1. On constate un accroissement des activits financires sur la place de Londres entre 1873 et 1913 : en effet la valeur des dpts pour les banques londoniennes et la capitalisation boursire augmentent de manire spectaculaire.
Cet accroissement de lĠactivit est surtout d aux transactions internationales : la part des investissements trangers mondiaux dtenus par la Grande-Bretagne passe de 35 41 %. Les Britanniques investissent ainsi de plus en plus lĠtranger et notamment dans leur empire colonial puisque la valeur des dpts des grandes banques coloniale est multiplie par 8. Enfin, lĠvolution des titres cots la Bourse de Londres va galement dans le mme sens. Alors quĠen 1873, les deux tiers taient dĠorigine britanniques, en 1913, ils constituent moins de la moiti : la bourse de Londres est donc devenue une place internationale sur laquelle les investisseurs du monde entier interviennent.
2. La City garantit les traites commerciales : un moyen de paiement international entre un acheteur et un vendeur. Ce procd donne une place centrale la Banque dĠAngleterre puisque cĠest elle qui met la traite (pour lĠacheteur par lĠintermdiaire de la Banque de Dundee) et la reoit (pour le vendeur par lĠintermdiaire de la Banque de Riga). Il suppose une confiance dans la Banque dĠAngleterre puisque le vendeur de Riga accepte la traite sur Londres comme sĠil sĠagissait de monnaie classique. Nous sommes donc dans le cas de figure dĠune monnaie base sur la confiance : une monnaie fiduciaire. Cette confiance repose en thorie sur le stock dĠor dtenu par la Banque dĠAngleterre. En fait, la confiance est surtout fonde sur la puissance conomique de la Grande-Bretagne et donc de sa banque centrale.
3. Ë ct des grandes institutions comme le London Stock Exchange et la Banque dĠAngleterre, on trouve dans le quartier de la City le sige des grandes banques et des grandes compagnies dĠassurance parmi lesquelles se dgage la LloydĠs, premire firme pour lĠassurance du transport maritime. CĠest galement l que sont fixs les prix des principales matires premires : la LME pour les mtaux non ferreux et la LBM pour lĠor et lĠargent. On peut donc parler ainsi dĠune concentration des fonctions de commandement pour les activits financires lĠchelle mondiale dans cette City de la fin du XIXe sicle.
4. Le port de Londres constitue la principale porte dĠentre et de sortie pour le transport maritime britannique. Pour faire face lĠaccroissement de ce trafic, il est rgulirement agrandi et de nouveaux docks sont construits le long de la Tamise en direction de son estuaire. Il est en outre modernis tout au long du XIXe sicle. Il est ainsi capable dĠaccueillir des navires voile puis vapeur et enfin la fin du XIXe sicle, les grands transatlantiques coque dĠacier. Les infrastructures portuaires sont elles aussi amliores : les docks sont relis au chemin de fer, sont lectrifis dans les annes 1880 et sont adapts au conditionnement des marchandises les plus diverses comme par exemple les produits agricoles congels.
Texte argument
Le statut de Londres reflte bien la domination britannique sur le monde entre 1850 et 1914. En effet, celle-ci est avant tout maritime et financire et ces deux activits sont concentres de manire exceptionnelle dans la capitale de lĠEmpire britannique la fin du XIXe sicle. Ainsi, le port de Londres est lĠpoque le premier du monde : ses docks rgulirement agrandis le long des berges de la Tamise, accueillent des marchandises du monde entier et sont la pointe de toutes les innovations de la rvolution industrielle. Ds 1877, accostent ainsi Londres les premiers navires frigorifiques. La domination de Londres est galement financire. La Banque dĠAngleterre qui a son sige dans le quartier dĠaffaires de la City, est lĠintermdiaire oblig des transactions internationales grce au systme des traites commerciales. Les investisseurs de tous les pays, confiants dans la sant financire britannique, placent leurs avoirs la Bourse de Londres. Les grandes compagnies dĠassurances, telle la LloydĠs, les grandes banques qui investissent notamment dans les projets de dveloppement de lĠEmpire, voient leur activit sĠaccrotre de manire spectaculaire. On peut dire ainsi que Londres, la fin du XIXe sicle, commande lĠconomie mondiale et se trouve donc au cÏur dĠune conomie-monde britannique.
New York, la ville mondiale
Cette tude vise avant tout rendre concrte la dfinition dĠune ville mondiale ou ville-monde, cĠest--dire dĠune ville qui exerce des fonctions de commandement lĠchelle mondiale. Cette tude se situe dans lĠordre chronologique entre celles consacres Londres et Shanghai, puisque New York ravit Londres son statut de capitale conomique mondiale avec la Premire Guerre mondiale, avant de voir sa suprmatie conteste par de nouvelles mtropoles mergentes, notamment en Asie du Sud-Est, partir des annes 1980. Les documents proposs couvrent donc la priode entre la Premire Guerre mondiale et les annes 1970, moment qui correspondrait un ge dĠor de la domination new-yorkaise sur le reste du monde. CĠest en effet pendant les annes 1920 et 1930 que sont construits les principaux gratte-ciel qui constituent encore la skyline de Manhattan. Lorsque se pose en 1945 la question du choix de cette nouvelle institution quĠest lĠONU, cĠest tout naturellement le site de New York qui sĠimpose... il est essentiel de comprendre que si cette domination est lĠheure actuelle branle, elle nĠen perdure pas moins. New York reste un point majeur de commandement de lĠorganisation mondiale de lĠconomie comme en tmoigne le poids financier que conserve sa bourse (voir doc. 1 p. 33). Il est ainsi emblmatique que le concept de ville globale ait t propos en 1991 par Saskia Sassen, une gographe de lĠUniversit Columbia situe New York.
Document 1 : Manhattan, le cÏur conomique de New York dans les annes 1930.
Cette photographie est une vue de Manhattan partir de Brooklyn date des annes 1930. en sĠaidant du doc. 5 on peut voir que lĠon a seulement ici lĠextrmit de la presquĠle. Ainsi, on ne distingue pas lĠEmpire State Building pourtant achev en 1931. De mme, les deux tours du World Trade Center sont absentes, car ce btiment aujourdĠhui disparu date de 1973. On notera sur cette photographie lĠintrication des activits portuaires et tertiaires (le parallle est intressant avec lĠtude sur Londres) et la verticalisation de lĠarchitecture urbaine.
Document 2 : LĠvolution de la population de lĠagglomration new- yorkaise.
La croissance dmographique la plus spectaculaire de lĠagglomration new- yorkaise se situe au XIXe sicle et jusquĠ la Seconde Guerre mondiale, la mtropole tant frappe ensuite par un mouvement de priurbanisation en direction notamment de lĠtat voisin du New Jersey. Cette augmentation sĠexplique surtout par lĠapport migratoire : de 1892 1954, ce sont environ douze millions dĠimmigrants surtout en provenance dĠEurope qui passent par le site dĠEllis Island.
Document 3 : Ç Le symbole de lĠAmrique È.
Ce texte provient de lĠantenne new-yorkaise de la Works Progress Administration. Cette administration publique, cre en 1935 dans le cadre du New Deal, est surtout connue pour avoir t lĠorganisme en charge de la politique des grands travaux qui visait rsorber le chmage massif de la Grande Dpression. Dans ce cadre, une expertise fut dveloppe et des rapports taient rdigs pour analyser le contexte conomique local. La WPA fut ainsi lĠorigine de nombreuses rnovations urbaines New York.
Document 4 : Wall Street, premire bourse du monde.
Cette photographie est une vue de la salle des marchs du New York Stock Exchange situ Wall Street. En 1961, lĠessentiel des transactions et des cotations se fait encore la crie mme si tlescripteurs et calculateurs lectro-mcaniques existent dj. Les salles de march deviennent entirement informatises partir du dbut des annes 1990.
Document 5 : Le tertiaire suprieur New York (annes 1970 et 1980).
Ce plan de la presquĠle de Manhattan prsente la diversit des fonctions de commandement localises dans lĠhypercentre new-yorkais.
Rponses aux questions
1. Cette photographie met en scne des fonctions urbaines multiples. On distinguera tout dĠabord la fonction portuaire avec le port de Brooklyn plus spcialis dans le fret et le port de Manhattan qui, lui, est plus orient vers le trafic de passagers. Ces deux ports se font face le long de lĠEast River. Le document montre galement la prsence des fonctions financires : bourse de Wall Street et siges sociaux des grandes banques amricaines. Enfin, il faut noter les fonctions de commandement de lĠconomie amricaine puisque lĠon trouve aussi bien les siges sociaux dĠentreprises industrielles (les compagnies ptrolires) que ceux dĠentreprises lies au tertiaire (les magasins Woolworth). La concentration de ces activits de commandement se matrialise de manire symbolique dans une architecture trs verticale travers les gratte-ciel qui sont aussi des constructions de prestige (voir Histoire des Arts p. 34-35).
2. La puissance conomique de New York en 1938 repose sur son activit portuaire : cĠest le premier port des tats-Unis pour lĠimportation et lĠexportation des marchandises. New York est galement un grand centre industriel et produit 8 % de la production industrielle amricaine. Enfin, la ville est galement un grand ple financier grce notamment au poids de sa bourse. New York est donc un ple majeur de lĠconomie amricaine et fonctionne comme une interface avec le reste du monde.
Les facteurs explicatifs de cette puissance sont tout dĠabord sa position littorale et lĠexcellence de son port. Cela a permis New York dĠtre pendant tout le XIXe sicle le principal point dĠarrive aux tats-Unis des migrants venus dĠEurope. Le dveloppement industriel a t favoris par les gisements de charbon des Appalaches et par la prsence de voies dĠeau pour acheminer cette matire premire. Enfin, le dynamisme de la bourse de Wall Street a favoris la concentration de banques et dĠinstitutions financires Manhattan.
3. La puissance financire de New York provient avant tout du commerce avec lĠextrieur. LĠessentiel des relations commerciales amricaines avec le reste du monde passe par New York. Cette fonction dĠinterface commerciale a attir les grandes entreprises amricaines et beaucoup dĠentre elles ont install leur sige social Manhattan. Enfin, cette situation de hub a favoris le dveloppement des grandes banques et des compagnies dĠassurance et donn la bourse de Wall Street un poids dominant, tout dĠabord aux tats-Unis, mais galement dans le reste du monde.
4. Dans les annes 1970 et 1980, New York conserve sa domination en oprant une reconversion de ses activits. Elle accentue tout dĠabord sa primaut dans le secteur financier en crant par exemple le Nasdaq, une bourse parallle pour les entreprises de haute technologie. Au niveau industriel, les activits de production quittent Manhattan. New York conserve en revanche la recherche et le dveloppement lis aux institutions universitaires et la technopole de la Silicon Alley. De mme, si les usines quittent la ville, les siges sociaux continuent y tre localiss. Enfin, paralllement cette dsindustrialisation, la ville se tertiarise en dveloppant ses fonctions commerciales et les activits lies la culture : grands muses, siges sociaux des grands groupes de communication comme Time Warner. La ville se veut ainsi attractive et veut drainer elle touristes et cadres relevant du tertiaire suprieur. Elle continue enfin tre un grand centre de dcision politique mondial en hbergeant notamment le sige des Nations unies.
Texte argument
De la Premire Guerre mondiale aux annes 1970, New York symbolise la domination conomique amricaine sur le reste du monde. CĠest tout dĠabord sa fonction portuaire qui favorise la ville et qui en fait la porte dĠentre des immigrants europens aux tats-Unis, permettant ainsi New York de connatre une exceptionnelle croissance dmographique. Le port de New York est galement une interface essentielle dans les relations commerciales qui relie les tats-Unis au reste du monde et permet la ville de devenir galement un grand centre industriel. La bourse de Wall Street et la prsence des siges sociaux des grandes FTN amricaines permettent enfin New York de sĠaffirmer comme capitale financire mondiale, en particulier aprs le dclin britannique suite la Premire Guerre mondiale. Cette domination vient se matrialiser de manire symbolique dans la construction de gratte-ciel comme lĠEmpire State Building ou les tours du World Trade Center qui apparaissent comme le symbole de la modernit aux yeux du reste du monde. Ë partir des annes 1970, lĠimage de lĠconomie amricaine dans son ensemble, New York connat cependant un dclin relatif et entame une reconversion de ses activits : elle se dsindustrialise et dveloppe ses activits tertiaires et financires. Elle se voit cependant de plus en plus concurrence par de nouvelles mtropoles mergentes parmi lesquels on citera Shanghai.
Shanghai : de la concession la ville-monde
Cette tude permet tout dĠabord dĠillustrer en un lieu symbolique les basculements de lĠconomie mondiale. JusquĠen 1949, Shanghai est en effet le tmoin dĠune mondialisation subie par la Chine avec une prsence europenne qui sĠaffirme travers le systme des concessions mis en place aprs le trait de Nankin qui met fin la premire guerre de lĠopium et qui force lĠouverture du march chinois au commerce europen. Shanghai la fin du XIXe et au dbut du XXe sicle est donc un bon exemple de lĠeuropanisation du monde. La ville va payer cher son caractre de vitrine du capitalisme occidental aprs la proclamation de la Rpublique populaire de Chine en 1949. Elle subit en effet les consquences du Grand Bond en avant de 1958 1960 et de la Rvolution culturelle la fin des annes 1960. Elle est tenue lĠcart du premier mouvement dĠouverture de la Chine la fin des annes 1970. Cependant, partir de 1984 et sous lĠimpulsion de son nouveau maire, un certain Jiang Zemin (qui va devenir secrtaire gnral du parti communiste chinois aprs les vnements de TianĠanmen), elle renoue de manire spectaculaire avec ses fonctions de porte dĠentre et de relais des investissements trangers en Chine. Cependant, la mondialisation nĠest cette fois plus subie mais pleinement assume par la Chine, qui entend en faire le moteur de son dveloppement et lĠinstrument privilgi de sa marche la puissance.
Le deuxime objectif de lĠtude est, partir de ce nouveau contexte de la fin des annes 1980 et du dbut des annes 1990, de donner une approche concrte de la notion de ville-monde : Shanghai est en la matire un vritable laboratoire puisquĠelle se dote, les unes aprs les autres, des diffrentes fonctions qui lui permettent dĠaccder au rang de mtropole internationale : elle devient un hub portuaire et aroportuaire, de grands amnagements urbains sont raliss pour la fois tertiariser et internationaliser son conomie. Il est essentiel de percevoir ce changement dĠchelle qui fait passer cette ville au statut de mtropole dtenant des fonctions de commandement dans lĠconomie mondialise, la conscration tant atteinte par lĠorganisation de lĠExposition universelle de 2010.
Document 1 : Les concessions trangres Shanghai.
Les concessions sont des quartiers spars sous juridiction europenne et constituent donc une perte de souverainet pour un tat chinois soumis la tutelle des Europens. Leur extension territoriale est lie une prise de contrle progressive par les Europens au fur et mesure des reculades de lĠtat chinois : Deuxime Guerre de lĠOpium (1858-1860), rvolte des Boxeurs (1899-1901). Ce mouvement sĠachve en 1914 : avec la Premire Guerre Mondiale, lĠinfluence europenne devient moins forte en Chine, mme si le boom de lĠconomie shanghaienne se poursuit jusquĠ la Seconde Guerre Mondiale. Il faut souligner enfin lĠimportance du fleuve Huangpu comme facteur de localisation : lĠimplantation europenne est lie aux fonctions portuaires de la ville.
Document 2 : Le Bund dans les annes 1930.
Cette photographie anonyme des annes 1930 est une vue du Bund : le grand boulevard qui sĠtend le long des berges du Huangpu et qui borde le quartier des concessions. On notera ici le caractre europen des btiments et du mobilier urbain. La prsence de lĠautomobile accentue le caractre de modernit dgage par lĠimage. Enfin, lĠactivit portuaire est bien reprsente la droite de la photographie.
Document 3 : Le systme des concessions la fin du XIXe sicle.
Ce texte est un extrait du roman de Jules Verne (1828-1905), Les Tribulations dĠun Chinois en Chine, paru en 1879. Il se rattache au cycle des Voyages extraordinaires, ct dĠÏuvres aussi connues que Vingt Mille Lieues sous les mers (1870) ou Le Tour du monde en quatre-vingts jours (1873). Le document appartient donc au genre trs populaire de la littrature dĠvasion qui fleurit la fin du XIXe sicle : ct de romans qui se situent dans un cadre exotique (on peut aussi citer Pierre Loti), les carnets de voyages, les rcits dĠexplorateurs font partie de cet engouement des Europens pour la dcouverte du monde. Jules Verne ne sĠest jamais rendu lui-mme Shanghai et cette description est une compilation, comme souvent chez ce voyageur de cabinet. Elle nĠen reste pas moins fort exacte et permet de voir travers le regard du hros Kin-Fo la perception que peut avoir un Europen de la concession de Shanghai la fin du XIXe sicle.
Document 4 : Shanghai en chiffres (2009).
On pourra extraire de ce tableau les lments suivants : Shanghai est le principal hub portuaire et aroportuaire chinois, elle suit un dveloppement extraverti et est le symbole des ingalits du dveloppement chinois puisque celui-ci est surtout concentr lĠheure actuelle sur le littoral.
Document 5 : Le nouveau CBD de Pudong.
Cette photographie date de 2009 est prise partir du Bund, soit de lĠautre berge du fleuve Huangpu. Au premier plan, on observe le trafic fluvial intense et le rle de lĠactivit portuaire de Shanghai. Le second plan prsente une physionomie classique de CBD avec le nouveau quartier dĠaffaires de Pudong dont la construction a t lance en 1990. La nouvelle skyline de Shanghai et en particulier lĠarchitecture futuriste de lĠAsian Pearl Tower doivent faire prendre conscience que Shanghai ambitionne de devenir une ville mondiale.
Document 6 : Ç Shanghai-2010 È.
Cet article rcent du Monde prsente des volutions en cours, des tendances lĠÏuvre et donc encore inacheves. Pour accder pleinement au rang de ville mondiale, Shanghai entend faire voluer son mode de dveloppement : en se tertiarisant (les fonctions dĠatelier tant reportes vers la Chine intrieure), en se tournant vers la haute technologie et en concentrant les fonctions de commandement.