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Acte III Scène XVII Mamy, Louise, Catherine, Augustine, Gaby, Pierrette, Suzon, Mme Chanel

Pierrette. — Pourquoi vous êtes-vous levée ? C'est imprudent.

Madame Chanel, voix faible. — Il fallait que je descende ici... Il fallait que je parle...

Pierrette. — Là... doucement... Asseyez-vous. (Enfin assise, Madame Chanel les regarde... Temps.)

Gaby. — Eh bien, nous vous écoutons...

Madame Chanel. — C'est une drôle d'histoire... Catherine..., ma petite fille... Viens près de moi...

Catherine. — Tu sais tout, Chanel, n'est-ce pas ?

Madame Chanel. — Oui.

Gaby. — Nous pourrions, peut-être, savoir ce que signifient ces mystères ?

(Madame Chanel a un geste d'encouragement vers Catherine.)

Madame Chanel. — Allez, Catherine !

CATHERINE. — Alors, écoutez-moi ! Un beau conte de Noël ! Il était une fois un brave homme qui était entouré de huit femmes... Il luttait, luttait... Mais elles étaient les plus fortes. Hier soir, ce pauvre homme s'est couché... encore plus fatigué, plus ruiné, plus trompé que la veille... Et la ronde de ses huit femmes a recommencé. Et sa fille Catherine, cachée derrière la porte, a tout vu et tout entendu! (Elle se dresse.) Et voici ce qui se passe : à 10 heures premier tableau : sa belle-mère qu'il a recueillie chez lui lui refuse ses titres. Une générosité peut sauver cet homme, mais la vieille est avare... Deu­xième tableau : à 10 heures et demie, Augustine, la vipère de service, vient faire sa cour et baver les derniers potins... Tante n'a pas tué Papa, elle l'a écœuré sans plus, mais tout cela n'est pas sérieux ! (Mamy et Augustine se sont lassées dans an coin.) A onze heures, l'offensive commence... Sa femme, ma mère, lui fait comprendre qu'elle le quitte ! Elle part avec l'homme qui a ruiné son mari. Et allez donc, comme c'est simple ! (Un silence atroce, Gaby s'assoit, livide. Catherine enchaîne) A 11 heures et demie, Louise fait son entrée de vamp. Pauvre idio­te, vulgaire et intéressée ! Peu après voici Pierrette. Elle vient traire la vache a lait: 500.000 francs, bonne chasse ! Mais les billets ne vont pas loin... Mais ceci est une autre histoire. Enfin, pour couronner le tout, Suzon, sa fille, clandestinement arrivée de Londres, lui confie qu'elle est enceinte... Sur ce, bonne nuit ! Qui Papa reçoit-il ensuite ? That is the question ! Vous m'écoutez ? Vous ne faites plus que ça maintenant ? Pour vous c'est terminé... Il ne reste plus que moi!

SUZON. — Tais-toi... Tais-toi...

Catherine. — Pauvre papa ! Je l'ai retrouvé à 6 heures ce matin... Il pleurait ! C'est terrible un papa qui pleure. Vous n'en avez jamais vu ? Son nez avec une grosse larme au bout. Il m'a dit : « Tu es une gentille petite fille. Tu lis trop et tu ne te laves pas les mains, mais je n'ai plus que toi au monde... J'ai juré de faire son bonheur à tout prix. Il pleurait toujours, et il a dit : « Comme on doit être bien quand on est mort !... » Alors, j'ai eu pitié. (Elle pleure et le ton de sa voix va aller en montant.) Pitié! Pitié! Ses grands yeux ouverts, tout ronds, tout mouillés... Alors j'ai eu une idée... L'idée de le libérer...



(Recul général de terreur. Catherine les re­garde.)

GABY, dans un souffle. — Tu ne... veux pas dire que... c'est toi qui... aurais ?...

CATHERINE. — ...Qui aurais tué Papa ? Qui parle de tuer? (Triomphante.) PAPA N'A JAMAIS ETE MORT! (Elle éclate, de rire.) C'était ça, ma force à moi et ce qui me permettait de vous juger avec hu­mour ! Papa n'a jamais été mort... IL EST VIVANT ! Derrière sa porte! (Elle revit la scène de la nuit.) « Ah ! Papy! Non ! Ne pleure plus! Les dames de la famille n'en valent pas la peine... Ecoute, je vais organiser une représentation à ton bénéfice... Dis, est-ce que tu as vu jouer « Le Malade imaginaire » ? Non? Eh bien, dans «Le Malade imaginaire », le type fait le mort pour savoir ce que pensent sa fem­me, sa fille et toute la maison... Alors, regarde sur ton lit... je colle ce coupe-papier, genre poignard, dans le dos de ton pyjama... Je renverse de l'encre rouge partout... « Pauvre papa! II m'a d'abord re­gardée d'un drôle d'air ! Comme s'il faisait ma con­naissance! Puis il s'est mis à rire... mais à rire ! Ça lui a fait du bien de rire! Je lui ai dit : « Elles vont crever de peur, toutes. Je le jure... Alors j'ai monté contre -vous une énorme comédie macabre. J'ai téléphoné à Pierrette, coupé les fils du téléphone, endormi les chiens, détraqué la voiture, volé le revolver et les 500.000 francs de maman... J'ai subtilisé la clef de la chambre de papa, pour qu'on lui fiche la paix! Bref, j'ai tout réglé, tout prévu... Même un attentat contre moi ! Et vous avez marché! Il n'y a que Chanel qui, soudain, a eu un soupçon Tu as vu papa derrière sa fenêtre, hein, c'est ça? (Chanel acquiesce.) J'ai dû te faire peur. Excuse-moi, ma grosse, mais il fallait que tu te taises, que j'aille jusqu'au bout... Il fallait que toutes les vérités écla­tent, la maison ne fait pas le détail! (Folle de joie.) Oui, depuis ce matin, papa, bien vivant derrière cette porte et n'ayant pas perdu un mot de tout ce que vous avez raconté, papa, libéré de vous toutes, attend que sa petite Catherine l'appelle, pour que nous partions loin... très loin... tous les deux! (Elle crie vers la chambre.) Tu en as assez entendu, pa­pa ? Tu es convaincu ? Alors, j'arrive! (Elle sort la clef de sa poche.) La clef des champ! (Soudain, un coup de feu éclate derrière la porte. Le père vient de se suicider dans sa chambre. Catherine pousse un cri de bête blessée.) Papa! Non ! Non!... C'était pour rire ! (Elle parvient à la porte, ouvre avec la clef et reste pétrifiée devant le spectacle qui s'offre à ses yeux... Défigurée, elle dit aux femmes qui sont immobiles de frayeur.) Cette fois, c'est vraiment vous qui l'avez tué!

(On entend alors, soudain, des crissements de pneus, des portières qui claquent au loin, des coups de sifflet, la police arrive.)

LE RIDEAU TOMBE


Date: 2015-12-18; view: 380


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Acte III Scène XI Louise, Catherine, Suzon, Augustine, Gaby, Mamy, Pierrette | Mr and Mrs William Hallett (1785) exemplifies Gainsborough's mature style.
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