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Un redéploiement insuffisant des ressources

 

Deux des trois piliers de la révolution industrielle britannique, textile et charbon, sont vraiment en crise des années 1880 à 1914. Le textile souffre de la conjonction de trois facteurs : la montée de la concurrence internationale (France, Allemagne, Etats-Unis, mais aussi Inde, dans la région de Bombay, grâce au coût très faible de la main-d’œuvre), l’introduction de barrières douanières qui ferment certains marchés (Allemagne, Etats-Unis) et la conjoncture défavorable des années 1873-1896. Production et exportations diminuent, non en volume, mais en valeur, en raison de la chute, puis de la stagnation des prix. Les marges des entreprises se réduisent. Elles licencient et parfois déposent leur bilan. Le chômage provoque l’effondrement du marché intérieur, l’arrêt des investissements et l’accentuation du retard technologique.

 

Dans les charbonnages, les prix s’effondrent aussi, sous la pression de la concurrence étrangère. La diminution des mages bénéficiaires ne peut être compensée par un volume accru de ventes. Si une reprise s’amorce à partir du début du XXe siècle, l’expansion de la production et des emplois s’effectue au détriment de la productivité. La mécanisation des mines est très en retard, au Royaume-Uni, par rapport à l’Allemagne ou aux Etats-Unis, pour des raisons géologiques, mais aussi de l’attitude des propriétaires et des syndicats. Parce que les charbonnages et le textile continuent d’absorber une partie importante des ressources humaines et financières du Royaume-Uni. Le redéploiement au profit d’autres industries plus dynamique demeure insuffisant, d’où le freinage de la croissance du PNB.

 

La sidérurgie et les constructions navales, portées par l’essor du BTP et des constructions mécaniques pour la première, par l’essor rapide du commerce international pour les secondes, apparaissent comme des industries anciennes plutôt performantes. Cependant, elles affrontent, de 1860 à 1890, une crise de reconversion engendrée par la « Grande dépression » et la succession des révolutions techniques. Dans les chantiers navals, le fer et l’acier se substituent au bois pour la construction des coques et la vapeur, puis le moteur diesel, remplacent, non sans mal, la voile : en 1879, seuls 10% des bateaux lancés par les chantiers de la Clyde, près de Glasgow, sont en acier, mais 97% en 1889. Les chantiers navals doivent se rééquiper plusieurs fois de 1880 à 1914, alors que la baisse des taux de fret compromet la rentabilité de l’investissement. La demande de nouveaux navires se réduit, parce que les vapeurs deviennent plus rapides et l’ouverture du canal de Suez réduit les distances parcourues. De plus, certains gouvernements subventionnent leurs chantiers navals afin de compenser l’avantage coût dont bénéficie la Grande-Bretagne. Les chantiers navals britanniques maintiennent leur suprématie mondiale et leur avance technologique : de 1880 à 1914, ils livrent de 60 à 80% du tonnage mondial.



 

Dans la sidérurgie, les techniques sont révolutionnées par la mise au point de différents procédés de fabrication de l’acier (Bessemer en 1856, Siemens-Martin en 1861, Thomas-Gilchrist en 1879), puis du four à arc électrique au début du XXe siècle. Avec l’adoption de l’acier, plus résistant, en remplacement du fer pour la fabrication des rails, la demande de rails de remplacement se réduit au moment où se ralentit la construction de voies ferrées. Les producteurs américains et allemands concurrencent avec de plus en plus de succès leurs homologues britanniques. La crise résulte d’abord de l’effondrement des prix (-66% pour le fer de 1873 à 1883) et non d’une contraction de la demande. La production d’acier quadruple pendant la « Grande dépression ». La production de rails et celle d’acier retrouvent, à partir de la seconde moitié des années 1890, une prospérité relative, accompagnée de faillites nombreuses et d’une modernisation de l’outillage et des techniques de production. L’armement fait également partie des industries anciennes dynamiques.

 

Si les industries nouvelles issues de la seconde révolution industrielle se développent aussi, seule l’industrie des constructions mécaniques, de l’automobile et des cycles connaît un essor spectaculaire. Le Royaume-Uni se laisse donc dépasser par l’Europe continentale et les Etats-Unis. Le retard apparaît catastrophique dans le secteur des machines-outils, dominé par les Allemands et surtout les Américains, qui bénéficient d’un quasi monopole sur les engins agricoles et miniers. Plus grave encore est la situation dans la chimie et les constructions électriques. Les firmes allemandes dominent la chimie organique. Dans leurs laboratoires s’élaborent la plupart des colorants synthétiques destinés à l’industrie textile, bien que le principal marché se trouve en Angleterre. Plus encore, ces techniques ne se diffusent pas en Grande-Bretagne, où leur production demeure extrêmement faible. La Grande-Bretagne souffre d’une pénurie de chimistes professionnels. Malgré la fondation de la Society of Chemical Industry en 1881 et les travaux d’Armstrong au Central Technical College, la chimie demeure en 1914 un secteur sous-développé.

 

En matière de constructions électriques le Royaume-Uni souffre de son industrialisation précoce : les Britanniques veulent rentabiliser les investissements effectués par eux dans la technologie du gaz de 1830 à 1880. Ils tardent à le remplacer par l’électricité dans l’éclairage urbain. Le Royaume-Uni pâtit aussi de la pénurie d’ingénieurs électriciens. A partir de 1860, nombreux sont ceux qui réclament une refonte du système éducatif, mais les premières mesures concrètes n’interviennent pas avant les années 1890. Toutefois, naissent des organismes professionnels ayant pour mission le développement des sciences et de la technologie. Créé en 1869, l’Iron and Steel Institute ouvre la voie à des instances similaires dans le secteur des mines et de l’engineering (constructions mécaniques et métalliques). En 1887 naît l’Association pour le Développement de l’Education Technique, puis, en 1901, l’Engineering Standards Committee, qui vise à développer la formation professionnelle, codifier le métier d’ingénieur et harmoniser les normes. De son côté, le gouvernement crée plusieurs centres de recherche et d’enseignement comme The Imperial College of Science and Technology en 1909. Se fondent aussi les nouvelles red brick universities, plus tournées vers l’enseignement scientifique. Cet effort ne donne de résultats qu’après la première Guerre mondiale. Dans quelques industries néanmoins, le Royaume-Uni bénéficie d’une avance technologique certaine : pharmacie, imprimerie, brasserie, savonnerie, agro-alimentaire. Il bénéficie de l’esprit d’innovation de quelques firmes : les brasseurs Bass et Guinness, les savonniers, Lever et Beecham, les chocolatiers Cadbury et Rowntree.

 

Si le Royaume-Uni perd sa première place industrielle entre 1880 et 1914, il demeure parmi les trois ou quatre premiers producteurs mondiaux dans la plupart des secteurs. Aucun pays n’est à ce point présent parmi les trois premiers producteurs mondiaux dans un aussi grand nombre de branches. L’Allemagne dépasse le Royaume-Uni dans la chimie ou la sidérurgie, mais est distancée dans le textile et l’automobile. Les Etats-Unis bénéficient d’une avance technologique dans les charbonnages et les machines-outils, mais sont très en retard pour les constructions navales. Le Royaume-Uni surtout est le premier pays à entrer dans l’économie de services. A partir des années 1880, se produit une forte croissance de la distribution, des professions libérales et des services financiers. Se développent à Londres et dans les grandes villes britanniques les activités de bourse, de banque et d’assurance. La City de Londres (Cassis, 1987) rassemble des banques d’affaires, le Stock Exchange, des marchés de matières premières (Metal Exchange) et la Lloyd, qui bénéficie d’un quasi monopole de l’assurance maritime. L’industrialisation favorise aussi l’essor des banques de dépôts. Entre 1880 et 1914, se généralisent des méthodes financières plus élaborées, comme le règlement par chèque. Les Lloyd et Midland banks mettent en place de vastes réseaux d’agences sur la majeure partie du territoire anglais.

 

L’élévation du niveau de vie moyen de la population autorise le développement de nouveaux secteurs d’activité. Le tourisme balnéaire doit son essor à la démocratisation du train et du tramway. Il en va de même des professions de santé ou de la presse populaire. L’économie britannique se tertiairise :

 

Tableau 4 – La tertiairisation de l’économie britannique des années 1870 à 1914

 

1/ Répartition par secteurs de la population employée en Grande-Bretagne (en % de la population employée totale, d’après Deane et Cole, 1969)

 

 
Agriculture (a)
Industrie, mines et bâtiment
Tertiaire, dont :
-Commerce et transports
-Services domestiques et personnels
-Services de l’Etat, professions libérales, divers

 

2/ Répartition du revenu national de la Grande-Bretagne (en % du revenu national total aux prix courants de chaque année, d’après Deane et Cole, 1969)

 

 
Agriculture (a)
Industrie, mines et bâtiment
Tertiaire, dont : -Commerce et transports -Services domestiques et personnels -Logement -Revenus de l’étranger -Services de l’Etat, professions libérales, divers

(a) y compris pêches et forêts.

 

Dès 1914, près de la moitié des emplois sont dans le secteur des services, contre le tiers vers 1860. A partir du début du XXe siècle, le tertiaire contribue plus que l’industrie au revenu national. Ce rééquilibrage de l’économie au profit de tertiaire constitue l’une des clefs du ralentissement de la croissance britannique (vide supra).

 

 


Date: 2015-12-11; view: 940


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