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V. CONCLUSION : LE « XALA » : SYMBOLE POLIVALENT DE L’IMPUISSANCE

Comme nous l’avons montré, le « xala » est le générateur de l’impuissance (sexuelle, physique, psychologique, économique, etc...). Comme il est permis d’assimiler le signifiant au signifié, on peut aussi assimiler la force génératrice à ce qu’elle déclenche. Nous pouvons assimiler le « xala » à l’impuissance.
Si on accepte une telle correspondance, nous pouvons encore dire que l’univers de « xala » (et donc d’El Hadji) qui reçoit sa réalité socio-économique et politique du Sénégal, est une microcosme de l’Afrique. L’impuissance dont El Hadji est victime, sera, par extension, celle du Sénégal et puis celle de l’Afrique. Alors que le « xala » d’El Hadji lui est imposé en punition de son incapacité (intellectuelle et financière) à se servir d’un système honnête et valable pour gérer ses affaires, ce qui le pousse à recourir au stratagème de la loi du plus fort, l’impuissance politique, économique (et pourquoi pas intellectuelle ?) du Sénégal ainsi que celle de l’Afrique toute entière résulte de leur incapacité de faire un retour sur eux-mêmes et de bien s’examiner afin d’exploiter honnêtement toutes leurs ressources humaines et naturelles. Ainsi permettra-t-on au système de satisfaire les besoins, aspirations et intérêts de la masse. Nous ne pouvons pas nier, cependant, le fait que le colonialisme a grandement contribué à cette situation d’impuissance. Mais depuis l’indépendance, les Africains ne se sont pas donné les possibilités de neutraliser l’impuissance qui leur était imposée. Ils ont même facilité son épanouissement. Voilà pourquoi tous les systèmes qui auraient contribué à dominer l’impuissance (économique, technologique, culturelle et politique) sont embrouillés. Tout le monde en est donc empêtré. Le résultat en est que les intellectuels et mêmes les prolétaires rendus aussi impuissants ne sont, la plupart du temps, que des épouvantails aux mains de ceux (les hommes politiques, les bourgeois et les anciens maîtres coloniaux) qui monopolisent et opèrent tous les systèmes. Les impuissants ne sont pas seulement rendus inutiles aux systèmes, mais à eux-mêmes.
Cependant, Ousmane offre une solution à cette situation d’impasse. Si les gens peuvent faire un retour authentique sur eux-mêmes et identifier la source de leurs forces, ils parviendront à tourner le système à leur avantage. Ils sauront que le secret de leur capacité réside dans la possibilité de prendre conscience de leur humiliation, de se dresser, de s’armer de courage et de s’unir comme l’on fait le mendiant et ses amis. C’est ainsi qu’ils n’auront aucune difficulté à faire fi des détenteurs égotistes du système. Dans cette unité, chacun doit faire preuve d’honnêteté et de circonspection et s’engager totalement. Ainsi le mendiant et ses amis, faisant preuve de « l’esprit de coumbite » à la haïti, ont-ils fait entendre leur voix (comme le feront les mendiants de La Grève des Bàttu) quand ils ont marché ensemble avec la même détermination de fer afin de prendre d’assaut la résidence d’El Hadji. Leur succès confirme cette grande leçon à tout gouvernement africain que la confiance en soi et l’auto-dépendance sont des attributs qui assurent le succès.
Ousmane démontre aussi que d’autres solutions auxquelles ont recours un bon nombre d’Africains pour résoudre leur problème d’impuissance (de manque, d’incapacité et de faillite) ne sont que des paravents factices. Ces solutions trop simplistes : maraboutage, charlatanisme, fétichisme et superstition (qui n’apportent aucune échappatoire au problème d’El Hadji), mettant en lumière l’esprit fataliste de ces gens, ne peuvent pas aider les Africains à trouver leur essor. « Il faut, comme le remarque Voltaire, cultiver son jardin » [22] comme le déclare aussi Jacques Roumain, il faut être le boulanger de sa vie [23]. Voilà une solution que Sembène ne cesse de répéter dans chacune de ses œuvres. C’est la solution la plus cathartique et la plus infaillible. Il faut également se débarrasser du masque d’hypocrisie, d’égoïsme et de méchanceté qui empêchera l’efficacité de tout effort rédempteur. Voilà ce qui semble être le but des crachats épuratoires des mendiants sur El Hadji et du lavage purificateur qui aura lieu dans sa salle de bains.
De tout ceci, il se déduit que le « xala » est un puits de symboles. Cela fait du roman, Xala le roman symboliste par excellence. Tout - répétitions du mot « xala » et de ses variantes, habitudes verbales (qui aboutissent aux modes structurels) de répétitions, aspect circulaire du récit dont le « xala » est le noyau de tous les événements - concourt à affirmer que le « xala » est doté d’une grande capacité symboliste. Il peut, à la lumière de son caractère téléscopique, servir comme slogan à tout ce qui annonce l’impuissance incapacité, faillite, faiblesse, manque et toute évolution négative. Et même, de son rapprochement du mot (yoruba, haussa) wahala (dont le verbe est hala) qui signifie trouble, enquiquinement et ennui, ne peut-on pas facilement assimiler le « xala » à toute expérience humaine qui est troublante, agaçante, enquiquinante ou embêtante ?



 


Date: 2015-12-24; view: 1166


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IV. LE XALA : CONTAGION QUI INFECTE L’UNIVERS DE XALA | Texterschließung des Gedichts: „Heller Wahnsinn“ von Ulla Hahn
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