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Les arts et métiers

La réflexion sur les arts et métiers constitue la véritable finalité de l'Encyclopédie, qui eut une influence considérable sur la révolution industrielle. L'ouvrage réserve un traitement philosophique aux «arts mécaniques», en leur accordant la même importance qu'aux «sciences les plus sublimes et aux arts les plus honorés». Ainsi, l'article «Art» rend un hommage solennel à Bacon, qu'il considère comme «un des premiers génies de l'Angleterre regardait l'histoire des arts mécaniques comme la branche la plus importante de la vraie philosophie».

Les cent cinquante collaborateurs de l'Encyclopédie - Diderot, d'Alembert, Condillac, Daubenton, d'Holbach, Marmontel, Montesquieu, Rousseau, Turgot, Voltaire, etc -, qui assistèrent à l'essor du machinisme et des premières manufactures, s'employaient systématiquement à décrire en détail les divers processus de fabrication, en utilisant avec la plus grande précision le vocabulaire spécifique de chaque métier. L'article «Email», remarquable à cet égard, fut rédigé pratiquement sous la dictée d'un artisan.

Si l'Encyclopédie et le «mouvement encyclopédiste» qu'elle a engendré ont pu être qualifiés à juste titre de révolutionnaires, c'est que, à travers la description des arts et métiers, ils ont contribué à l'avancement de technologies nouvelles. D'une manière plus générale, les encyclopédistes ont ouvert la voie au progrès économique en reliant les arts mécaniques à des principes philosophiques et politiques.

1. « Il fallait un siècle philosophe »

Née en 1748 du projet de Diderot de traduire la Cyclopædia de l'anglais Ephraïm Chambers (1728) pour l'éditeur Le Breton, l'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers a l'ambition de faire l'inventaire des acquisitions de l'esprit humain et de favoriser la diffusion de la philosophie des Lumières. Voltaire résume ainsi son histoire : "Le siècle passé a mis celui où nous sommes en état de rassembler en un corps, et de transmettre à la postérité le dépôt de toutes les sciences et de tous les arts, tous poussés aussi loin que l'industrie humaine a pu aller; et c'est à quoi a travaillé une société de savants remplis d'esprit et de lumières. Cet ouvrage immense et immortel semble accuser la brièveté de la vie des hommes. Il a été commencé par MM. Diderot et d'Alembert, traversé et persécuté par l'envie et l'ignorance, ce qui est le destin de toutes les grandes entreprises" (Le siècle de Louis XIV). L'ouvrage est certes un dictionnaire, mais offre surtout une critique raisonnée des savoirs, dont chaque article, par le système des renvois, souligne l'unité. Il leur adjoint aussi pour la première fois les arts mécaniques, que onze volumes de planches permettent de découvrir. L'Encyclopédie est ainsi le meilleur témoignage sur l'esprit des Lumières, où se conjuguent l'appétit de savoir, la liberté de pensée et la nécessité de douter.



Denis Diderot (1713-1784)

Article "Encyclopédie" (Encyclopédie, 1751)

[Chargé avec d'Alembert de l'édition de l'Encyclopédie, Diderot s'y employa avec une énergie considérable, à laquelle on ne manqua pas d'opposer censures et emprisonnements. Touche-à-tout de génie, il a donné à l'ouvrage ses caractères originaux et su définir son but, à la fois didactique et humaniste : répandre le savoir pour engendrer la liberté et le bonheur.]

Encyclopédie. Ce mot signifie enchaînement de connaissances; il est composé de la préposition grecque en, et des substantifs kuklos, cercle, et paideia, connaissance.

En effet, le but d'une Encyclopédie est de rassembler les connaissances éparses sur la terre; d'en exposer le système général aux hommes avec qui nous vivons, et de le transmettre aux hommes qui viendront après nous, afin que les travaux des siècles passés n'aient pas été des travaux inutiles pour les siècles qui succéderont; que nos neveux, devenant plus instruits, deviennent en même temps plus vertueux et plus heureux, et que nous ne mourions pas sans avoir bien mérité du genre humain. [...]

C'est à l'exécution de ce projet étendu, non seulement aux différents objets de nos académies, mais à toutes les branches de la connaissance humaine, qu'une Encyclopédie doit suppléer; ouvrage qui ne s'exécutera que par une société de gens de lettres et d'artistes, épars, occupés chacun de sa partie, et liés seulement par l'intérêt général du genre humain, et par un sentiment de bienveillance réciproque. [...]

J'ai dit qu'il n'appartenait qu'à un siècle philosophe de tenter une Encyclopédie; et je l'ai dit, parce que cet ouvrage demande partout plus de hardiesse dans l'esprit, qu'on n'en a communément dans les siècles pusillanimes du goût. Il faut tout examiner, tout remuer sans exception et sans ménagement; oser voir [...] que ceux qui sont venus après les premiers inventeurs n'ont été, pour la plupart, que leurs esclaves; que les productions qu'on devait regarder comme le premier degré, prises aveuglément pour le dernier terme, au lieu d'avancer un art à sa perfection, n'ont servi qu'à le retarder, en réduisant les autres hommes à la condition servile d'imitateurs. [...] Il faut fouler aux pieds toutes ces vieilles puérilités; renverser les barrières que la raison n'aura point posées; rendre aux sciences et aux arts une liberté qui leur est si précieuse. [...]

Je sais que ce sentiment n'est pas celui de tout le monde; il y a des têtes étroites, des âmes mal nées, indifférentes sur le sort du genre humain, et tellement concentrées dans leur petite société qu'elles ne voient rien au-delà de son intérêt. [...] A quoi bon divulguer les connaissances de la nation, ses transactions secrètes, ses inventions, son industrie, ses ressources, ses mystères, sa lumière, ses arts et toute sa sagesse ! Ne sont-ce pas là les choses auxquelles elle doit une partie de sa supériorité sur les nations rivales et circonvoisines ? Voilà ce qu'ils disent; et voici ce qu'ils pourraient encore ajouter. Ne serait-il pas à souhaiter qu'au lieu d'éclairer l'étranger, nous pussions répandre sur lui des ténèbres, et plonger dans la barbarie le reste de la terre, afin de le dominer plus sûrement ? Ils ne font pas attention qu'ils n'occupent qu'un point sur ce globe, et qu'ils n'y dureront qu'un moment; que c'est à ce point et à cet instant qu'ils sacrifient le bonheur des siècles à venir et de l'espèce entière.

Questions :

- Comment ce texte manifeste-t-il ces trois caractères des Lumières que sont l'amour du genre humain, la confiance dans ses progrès grâce au savoir et l'exercice critique de la raison ?

- Recensez les procédés qui donnent au texte sa force de conviction. Identifiez-en notamment les différents registres.

 

2. « Joindre à la noblesse de l'âme les lumières de l'esprit »

Les codes de bienséance et de sociabilité établis au siècle précédent se sont aisément inscrits dans le nouveau décor de la vie intellectuelle au XVIIIème siècle : si les salons, les clubs et les cafés ont remplacé la Cour, on exige toujours en effet de l'honnête homme les mêmes vertus. "L'homme n'est point un monstre qui ne doive vivre que dans les abîmes de la mer ou au fond d'une forêt, écrit Dumarsais; les seules nécessités de la vie lui rendent le commerce des autres nécessaire; et dans quelque état où il puisse se trouver, ses besoins et le bien-être l'engagent à vivre en société. Ainsi la raison exige de lui qu'il étudie et qu'il travaille à acquérir les qualités sociables." (Article Philosophe). On notera que c'est en effet la raison qui, ici encore, est garante de la probité : pour l'homme privé comme pour le monarque, que les philosophes ont tous rêvé sous la forme du "despote éclairé", l'amour du genre humain est une véritable mystique.

Claude-Adrien Helvétius (1715-1771)

De l'esprit (1758)

 

[Fermier général, Helvétius consacra toute sa fortune au soutien de la philosophie des Lumières. Collaborateur de l'Encyclopédie, il y apporta son matérialisme, qui fait de l'homme le produit de l'éducation, et son ardent désir d'une refonte de la législation. Son ouvrage essentiel, De l'esprit, fut condamné à être brûlé, et Helvétius dut se rétracter publiquement.]

La vérité est ordinairement trop mal accueillie des princes et des grands, pour séjourner longtemps dans les cours. Comment habiterait-elle un pays où la plupart de ceux qu'on appelle les honnêtes gens, habitués à la bassesse et à la flatterie, donnent et doivent réellement donner à ces vices le nom d'usage du monde ? L'on aperçoit difficilement le crime où se trouve l'utilité. Qui doute cependant que certaines flatteries ne soient plus dangereuses et par conséquent plus criminelles aux yeux d'un prince ami de la gloire, que des libelles faits contre lui ? Non que je prenne ici le parti des libelles : mais enfin une flatterie peut, à son insu détourner un bon prince du chemin de la vertu, lorsqu'un libelle peut quelquefois y ramener un tyran. Ce n'est souvent que par la bouche de la licence que les plaintes des opprimés peuvent s'élever jusqu'au trône. Mais l'intérêt cachera toujours de pareilles vérités aux sociétés particulières de la cour. Ce n'est, peut-être, qu'en vivant loin de ces sociétés qu'on peut se défendre des illusions qui les séduisent. Il est du moins certain que, dans ces mêmes sociétés, on ne peut conserver une vertu toujours forte et pure, sans avoir habituellement présent à l'esprit le principe de l'utilité publique, sans avoir une connaissance profonde des véritables intérêts de ce public, par conséquent de la morale et de la politique. La parfaite probité n' est jamais le partage de la stupidité; une probité sans lumières n'est, tout au plus, qu'une probité d'intention, pour laquelle le public n'a et ne doit effectivement avoir aucun égard, 1 parce qu'il n'est point juge des intentions; 2 parce qu'il ne prend, dans ses jugements, conseil que de son intérêt. S'il soustrait à la mort celui qui par malheur tue son ami à la chasse, ce n' est pas seulement à l'innocence de ses intentions qu'il fait grâce, puisque la loi condamne au supplice la sentinelle qui s'est involontairement laissé surprendre au sommeil. Le public ne pardonne, dans le premier cas, que pour ne point ajouter à la perte d'un citoyen celle d'un autre citoyen; il ne punit, dans le second, que pour prévenir les surprises et les malheurs auxquels l'exposerait une pareille invigilance. Il faut donc, pour être honnête, joindre à la noblesse de l'âme les lumières de l'esprit. Quiconque rassemble en soi ces différents dons de la nature, se conduit toujours sur la boussole de l'utilité publique. Cette utilité est le principe de toutes les vertus humaines, et le fondement de toutes les législations. Elle doit inspirer le législateur, forcer les peuples à se soumettre à ses lois; c'est enfin à ce principe qu'il faut sacrifier tous ses sentiments, jusqu'au sentiment même de l'humanité.

L'humanité publique est quelquefois impitoyable envers les particuliers. Lorsqu'un vaisseau est surpris par de longs calmes, et que la famine a, d'une voix impérieuse, commandé de tirer au sort la victime infortunée qui doit servir de pâture à ses compagnons, on l'égorge sans remords : ce vaisseau est l'emblème de chaque nation; tout devient légitime et même vertueux pour le salut public.

Discours II, chapitre VI, Des moyens de s'assurer de la vertu.

Questions :

- Relevez dans ce texte les allusions polémiques et les précautions prises par l'auteur.

- Le salut public : en quoi la fin de ce texte annonce-t-elle le sacrifice des sentiments privés au nom de l'utilité publique, qu'on observera notamment dans le règne de vertu et de terreur établi par un Robespierre ? Prenez connaissance du texte de Michel Onfray évoquant la tentative de juridiction de l'amitié initiée par Saint-Just. Vous pourrez l'utiliser pour discuter cette affirmation d'Helvétius : "tout devient légitime et même vertueux pour le salut public."

 

3. « Les titres légitimes de la souveraineté »

"Aucun homme n'a reçu de la nature le droit de commander aux autres", écrit Diderot (Article Autorité politique, Encyclopédie). Si l'esprit des Lumières souffle en faveur de la démocratie, c'est au nom de cette recherche de la légitimité du pouvoir, que les philosophes ont trouvée dans le concours que l'on peut apporter au bien public. A vrai dire, de sérieuses nuances les divisent sur ce point, et l'on chercherait vainement chez la plupart la volonté de confier ce pouvoir au peuple. C'est bel et bien pour elle-même que la bourgeoisie philosophique convoite ce droit de commander, qu'elle souhaite réserver en toute équité à ceux que distingue le mérite. Il suffit néanmoins que ce dernier se définisse par la conscience de l'intérêt général pour qu'il constitue l'arme la plus offensive contre les privilèges et l'absolutisme.

d'Holbach (1723-1789)

La morale universelle ou Les devoirs de l'homme fondés sur sa nature (1776)

[Collaborateur important de l'Encyclopédie, où il signe notamment le fulminant article "Prêtres", Paul-Henri Thiry, baron d'Holbach, est un des premiers représentants du matérialisme du XVIII° siècle : "Des âmes physique et des besoins physiques demandent un bonheur physique et des objets réels et préférables aux chimères dont depuis tant de siècles on repaît nos esprits", écrit-il dans son Système de la nature. La morale lui paraît à ce titre devoir résulter d'un pacte social bâti sur la sublimation de l'état de nature et sur la vigilance de la raison.]

Dépendre de quelqu'un, c'est avoir besoin de lui pour se conserver et se rendre heureux. Le besoin est le principe et le motif de la vie sociale; nous dépendons de ceux qui nous procurent des biens que nous serions incapables d'obtenir par nous-mêmes. L'autorité des parents et la dépendance des enfants, ont pour principe le besoin continuel qu'ont ces derniers de l'expérience, des conseils, des secours, des bienfaits, de la protection de leurs parents pour obtenir des avantages qu'ils sont incapables de se procurer. C'est sur les mêmes motifs que se fonde l'autorité de la société et de ses lois, qui, pour le bien de tous, doivent commander à tous. La diversité et l'inégalité que la nature a mises entre les hommes, donne une supériorité naturelle à ceux qui surpassent les autres par les forces du corps, par les talents de l'esprit, par une grande expérience, par une raison plus éclairée, par des vertus et des qualités utiles à la société. Il est juste que celui qui se trouve capable de faire jouir les autres de grands biens, soit préféré à celui qui ne leur est bon à rien. La nature ne soumet les hommes à d'autres hommes que par les besoins qu'elle leur donne et qu'ils ne peuvent satisfaire sans leurs secours. Toute supériorité, pour être juste, doit être fondée sur les avantages réels dont on fait jouir les autres hommes. Voilà les titres légitimes de la souveraineté, de la grandeur, des richesses, de la noblesse, de toute espèce de puissance : voilà la source raisonnable des distinctions et des rangs divers qui s'établissent dans une société. L'obéissance et la subordination consistent à soumettre ses actions à la volonté de ceux que l'on juge capables de procurer les biens que l'on désire, ou d'en priver. L'espérance de quelque bien ou la crainte de quelque mal sont les motifs de l'obéissance du sujet envers son prince, du respect du citoyen pour ses magistrats, de la déférence du peuple pour les grands, de la dépendance où les pauvres sont des riches et des puissants, etc. Mais si la justice approuve la préférence ou la supériorité que les hommes accordent à ceux qui sont les plus utiles à leur bien-être, la justice cesse d'approuver cette préférence aussitôt que ces hommes supérieurs abusent de leur autorité pour nuire. La justice se nomme équité, parce que, nonobstant l'inégalité naturelle des hommes, elle veut qu'on respecte également les droits de tous, et défend aux plus forts de se prévaloir de leurs forces contre les plus faibles.

On voit, d'après ces principes, que la société, ou ceux qu'elle a choisis pour annoncer ses lois, exercent une autorité qui doit être reconnue par tous ceux qui jouissent des avantages de la société. Si les lois sont justes, c'est-à-dire conformes à l'utilité générale et au bien des êtres associés, elles les obligent tous également, et punissent très justement ceux qui les violent. Punir quelqu'un c'est lui causer du mal, c'est le priver des avantages dont il jouissait, et dont il aurait continué de jouir, s'il eût suivi les règles de la justice indiquées par la prudence de la société. Destinée à conserver les droits des hommes et à les garantir de leurs passions mutuelles, la loi doit punir ceux qui se montrent rebelles aux volontés générales. Elle peut priver du bien-être et réprimer ceux qui troublent la félicité publique, afin de contenir par la crainte ceux que leurs passions empêchent d'entendre la voix publique et qui refusent de remplir les engagements du pacte social.

Questions :

- En quoi d'Holbach légitime-t-il ici l'inégalité naturelle entre les hommes et la sanction sociale? Pourquoi néanmoins celles-ci restent-elles inséparables de la justice ?

- Repérez les allusions polémiques à l'adresse de la monarchie absolue. Comment, à l'aide de ce texte, peut-on définir la notion de "despote éclairé" ?

 

4. « La nature n'a mis aucun terme à nos espérances »

L'amour du genre humain, qui marque les Lumières, ne peut manquer de s'accompagner de la plus grande confiance dans son génie et dans ses progrès. Les contacts de plus en plus étroits avec d'autres civilisations ont pu susciter, il est vrai, quelques doutes quant au bien-fondé des valeurs occidentales et à leur supériorité. Mais si le mythe du bon sauvage a séduit certains d'entre eux (on pense à Rousseau et au Diderot du Supplément au voyage de Bougainville), la plupart des philosophes du siècle sont animés par la conviction qu'un "amour de l'ordre anime en secret le genre humain" (Voltaire, Essai sur les mœurs) et que l'effort vers la civilisation est inscrit dans la nature. Leur matérialisme et leur scientisme les incitent d'ailleurs à apercevoir dans les phénomènes naturels ce même ordre dont l'homme ne saurait s'excepter.

Condorcet (1743-1794)

Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain (1793-1794)

[Philosophe et mathématicien, Jean-Antoine-Nicolas de Caritat, marquis de Condorcet, fut l'homme des grands combats du siècle : esclavage, droits des femmes, réformes nécessaires à la société française... Décrété d'accusation en 1793, il travailla dans la clandestinité à cette Esquisse et, finalement arrêté, mourut dans sa prison.]

Si l'homme peut prédire, avec une assurance presque entière les phénomènes dont il connaît les lois; si, lors même qu'elles lui sont inconnues, il peut, d'après l'expérience du passé, prévoir, avec une grande probabilité, les événements de l'avenir; pourquoi regarderait-on comme une entreprise chimérique, celle de tracer, avec quelque vraisemblance, le tableau des destinées futures de l'espèce humaine, d'après les résultats de son histoire ? Le seul fondement de croyance dans les sciences naturelles, est cette idée que les lois générales, connues ou ignorées, qui règlent les phénomènes de l'univers, sont nécessaires et constantes; et par quelle raison ce principe serait-il moins vrai pour le développement des facultés intellectuelles et morales de l'homme, que pour les autres opérations de la nature ? Enfin, puisque des opinions formées d'après l'expérience du passé, sur des objets du même ordre, sont la seule règle de la conduite des hommes les plus sages, pourquoi interdirait-on au philosophe d'appuyer ses conjectures sur cette même base, pourvu qu'il ne leur attribue pas une certitude supérieure à celle qui peut naître du nombre, de la constance, de l'exactitude des observations ?

Nos espérances sur l'état à venir de l'espèce humaine peuvent se réduire à ces trois points importants : la destruction de l'inégalité entre les nations; les progrès de l'égalité dans un même peuple; enfin, le perfectionnement réel de l'homme. Toutes les nations doivent-elles se rapprocher un jour de l'état de civilisation où sont parvenus les peuples les plus éclairés, les plus libres, les plus affranchis de préjugés, tels que les français et les anglo-américains ? Cette distance immense qui sépare ces peuples de la servitude des nations soumises à des rois, de la barbarie des peuplades africaines, de l'ignorance des sauvages, doit-elle peu à peu s'évanouir ?

Y a-t-il sur le globe des contrées dont la nature ait condamné les habitants à ne jamais jouir de la liberté, à ne jamais exercer leur raison ?

Cette différence de lumières, de moyens ou de richesses, observée jusqu'à présent chez tous les peuples civilisés entre les différentes classes qui composent chacun d'eux; cette inégalité, que les premiers progrès de la société ont augmentée, et pour ainsi dire produite, tient-elle à la civilisation même, ou aux imperfections actuelles de l'art social ? Doit-elle continuellement s'affaiblir pour faire place à cette égalité de fait, dernier but de l'art social, qui, diminuant même les effets de la différence naturelle des facultés, ne laisse plus subsister qu'une inégalité utile à l'intérêt de tous, parce qu'elle favorisera les progrès de la civilisation, de l'instruction et de l'industrie, sans entraîner, ni dépendance, ni humiliation, ni appauvrissement; en un mot, les hommes approcheront-ils de cet état où tous auront les lumières nécessaires pour se conduire d'après leur propre raison dans les affaires communes de la vie, et la maintenir exempte de préjugés, pour bien connaître leurs droits et les exercer d'après leur opinion et leur conscience; où tous pourront, par le développement de leurs facultés, obtenir des moyens sûrs de pourvoir à leurs besoins; où enfin, la stupidité et la misère ne seront plus que des accidents, et non l'état habituel d'une portion de la société ?

Enfin, l'espèce humaine doit-elle s'améliorer, soit par de nouvelles découvertes dans les sciences et dans les arts, et, par une conséquence nécessaire, dans les moyens de bien-être particulier et de prospérité commune; soit par des progrès dans les principes de conduite et dans la morale pratique; soit enfin par le perfectionnement réel des facultés intellectuelles, morales et physiques, qui peut être également la suite, ou de celui des instruments qui augmentent l'intensité et dirigent l'emploi de ces facultés, ou même de celui de l'organisation naturelle de l'homme ?

En répondant à ces trois questions, nous trouverons, dans l'expérience du passé, dans l'observation des progrès que les sciences, que la civilisation ont faits jusqu'ici, dans l'analyse de la marche de l'esprit humain et du développement de ses facultés, les motifs les plus forts de croire que la nature n'a mis aucun terme à nos espérances.

Dixième époque, Des progrès futurs de l'esprit humain.

Questions :

- Constitué pour l'essentiel d'interrogations, ce texte affirme néanmoins une thèse. Reformulez-la nettement et précisez ses trois arguments essentiels.

- Avec le recul qui est le nôtre, comment peut-on nuancer la conviction de Condorcet à propos de l'accession de tous les peuples à la civilisation ? La confiance qu'il manifeste dans leur égalité future n'a-t-elle pas aussi validé les entreprises colonialistes et permis une abolition regrettable des différences ?


LE ROMANTISME

Il faudrait avoir perdu tout esprit de rigueur pour définir le Romantisme.

Paul Valéry

L'adjectif « romantique » était au dix-septième siècle synonyme de « romanesque ». Rousseau l'employa plus tard dans Les Rêveries du promeneur solitaire (1782) pour caractériser la sauvagerie pittoresque des rives du lac de Bienne. Mais c'est en Allemagne avec les écrivains du Sturm und Drang (Orage et Passion) qu'il prit son sens moderne pour désigner la poésie médiévale et chevaleresque. C'est tardivement (Stendhal parle de "romanticisme" en 1823) que le substantif « romantisme » fut utilisé, par opposition au classicisme, pour englober les aspirations convergentes de toute une génération. Le mouvement est en effet d'ampleur européenne et il n'est pas sûr que ce soit en France qu'il ait pris ses formes les plus profondes. On a pris coutume ici de l'identifier au mal du siècle, ce trouble existentiel qui ravagea toute une jeunesse désœuvrée, avide d'exprimer l'énergie de ses passions et de ses rêves, et consternée de ne trouver dans la société de la Restauration que de maigres canaux. Par là s'explique l'imagerie vite convenue du poète solitaire, déversant ses épanchements dans une Nature complice et cultivant l'extravagance de son imaginaire exalté. D'Allemagne vinrent pourtant des sources d'inspiration plus fécondes qui résonnent particulièrement dans le panthéisme de Nerval et Hugo : le Romantisme procède à une contestation de la Raison dont il aperçoit l'infériorité sur le cœur et l'imagination dans la connaissance de l'Univers. Il exprime aussi une aspiration à la Liberté politique, que manifestent alors la plupart des peuples européens.

 

Premier Empire Restauration   Bataille de Waterloo Insurrection grecque Règne de Charles X Bataille d'Hernani
Trois Glorieuses   Gouvernement Guizot   Révolte des Canuts lyonnais Deuxième République   Coup d'état du 2 Décembre    
 

 

La naissance du romantisme français.

Le romantisme est un courant artistique (littérature, musique, peinture) d'Europe occidentale apparu au cours du XVIIIème siècle en Grande-Bretagne et en Allemagne, puis au XIXème siècle en France, en Italie et en Espagne. Il se développe en France sous la Restauration (1814-1830) et la monarchie de Juillet (1830-1848), en réaction contre le classicisme jugé trop rigide et le rationalisme et l'anticléricalisme de la philosophie des lumières du XVIIIème siècle qui a débouché sur la révolution française de 1789.

Plusieurs définitions.

Le romantisme est avant tout plusieurs choses, une période de l'histoire littéraire, le début du XIXème siècle (1814-1848), une révolte contre l'ordre établi, les classiques, une insolence, une exaltation, un désir d'émancipation, une place importante aux sentiments, sentiments de soi, de la nature, une flamme de jeunesse. Le romantisme a exalté en nous et jusqu'à aujourd'hui des sentiments parfois contradictoires. Le terme de romantisme désigne donc à la fois une période de l'histoire littéraire mais également un certain nombre de caractères qui continuent à faire la sensibilité de chacun d'entre nous comme par exemple le sentiment de notre individualité, notre sentiment sur la nature, sur notre désir d'émancipation.

Contre le classicisme copié sur les modèles antiques gréco-romains.

La littérature classique née au XVIème est une imitation des littératures anciennes de l'antiquité. Elle atteint son apogée au XVIIIème siècle et rayonne dans le monde. Formée sur les modèles antiques, croyant avoir atteint la perfection, la littérature classique ne s'est pas adaptée. Or l'immobilité répugne à la nature humaine. Les romantiques vont alors s'opposer aux classiques. Stendhal écrit ainsi : «Le romanticisme est l'art de présenter aux peuples les œuvres littéraires qui, dans l'état actuel de leurs habitudes et de leurs croyances, sont susceptibles de leur donner le plus de plaisir possible. Le classicisme, au contraire, leur présente la littérature qui donnait le plus grand plaisir à leurs arrière-grands-pères.» (Racine et Shakespeare, 1823).

"Je suis le premier qui ait fait descendre la poésie du Parnasse, et qui ait donné à ce qu'on nommait la Muse, au lieu d'une lyre à sept cordes de convention, les fibres mêmes du coeur de L'homme, touchées et émues par les innombrables frissons de l'âme et de la nature" écrira à postériori Lamartine

« Le classicisme, c'est la santé; le romantisme, c'est la maladie », écrivait le romantique allemand Goethe.

L'insolence de la révolte contre l'ordre établi rigide.

C'est Gavroche, le héros des misérables qui incarne cette insolence. "Une deuxième balle fit étinceler le pavé près de lui. Une troisième renversa son panier. Gavroche regarda et vit que cela venait de la banlieue. "Il se dressa tout droit, debout, les cheveux au vent, les mains sur les hanches, l'oeil fixé sur les gardes nationaux qui tiraient, et il chanta...". C'est le portrait du romantique, la jeunesse, la fierté, l'héroïsme, la solitude, l'orgueil, l'insolence. C'est l'image de Chateaubriand, les cheveux au vent, droit, face aux dangers.

Une génération jeune et ardente, pâle et nerveuse.

Le romantisme est généralement le fait de jeunes gens nobles, cléricaux, qui par leurs origines et leurs idées, s'opposent à la révolution de 1789 et aux idées de la philosophie des lumières. Leur aîné Chateaubriand fera des larmes, de la solitude des exils, du temps qui fuit, du désir, du vent et des orages, le symbole de cette génération.

Le vent, l'image du bouleversement du monde, mais aussi de la liberté.

Chez tous les romantiques il y a toujours du vent et qui souffle généralement du nord. Ce nord c'est l'Angleterre avec la révolution industrielle de 1830 et les bouleversements qu'elle entraine. Ce sont aussi les bouleversements idéologiques de la Révolution et de l'Empire. Les bouleversements du monde vont entraîner un bouleversement des consciences. Le romantisme incarne la liberté, c’est « le libéralisme en littérature », il s'agit de se libérer des contraintes en cherchant l’évasion dans le rêve, dans l’exotisme. Développant un goût pour le mystère, le fantastique, il prône l'expression de la sensibilité, le culte du moi. Les imitations des anciens est abandonnée « je n’imitais plus personne, je m’exprimais moi-même pour moi-même » écrit Lamartine. Le romantisme se veut comme le vent, libre, détaché de toute contrainte économique ou sociale, et comme le vent il peut être léger ou souffler en bourrasque, en ouragan, en cyclones. Le romantique est un explorateur à la recherche des terres inconnues, de sensations nouvelles, c'est René exilé dans la tribu des Natchez.

Le romantisme un souffle nouveau en réaction aux lumières, à la montée de la raison.

Le romantisme est à l'image d'un souffle, une aspiration à la vérité, à la profondeur de l'être. Enigmatique, le héros romantique est porté vers l'avenir, il s'inscrit dans le temps, le prend en compte autant que son environnement, la foule. Le romantique est un être de désirs. Il aime, il souffre, il est seul. Le romantique à l'opposé du classique ne peut maîtriser des sentiments par la raison.

Une pensée contre-révolutionnaire puis libérale.

La raison a perdu la monarchie et la noblesse et la philosophie des lumières a sapé les traditions, ruiné l'autorité de l'église. En réaction, les romantiques, contre-révolutionnaires vont exalter la foi, les sentiments. Le "Génie du christianisme" s'inscrit dans cette pensée contre-révolutionnaire. Pourtant c'est Victor Hugo qui écrit "Je mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire ! Plus de mots sénateurs, plus de mots roturiers ! Je fis une tempête au fond de l'encrier". Victor Hugo fait référence au bonnet phrygien des révolutionnaires de 1789. Le romantisme marque un retour vers les grandes sources d'émotion, la religion du cœur, et la sympathie pour tout ce qui est sincère et profond.

Une hostilité au progrès industriel, aux lumières et à ses conséquences politiques et sociales, la révolution de 1789.

Le début du XIXème siècle est celui du progrès technique et industriel avec l'éclairage public en 1826 et l'apparition des grandes découvertes, le microscope, l'électromagnétisme. A partir de 1830, avec la monarchie de juillet, c'est le règne des banquiers, le triomphe des bourgeois qui ne songent qu'à l'argent. Il en résulte un divorce entre les écrivains et la société qu'ils ne pouvaient changer. Que reste-t-il à l'artiste ? son art et son art seulement. Le romantisme va devenir un esprit d'examen uni à une imagination débordante pour comprendre la beauté d'un passé que l'on a détruit. C'est une foi nouvelle composée de critiques et d'enthousiasmes, une réaction énergique des sentiments et de l'intelligence contre la rigidité, la froideur du raisonnement et de l'abstraction et la cupidité d'une société qui ne songe qu'à l'argent, à ce qui rapporte plus qu'à ce qui est utile et profitable. Le romantisme s'oppose en tous points au siècle de Voltaire, à l'idéologie des philosophes, à leur foi dans le progrès des sciences, à leur croyance en un bonheur possible sur terre

Le développement de la presse et de l'instruction publique favorise la diffusion du romantisme et des romans.

En 1813 on ne recence qu'à peine 1 million d'élèves. En 1831, la loi Guizot institue l'enseignement primaire public et en 1836 l'enseignement est ouvert aux filles. La population scolaire va passer de 1 à 4 millions en 10 ans de 1837 à 1847. Cette augmentation de l'instruction jumelée avec la liberté retrouvée des journalistes, des critiques, favorise la diffusion ders idées des romantiques. Innombrables sont les écrivains qui se lancent dans l'écriture des romans qui ont la faveur du public. Cette totale liberté d'expression fait que très vite, le roman a exploré toutes les dimensions de l'expérience humaine et explosé en une multitude de catégories, romans de voyage, de moeurs, sentimentaux, à thèmes (Hugo, Balzac, Sand, Dumas, Stendhal)

Chacun est son seul maître.

Chacun de nous est son seul maître. L'artiste et le poète ont non seulement le droit, mais le devoir d'être eux-mêmes, et non pas seulement les metteurs en œuvre de certaines formules et de certains procédés. Ils n'ont à reconnaître d'autre autorité que celle de leur caprice ou de leur fantaisie. Et si l'on a pu dire que le romantisme avait pris en tout le contre-pied du classicisme, c'est que l'on a souvent cru que le classicisme avait fait de l'impersonnalité de l'œuvre une des conditions de sa perfection.

Les romantiques sont ceux qui rêvent.

Il suffit de regarder le tableau du jeune Bonaparte au pont d'Arcole, de "La liberté guidant le peuple" de Delacroix, des photos du vieil Hugo sur son rocher à Guernesey pour comprendre que les romantiques rêvent d'émancipation sociale et individuelle, rêvent d'amour dans la dignité face à une réalité de guerre, de crise économique, de maladie, de mort ou simplement de l'indifférence des autres qui viennent briser leurs rêves.

Comparaison entre le romantisme et les idées de la philosophie des Lumières.

Valeurs et thèmes de la philosophie des lumières du XVIIIème siècle.

L'homme est un être de raison, laquelle doit dominer ses passions. Les Lumières de la raison s'opposent à l'obscurantisme, à la religion. Intérêt pour l'ordre social, la loi pour organiser la société, l'esprit des lois. L'histoire va dans le bons sens, vers le progrès. Le développement des sciences et des techniques va de pair. Le bonheur est possible. Le philosophe voyage vers les pays éclairés, Angleterre, Hollande. Les modèles sont les philosophes, les savants, les marchands, les travailleurs.

Valeurs et thèmes du romantisme, 1814-1848.

L'homme est un être de sentiments, hanté par une insatisfaction, une mélancolie, l'ennui, la nuit, la maladie, les ténèbres, la mort. On retrouve ces caractéristiques dans le personnage de "René" de Chateaubriand, mal dans sa peau, qui se met à voyager pour meubler sa solitude, à la recherche d'une identité qu'il ne trouve pas.

Il a confiance dans la religion (Amélie, soeur de Chateaubriand entre au couvent), dans la poésie, les mythes (Nerval), les forces occultes, les rites, le fantastique, c'est un contemplatif de la nature, des tempêtes, des clairs de lune. Le romantique s'intéresse à lui-même, fait l'éloge des marginaux, de la vie à l'écart de la société. Il remet en cause le progrès, le sens du devenir et pense que le temps est destructeur. Il redécouvre le moyen-âge, le gothique, le goût des ruines. C'est un pessimiste, un désenchanté. Son bonheur est ailleurs, dans le passé généralement. Il aime voyager mais vers le sud, vers l'Orient, l'enfance du monde, vers les paradis perdus.

Les modèles sont Orphée, Caïn, Satan, Prométhée, Napoléon.

Les plus belles phrases des romantiques

"Souvent sur la montagne, à l'ombre du vieux chêne,

Au coucher du soleil, tristement je m'assieds"

Lamartine, L'Isolement

"Eva, qui donc es-tu ? Sais-tu bien ta nature ?

Sais-tu quel est ici ton but et ton devoir ?

Vigny, La maison du berger, lettre à Eva

"J'étais seul près des flots, par une nuit d'étoiles.

Pas un nuage aux cieux, sur les mers pas de voiles.

Victor Hugo, Extase

"Les champs n'étaient point noirs, les cieux n'étaient pas mornes.

Non, le jour rayonnait dans un azur sans bornes..."

Victor Hugo, Tristesse d'Olympio

"Ce beau temps me pèse et m'ennuie."

Gérard de Nerval, Avril, Les petits châteaux de Bohème.

"Mais quand l'homme change sans cesse,

Au passé pourquoi rien changer ?"

Alfred de Musset, Premières poésies.

"Ô Muse ! que m'importe ou la mort ou la vie ?

J'aime et je veux pâlir ; j'aime et je veux souffrir ;"

Musset, La nuit d'août, Poésies nouvelles.

Conclusion : c'est de nous-mêmes qu'il s'agit

Les vers des grands auteurs romantiques (Chateaubriand, Hugo, Musset, Lamartine, Nerval, Sand) ont contribué à nous rendre plus attentifs à notre relation avec le monde et les choses, la nature (Sand). Ils nous ont appris à écouter ce que nous croyons muet, un sentiment enfoui, un arbre dans notre rue. Les vers des romantiques parlent d'une autre époque, il y a 150 ans, mais ils nous parlent de nous-mêmes. Ils nous disent qu'il faut écouter ce que nous disons de nous comme ce que nous disons en nous.


Date: 2015-12-11; view: 769


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