Home Random Page


CATEGORIES:

BiologyChemistryConstructionCultureEcologyEconomyElectronicsFinanceGeographyHistoryInformaticsLawMathematicsMechanicsMedicineOtherPedagogyPhilosophyPhysicsPolicyPsychologySociologySportTourism






La Maison du Berger (1844), extrait.

[Dédié "à Eva", ce long poème fait figure de manifeste dans l'œuvre de Vigny. D'inspiration volontiers métaphysique, celle-ci compte parmi les plus importantes du patrimoine romantique. La Maison du Berger, dont la rédaction demanda quatre ans au poète, rassemble l'essentiel de ses motifs familiers et fonde plus particulièrement l'espoir mis en la Femme, dès lors que la Nature n'est plus qu'un "impassible théâtre".]

 

Si ton cœur, gémissant du poids de notre vie, Se traîne et se débat comme un aigle blessé, Portant comme le mien, sur son aile asservie, Tout un monde fatal, écrasant et glacé; S'il ne bat qu'en saignant par sa plaie immortelle, S'il ne voit plus l'amour, son étoile fidèle, Eclairer pour lui seul l'horizon effacé;   Si ton âme enchaînée, ainsi que l'est mon âme, Lasse de son boulet et de son pain amer, Sur sa galère en deuil laisse tomber la rame, Penche sa tête pâle et pleure sur la mer, Et, cherchant dans les flots une route inconnue, Y voit, en frissonnant, sur son épaule nue La lettre sociale écrite avec le fer;   Si ton corps frémissant des passions secrètes, S'indigne des regards, timide et palpitant ; S'il cherche à sa beauté de profondes retraites Pour la mieux dérober au profane insultant; Si ta lèvre se sèche au poison des mensonges, Si ton beau front rougit de passer dans les songes D'un impur inconnu qui te voit et t'entend,   Pars courageusement, laisse toutes les villes ; Ne ternis plus tes pieds aux poudres du chemin Du haut de nos pensers vois les cités serviles Comme les rocs fatals de l'esclavage humain. Les grands bois et les champs sont de vastes asiles, Libres comme la mer autour des sombres îles. Marche à travers les champs une fleur à la main. La Nature t'attend dans un silence austère ; L'herbe élève à tes pieds son nuage des soirs, Et le soupir d'adieu du soleil à la terre Balance les beaux lys comme des encensoirs. La forêt a voilé ses colonnes profondes, La montagne se cache, et sur les pâles ondes Le saule a suspendu ses chastes reposoirs.   Le crépuscule ami s'endort dans la vallée, Sur l'herbe d'émeraude et sur l'or du gazon, Sous les timides joncs de la source isolée Et sous le bois rêveur qui tremble à l'horizon, Se balance en fuyant dans les grappes sauvages, Jette son manteau gris sur le bord des rivages, Et des fleurs de la nuit entrouvre la prison.   Il est sur ma montagne une épaisse bruyère Où les pas du chasseur ont peine à se plonger, Qui plus haut que nos fronts lève sa tête altière, Et garde dans la nuit le pâtre et l'étranger. Viens y cacher l'amour et ta divine faute; Si l'herbe est agitée ou n'est pas assez haute, J'y roulerai pour toi la Maison du Berger.   Elle va doucement avec ses quatre roues, Son toit n'est pas plus haut que ton front et tes yeux La couleur du corail et celle de tes joues Teignent le char nocturne et ses muets essieux. Le seuil est parfumé, l'alcôve est large et sombre, Et là, parmi les fleurs, nous trouverons dans l'ombre, Pour nos cheveux unis, un lit silencieux.

 



Questions :

- Relevez les procédés qui soulignent le caractère religieux de la Nature et comparez-les avec ceux du sonnet Correspondances de Baudelaire :

Correspondances

La nature est un temple où de vivants piliers Laissent parfois sortir de confuses paroles. L'homme y passe à travers des forêts de symboles Qui l'observent avec des regards familiers.   Comme de longs échos qui de loin se confondent Dans une ténébreuse et profonde unité, Vaste comme la nuit et comme la clarté, Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.   Il est des parfums frais comme de chairs d'enfants, Doux comme les hautbois, verts comme les prairies, - Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,   Ayant l'expansion des choses infinies, Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens, Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.  

Les Fleurs du Mal, Spleen et Idéal,1857

 

- Commentez le texte suivant (Chateaubriand, Voyage en Amérique, 1827) de manière à mettre en valeur, par l'étude du fond et de la forme, les postulations romantiques qui s'y expriment : solitude orgueilleuse du moi, harmonie avec la Nature, affirmation d'une liberté souveraine contre "les cités serviles".

Liberté primitive, je te retrouve enfin ! Je passe comme cet oiseau qui vole devant moi, qui se dirige au hasard, et n'est embarrassé que du choix des ombrages. Me voilà tel que le Tout-Puissant m'a créé, souverain de la nature, porté triomphant sur les eaux, tandis que les habitants des fleuves accompagnent ma course, que les peuples de l'air me chantent leurs hymnes, que les bêtes de la terre me saluent, que les forêts courbent leur cime sur mon passage. Est-ce sur le front de l'homme de la société, ou sur le mien, qu'est gravé le sceau immortel de notre origine ? Courez vous enfermer dans vos cités, allez vous soumettre à vos petites lois; gagnez votre pain à la sueur de votre front, ou dévorez le pain du pauvre; égorgez-vous pour un mot, pour un maître; doutez de l'existence de Dieu, ou adorez-le sous des formes superstitieuses : moi j'irai errant dans mes solitudes; pas un seul battement de mon cœur ne sera comprimé, pas une seule de mes pensées ne sera enchaînée; je serai libre comme la nature; je ne reconnaîtrai de souverain que celui qui alluma la flamme des soleils et qui d'un coup de main fit rouler tous les mondes.

 


Date: 2015-12-11; view: 765


<== previous page | next page ==>
Le mal du siècle ». | Nous sommes 89 aussi bien que 93 ».
doclecture.net - lectures - 2014-2024 year. Copyright infringement or personal data (0.006 sec.)