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LE CONTEXTE HISTORIQUE

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

 

Le rapport de l’expert

AFFAIRE DU DIFFÉREND

TERRITORIAL ET MARITIME

(NICARAGUA c. COLOMBIE)


LE CONTEXTE HISTORIQUE

Avant de devenir indépendant en 1821, le Nicaragua était une province coloniale sous souveraineté espagnole. Il forma par la suite avec le Guatemala, El Salvador, le Honduras et le Costa Rica la République fédérale d’Amérique centrale, également connue sous les noms de Provinces-Unies d’Amérique centrale et de Fédération d’Amérique centrale. En 1838, le Nicaragua, conservant son territoire, se retira de la République fédérale. Celle-ci se désintégra entre 1838 et 1840. Dans un traité en date du 25 juillet 1850, l’Espagne reconnut l’indépendance du Nicaragua.

Le territoire qui correspond à la Colombie actuelle était lui aussi sous souveraineté espagnole et faisait partie de la vice-royauté de Nouvelle-Grenade. En 1810, les provinces de la vice-royauté de Nouvelle-Grenade déclarèrent leur indépendance de l’Espagne. En 1819, la République de «Grande Colombie» vit le jour. Elle comprenait les territoires de l’ex-capitainerie générale de Venezuela et de la vice-royauté de Nouvelle-Grenade. En 1830, le Venezuela et l’Equateur firent sécession de la République de «Grande Colombie». En 1832, ce qui restait du territoire fut nommé République de Nouvelle-Grenade. Celle-ci fut renommée Confédération grenadine en 1858 et la Constitution de 1863 porta création des Etats-Unis de Colombie. Le 30 janvier 1881, l’Espagne et les Etats-Unis de Colombie conclurent un traité de paix et d’amitié. Aux termes d’une nouvelle constitution adoptée en 1886, les Etats-Unis de Colombie furent renommés République de Colombie. Les limites territoriales de cet Etat demeurèrent inchangées de 1830 à 1903, date à laquelle le Panama, dont le territoire faisait partie de la République de Colombie, fit sécession et devint un Etat distinct.

Le 15 mars 1825, les Provinces-Unies d’Amérique centrale et la Colombie signèrent le traité d’union, ligue et confédération perpétuelles. Aux termes de l’article VII de ce traité, les deux parties s’engageaient à respecter leurs frontières telles qu’elles existaient alors et à fixer ultérieurement la «ligne de démarcation ou de division» entre elles. Dans la période qui suivit, la côte des Mosquitos et l’archipel de San Andrés firent l’objet d’un certain nombre de revendications des deux Parties.

Un «traité de règlement territorial entre la Colombie et le Nicaragua» (dénommé ci-après le «traité de 1928») fut signé à Managua le 24 mars 1928. Il disposait en son préambule que «[l]a République de Colombie et la République du Nicaragua, désireuses de mettre un terme au conflit territorial pendant entre elles et de resserrer les liens traditionnels d’amitié qui les unissent, ont décidé de conclure le présent traité...»



Aux termes de l’article premier du traité de 1928: «La République de Colombie reconnaît la souveraineté pleine et entière de la République du Nicaragua sur la côte de Mosquitos, comprise entre le cap de Gracias a Dios et la rivière San Juan, et sur les îles Mangle Grande et Mangle Chico dans l’océan Atlantique (Great Corn Island et Little Corn Island). La République du Nicaragua reconnaît la souveraineté pleine et entière de la République de Colombie sur les îles de San Andrés, de Providencia, de Santa Catalina, et sur les autres îles, îlots et récifs qui font partie de l’archipel de San Andrés. Le présent traité ne s’applique pas aux récifs de Roncador, Quitasueño et Serrana, dont la possession fait actuellement l’objet d’un litige entre la Colombie et les Etats-Unis d’Amérique.»

Le 10 avril 1928, un échange de notes concernant le statut de Roncador, Quitasueño et Serrana eut lieu entre la Colombie et les Etats-Unis d’Amérique (dénommés ci-après les «Etats-Unis»). La Colombie s’engagea à «ne pas s’opposer à l’entretien par les Etats-Unis des aides à la navigation qu’ils avaient installées ou pourraient installer sur lesdites cayes» et les Etats-Unis s’engagèrent à «ne pas s’opposer à l’utilisation, par les nationaux colombiens, des eaux relevant des îles aux fins d’activités de pêche».

Les instruments de ratification du traité de 1928 furent échangés à Managua le 5 mai 1930. Les Parties signèrent à cette occasion un protocole d’échange des ratifications (dénommé ci-après le «protocole de 1930»). Il y était indiqué que le traité de 1928 avait été conclu entre la Colombie et le Nicaragua «pour mettre un terme à la question pendante entre les deux républiques au sujet de l’archipel de San Andrés et Providencia et de la côte de Mosquitos nicaraguayenne». Le protocole disposait que «[l]es soussignés, en vertu des pleins pouvoirs qui leur [avaient] été conférés et conformément aux instructions de leurs gouvernements respectifs, déclar[ai]ent que l’archipel de San Andrés et Providencia, mentionné à l’article premier du traité susmentionné, ne s’étend[ait] pas à l’ouest du 82e degré de longitude Greenwich.»

Dans une note diplomatique du 4 juin 1969 adressée au ministre nicaraguayen des affaires étrangères par l’ambassadeur de Colombie au Nicaragua, la Colombie protesta contre l’octroi par le Nicaragua de certaines concessions d’exploration et de certains permis de reconnaissance pétroliers, qui couvraient, selon elle, Quitasueño et les eaux environnantes ainsi que des zones maritimes s’étendant à l’est du 82e méridien.

S’agissant de Quitasueño, la Colombie faisait observer que le traité de 1928 mentionnait explicitement que les cayes de Roncador, Quitasueño et Serrana étaient en litige entre la Colombie et les Etats-Unis. Elle demandait au Nicaragua de «corriger l’erreur ou la méprise qui [avait] pu résulter de l’exercice d’actes de possession ou de disposition concernant un bien solennellement reconnu comme ne relevant pas de la juridiction ou de la souveraineté du Nicaragua». En outre, la Colombie «réservait formellement ... ses droits sur le territoire mentionné, ainsi que sur la zone maritime adjacente». S’agissant des zones maritimes où des concessions d’exploration pétrolière avaient été octroyées, elle faisait observer qu’aux termes du protocole de 1930 le 82e méridien constituait la frontière occidentale de l’archipel de San Andrés et Providencia. La Colombie affirmait qu’elle avait «des droits ... manifestes et incontestables sur cette zone [maritime]» qu’elle réservait formellement et espérait que le Nicaragua «[allait estimer] approprié et adéquat de révoquer les [concessions] ou de les modifier afin qu’elles ne dépassent pas les limites de la juridiction nationale nicaraguayenne et n’empiètent pas sur le domaine de la Colombie».

Dans une note diplomatique du 12 juin 1969 adressée à l’ambassadeur de Colombie au Nicaragua, le ministre des affaires étrangères du Nicaragua indiqua que son gouvernement étudierait attentivement la question du permis de reconnaissance pétrolière délivré pour la zone de Quitasueño, tout en réservant les droits du Nicaragua sur le plateau continental. En ce qui concerne les concessions d’exploration pétrolière, le Nicaragua affirmait que les zones en question faisaient partie de son plateau continental et que les concessions avaient par conséquent été accordées «de par les droits souverains qu[e le Nicaragua] exer[çait] pleinement et effectivement, conformément aux normes du droit international ». Quant à la mention du 82e méridien dans le protocole de 1930, le Nicaragua affirmait:

“Une simple lecture des textes ... révèle que cette disposition a pour objectif d’établir clairement et spécifiquement, de façon restrictive, l’étendue de l’archipel de San Andrés et ... ne peut d’aucune façon être interprétée comme délimitant les droits du Nicaragua ou créant une frontière entre les deux pays. Au contraire, [cette disposition] reconnaît et confirme que le Nicaragua a la souveraineté [pleine et entière sur le] territoire national dans cette zone”

Dans une note en réponse datée du 22 septembre 1969, le ministre colombien des affaires étrangères fit notamment «une déclaration officielle de souveraineté sur les zones maritimes situées à l’est du 82e méridien de Greenwich» en s’appuyant sur «[l]e caractère définitif et irrévocable du traité de frontières [de 1928]» et sur «[l]a précision apportée par le protocole ... [de] 1930, en ce sens que la ligne de séparation entre les zones ou régions maritimes respectives était fixée au 82e méridien de Greenwich». Il signalait également que le traité de 1928 avait exclu les cayes de Roncador, Quitasueño et Serrana «de toute négociation entre la Colombie et le Nicaragua».

 

En 1971, la Colombie et les Etats-Unis entamèrent des négociations concernant le statut de Roncador, Quitasueño et Serrana. Le 23 juin 1971, le ministre des affaires étrangères du Nicaragua envoya un mémorandum au département d’Etat des Etats-Unis dans lequel il réservait officiellement les droits du Nicaragua sur son plateau continental aux alentours de Roncador, Quitasueño et Serrana, et notait que son gouvernement considérait que ces bancs faisaient partie du plateau continental du Nicaragua. Il indiquait en outre que le Nicaragua ne pouvait pas accepter l’affirmation de la Colombie selon laquelle le 82e méridien, mentionné dans le protocole de 1930, fixait la ligne de séparation entre les zones maritimes respectives des deux Etats, étant donné que ce méridien constituait simplement la limite de l’archipel de San Andrés. Dans une note datée du 6 septembre 1971, le secrétaire d’Etat des Etats-Unis assura l’ambassadeur du Nicaragua à Washington que les Etats-Unis tiendraient compte des droits du Nicaragua sur le plateau continental.

Le 8 septembre 1972, la Colombie et les Etats-Unis signèrent le traité relatif aux statuts de Quitasueño, de Roncador et de Serrana (connu également sous le nom de traité Vásquez-Saccio et ainsi dénommé ci-après), dont le préambule indiquait que les deux Etats étaient «désireux de régler la question depuis longtemps en suspens du statut de Quita Sueño, de Roncador et de Serrana». L’article premier du traité disposait que «le Gouvernement des Etats-Unis renon[çait] à faire valoir toute prétention de souveraineté sur Quita Sueño, Roncador et Serrana». Chaque Etat convenait de ne pas porter atteinte aux activités de pêche de l’autre dans les eaux adjacentes à Quitasueño. En ce qui concerne Roncador et Serrana, le traité disposait que la Colombie garantirait aux nationaux et aux navires des Etats-Unis le droit de continuer à pêcher dans les eaux adjacentes à ces cayes.

Le jour même de la signature du traité Vásquez-Saccio, la Colombie et les Etats-Unis échangèrent des notes exposant leurs «positions juridiques concernant l’article premier d[u] traité ». Les Etats-Unis affirmaient que, pour leur part, ils estimaient notamment que «Quita Sueño étant constamment immergée à marée haute, cette formation ne se prêtait pas pour l’instant à l’exercice de la souveraineté» et que le traité de 1928 ne s’appliquait pas à Roncador, Quitasueño et Serrana. La Colombie indiquait, quant à elle, qu’elle considérait que «le statut physique de Quita Sueño n’[était] pas incompatible avec l’exercice de la souveraineté» et que, «suite à la renonciation par les Etats-Unis à la souveraineté sur Quita Sueño, Roncador et Serrana, la République de Colombie [était] le seul détenteur légitime d’un titre sur ces bancs et cayes, conformément au [traité de 1928 et au protocole de 1930] et au droit international ».

Le 4 octobre 1972, l’Assemblée nationale du Nicaragua adopta une déclaration officielle portant proclamation de la souveraineté du Nicaragua sur Roncador, Quitasueño et Serrana. Le 7 octobre 1972, le ministre des affaires étrangères du Nicaragua adressa au ministre des affaires étrangères de Colombie ainsi qu’au secrétaire d’Etat des Etats-Unis des notes diplomatiques dans lesquelles il protestait officiellement contre la signature du traité Vásquez-Saccio et maintenait que «les bancs situés dans cette [zone] ... f[aisaient] partie d[u territoire du Nicaragua] et ... [étaient] donc soumis à sa souveraineté». Le ministre ajoutait que son gouvernement ne pouvait pas accepter l’affirmation de la Colombie selon laquelle le 82e méridien, mentionné dans le protocole de 1930, constituait la ligne frontière entre les zones maritimes respectives des deux Etats, puisque cette assertion était contraire à la lettre et à l’esprit du protocole dont l’objet était clairement de préciser que l’archipel de San Andrés ne s’étendait pas à l’ouest au-delà du 82e méridien. Le ministre notait en outre que le concept de plateau continental n’était pas établi lors de la signature du traité de 1928 et du protocole de 1930 et que, par conséquent, le Nicaragua ne pouvait pas, à cette époque, avoir abandonné des droits qui n’étaient pas encore reconnus.

En juillet 1979, le gouvernement sandiniste arriva au pouvoir au Nicaragua. Le 4 février 1980, le ministre des affaires étrangères du Nicaragua publia une déclaration officielle et un «Libro blanco» (dénommé ci-après le «livre blanc») dans lequel le Nicaragua déclarait «la nullité et l’absence de validité du traité Bárcenas-Meneses-Esguerra [le traité de 1928] ... conclu dans un contexte historique qui disqualifiait en tant que gouvernants les présidents imposés par les forces américaines d’intervention au Nicaragua et qui violait ... les principes de la Constitution nationale en vigueur... » Le livre blanc admettait que «[b]eaucoup de temps s’[était] écoulé depuis le traité [de 1928]», mais il précisait que «le Nicaragua n’a[vait] recouvré sa souveraineté nationale que le 19 juillet 1979». Le 5 février 1980, le ministre colombien des affaires étrangères adressa une note diplomatique à son homologue nicaraguayen, dans laquelle il indiquait que son gouvernement rejetait la déclaration du 4 février 1980 comme «une revendication infondée qui [allait] à l’encontre de la réalité historique et enfrei[gnait] les principes les plus élémentaires du droit international public». Il affirmait aussi que, de l’avis de son gouvernement, le traité de 1928 «[était] un instrument valide, permanent et pleinement applicable à la lumière des normes juridiques universellement reconnues».

Entre 1976 et 1981, dans le cadre du processus de ratification du traité Vásquez-Saccio par les Etats-Unis, le Nicaragua et les Etats-Unis échangèrent à plusieurs reprises des notes diplomatiques concernant le statut de Roncador, Quitasueño et Serrana. Le 16 juillet 1981, les Etats-Unis adressèrent au Nicaragua un aide-mémoire intitulé «Position juridique des Etats-Unis», dans lequel il était notamment indiqué que les Etats-Unis n’avaient pas pris et n’envisageaient pas de prendre position quant au bien-fondé des revendications concurrentes de la Colombie et du Nicaragua sur Roncador, Quitasueño et Serrana. Le 17 septembre 1982, le traité Vásquez-Saccio entra en vigueur à la suite de l’échange des instruments de ratification entre la Colombie et les Etats-Unis.

Le nouveau gouvernement qui arriva au pouvoir au Nicaragua en 1990 et ceux qui suivirent ont maintenu, quant au sens de certaines dispositions du traité de 1928 et du protocole de 1930, la position qui avait été énoncée à partir de 1969 et, quant à la nullité du traité de 1928, la position exposée dans le livre blanc de 1980.

 

Le 9 juin 1993, des hélicoptères de l’armée de l’air colombienne interceptèrent deux navires de pêche nicaraguayens à proximité du 82e méridien et leur ordonnèrent de cesser leurs «activités de pêche illicites », puis, le 7 juillet 1993, les garde-côtes colombiens saisirent dans le même secteur un navire de pêche hondurien en possession d’un permis de pêche délivré par le Nicaragua. Dans des notes diplomatiques datées respectivement des 11 juin 1993 et 9 juillet 1993, qui étaient adressées au ministre colombien des affaires étrangères, le Nicaragua protesta contre ces actes de la Colombie qui, prétendait-il, avaient eu lieu dans les eaux nicaraguayennes, à l’ouest du 82e méridien. En réponse, dans une note diplomatique datée du 19 juillet 1993, le ministre colombien des affaires étrangères affirma que les navires de pêche se trouvaient à ce moment-là à l’est du 82e méridien et que, par conséquent, tous les événements en question s’étaient produits dans les eaux relevant de la juridiction colombienne. Dans une note diplomatique datée du 26 juillet 1993, le ministre des affaires étrangères du Nicaragua affirma que, même si les navires avaient été situés aux coordonnées indiquées par la Colombie, ils ne s’en seraient pas moins trouvés dans les eaux nicaraguayennes, ajoutant que la revendication colombienne de souveraineté sur ces eaux était «totalement irrecevable et dépourvue de fondement». Plusieurs événements similaires, ayant donné lieu à des saisies de navires tant par la Colombie que par le Nicaragua, se sont déroulés entre 1995 et 2002.

En 1977, 1995 et 2001, de hauts fonctionnaires des ministères des affaires étrangères du Nicaragua et de la Colombie ont tenu des réunions consacrées aux points en litige opposant les deux Etats. Les Parties sont en désaccord quant à la teneur et à la portée de ces entretiens.


 


Date: 2015-12-17; view: 388


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