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Le rôle de la technologie

 

Les apports entre science et technologie durant la révolution industrielle font l’objet d’une controverse. Pour les uns (Maurice Daumas), l’influence de la science sur les techniques ne commence qu’après la révolution industrielle, pour d’autres (E. Musson), il y a eu collaboration fructueuse entre industriels et savants. La réalité apparaît plus nuancée. Dans le textile, ces premières innovations viennent d’artisans soucieux d’améliorer leurs métiers, c’est-à-dire de « bricoleurs ingénieurs » (John Kay, Richard Arkwright), mais la chimie suppose beaucoup plus de connaissance. Les recherches récentes insistent cependant sur la culture scientifique des industriels et sur l’ampleur des contacts entre scientifiques et praticiens. En particulier, les échanges entre savants et industriels se développent au sein de nombreuses sociétés scientifiques, provinciales (Lunar Society of Birmingham) ou nationales (Royal Society ou Society of Arts), selon un modèle qui se développe ensuite en France, en Prusse, en Russie et en Suède. Parmi les innovateurs, l’on trouve un grand nombre de dissidents : Ecossais presbytériens (James Watt), quakers (Abraham Darby) ou baptistes (Thomas Newcomen). En effet, l’éducation et l’enseignement non-conformistes sont plus tournés vers les études modernes, en particulier les mathématiques : particulièrement important est le rôle de l’Université de Glasgow. Les non-conformistes constituent ainsi la fraction la plus instruite de la classe moyenne. En définitive, si le savoir scientifique ne participe qu’assez peu à la révolution des grands problèmes techniques, il ne faut pas mésestimer la part de l’empirisme dans la révolution industrielle (technical skill). Ce qui a permis l’épanouissement des innovations, c’est moins un savoir scientifique qu’une attitude scientifique, fondée sur l’observation, l’expérimentation systématique, la mesure et la croyance au progrès (Peter Mathias).

 

En effet, la pression de l’économie joue un rôle sans doute plus déterminant pour le progrès technique que la diffusion de la science. Il s’ensuit la fréquence des duplications de l’invention : François Bourdon et James Nasmyth conçoivent en même temps le marteau-pilon. Si les inventeurs obéissent à des motivations complexes (curiosité scientifique, volonté de promotion sociale, apparaît du gain), la diffusion des inventions dépend avant tout des conditions économiques. En conséquence de quoi, une invention ne développe que si elle répond à un besoin. Elle n’est pas forcément bonne en soi, car dans un premier temps un nouveau procédé donne parfois un produit de qualité inférieure (fonte au coke par rapport à la fonte au bois). L’industriel n’adopte donc un nouveau procédé que s’il lui permet de réduire ses coûts, d’accroître ses profits et de renforcer sa position sur le marché. De ce fait, la plupart des innovations économisent du travail (labour saving) et sont plus coûteuses en capital (capital intensive). C’est pourquoi les innovations sont adoptées non obligatoirement à l’occasion d’investissements net supplémentaires, mais dans une large mesure lors d’opérations de renouvellement des équipements (François Caron).



 

A partir de la première moitié du XIXe siècle, la créativité britannique semble s’essouffler. L’une des causes essentielles réside sans doute dans l’absence de formation technologique. En effet, en Grande-Bretagne, sauf en Ecosse, les universités apparaissent aussi traditionnelles qu’en France. L’on compte peu de grandes écoles (1845, Ecole royale de Chimie, 1851, Ecole des Mines). Les ingénieurs se forment sur le tas ou dans des instituts de mécanique, d’un niveau peu élevé : les premiers sont fondés en 1824 par Georges Birkhead. Un autre facteur contribue à ce déclin relatif : l’importance des transferts de technologie. Jusque vers 1830, les hommes constituent le principal vecteur des transferts : de nombreux Etats, dont la France, font appel aux entrepreneurs, techniciens et ouvriers britanniques. Toutefois, jusqu’en 1825, la sortie d’ouvriers qualifiés demeure interdite par le gouvernement britannique. Si les guerres de la Révolution et de l’Empire coupent le continent de son modèle technologique, après 1815, les voyages sont de plus en plus nombreux. Durant le premier tiers du XIXe siècle, la Belgique apparaît comme le principal relais pour le transfert en Europe de la technologie britannique (John Cockerill). En effet, à partir de 1830-1840, le transfert devient plus aisé : la Grande-Bretagne ne cherche plus alors à empêcher l’exportation technologique.

 

Si les transferts de technologie se poursuivent durant la première moitié du siècle, c’est que l’Angleterre conserve une avance certaine. Tel est le cas en matière d’application de la vapeur à la propulsion des véhicules. Il s’agit d’abord des bateaux. Français (Claude Jouffroy d’Alban) et Américains (Robert Fulton) s’y essaient les premiers, avec un succès relatif. Mais ce sont les Anglais qui imposent la navigation à vapeur : après l’expérience du Savannah, premier navire mixte, à voiles et vapeur, à traverser l’Atlantique en 1819, la réalisation essentielle est le Great Western, de 71 mètres de long. Conçu par Isambard Kingdom Brunel (1806-1859), entièrement à vapeur, il assure, à partir de 1837, une liaison transatlantique régulière. Le progrès essentiel tient au remplacement des roues à aubes par l’hélice, inventée en 1823 par Frédéric Sauvage. Elle équipe, en 1859, le Great Western, lui aussi conçu par Brunel, mais trop grand pour l’époque (211 mètres de long).

 

Les inventeurs veulent aussi adapter la machine à vapeur aux véhicules terrestres. C’est un échec pour les véhicules routiers (voiture de Trevithick en 1802). En revanche, la solution réside dans la combinaison des rails et de la machine à vapeur, réalisée par George Stephenson (1781-1849). Ce dernier, dès 1815, à l’idée d’accoupler les essieux par chaînes et par bille. Il livre en 1822 le chemin de fer de Stockton à Darlington avant d’enlever, en 1829, le marché de la ligne Manchester-Liverpool. Lors d’un concours célèbre, il impose sa Rockett. Celle-ci innove par sa chaudière tubulaire, laquelle lui donne une plus grande surface de chauffe. Si le principe s’en impose pour un siècle, les progrès de la locomotive ne cessent pas, notamment de 1840 à 1845 : allongement de la chaudière pour accroître la surface de chauffe, addition d’un troisième essieu pour stabiliser la machine, report de l’essieu moteur à l’arrière afin de l’équiper de grandes roues qui augmentent la vitesse. Mais la technologie anglaise perd son avance : en 1848, l’Anglais Crampton fait construire à Paris, chez Derosne et Cail, une locomotive de 400 CV munies de tous les perfectionnements et utilisée sur le réseau français jusqu’en 1890.

 


Date: 2015-12-11; view: 777


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