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La restructuration du système productif

 

Le rééquilibrage intersectoriel s’accompagne d’une restructuration du système productif, au détriment de l’artisanat (Lescent-Giles, 1997). Vers 1850, l’usine domine dans les secteurs où l’investissement fixe est élevé (métallurgie, mine, chimie, verreries, brasseries) et dans le textile (voir chapitre 6). A partir de cette époque, de nouveaux industriels (clouterie, révolutionnée par l’arrivée de machines américaines vers 1860) entrent dans le factory system. Si, dès 1871, plus de 23000 usines emploient 2 millions de personnes contre 535000 seulement dans près de 110000 ateliers traditionnels, le processus est loin d’être achevé en 1914. Dans l’East End de Londres, quartier situé à l’Est de la City, abritant les docks et où se trouve l’essentiel de main-d’œuvre ouvrière londonienne, un recul deu travail en usine se produit au profit de l’atelier à domicile, moins coûteux, dans des secteurs comme la chaussure, l’habillement et la chapellerie.

 

Jusqu’en 1914, les PME continuent de dominer le tissu industriel britannique : en 1880, les 100 plus grandes sociétés britanniques fournissent moins de 10% de la production totale, et, en 1907, pas plus de 17%. Exceptionnelle, la grande entreprise se concentre dans les secteurs les plus capitalistique : brasserie, chantiers navals, chimie, métallurgie, mines et textile. Dans les chantiers navals, toujours en 1907, les entreprises emploient en moyenne 570 ouvriers entre 219 dans la sidérurgie, 177 dans les usines de coton, mais 6 dans la chaussure et 5 dans l’habillement. A partir de 1880, l’on assiste à un accroissement modéré de la taille, des entreprises et à l’apparition de quelques géants industriels. Dans les charbonnages et l’industrie, les capitaux fixes augmentent en moyenne de 45% de 1885 à 1915. Quelques firmes géantes naissent d’une stratégie de concentration horizontale, souvent dans le but de mieux contrôler les prix et les parts de marchés : 1888, création du Salt Union, par fusion de 64 salines et exerçant un quasi monopole sur les ventes de sel au Royaume-Uni ; 1891, formation de l’United Alkali, par réunion de 48 fabricants de soude utilisant le procédé Leblanc ; 1906, constitution d’un Soap Trust par William Lever, à partir de 11 savonneries et contrôlant 60% de la production et des ventes de savon, en 1910. Les tentatives d’entente sur les prix ou de partage de marché échouent le plus souvent.

 

Les services sont moins affectés par le mouvement de concentration. La près petite entreprise domine, hormis quelques rares exceptions. Dans le commerce de détail, naissent les premiers department stores (ou grands magasins), tels John Lewis, Peter Jones ou Selfridges. Les premières chaînes de distribution se constituent dans l’épicerie (Lipton) et la pharmacie (Boots). Thomas Lipton a ouvert sa première épicerie en 1872 ; en 1898, il contrôle 242 points de vente dans tout le Royaume-Uni. Ces grandes unités restent des exceptions : en 1910, moins de 10% du commerce de détail passe par les grands magasins et les chaînes. Dans le secteur financier, le mouvement de concentration touche pour l’essentiel la banque de dépôt. Entre 1862 et 1914, les établissements bancaires développent des réseaux nationaux, tantôt par croissance interne (ouverture de nouvelles branches), tantôt par croissance externe (rachat d’autres banques) (Cassis, 1987). Le mouvement de fusion atteint son maximum entre 1890 et 1902 : sept fusions bancaires par an en moyenne entre 1862 et 1889, mais onze de 1890 à 1902. Lloyd Bank rachète trente-trois banques durant la période 1890-1914 et multiplie par trois entre 1897 et 1913 le nombre de ses agences. En 1913, elle dispose du second réseau bancaire, avec 639 agences en 1913, contre 725 à la Midland Bank. Dans le reste du secteur tertiaire, la petite taille prédomine.



 

La plupart des grandes sociétés demeurent sous le contrôle du capitalisme familial. En dépit de la réforme progressive du droit des sociétés (voir chapitre 6), la spécificité de la législation britannique demeure sa permissivité. Plutôt que la défense des actionnaires, elle privilégie la liberté d’entreprise, ouvrant le champ libre à des entrepreneurs peu scrupuleux. Même si l’opinion réclame des contrôles plus strict, le code des sociétés de 1907 introduit peu de changements par rapport à celui de 1862. Avec la nouvelle législation, les entrepreneurs peuvent dissocier le capital de l’entreprise de leurs biens propres et bénéficier de nouvelles sources de financement. Après 1880, le nombre de sociétés à responsabilité limitée s’élève rapidement : 500 de 1880 à 1885. Certaines deviennent des public companies : de 1885 à 1907, le nombre de sociétés industrielles cotées à la Bourse de Londres s’élève de 60 à 600. Nombre d’autres sont cotées dans les bourses de province, surtout Birmingham et Manchester. Néanmoins, en 1914, 80% des sociétés par action demeurent des private companies, non cotées en bourse. Même celles qui le sont demeurent aux mains de leurs anciens propriétaires, qui contrôlent soit la majorité des actions, soit celle des droits de vote. Cette domination du capitalisme familial a été souvent évoquée comme explication par le Royaume-Uni de la perte de sa domination technologique après 1860. En réalité, les entreprises les plus innovantes sont souvent des firmes familiales (Lever, GKN, Cadbury’s, Boots, etc.). Enfin, l’industrialisation britannique s’accompagne d’une internationalisation croissante, ouvrant la voie à la création des multinationales. L’on peut dès lors s’interroger sur le rôle des entrepreneurs et sur les conséquences sociales de ces mutations économiques.

 

 


Date: 2015-12-11; view: 819


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