma jolie chambre.

— C’est-à-dire, a expliqué Papa, que la mer on ne la voit pas de la villa. Mais elle n’est pas très loin, à deux kilomètres. C’est la dernière villa qui restait à louer à Plage-les-Pins.

— Mais bien sûr, mon chéri, a dit Maman. Et puis elle m’a embrassé et je suis allé jouer sur le tapis avec les deux billes que j’ai gagnées à Eudes à l’école.

— Et la plage, c’est des galets ? a demandé Maman.

— Non, madame ! Pas du tout ! a crié Papa tout content. C’est une plage de sable ! De sable très fin ! On ne trouve pas un seul galet sur cette plage !

— Tant mieux, a dit Maman ; comme ça, Nicolas ne passera pas son temps à faire ricocher des galets sur l’eau. Depuis que tu lui as appris à faire ça, c’est une véritable passion chez lui.

Et moi j’ai recommencé à pleurer, parce que c’est vrai que c’est chouette de faire ricocher des galets sur l’eau ; j’arrive à les faire sauter jusqu’à quatre fois, et ce n’est pas juste, à la fin, d’aller dans cette vieille villa avec des casseroles trouées, loin de la mer, là où il n’y a ni galets ni poissons.

— Je vais chez Mémé ! j’ai crié, et j’ai donné un coup de pied à une des billes d’Eudes.

Maman m’a pris de nouveau dans ses bras et elle m’a dit de ne pas pleurer, que Papa était celui qui avait le plus besoin de vacances dans la famille et que même si c’était moche là où il voulait aller, il fallait y aller en faisant semblant d’être contents.

— Mais, mais, mais..., a dit Papa.

— Moi je veux faire des ricochets ! j’ai crié.

— Tu en feras peut-être l’année prochaine, m’a dit Maman, si Papa décide de nous emmener à Bains-les-Mers.

— Où ça ? a demandé Papa, qui est resté avec la bouche ouverte.

— À Bains-les-Mers, a dit Maman, en Bretagne, là où il y a l’Atlantique, beaucoup de poissons et un gentil petit hôtel qui donne sur une plage de sable et de galets.

— Moi je veux aller à Bains-les-Mers ! j’ai crié. Moi je veux aller à Bains-les-Mers !

— Mais, mon chéri, a dit Maman, il faut être raisonnable, c’est Papa qui décide.

Papa s’est passé la main sur la figure, il a poussé un gros soupir et il a dit :

— Bon, ça va ! j’ai compris. Il s’appelle comment ton hôtel ?

— Beau-Rivage, mon chéri, a dit Maman.

Papa a dit que bon, qu’il allait écrire pour voir s’il restait encore des chambres.

— Ce n’est pas la peine, mon chéri, a dit Maman, c’est déjà fait. Nous avons la chambre 29, face à la mer, avec salle de bains.

Et Maman a demandé à Papa de ne pas bouger parce qu’elle voulait voir si la longueur du pull-over qu’elle tricotait était bien. Il paraît que les nuits en Bretagne sont un peu fraîches.


La plage, c’est chouette

Le père de Nicolas ayant pris sa décision, il ne restait plus qu’à ranger la maison, mettre les housses, enlever les tapis, décrocher les rideaux, faire les bagages, sans oublier d’emporter les œufs durs et les bananes pour manger dans le compartiment.

Le voyage en train s’est très bien passé, même si la mère de Nicolas s’est entendu reprocher d’avoir mis le sel pour les œufs durs dans la malle marron qui est dans le fourgon. Et c’est l’arrivée à Bains-les-Mers, à l’hôtel Beau-Rivage. La plage est là, et les vacances peuvent commencer...

À la plage, on rigole bien. Je me suis fait des tas de copains, il y a Blaise, et puis Fructueux, et Mamert; qu’il est bête celui-là ! Et Irénée et Fabrice et Côme et puis Yves, qui n’est pas en vacances parce qu’il est du pays et on joue ensemble, on se dispute, on ne se parle plus et c’est drôlement chouette.

« Va jouer gentiment avec tes petits camarades, m’a dit papa ce matin, moi je vais me reposer et prendre un bain de soleil. » Et puis, il a commencé à se mettre de l’huile partout et il rigolait en disant : « Ah ! quand je pense aux copains qui sont restés au bureau ! »

Nous, on a commencé à jouer avec le ballon d’Irénée. « Allez jouer plus loin », a dit papa, qui avait fini de se huiler, et bing ! le ballon est tombé sur la tête de papa. Ça, ça ne lui a pas plu à papa. Il s’est fâché tout plein et il a donné un gros coup de pied dans le ballon, qui est allé tomber dans l’eau, très loin. Un shoot terrible. « C’est vrai ça, à la fin », a dit papa. Irénée est parti en courant et il est revenu avec son papa. Il est drôlement grand et gros le papa d’Irénée, et il n’avait pas l’air content.

— C’est lui ! a dit Irénée en montrant papa avec le doigt.

— C’est vous, a dit le papa d’Irénée à mon papa, qui avez jeté dans l’eau le ballon du petit ?

— Ben oui, a répondu mon papa au papa d’Irénée, mais ce ballon, je l’avais reçu dans la figure.

— Les enfants, c’est sur la plage pour se détendre, a dit le papa d’Irénée, si ça ne vous plaît pas, restez chez vous. En attendant, ce ballon, il faut aller le chercher.

— Ne fais pas attention, a dit maman à papa. Mais papa a préféré faire attention.

— Bon, bon, il a dit, je vais aller le chercher, ce fameux ballon.

— Oui, a dit le papa d’Irénée, moi à votre place j’irais aussi.

Papa, ça lui a pris du temps de chercher le ballon, que le vent avait poussé très loin. Il avait l’air fatigué, papa, quand il a rendu le ballon à Irénée et il nous a dit :

— Écoutez, les enfants, je veux me reposer tranquille. Alors, au lieu de jouer au ballon, pourquoi ne jouez-vous pas à autre chose ?

— Ben, à quoi par exemple, hein, dites ? a demandé Mamert. Qu’il est bête celui-là !

— Je ne sais pas, moi, a répondu papa, faites des trous, c’est amusant de faire des trous dans le sable. Nous, on a trouvé que c’était une idée terrible et on a pris nos pelles pendant que papa a voulu commencer à se re-huiler, mais il n’a pas pu, parce qu’il n’y avait plus d’huile dans la bouteille. « Je vais aller en acheter au magasin, au bout de la promenade », a dit papa, et maman lui a demandé pourquoi il ne restait pas un peu tranquille.

On a commencé à faire un trou. Un drôle de trou, gros et profond comme tout. Quand papa est revenu avec sa bouteille d’huile, je l’ai appelé et je lui ai dit :

— T’as vu notre trou, papa ?

— Il est très joli, mon chéri, a dit papa, et il a essayé de déboucher sa bouteille d’huile avec ses dents. Et puis, est venu un monsieur avec une casquette blanche et il nous a demandé qui nous avait permis de faire ce trou dans sa plage. « C’est lui, m’sieur ! » ont dit tous mes copains en montrant papa. Moi j’étais très fier, parce que je croyais que le monsieur à la casquette allait féliciter papa. Mais le monsieur n’avait pas l’air content.

— Vous n’êtes pas un peu fou, non, de donner des idées comme ça aux gosses ? a demandé le monsieur. Papa, qui travaillait toujours à déboucher sa bouteille d’huile, a dit : « Et alors ? » Et alors, le monsieur à la casquette s’est mis à crier que c’était incroyable ce que les gens étaient inconscients, qu’on pouvait se casser une jambe en tombant dans le trou, et qu’à marée haute, les gens qui ne savaient pas nager perdraient pied et se noieraient dans le trou, et que le sable pouvait s’écrouler et qu’un de nous risquait de rester dans le trou, et qu’il pouvait se passer des tas de choses terribles dans le trou et qu’il fallait absolument reboucher le trou.

— Bon, a dit papa, rebouchez le trou, les enfants. Mais les copains ne voulaient pas reboucher le trou.

— Un trou, a dit Côme, c’est amusant à creuser, mais c’est embêtant à reboucher.

— Allez, on va se baigner ! a dit Fabrice. Et ils sont tous partis en courant. Moi je suis resté, parce que j’ai vu que papa avait l’air d’avoir des ennuis.

— Les enfants ! Les enfants ! il a crié papa, mais le monsieur à la casquette a dit :

— Laissez les enfants tranquilles et rebouchez-moi ce trou en vitesse ! Et il est parti.

Papa a poussé un gros soupir et il m’a aidé à reboucher le trou. Comme on n’avait qu’une seule petite pelle, ça a pris du temps et on avait à peine fini que maman a dit qu’il était l’heure de rentrer à l’hôtel pour déjeuner, et qu’il fallait se dépêcher, parce que, quand on est en retard, on ne vous sert pas, à l’hôtel. « Ramasse tes affaires, ta pelle, ton seau et viens », m’a dit maman. Moi j’ai pris mes affaires, mais je n’ai pas trouvé mon seau. « Ça ne fait rien, rentrons », a dit papa. Mais moi, je me suis mis à pleurer plus fort.

Un chouette seau, jaune et rouge, et qui faisait des pâtés terribles. « Ne nous énervons pas, a dit papa, où l’as-tu mis, ce seau ? » J’ai dit qu’il était peut-être au fond du trou, celui qu’on venait de boucher. Papa m’a regardé comme s’il voulait me donner une fessée, alors je me suis mis à pleurer plus fort et papa a dit que bon, qu’il allait le chercher le seau, mais que je ne lui casse plus les oreilles. Mon papa, c’est le plus gentil de tous les papas ! Comme nous n’avions toujours que la petite pelle pour les deux, je n’ai pas pu aider papa et je le regardais faire quand on a entendu une grosse voix derrière nous : « Est-ce que vous vous fichez de moi ? » Papa a poussé un cri, nous nous sommes retournés et nous avons vu le monsieur à la casquette blanche. « Je crois me souvenir que je vous avais interdit de faire des trous », a dit le monsieur. Papa lui a expliqué qu’il cherchait mon seau. Alors, le monsieur lui a dit que d’accord, mais à condition qu’il rebouche le trou après. Et il est resté là pour surveiller papa.

« Écoute, a dit maman à papa, je rentre à l’hôtel avec Nicolas. Tu nous rejoindras dès que tu auras retrouvé le seau. » Et nous sommes partis. Papa est arrivé très tard à l’hôtel, il était fatigué, il n’avait pas faim et il est allé se coucher. Le seau, il ne l’avait pas trouvé, mais ce n’est pas grave, parce que je me suis aperçu que je l’avais laissé dans ma chambre. L’après-midi, il a fallu appeler un docteur, à cause des brûlures de papa. Le docteur a dit à papa qu’il devait rester couché pendant deux jours.

— On n’a pas idée de s’exposer comme ça au soleil, a dit le docteur, sans se mettre de l’huile sur le corps.

— Ah ! a dit papa, quand je pense aux copains qui sont restés au bureau !

Mais il ne rigolait plus du tout en disant ça.

Malheureusement, il arrive parfois en Bretagne que le soleil aille faire un petit tour sur la Côte d’Azur. C’est pour cela que le patron de l’hôtel Beau-Rivage surveille avec inquiétude son baromètre, qui mesure la pression atmosphérique de ses pensionnaires...


Le boute-en-train

Nous on est en vacances dans un hôtel, et il y a la plage et la mer et c’est drôlement chouette, sauf aujourd’hui où il pleut et ce n’est pas rigolo, c’est vrai ça, à la fin. Ce qui est embêtant, quand il pleut, c’est que les grands ne savent pas nous tenir et nous on est insupportables et ça fait des histoires. J’ai des tas de copains à l’hôtel, il y a Blaise, et Fructueux, et Mamert, qu’il est bête celui-là ! et Irénée, qui a un papa grand et fort, et Fabrice, et puis Côme. Ils sont chouettes, mais ils ne sont pas toujours très sages. Pendant le déjeuner, comme c’était mercredi il y avait des raviolis et des escalopes, sauf pour le papa et la maman de Côme qui prennent toujours des suppléments et qui ont eu des langoustines, moi j’ai dit que je voulais aller à la plage. « Tu vois bien qu’il pleut, m’a répondu papa, ne me casse pas les oreilles. Tu joueras dans l’hôtel avec tes petits camarades. » Moi, j’ai dit que je voulais bien jouer avec mes petits camarades, mais à la plage, alors papa m’a demandé si je voulais une fessée devant tout le monde et comme je ne voulais pas, je me suis mis à pleurer.

A la table de Fructueux, ça pleurait dur aussi et puis la maman de Blaise a dit au papa de Blaise que c’était une drôle d’idée qu’il avait eue de venir passer ses vacances dans un endroit où il pleuvait tout le temps et le papa de Blaise s’est mis à crier que ce n’était pas lui qui avait eu cette idée, que la dernière idée qu’il avait eue dans sa vie, c’était celle de se marier. Maman a dit à papa qu’il ne fallait pas faire pleurer le petit, papa a crié qu’on commençait à lui chauffer les oreilles et Irénée a fait tomber par terre sa crème renversée et son papa lui a donné une gifle. Il y avait un drôle de bruit dans la salle à manger et le patron de l’hôtel est venu, il a dit qu’on allait servir le café dans le salon, qu’il allait mettre des disques et qu’il avait entendu à la radio que demain il allait faire un soleil terrible.

Et dans le salon, M. Lanternau a dit : « Moi, je vais m’occuper des gosses ! » M. Lanternau est un monsieur très gentil, qui aime bien rigoler très fort et se faire ami avec tout le monde. Il donne des tas de claques sur les épaules des gens et papa n’a pas tellement aimé ça, mais c’est parce qu’il avait un gros coup de soleil quand M. Lanternau lui a donné sa claque. Le soir où M. Lanternau s’est déguisé avec un rideau et un abat-jour, le patron de l’hôtel a expliqué à papa que M. Lanternau était un vrai boute-en-train. « Moi, il ne me fait pas rigoler », a répondu papa, et il est allé se coucher.

Mme Lanternau, qui est en vacances avec M. Lanternau, elle ne dit jamais rien, elle a l’air un peu fatiguée.

M. Lanternau s’est mis debout, il a levé un bras et il a crié :

— Les gosses ! A mon commandement ! Tous derrière moi en colonne par un ! Prêts ? Direction la salle à manger, en avant, marche ! Une deux, une deux, une deux ! Et M. Lanternau est parti dans la salle à manger, d’où il est ressorti tout de suite, pas tellement content. Et alors, il a demandé, pourquoi ne m’avez-vous pas suivi ?

— Parce que nous, a dit Mamert (qu’il est bête, celui-là !), on veut aller jouer sur la plage.

— Mais non, mais non, a dit M. Lanternau, il faut être fou pour vouloir aller se faire tremper par la pluie sur la plage ! Venez avec moi, on va s’amuser bien mieux que sur la plage. Vous verrez, après, vous voudrez qu’il pleuve tout le temps ! Et M. Lanternau s’est mis à faire des gros rires.

— On y va ? j’ai demandé à Irénée.

— Bof, a répondu Irénée, et puis on y est allé avec les autres.

Dans la salle à manger, M. Lanternau a écarté les tables et les chaises et il a dit qu’on allait jouer à colin-maillard. « Qui s’y colle ? » a demandé M. Lanternau et nous on lui a dit que c’était lui qui s’y collait, alors, il a dit bon et il a demandé qu’on lui bande les yeux avec un mouchoir et quand il a vu nos mouchoirs, il a préféré prendre le sien. Après ça, il a mis les bras devant lui et il criait : « Hou, je vous attrape ! Je vous attrape, houhou ! » et il faisait des tas de gros rires.

Moi, je suis terrible aux dames, c’est pour ça que ça m’a fait rigoler quand Blaise a dit qu’il pouvait battre n’importe qui aux dames, qu’il était champion. Blaise, ça ne lui a pas plu que je rigole et il m’a dit que puisque j’étais si malin, on allait voir, et nous sommes allés dans le salon pour demander le jeu de dames au patron de l’hôtel et les autres nous ont suivis pour savoir qui était le plus fort. Mais le patron de l’hôtel n’a pas voulu nous prêter les dames, il a dit que le jeu était pour les grandes personnes et qu’on allait lui perdre des pions. On était là tous à discuter, quand on a entendu une grosse voix derrière nous : « Ça vaut pas de sortir de la salle à manger ! » C’était M. Lanternau qui venait nous chercher et qui nous avait trouvés parce qu’il n’avait plus les yeux bandés. Il était tout rouge et sa voix tremblait un peu, comme celle de papa, la fois où il m’a vu en train de faire des bulles de savon avec sa nouvelle pipe.

— Bien, a dit M. Lanternau, puisque vos parents sont partis faire la sieste, nous allons rester dans le salon et nous amuser gentiment. Je connais un jeu formidable, on prend tous du papier et un crayon, et moi je dis une lettre et il faut écrire cinq noms de pays, cinq noms d’animaux et cinq noms de villes. Celui qui perd, il aura un gage.

M. Lanternau est allé chercher du papier et des crayons et nous, nous sommes allés dans la salle à manger jouer à l’autobus avec les chaises. Quand M. Lanternau est venu nous chercher, je crois qu’il était un peu fâché. « Au salon, tous ! il a dit.

— Nous allons commencer par la lettre « A », a dit M. Lanternau. Au travail ! et il s’est mis à écrire drôlement vite.

— La mine de mon crayon s’est cassée, c’est pas juste ! a dit Fructueux et Fabrice a crié :

— M’sieu ! Côme copie !

— C’est pas vrai, sale menteur ! a répondu Côme et Fabrice lui a donné une gifle. Côme, il est resté un peu étonné et puis il a commencé à donner des coups de pied à Fabrice, et puis Fructueux a voulu prendre mon crayon juste quand j’allais écrire “Autriche” et je lui ai donné un coup de poing sur le nez, alors Fructueux a fermé les yeux et il a donné des claques partout et Irénée en a reçu une et puis Mamert demandait en criant : « Eh, les gars ! Asnières, c’est un pays ? » On faisait tous un drôle de bruit et c’était chouette comme une récré, quand, bing ! il y a un cendrier qui est tombé par terre. Alors le patron de l’hôtel est venu en courant, il s’est mis à crier et à nous gronder et nos papas et nos mamans sont venus dans le salon et ils se sont disputés avec nous et avec le patron de l’hôtel. M. Lanternau, lui, il était parti.

C’est Mme Lanternau qui l’a retrouvé le soir, à l’heure du dîner. Il paraît que M. Lanternau avait passé l’après-midi à se faire tremper par la pluie, assis sur la plage.

Et c’est vrai que M. Lanternau est un drôle de boute-en-train, parce que papa, quand il l’a vu revenir à l’hôtel, il a tellement rigolé, qu’il n’a pas pu manger. Et pourtant, le mercredi soir, c’est de la soupe au poisson !

De l’hôtel Beau-Rivage, on a vue sur la mer, quand on se met debout sur le bord de la baignoire, et il faut faire attention de ne pas glisser. Quand il fait beau, et si on n’a pas glissé, on distingue très nettement la mystérieuse île des Embruns, où, d’après une brochure éditée par le Syndicat d’Initiative, le Masque de Fer a failli être emprisonné. On peut visiter le cachot qu’il aurait occupé, et acheter des souvenirs à la buvette.


L’île des Embruns

C’est chic, parce qu’on va faire une excursion en bateau. M. et Mme Lanternau viennent avec nous, et ça, ça n’a pas tellement plu à papa qui n’aime pas beaucoup M. Lanternau, je crois. Et je ne comprends pas pourquoi. M. Lanternau, qui passe ses vacances dans le même hôtel que nous, est très drôle et il essaie toujours d’amuser les gens. Hier, il est venu dans la salle à manger avec un faux nez et une grosse moustache et il a dit au patron de l’hôtel que le poisson n’était pas frais. Moi, ça m’a fait drôlement rigoler. C’est quand maman a dit à Mme Lanternau que nous allions en excursion à l’île des Embruns, que M. Lanternau a dit : « Excellente idée, nous irons avec vous, comme ça, vous ne risquerez pas de vous ennuyer ! » et après, papa a dit à maman que ce n’était pas malin ce qu’elle avait fait et que ce boute-en-train à la manque allait nous gâcher la promenade.

Nous sommes partis de l’hôtel le matin, avec un panier de pique-nique plein d’escalopes froides, de sandwiches, d’œufs durs, de bananes et de cidre. C’était chouette. Et puis M. Lanternau est arrivé avec une casquette blanche de marin, moi j’en veux une comme ça, et il a dit : « Alors, l’équipage, prêt à l’embarquement ? En avant, une deux, une deux, une deux ! » Papa a dit des choses à voix basse et maman l’a regardé avec des gros yeux.

Au port, quand j’ai vu le bateau, j’ai été un peu déçu, parce qu’il était tout petit, le bateau. Il s’appelait « La Jeanne » et le patron avait une grosse tête rouge avec un béret dessus et il ne portait pas un uniforme avec des tas de galons en or, comme j’espérais, pour le raconter à l’école aux copains quand je rentrerai de vacances, mais ça ne fait rien, je le raconterai quand même, après tout, quoi, à la fin ?

— Alors, capitaine, a dit M. Lanternau, tout est paré à bord ?

— C’est bien vous les touristes pour l’île des Embruns ? a demandé le patron et puis nous sommes montés sur son bateau. M. Lanternau est resté debout et il a crié :

— Larguez les amarres ! Hissez les voiles ! En avant, toute !

— Remuez pas comme ça, a dit papa, vous allez tous nous flanquer à l’eau !

— Oh oui, a dit maman, soyez prudent M. Lanternau. Et puis elle a ri un petit coup, elle m’a serré la main très fort et elle m’a dit de ne pas avoir peur mon chéri. Mais moi, comme je le raconterai à l’école à la rentrée, je n’ai jamais peur.

— Ne craignez rien, petite madame, a dit M. Lanternau à maman, c’est un vieux marin que vous avez à bord !

— Vous avez été marin, vous ? a demandé papa.

— Non, a répondu M. Lanternau, mais chez moi, sur la cheminée, j’ai un petit voilier dans une bouteille ! Et il a fait un gros rire et il a donné une grande claque sur le dos de papa.

Le patron du bateau n’a pas hissé les voiles, comme l’avait demandé M. Lanternau, parce qu’il n’y avait pas de voiles sur le bateau. Il y avait un moteur qui faisait potpotpot et qui sentait comme l’autobus qui passe devant la maison, chez nous. Nous sommes sortis du port et il y avait des petites vagues et le bateau remuait, c’était chouette comme tout.

— La mer va être calme ? a demandé papa au patron du bateau. Pas de grain à l’horizon ?

M. Lanternau s’est mis à rigoler.

— Vous, il a dit à papa, vous avez peur d’avoir le mal de mer !

— Le mal de mer ? a répondu papa. Vous voulez plaisanter. J’ai le pied marin, moi. Je vous parie que vous aurez le mal de mer avant moi, Lanternau !

— Tenu ! a dit M. Lanternau et il a donné une grosse claque sur le dos de papa, et papa a fait une tête comme s’il voulait donner une claque sur la figure de M. Lanternau.

— C’est quoi, le mal de mer, maman ? j’ai demandé.

— Parlons d’autre chose, mon chéri, si tu veux bien, m’a répondu maman.

Les vagues devenaient plus fortes et c’était de plus en plus chouette. De là où nous étions, on voyait l’hôtel qui avait l’air tout petit et j’ai reconnu la fenêtre qui donnait sur notre baignoire, parce que maman avait laissé son maillot rouge à sécher. Pour aller à l’île des Embruns, ça prend une heure, il paraît. C’est un drôle de voyage !

— Dites donc, a dit M. Lanternau à papa, je connais une histoire qui va vous amuser. Voilà : il y avait deux clochards qui avaient envie de manger des spaghetti...

Malheureusement je n’ai pas pu connaître la suite de l’histoire, parce que M. Lanternau a continué à la raconter à l’oreille de papa.

— Pas mal, a dit papa, et vous connaissez celle du médecin qui soigne un cas d’indigestion ? et comme M. Lanternau ne la connaissait pas, papa la lui a racontée à l’oreille. Ils sont embêtants, à la fin ! Maman, elle, n’écoutait pas, elle regardait, vers l’hôtel. Mme Lanternau, comme d’habitude, elle ne disait rien. Elle a toujours l’air un peu fatiguée.

Devant nous, il y avait l’île des Embruns, elle était encore loin et c’était joli à voir avec toute la mousse blanche des vagues. Mais M. Lanternau ne regardait pas l’île, il regardait papa, et, quelle drôle d’idée, il a tenu absolument à lui raconter ce qu’il avait mangé dans un restaurant avant de partir en vacances. Et papa, qui pourtant, d’habitude, n’aime pas faire la conversation avec M. Lanternau, lui a raconté tout ce qu’il avait mangé à son repas de première communion. Moi, ils commençaient à me donner faim avec leurs histoires. J’ai voulu demander à maman de me donner un œuf dur, mais elle ne m’a pas entendu parce qu’elle avait les mains sur les oreilles, à cause du vent, sans doute.

— Vous m’avez l’air un peu pâle, a dit M. Lanternau à papa, ce qui vous ferait du bien, c’est un grand bol de graisse de mouton tiède.

— Oui, a dit papa, ce n’est pas mauvais avec des huîtres recouvertes de chocolat chaud.

L’île des Embruns était tout près maintenant.

— Nous allons bientôt débarquer, a dit M. Lanternau à papa, vous seriez chiche de manger une escalope froide ou un sandwich, tout de suite, avant de quitter le bateau ?

— Mais certainement, a répondu papa, l’air du large, ça creuse ! Et papa a pris le panier à pique-nique et puis il s’est retourné vers le patron du bateau.

— Un sandwich avant d’accoster, patron ? a demandé papa.

Eh bien, on n’y est jamais arrivé à l’île des Embruns, parce que quand il a vu le sandwich, le patron du bateau est devenu très malade et il a fallu revenir au port le plus vite possible.

Un nouveau professeur de gymnastique a fait son apparition sur la plage, et tous les parents se sont empressés d’inscrire leurs enfants à son cours. Ils ont pensé, dans leur sagesse de parents, que d’occuper les enfants pendant une heure tous les jours pouvait faire le plus grand bien à tout le monde.


La gym

Hier, on a eu un nouveau professeur de gymnastique.

— Je m’appelle Hector Duval, il nous a dit, et vous ?

— Nous pas, a répondu Fabrice, et ça, ça nous a fait drôlement rigoler.

J’étais sur la plage avec tous les copains de l’hôtel, Blaise, Fructueux, Mamert, qu’il est bête celui-là ! Irénée, Fabrice et Côme. Pour la leçon de gymnastique, il y avait des tas d’autres types ; mais ils sont de l’hôtel de la Mer et de l’hôtel de la Plage et nous, ceux du Beau-Rivage, on ne les aime pas.

Le professeur, quand on a fini de rigoler, il a plié ses bras et ça a fait deux gros tas de muscles.

— Vous aimeriez avoir des biceps comme ça ? a demandé le professeur.

— Bof, a répondu Irénée.

— Moi, je ne trouve pas ça joli, a dit Fructueux, mais Côme a dit qu’après tout, oui, pourquoi pas, il aimerait bien avoir des trucs comme ça sur les bras pour épater les copains à l’école. Côme, il m’énerve, il veut toujours se montrer. Le professeur a dit :

— Eh bien, si vous êtes sages et vous suivez bien les cours de gymnastique, à la rentrée, vous aurez tous des muscles comme ça.

Alors, le professeur nous a demandé de nous mettre en rang et Côme m’a dit :

— Chiche que tu ne sais pas faire des galipettes comme moi. Et il a fait une galipette.

Moi, ça m’a fait rigoler, parce que je suis terrible pour les galipettes, et je lui ai montré.

— Moi aussi je sais ! Moi aussi je sais ! a dit Fabrice, mais lui, il ne savait pas. Celui qui les faisait bien, c’était Fructueux, beaucoup mieux que Blaise, en tout cas. On était tous là, à faire des galipettes partout, quand on a entendu des gros coups de sifflet à roulette.

— Ce n’est pas bientôt fini ? a crié le professeur. Je vous ai demandé de vous mettre en rang, vous aurez toute la journée pour faire les clowns !

On s’est mis en rang pour ne pas faire d’histoires et le professeur nous a dit qu’il allait nous montrer ce que nous devions faire pour avoir des tas de muscles partout. Il a levé les bras et puis il les a baissés, il les a levés et il les a baissés, il les a levés et un des types de l’hôtel de la Mer nous a dit que notre hôtel était moche.

— C’est pas vrai, a crié Irénée, il est rien chouette notre hôtel, c’est le vôtre qui est drôlement laid !

— Dans le nôtre, a dit un type de l’hôtel de la Plage, on a de la glace au chocolat tous les soirs.

— Bah ! a dit un de ceux de l’hôtel de la Mer, nous, on en a à midi aussi et jeudi il y avait des crêpes à la confiture !

— Mon papa, a dit Côme, il demande toujours des suppléments, et le patron de l’hôtel lui donne tout ce qu’il veut !

— Menteur, c’est pas vrai ! a dit un type de l’hôtel de la Plage.

— Ça va continuer longtemps, votre petite conversation ? a crié le professeur de gymnastique, qui ne bougeait plus les bras parce qu’il les avait croisés. Ce qui bougeait drôlement, c’étaient ses trous de nez, mais je ne crois pas que c’est en faisant ça qu’on aura des muscles.

Le professeur s’est passé une main sur la figure et puis il nous a dit qu’on verrait plus tard pour les mouvements de bras, qu’on allait faire des jeux pour commencer. Il est chouette, le professeur.

— Nous allons faire des courses, il a dit. Mettez-vous en rang, là. Vous partirez au coup de sifflet. Le premier arrivé au parasol, là-bas, c’est le vainqueur. Prêts ? et le professeur a donné un coup de sifflet. Le seul qui est parti, c’est Mamert, parce que nous, on a regardé le coquillage que Fabrice avait trouvé sur la plage, et Côme nous a expliqué qu’il en avait trouvé un beaucoup plus grand l’autre jour et qu’il allait l’offrir à son papa pour qu’il s’en fasse un cendrier. Alors, le professeur a jeté son sifflet par terre et il a donné des tas de coups de pied dessus. La dernière fois que j’ai vu quelqu’un d’aussi fâché que ça, c’est à l’école, quand Agnan, qui est le premier de la classe et le chouchou de la maîtresse, a su qu’il était second à la composition d’arithmétique.

— Est-ce que vous allez vous décider à m’obéir ? a crié le professeur.

— Ben quoi, a dit Fabrice, on allait partir pour votre course, m’sieur, y a rien qui presse.

Le professeur a fermé les yeux et les poings, et puis il a levé ses trous de nez qui bougeaient, vers le ciel. Quand il a redescendu la tête, il s’est mis à parler très lentement et très doucement.

— Bon, il a dit, on recommence. Tous prêts pour le départ.

— Ah non, a crié Mamert, c’est pas juste ! C’est moi qui ai gagné, j’étais le premier au parasol ! C’est pas juste et je le dirai à mon papa ! et il s’est mis à pleurer et à donner des coups de pied dans le sable et puis il a dit que puisque c’était comme ça, il s’en allait et il est parti en pleurant et je crois qu’il a bien fait de partir, parce que le professeur le regardait de la même façon que papa regardait le ragoût qu’on nous a servi hier soir pour le dîner.

— Mes enfants, a dit le professeur, mes chers petits, mes amis, celui qui ne fera pas ce que je lui dirai de faire... je lui flanque une fessée dont il se souviendra longtemps !

— Vous n’avez pas le droit, a dit quelqu’un, il n’y a que mon papa, ma maman, tonton et pépé qui ont le droit de me donner des fessées !

— Qui a dit ça ? a demandé le professeur.

— C’est lui, a dit Fabrice en montrant un type de l’hôtel de la Plage, un tout petit type.

— C’est pas vrai, sale menteur, a dit le petit type et Fabrice lui a jeté du sable à la figure, mais le petit type lui a donné une drôle de claque. Moi je crois que le petit type avait déjà dû faire de la gymnastique et Fabrice a été tellement surpris, qu’il a oublié de pleurer. Alors, on a tous commencé à se battre, mais ceux de l’hôtel de la Mer et ceux de l’hôtel de la Plage, c’est des traîtres.

Quand on a fini de se battre, le professeur, qui était assis sur le sable, s’est levé et il a dit :

— Bien. Nous allons passer au jeu suivant. Tout le monde face à la mer. Au signal, vous allez tous à l’eau ! Prêts ? Partez !

Ça, ça nous plaisait bien, ce qu’il y a de mieux à la plage, avec le sable, c’est la mer. On a couru drôlement et l’eau était chouette et on s’est éclaboussés les uns les autres et on a joué à sauter avec les vagues et Côme criait :

« Regardez-moi ! Regardez-moi ! Je fais du crawl ! » et quand on s’est retournés, on a vu que le professeur n’était plus là.

Et aujourd’hui, on a eu un nouveau professeur de gymnastique.

— Je m’appelle Jules Martin, il nous a dit, et vous ?

Les vacances se poursuivent agréablement, et le père de Nicolas n’a rien à reprocher à l’hôtel Beau-Rivage, si ce n’est son ragoût, surtout le soir où il a trouvé un coquillage dedans. Comme il n’y a plus de professeur de gymnastique pour l’instant, les enfants cherchent d’autres activités pour y déverser le trop-plein de leur énergie...


Le golf miniature

Aujourd’hui on a décidé d’aller jouer au golf miniature qui se trouve à côté du magasin où on vend des souvenirs. C’est rien chouette le golf miniature, je vais vous l’expliquer : il y a dix-huit trous et on vous donne des balles et des bâtons et il faut mettre les balles dans les trous en moins de coups de bâton possible. Pour arriver jusqu’aux trous, il faut passer par des petits châteaux, des rivières, des zigzags, des montagnes, des escaliers ; c’est terrible. Il n’y a que le premier trou qui est facile.

L’ennui, c’est que le patron du golf miniature ne nous laisse pas jouer si on n’est pas accompagnés par une grande personne. Alors, avec Blaise, Fructueux, Mamert, qu’il est bête celui-là ! Irénée, Fabrice et Côme qui sont mes copains de l’hôtel, nous sommes allés demander à mon papa de venir jouer avec nous au golf miniature.

— Non, a dit papa qui lisait son journal sur la plage.

— Allez, quoi, soyez chouette pour une fois a dit Blaise.

— Allez, quoi ! Allez, quoi ! ont crié les autres et moi je me suis mis à pleurer et j’ai dit que puisque je ne pouvais pas jouer au golf miniature, je prendrai un pédalo et je partirai loin, très loin et on ne me reverrait jamais.

— Tu peux pas, m’a dit Mamert, mais qu’il est bête ! Pour louer un pédalo, il faut être accompagné par une grande personne.

— Bah, a dit Côme, qui m’énerve parce qu’il aime toujours se montrer, moi, j’ai pas besoin de pédalo, je peux aller très loin en faisant du crawl.

On était tous là à discuter autour de papa, et puis papa a chiffonné son journal, il l’a jeté sur le sable et il a dit :

— Bon, ça va, je vous emmène au golf miniature.

J’ai le papa le plus gentil du monde. Je le lui ai dit et je l’ai embrassé.

Le patron du golf miniature, quand il nous a vus, il n’avait pas tellement envie de nous laisser jouer. Nous on s’est mis à crier : « Allez, quoi ! Allez, quoi ! » et puis le patron du golf miniature a accepté, mais il a dit à papa de bien nous surveiller.

On s’est mis au départ du premier trou, celui qui est drôlement facile et papa, qui sait des tas de choses, nous a montré comment il fallait faire pour tenir le bâton.

— Moi je sais ! a dit Côme et il a voulu commencer à jouer, mais Fabrice lui a dit qu’il n’y avait pas de raison qu’il soit le premier.

— On n’a qu’à y aller par ordre alphabétique, comme à l’école, quand la maîtresse nous interroge, a dit Blaise ; mais moi j’étais pas d’accord, parce que Nicolas, c’est drôlement loin dans l’alphabet et à l’école c’est chouette, mais au golf miniature, c’est pas juste. Et puis, le patron du golf miniature est venu dire à papa qu’il faudrait que nous commencions à jouer, parce qu’il y avait des gens qui attendaient pour faire du golf miniature.

— C’est Mamert qui va commencer, parce que c’est le plus sage, a dit papa.

Et Mamert est venu, il a donné un coup de bâton terrible dans la balle qui a sauté en l’air, qui est passée par-dessus la grille et qui est allée taper contre une auto qui était arrêtée sur la route. Mamert s’est mis à pleurer et papa est allé chercher la balle.

Papa, il tardait un peu à revenir, parce que dans l’auto arrêtée il y avait un monsieur, et le monsieur est sorti de l’auto et il s’est mis à parler avec papa en faisant des tas de gestes et il y a des gens qui sont venus pour les regarder et qui rigolaient.

Nous, on voulait continuer à jouer, mais Mamert était assis sur le trou, il pleurait et il disait qu’il ne se lèverait pas tant qu’on ne lui aurait pas rendu sa balle et qu’on était tous des méchants. Et puis, papa est revenu avec la balle et il n’avait pas l’air content.

— Essayez de faire un peu attention, il a dit papa.

— D’accord, a dit Mamert, passez-moi la balle. Mais papa n’a pas voulu, il a dit à Mamert que ça allait comme ça, qu’il jouerait un autre jour. Ça, ça ne lui a pas plu à Mamert qui a commencé à donner des coups de pied partout et qui s’est mis à crier que tout le monde profitait de lui et puisque c’était comme ça, il allait chercher son papa. Et il est parti.

— Bon, à moi, a dit Irénée.

— Non monsieur, a dit Fructueux, c’est moi qui vais jouer. Alors Irénée a donné un coup de bâton sur la tête de Fructueux et Fructueux a donné une claque à Irénée et le patron du golf miniature est venu en courant.

— Dites, a crié le patron du golf miniature à mon papa, enlevez d’ici votre marmaille, il y a des gens qui attendent pour jouer !

— Soyez poli, a dit papa. Ces enfants ont payé pour jouer, ils joueront !

— Bravo ! a dit Fabrice à papa, dites-y ! Et tous les copains étaient drôlement pour papa, sauf Fructueux et Irénée qui étaient occupés à se donner des coups de bâton et des claques.

— Ah, c’est comme ça, a dit le patron du golf miniature, et si j’appelais un agent ?

— Appelez-le, a dit papa, on verra à qui il donnera raison. Alors, le patron du golf miniature a appelé l’agent qui était sur la route.

— Lucien ! il a appelé le patron du golf miniature. Et l’agent est venu.

— Qu’est-ce qu’il y a Ernest ? il a demandé au patron du golf miniature.

— Il y a, a répondu le patron du golf miniature, que cet individu empêche les autres gens de jouer.

— Oui, a dit un monsieur, voilà une demi-heure que nous attendons pour faire le premier trou !

— A votre âge, a demandé papa, vous n’avez pas de choses plus intéressantes à faire ?

— De quoi ? a dit le patron du golf miniature, si le golf miniature ne vous plaît pas, ne dégoûtez pas les autres du golf miniature !

— Au fait, a dit l’agent, il y a un monsieur qui vient de porter plainte parce qu’une balle de golf miniature a rayé la carrosserie de sa voiture.

— Alors, on peut le faire ce premier trou, oui ou non ? a demandé le monsieur qui attendait.

Et puis, est arrivé Mamert avec son papa.

— C’est lui ! a dit Mamert à son papa en montrant mon papa.

— Eh bien, a dit le papa de Mamert, il paraît que vous empêchez mon fils de jouer avec ses petits camarades ? Et puis papa s’est mis à crier, et le patron du golf miniature s’est mis à crier, et tout le monde s’est mis à crier et l’agent donnait des coups de sifflet, et puis à la fin papa nous a fait tous sortir du golf miniature et Côme n’était pas content parce qu’il disait que pendant que personne ne le regardait il avait fait le trou en un seul coup, mais moi je suis sûr que c’est des blagues.

Comme on a bien rigolé, au golf miniature, on a décidé de revenir demain pour essayer le deuxième trou.

Ce que je ne sais pas, c’est si papa sera d’accord pour nous accompagner au golf miniature.

Non, le père de Nicolas n’a plus jamais voulu retourner au golf miniature, il est même pris d’une grande aversion pour le golf miniature, presque autant que pour le ragoût de l’hôtel Beau-Rivage. La mère de Nicolas a dit qu’il ne fallait pas faire de scandale au sujet du ragoût, et le père de Nicolas a répondu qu’au prix où était la pension, le scandale c’était de servir des choses pareilles à table. Et ce qui n’a rien arrangé, c’est qu’il s’est mis à pleuvoir de nouveau...


On a joué à la marchande

Ce qu’il y a avec les filles, c’est que ça ne sait pas jouer, ça pleure tout le temps et ça fait des histoires. A l’hôtel, il y en a trois.

Les trois filles qu’il y a à l’hôtel s’appellent Isabelle, Micheline et Gisèle. Gisèle, c’est la sœur de mon copain Fabrice et ils se battent tout le temps et Fabrice m’a expliqué que c’était très embêtant d’avoir une fille comme sœur et que si ça continuait, il allait quitter la maison.

Quand il fait beau et que nous sommes à la plage, les filles ne nous gênent pas. Elles jouent à des jeux bêtes, elles font des tas de pâtés, elles se racontent des histoires et puis avec des crayons, elles se mettent du rouge sur les ongles. Nous, avec les copains, on fait des choses terribles. On fait des courses, des galipettes, du foot, on nage, on se bat. Des choses chouettes, quoi.

Mais quand il ne fait pas beau, alors, c’est autre chose, parce qu’on doit tous rester à l’hôtel ensemble. Et hier, il ne faisait pas beau, il pleuvait tout le temps. Après le déjeuner, on a eu des raviolis et c’était drôlement meilleur que le ragoût, nos papas et nos mamans sont partis faire la sieste. Avec Blaise, Fructueux, Mamert, Irénée, Fabrice et Côme, tous des copains de l’hôtel, on était dans le salon et on jouait aux cartes, sans faire de bruit. On ne faisait pas les guignols, parce que quand il pleut, les papas et les mamans, ça ne rigole pas. Et pendant ces vacances, c’est souvent que les papas et les mamans n’ont pas rigolé.

Et puis, les trois filles sont entrées dans le salon.

— On veut jouer avec vous, a dit Gisèle.

— Laisse-nous tranquilles, ou je te flanque une claque, Zésèle ! a dit Fabrice. Ça, ça ne lui a pas plu à Gisèle.

— Si on ne peut pas jouer avec vous, tu sais ce que je vais faire, Fafa ? a dit Gisèle. Eh bien, j’irai tout raconter à papa et à maman et tu seras puni, et tes copains seront punis et vous n’aurez pas de dessert.

— Bon, a dit Mamert, mais qu’il est bête celui-là ! Vous pouvez jouer avec nous.

— Toi, on t’a pas sonné, a dit Fabrice. Alors, Mamert s’est mis à pleurer, il a dit qu’il n’avait pas envie d’être puni, que c’était pas juste et que s’il était privé de dessert, il se tuerait. Nous, on était embêtés, parce qu’avec tout le bruit que faisait Mamert, il allait finir par réveiller nos papas et nos mamans.

— Alors, qu’est-ce qu’on fait ? j’ai demandé à Irénée.

— Bof, m’a répondu Irénée, et on a décidé de laisser jouer les filles avec nous.

— A quoi on joue ? a demandé Micheline, une grosse qui me fait penser à Alceste, un copain de l’école qui mange tout le temps.

— On joue à la marchande, a dit Isabelle.

— T’es pas un peu folle ? a demandé Fabrice.

— C’est bon, Fafa, a dit Gisèle, je vais réveiller papa. Et tu sais comment est papa quand on le réveille ! Alors Mamert s’est mis à pleurer et il a dit qu’il voulait jouer à la marchande. Blaise a dit que plutôt que de jouer à la marchande, il préférait aller réveiller lui-même le papa de Fabrice. Mais Fructueux a dit qu’il croyait que ce soir il y avait de la glace au chocolat comme dessert, alors, on a dit, bon d’accord.

Gisèle s’est mise derrière une table du salon, et sur la table elle a mis les cartes et puis des cendriers et elle a dit qu’elle serait la marchande et que la table ce serait le comptoir, et que ce qu’il y avait sur la table ce serait les choses qu’elle vendait et que nous, on devait venir et lui acheter les choses.

— C’est ça, a dit Micheline, et moi, je serais une dame très belle et très riche et j’aurais une auto et des tas de fourrures.

— C’est ça, a dit Isabelle, et moi, je serais une autre dame, encore plus riche et encore plus belle, et j’aurais une auto avec des fauteuils rouges comme celle de tonton Jean-Jacques, et des chaussures avec des talons hauts.

— C’est ça, a dit Gisèle, et Côme, ce serait le mari de Micheline.

— Je veux pas, a dit Côme.

— Et pourquoi tu veux pas ? a demandé Micheline.

— Parce qu’il te trouve trop grosse, voilà pourquoi, a dit Isabelle. Il préfère être mon mari à moi.

— C’est pas vrai ! a dit Micheline et elle a donné une claque à Côme et Mamert s’est mis à pleurer. Pour faire taire Mamert, Côme a dit qu’il serait le mari de n’importe qui.

— Bon, a dit Gisèle, alors, on va commencer à jouer. Toi, Nicolas, tu serais le premier client, mais comme tu serais très pauvre, tu n’aurais pas de quoi acheter à manger. Alors moi, je serais très généreuse, et je te donnerais des choses pour rien.

— Moi, je joue pas, a dit Micheline, après ce que m’a dit Isabelle, je ne parlerai plus jamais à personne.

— Ah ! la la ! mademoiselle fait des manières, a dit Isabelle, tu crois que je ne sais pas ce que tu as dit de moi à Gisèle quand je n’étais pas là ?

— Oh ! La menteuse ! a crié Micheline, après tout ce que tu m’as dit de Gisèle !

— Qu’est-ce que tu as dit de moi à Micheline, Isabelle ? a demandé Gisèle.

— Rien, j’ai rien dit de toi à Micheline, voilà ce que j’ai dit, a dit Isabelle.

— Tu as du toupet, a crié Micheline, tu me l’as dit devant la vitrine du magasin, là où il y avait le maillot noir avec des petites fleurs roses, celui qui m’irait si bien, tu sais ?

— C’est pas vrai, a crié Isabelle, mais Gisèle m’a raconté ce que tu lui avais dit de moi sur la plage.

— Dites, les filles, a demandé Fabrice, on joue, oui ou non ? Alors, Micheline a dit à Fabrice de se mêler de ce qui le regardait et elle l’a griffé.

— Laisse mon frère tranquille ! a dit Gisèle et elle a tiré les nattes de Micheline et Micheline s’est mise à crier et elle a donné une claque à Gisèle et ça, ça a fait rigoler Fabrice, mais Mamert s’est mis à pleurer et les filles faisaient un drôle de bruit et des tas de papas et de mamans sont descendus dans le salon et ils ont demandé ce qui se passait.

— Ce sont les garçons qui ne nous laissent pas jouer tranquilles à la marchande, a dit Isabelle. Alors, on a été tous privés de dessert.

Et Fructueux avait raison, ce soir-là, c’était la glace au chocolat !

Et puis, le soleil est revenu, radieux, le jour de la fin des vacances. Il a fallu dire au revoir à tous les amis, faire les bagages et reprendre le train. Le patron de l’hôtel Beau-Rivage a proposé au père de Nicolas de lui donner un peu de ragoût pour le voyage, mais le père de Nicolas a refusé. Il a eu tort, car cette fois-ci, c’étaient les œufs durs qui étaient dans la malle marron, qui était, elle-même, dans le fourgon.


On est rentrés

Moi, je suis bien content d’être rentré à la maison, mais mes copains de vacances ne sont pas ici et mes copains d’ici sont encore en vacances et moi je suis tout seul et ce n’est pas juste et je me suis mis à pleurer.

— Ah, non ! a dit papa. Demain je recommence à travailler, je veux me reposer un peu aujourd’hui, tu ne vas pas me casser les oreilles.

— Mais enfin, a dit maman à papa, sois un peu patient avec le petit. Tu sais comment sont les enfants quand ils reviennent de vacances. Et puis maman m’a embrassé, elle s’est essuyé la figure, elle m’a mouché et elle m’a dit de m’amuser gentiment. Alors moi j’ai dit à maman que je voulais bien, mais que je ne savais pas quoi faire.

— Pourquoi ne ferais-tu pas germer un haricot ? m’a demandé maman. Et elle m’a expliqué que c’était très chouette, qu’on prenait un haricot, qu’on le mettait sur un morceau d’ouate mouillé et puis qu’après on voyait apparaître une tige, et puis des feuilles, et puis qu’on avait une belle plante d’haricot et que c’était drôlement amusant et que papa me montrerait. Et puis maman est montée arranger ma chambre.

Papa, qui était couché sur le canapé du salon, a poussé un gros soupir et puis il m’a dit d’aller chercher l’ouate. Je suis allé dans la salle de bains, j’ai pas trop renversé de choses et la poudre par terre c’est facile à nettoyer avec un peu d’eau ; je suis revenu dans le salon et j’ai dit à papa :

— Voilà l’ouate, papa.

— On dit : la ouate, Nicolas, m’a expliqué papa qui sait des tas de choses parce qu’à mon âge il était le premier de sa classe et c’était un drôle d’exemple pour ses copains.

— Bon, m’a dit papa, maintenant, va à la cuisine chercher un haricot.

A la cuisine, je n’ai pas trouvé d’haricot. Ni de gâteaux non plus, parce qu’avant de partir maman avait tout vidé, sauf le morceau de camembert qu’elle avait oublié dans le placard et c’est pour ça qu’en rentrant de vacances il a fallu ouvrir la fenêtre de la cuisine.

Dans le salon, quand j’ai dit à papa que je n’avais pas trouvé d’haricot, il m’a dit :

— Eh bien tant pis, et il s’est remis à lire son journal, mais moi j’ai pleuré et j’ai crié :

— Je veux faire germer un haricot ! Je veux faire germer un haricot ! Je veux faire germer un haricot !

— Nicolas, m’a dit papa, tu vas recevoir une fessée.

Alors ça, c’est formidable ! On veut que je fasse germer un haricot et parce qu’il n’y a pas d’haricots, on veut me punir ! Là, je me suis mis à pleurer pour de vrai, et maman est arrivée et quand je lui ai expliqué, elle m’a dit :

— Va à l’épicerie du coin et demande qu’on te donne un haricot.

— C’est ça, a dit papa, et prends tout ton temps.

Je suis allé chez M. Compani, qui est l’épicier du coin et qui est drôlement chouette parce que quand j’y vais, il me donne quelquefois des biscuits. Mais là, il ne m’a rien donné, parce que l’épicerie était fermée et il y avait un papier où c’était écrit que c’était à cause des vacances.

Je suis revenu en courant à la maison, où j’ai trouvé papa toujours sur le canapé, mais il ne lisait plus, il avait mis le journal sur sa figure.

— C’est fermé chez M. Compani, j’ai crié, alors, j’ai pas d’haricot !

Papa, il s’est assis d’un coup.

— Hein ? Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? il a demandé ; alors, il a fallu que je lui explique de nouveau. Papa s’est passé la main sur la figure, il a fait de gros soupir, et il a dit qu’il n’y pouvait rien.

— Et qu’est-ce que je vais faire germer alors, sur mon morceau de la ouate ? j’ai demandé.

— On dit un morceau d’ouate, pas de la ouate, m’a dit papa.

— Mais tu m’avais dit qu’on disait de la ouate, j’ai


Date: 2015-12-24; view: 1007


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