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La réforme bancaire de 1844 et ses conséquences

 

Dès la fin du XVIIIe siècle, la Grande-Bretagne possède un système bancaire beaucoup plus développée et évolué que celui des autres pays. L’on n’y observe donc pas de révolution bancaire à partir du milieu du XIXe siècle, avec l’émergence soudaine et massive de grandes banques organisées en sociétés anonymes par actions comme ailleurs en Europe occidental. A la veille de la réforme de 1844, la structure bancaire britannique comporte trois étages. Au sommet, se trouve la Banque d’Angleterre, un établissement privé, fondé en 1694, mais lié intimement à l’Etat, dont elle a reçu différents privilèges, dont celui d’être la seule banque en SA de toute l’Angleterre, son monopole ne s’étendant pas à l’Ecosse. Elle est avant tout la banque de l’Etat anglais, dont elle gère une grande partie des disponibilités en même temps que la dette publique et à qui elle fait des avances à court terme. Elle évolue progressivement, depuis 1815-1833 vers une véritable banque centrale, dont ce premier devoir est d’assurer la stabilité et le bon fonctionnement de l’ensemble du système bancaire plutôt que de maximiser les dividendes de ses actionnaires

 

Au second étage, se trouvent les banques de Londres : une centaine au total, toutes en partnerships et fréquemment étrangères (Nathan Rothschild). Elles exercent des fonctions variées et spécialisées : dans le West End, elles s’adressent à la noblesse et la gentry ; quant à celles de la City, les plus nombreuses, elles se consacrent au crédit commercial (escompte) et aux prêts à très court terme, notamment au profit des agents de change opérant au Stock Exchange. Certains sont spécialisés dans la financement du commerce international, d’autres agissent en tant que correspondant à Londres des banques provinciales. Au troisième, interviennent les country banks (ou banques commerciales), la grande originalité du système anglais, mais récentes le plus souvent. Le plupart sont de petites affaires, au capital réduit et de rayonnement purement local. Elles jouent cependant un rôle très important dans l’économie effectuent dépôts, prêts, escompte de traites sur Londres et émission de billets. Ce système financier apparaît déjà très intégré, grâce à la Banque d’Angleterre, mais aussi aux bill-brokers, apparus vers 1800 et servant d’intermédiaires entre banquiers de régions industrielles (déficitaires en capitaux) et des régions agricoles (excédentaires). De ce fait, Londres devient la plaque tournant d’un flux de capitaux à court terme, allant des régions en surplus (Sud et Ouest), vers celles déficitaires (Midlands, Nord). Ces bill-brokers s’ajoute au système de l’agency des banques de Londres pour pallier l’absence de succursales provinciales de la Banques à réseau d’agences. A partir de 1825, les bill-brokers, devenus discount houses, reçoivent d’abondants capitaux à court terme des banques de Londres et peuvent donc escompter pour eux-mêmes.



 

Ce système élaboré souffre cependant d’un certain nombre de faiblesses. Il exagère les fluctuations cycliques, parce que les banquiers oublient la nécessité de maintenir un rapport raisonnable entre leurs engagements et leurs réserves liquides, d’où le krach et le run (la ruée des clients en mal de remboursement). Chaque crise économique entraîne ainsi de nombreuses faillites de country banks. Pour Peter Mathias, c’est la législation bancaire anglaise qui maximise l’instabilité (Mathias, 1983) alors que pour W.H.B. Court, l’organisation du crédit est en retard sur la production. Les milieux d’affaires et politiques sont sensibles à ces faiblesses et déficiences du système bancaire, d’où la recherche d’un principe simple capable d’inspirer le contrôle de la monnaie et du crédit. Ce débat a été ouvert en 1809 par David Ricardo et le Bullion Committee (Comité d’enquête parlementaire). Selon leur analyse, la dépréciation de la livre papier résulte uniquement d’émissions fiduciaires excessives de la Banque d’Angleterre. Ils réclament le retour quasi-immédiat à la convertibilité-or des billets. En 1821, la Grande-Bretagne revient à la convertibilité-or, à la même parité qu’avant-guerre, d’où une sévère déflation. La loi de 1826 interdit d’ailleurs aux country banks d’émettre des billets inférieurs à 5 livres et autorise la Banque d’Angleterre à ouvrir des succursales en province.

 

La loi de 1826 autorise aussi la fondation de banques organisées sous forme de sociétés par action (joint-stock banks), auparavant prohibées, sauf en Ecosse. Ces joint-stock banks ne le sont à Londres qu’en 1833, à la condition de ne pas y pratiquer d’émissions fiduciaires. Elles se heurtent en effet à l’hostilité des banques privées et de la Banque d’Angleterre. Le premier naît à Londres en 1834, la London and Westminster Bank. Mais en 1844, l’on n’en compte encore que cinq à Londres. De plus, elles ne peuvent pratiquer l’escompte qu’en 1854. Sous le règne de Victoria, ces joint-stock banks éliminent progressivement les banques privées, car elles sont plus puissantes (plus de capitaux), plus solides, plus stables, pas nécessairement plus prudentes. Si elles dynamisent le système bancaire, facilitant l’expansion du crédit et la baisse des taux d’intérêt, elles ne mettent pas fin aux crises. Se développe ainsi une âpre controverse entre économistes. D’accord sur la nécessité de concentrer les émissions aux mains de la Banque d’Angleterre, il se divisent sur la méthode. Les tenants de la Banking School (Thomas Tooke) veulent laisser aux banquiers le contrôle de l’offre de monnaie, qui doit être fourni « en proportion des besoins du commerce. Le législateur doit laisser leur liberté d’action aux banquiers. Les adepter de la Currency School (Lord Overstone) se fixent pour objectif premier le maintien de la valeur de la monnaie. Il faut donc imposer une relation fixe entre encaisse métallique de la Banque et obligations émisses sous forme de billets.

 

Le Bank Charter Act de 1844 naît de ce qu’un comité d’enquête parlementaire se rallie aux vues de la Currency School, conformes à la vision des dirigeants de la Banque d’Angleterre. Ces conclusions sont acceptées par le Premier Ministre, Sir Robert Peel. Il s’agit de décourager et restreindre les émissions par les country banks. Aucune banque émettrice ne pourra le devenir. Celles qui ont le droit d’émission sont encouragées à y renoncer. Les émissions des banques autorisées ne pourront dépasser la moyenne des début de 1844. Une fois qu’une banque émettrice aura suspendu ses émissions, elle n’aura pas le droit de les reprendre. Les billets des banques de province disparaissent progressivement de la circulation. Dès 1840 d’ailleurs les billets de la Banque d’Angleterre constituaient plus des trois quarts de la circulation fiduciaire. La Banque d’Angleterre fait l’objet de restrictions. Ses départements émissions et banques sont strictement séparés. De plus, les émissions de billets de la Banque sont limitées : au delà d’un montant de 14 millions de livres, toute émission supplémentaire doit être couverte à 100% par l’encaisse-or. Le Bank Charter Act est très vite respecté intégralement. Mais l’Act est déjà en partie anachronique : la controverse entre Currency et Banking Schools se focalise sur la question des émissions de billets de banque en ignorant que leur importance pour l’économie est déjà en déclin. Néanmoins le Bank Charter Act demeure le fondement juridique du système bancaire britannique jusqu’en 1914.

 

Après 1844, le système bancaire britannique devient plus cohérent et stable. En premier lieu, la Banque d’Angleterre s’adapte à son rôle de Banque centrale. Elle se retire du marché de l’escompte, déjà peu recherche » par elle, au profit des discount houses et des banques commerciales. Après 1846, elle se place au dessus du marché monétaire et non en concurrence avec lui, maintenant le Bank rate nettement au dessus des taux prévalant sur le marché, sauf en période de crise. Elle exerce désormais une fonction de régulation. Jusqu’en 1847, elle opère plutôt par rationnement quantitatif du crédit. Après cette date, elle accroît la Bank rate chaque fois qu’elle perd de l’or. Mais jusqu’en 1857, elle commet de nombreuses erreurs dans le management de ses réserves. Après 1857, elle fait montre d’une habilité croissante à prévoir et affronter les crises : de 1866 date la dernière des paniques bancaires. A partir de 1873, elle recourt désormais à l’open market, reposant sur une contraction ordonnée du crédit et de la monnaie. La Banque d’Angleterre parvient ainsi à faire fonctionner efficacement le système de l’étalon-or : quand les liquidités manquent à Londres, il suffit d’une hausse du Bank rate.

 

En même temps, les joint-stocks banks poursuivent leur essor. Une loi de 1858 étend aux banques les facilités pour obtenir la responsabilité limitée accordée aux autres sociétés par la loi de 1856 et le nombre de Banques privées décroît de façon sensible, absorbées par les joint-stocks banks, dont, ultérieurement, les plus grandes absorbent la plus petites. Hormis en Ecosse, où, depuis 1864, il n’existe plus que treize banques par actions, le processus demeure lent jusqu’en 1890, même si les joint-stock banks créent des agences dès 1830 en Lancashire et deviennent très active au cours des décennies 1840 et 1850. Toutes ces banques sont des banques commerciales, des clearing banks (ou banques de dépôts), qui reçoivent des dépôt de leur clientèle locale et emploient leurs fonds en prêts à court terme aux entreprises et, dans une moindre mesure, les investissent en fond d’Etat ou les utilisent en lettres de change (crédit commercial). Les méthodes changent peu, mais le déclin de la lettre de change s’accompagne d’un développement très rapide des dépôts en banque, du chèque et du virement. A partir du dernier tiers du XIXe siècle, les dépôts bancaires l’emportent de plus en plus sur l’ensemble numéraire + billets de banque + lettre de change.

 

L système bancaire britannique demeure caractérise par la spécialisation. Les merchant banks deviennent de plus en plus des accepting houses, parce que l’une de leur principale fonction consiste en l’acceptation des lettres de change tirées de ou sur l’étranger. Elles travaillent aussi à fournir des crédits à long terme, notamment en plaçant les émissions d’actions ou d’obligations des sociétés britanniques ou non opérant outre-mer ou les titres de rente des gouvernements étrangers ou colonies. Ces merchant banks ont une activité essentiellement internationale. Elles forment l’aristocratie de la cité, bien que parfois aux mains de banquiers d’origine étrangère (Barings, Rothschilds). C’est dans ce cercle étroit que sont choisis le Gouverneur et les directeurs de la Banque d’Angleterre. Les discounts houses survivent. Mais elles doivent se reconvertir avec le déclin des inland bills (lettres de change intérieur), marché qu’elles dominent jusqu’en 1851, d’autant plus que leur prestige souffre du krach spectaculaire de la première d’entre elles, Overend and Gurney (1866). En effet, le marché de l’escompte de Londres s’oriente vers le financement du commerce international (foreign bills). Sur la place de Londres les capitaux étrangers cherchent un emploi rémunérateur à court terme. Les discount houses retrouvent ainsi, sur le plan international, leur rôle d’intermédiaire et développent un marché à vue pour fonds d’origine internationale.

 

Londres développe beaucoup son activité de centre financier mondial dans la seconde moitié du XIXe sicèle. Les banquiers étrangers viennent s’établir à Londres. De nombreuses banques étrangères ou des colonies britanniques y ouvrent des agences. Surtout, après les lois de 1858 et 1862, apparaissent les Anglo-foreign banks, des établissements ayant leur siège social à Londres et dont les opérations se déroulent outre-mer : tel est le cas des Anglo-Indian banks (à partir de 1842, elles opèrent le change), dont les activités se développent jusqu’en Chine. Dans les années 1860, se constituent de nombreuses finance companies, des banques d’affaires ou filiales de celle-ci, parfois en lien avec des banques françaises (Crédit mobilier). Parmi elles l’on trouve aussi des entreprises spéculatives, voire douteuses (Egypte). La plupart font faillite pendant la crise de 1866. Au total, ces finance companies constituent un secteur modeste.

 


Date: 2015-12-11; view: 891


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