Home Random Page


CATEGORIES:

BiologyChemistryConstructionCultureEcologyEconomyElectronicsFinanceGeographyHistoryInformaticsLawMathematicsMechanicsMedicineOtherPedagogyPhilosophyPhysicsPolicyPsychologySociologySportTourism






Les contraintes du récit

L’événement ayant été sélectionné (selon des critères de saillance [10]), il s’agit pour le journaliste de rapporter les faits de la façon la plus précise possible, avec, comme on le dit en narratologie, un point de vue de narrateur externe qui tenterait de décrire fidèlement la succession des faits, et de mettre en évidence (ou à suggérer quand il n’en a pas la preuve) la logique d’enchaînements entre ceux-ci. Il en est de même pour l’activité qui consiste à rapporter des paroles, des déclarations, des discours et les réactions qui s’ensuivent. La mise en scène de ce que l’on appelle le discours rapporté devrait également satisfaire à un principe de distance et de neutralité qui oblige le rapporteur journaliste à s’effacer, et dont la marque essentielle est l’emploi des guillemets encadrant le propos rapporté. C’est là encore se soumettre à l’enjeu de crédibilité.

On peut alors se demander pourquoi ce récit ne peut prétendre à avoir la qualité d’un récit historique. Tout d’abord, en raison de son rapport au temps. Le temps de l’histoire n’est pas celui des médias. Les événements rapportés par les médias doivent faire partie de « l’actualité », c’est-à-dire d’un temps encore présent, considéré nécessairement comme tel, car il est ce qui définit (fantasmatiquement) « la nouvelle ». Celle-ci a donc une existence en soi, autonome, figée dans un présent de son énonciation. Les événements dont s’occupe l’histoire appartiennent à un passé qui n’a plus de connexion avec le présent et dont l’existence dépend d’un réseau événementiel que l’historien doit ordonner et rendre cohérent. Le temps des médias n’a pas d’épaisseur, alors que celui de l’histoire n’est qu’épaisseur, et l’événement qui se trouve dans le premier est comme un îlot perdu dans un espace archipélique dépourvu de tout principe de cohérence.

De cette différence temporelle, il résulte que l’événement médiatique prétend se présenter à l’état brut dans sa pure authenticité : « Je vous dis ce qui vient de surgir tel quel dans le monde ». Quant à l’explication causale qui suit, elle n’a qu’une seule dimension, celle d’un avant immédiat dont on ne sait si c’est seulement un avant dans l’ordre de la succession des faits ou d’un avant origine et cause. L’événement historique, lui, n’est jamais présenté à l’état brut, il est une catégorie résultant d’une reconstruction explicative complexe à deux dimensions, un avant et un après en relation de causalité, dans laquelle interviennent un ensemble de « causes finales, des causes matérielles et des causes accidentelles » [11]. Cela explique que le récit historique apporte une explication interprétative considérée comme provisoire, ce dont est dépourvu le récit médiatique.




Date: 2015-12-11; view: 600


<== previous page | next page ==>
Le dispositif et le contrat médiatique | Les contraintes de l’explication
doclecture.net - lectures - 2014-2024 year. Copyright infringement or personal data (0.006 sec.)